ARRET N RG N : 05/00289AFFAIRE :S.C.I. LE MIALARETC/SA OSEO BDPME venant aux droits de la SA CEPME, CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE D'AUVERGNE ET DU LIMOUSINGS/iBresponsabilité contractuellegrosses délivrées à la SCP DEBERNARD- DAURIAC et à maître A..., avoué
COUR D'APPEL DE LIMOGES
CHAMBRE CIVILE PREMIERE SECTION
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ARRET DU 09 NOVEMBRE 2006
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A l'audience publique de la CHAMBRE CIVILE PREMIERE SECTION DE LA COUR D'APPEL DE LIMOGES, le NEUF NOVEMBRE DEUX MILLE SIX a été rendu l'arrêt dont la teneur suit :ENTRE :
S.C.I. LE MIALARETdont le siège social est à Antiges - 19160 NEUVICreprésentée par la SCP CHABAUD DURAND-MARQUET, avoués à la Courassistée de Me Sophie B..., avocat au barreau de PARIS
APPELANTE d'un jugement rendu le 03 FEVRIER 2005 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE TULLEET :
SA OSEO BDPME venant aux droits de la SA CEPMEdont le siège social est ... - 94710 MAISONS ALFORT CEDEXreprésentée par Me Erick A..., avoué à la Courassistée de la SCP FOUCHE-EX-IGNOTIS, avocats au barreau de CRETEIL
LA CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE D'AUVERGNE ET DU LIMOUSINdont le siège social est ... par la SCP DEBERNARD-DAURIAC, avoués à la Courassistée de Me Marie-Paule Y... C..., avocat au barreau
de TULLE-USSEL
INTIMEES
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L'affaire a été fixée à l'audience du 28 Septembre 2006, après ordonnance de clôture rendue le 16 août 2006 la Cour étant composée de Madame Martine JEAN, Président de chambre, de Monsieur Didier X... et de Monsieur Gérard SOURY, Conseillers, assistés de Madame Marie-Christine MANAUD, Greffier. A cette audience, Monsieur Gérard SOURY, Conseiller a été entendu en son rapport, Maîtres B..., EX-IGNOTIS et DALLET-LOMBARTEIX, avocats, ont été entendus en leur plaidoirie.
Puis Madame Martine JEAN, Président de chambre, a renvoyé le prononcé de l'arrêt, pour plus ample délibéré, à l'audience du 09 Novembre 2006.
A l'audience ainsi fixée, l'arrêt qui suit a été prononcé, ces mêmes magistrats en ayant délibéré.
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LA COUR
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FAITS et PROCÉDURELe 11 décembre 1989, la SCI Le Mialaret (la SCI) a acquis un ensemble immobilier pour un prix de 3 250 000 francs financé au moyen de deux prêts, l'un de 1 500 000 francs consenti par le CEPME, l'autre de 2 000 000 francs consenti par la Caisse d'épargne.L'ensemble immobilier a été donné à bail à la société Saget, le montant du loyer devant servir au remboursement des emprunts.A la suite d'incidents dans le remboursement de son prêt, la Caisse d'épargne a fait délivrer à la SCI un commandement de saisie immobilière et, par un jugement du 10 janvier 2002, le domaine immobilier a été adjugé, après déclaration de surenchère, au prix de
4 290 000 francs, soit 640 285,87 euros.La SCI a assigné le CEPME et la Caisse d'épargne devant le tribunal de grande instance de Tulle pour obtenir leur condamnation solidaire à lui payer 2 500 000 francs de dommages-intérêts pouvant se compenser avec sa propre dette de remboursement des emprunts, en soutenant que ces établissements de crédit avaient manqué à leurs obligations de conseil, de loyauté et de discrétion, avaient violé le secret bancaire et rompu abusivement leurs concours.Les établissements de crédit ont formé des demandes reconventionnelles pour obtenir paiement des sommes restant dues au titre du remboursement des prêts. Par jugement du 3 février 2005, le tribunal de grande instance a:
-rejeté la demande de la SCI après avoir retenu que les banques s'étaient entourées de garanties suffisantes avant de consentir les prêts et que les emprunteurs étaient des investisseurs avisés; que la violation du secret bancaire n'était pas établie; que la SA Saget, victime de la rupture de crédit, n'était pas partie à la procédure;
-rejeté les demandes reconventionnelles des banques faute de justificatifs du montant de leur créance, tout en reconnaissant leur droit de créance.La SCI a relevé appel de ce jugement qui a été frappé d'appel incident par la société OSEO BDPME, venant aux droits du CEPME, et par la Caisse d'épargne.MOYENS et PRÉTENTIONS La SCI conclut à la condamnation des établissements de crédit à lui payer des dommages-intérêts pour manquements à leurs obligations et au rejet de leurs demandes reconventionnelles. Elle fait valoir que le montage financier élaboré par les deux banques, sans étude préalable, était irréaliste; que ses dirigeants sont des profanes en matière économique; que les banques ont brutalement rompu leurs crédits tant à son égard qu'à l'égard de sa locataire, la société Saget, qui n'a plus été en mesure de s'acquitter de sa dette de loyers; que la Caisse d'épargne a manqué à ses obligations de loyauté et de
discrétion et violé le secret bancaire à l'occasion de la mise en vente du domaine immobilier; que ces agissements des établissements de crédit lui ont causé un préjudice constitué notamment par la perte de chance de vendre le domaine dans des conditions plus favorables.S'opposant à la demande reconventionnelle de la société OSEO BDPME, la SCI soutient que le décompte produit par cet établissement ne permet pas de justifier du quantum de sa créance.La société OSEO BDPME invoque la prescription de l'action en responsabilité engagée à son encontre par la SCI en se prévalant des dispositions de l'article L.110-4 I du Code de commerce. Subsidiairement, cet établissement de crédit soutient que la SCI n'est pas recevable à remettre en cause sa dette de remboursement du prêt. Sur le fond, il conteste avoir manqué à ses obligations.La Caisse d'épargne conclut également à la prescription de l'action en responsabilité de la SCI et, subsidiairement, conteste avoir engagé sa responsabilité.Vu les conclusions de la société OSEO BDPME du 3 janvier 2006;Vu les conclusions de la Caisse d'épargne du 6 février 2006;Vu les conclusions de la SCI Le Mialaret du 14 avril 2006;Vu l'ordonnance de clôture du 16 août 2006 renvoyant l'affaire à l'audience du 28 septembre 2006.MOTIFSSur la recevabilité de l'action en responsabilité engagée par la SCI.
1) La prescription.Attendu que s'agissant d'une action en responsabilité engagée à l'encontre d'établissements de crédit du fait de l'octroi de concours financiers, le délai de prescription de dix ans de l'article L.110-4 I du Code de commerce n'a pu commencer à courir que du jour où l'emprunteur a eu connaissance du principe du dommage et de l'imputabilité de celui-ci; qu'en l'état des éléments produits à la cour d'appel, cette connaissance par l'emprunteur du principe du dommage doit être fixée au 21 octobre 1999, date du commandement aux fins de saisie immobilière qui lui a été délivré;
qu'il s'ensuit que l'action en responsabilité engagée par la SCI par assignations des 16 et 18 décembre 2002 n'est pas prescrite.
2) La remise en cause de l'accord constaté par l'ordonnance de référé du 18 juin 2002.Attendu que cette ordonnance de référé a donné acte aux parties de leur accord sur le principe de la créance des établissements de crédit; que cette décision ne saurait en aucun cas faire obstacle à la recevabilité de l'action en responsabilité engagée par la SCI à l'encontre des établissements de crédit du fait des conditions d'octroi de leurs concours, cette action ne remettant pas en cause le principe de sa dette.Sur la responsabilité des établissements de crédit.
1) du fait de l'octroi des concours.Attendu que l'obligation de conseil du banquier dispensateur de crédit s'apprécie en tenant compte de la qualité de l'emprunteur; qu'il résulte des pièces versées au débats qu'à l'occasion de la négociation des prêts, M. D..., dirigeant de la SCI emprunteuse, a mis en avant son expérience professionnelle et celle de son associé, M. Berot Z..., dans les domaines financier et de la gestion de structures commerciales; que M. Berot Z... est d'ailleurs présenté en qualité de "cadre financier" dans les statuts de la SCI; qu'il ne peut être dès lors soutenu que les prêts litigieux ont été négociés par les profanes.Attendu, d'autre part, que les prêts ont été consentis au vu notamment d'une estimation du service des domaines de la valeur vénale de l'ensemble immobilier et surtout d'une étude de marché et d'audit réalisée à la demande de la SCI par le cabinet "Performance" spécialisé dans les secteurs de l'hôtellerie et du loisir, étude qui conclut à la viabilité du projet.Attendu, dans ces conditions, que faute pour la SCI de démontrer qu'à la date des concours les établissements de crédits, qui n'avaient pas à s'immiscer dans la gestion des affaires de sa cliente, auraient eu sur ses capacités de
remboursement normalement prévisibles, en l'état du succès escompté de l'opération commerciale entreprise, des renseignements qu'elle même aurait ignoré, n'est pas fondée à rechercher la responsabilité de ces établissements pour manquement à leurs obligations de conseil et d'information.
2) du fait de la rupture brutale de crédit.Attendu que la SCI se prévaut du courrier du 9 décembre 1998 par lequel la Caisse d'épargne a signifié à la société Saget, locataire du domaine immobilier, sa décision de ne pas renouveler l'autorisation de découvert qu'elle lui avait précédemment accordée; que le grief de rupture brutale de crédit ne concerne donc que la seule Caisse d'épargne dans ses relations avec la société Saget, laquelle n'est pas partie au présent litige; que, cependant, la SCI soutient que cette situation lui a causé un préjudice puisqu'elle a mis la société Saget dans l'impossibilité de lui régler les loyers dûs.Mais attendu que contrairement aux allégations de la SCI, la cessation des concours de la Caisse d'épargne n'a pas été brutale puisqu'elle s'est accompagnée de la mise en place d'un plan d'apurement du compte débiteur de la société Saget sur une durée d'un an, les remboursements étant différés de trois mois, ceci afin de permettre au débiteur de vendre son fonds de commerce à l'amiable et dans les meilleures conditions; que la responsabilité de la Caisse d'épargne ne saurait donc être engagée du chef d'une rupture brutale de crédit.
3) du fait d'une violation du secret bancaire et du manquement des banques à leur obligation de loyauté.Attendu que les reproches de la SCI sont exclusivement dirigés à l'encontre de la seule Caisse d'épargne qui aurait divulgué, sans son autorisation, sa volonté de vendre le domaine immobilier en confiant un mandat de vente à l'agence immobilière de la Cité.Mais attendu qu'au soutien de ses allégations, la SCI se borne à produire un courrier par lequel la
Caisse d'épargne a transmis, aux fins de signature, à M. D... un projet de mandat donné à l'agence de la Cité pour la vente du domaine sur la base d'un prix de 3 500 000 francs; que cette seule transmission d'un projet de mandat de vente ne saurait caractériser une divulgation fautive de la volonté de vente de la SCI, d'autant plus que cette dernière reconnaît qu'elle avait alors déjà donné mandat de vente à d'autres agences, encore moins une violation du secret bancaire; que si l'agence de la cité a fait paraître des annonces proposant la vente du bien sans être titulaire d'un mandat régulier de la SCI qui dit avoir refusé de le signer, cette faute, à la supposer avérée, ne serait susceptible d'engager que la seule responsabilité professionnelle de l'agence immobilière.Attendu, en définitive, que le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu l'absence de responsabilité des établissements de crédit.Sur les demandes reconventionnelles des établissements de crédit.
1) les demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive.Attendu que si l'action en responsabilité de la SCI n'est pas fondée, son caractère manifestement abusif, en revanche, n'est pas démontré; que c'est donc à juste titre que le tribunal de grande instance a rejeté les demandes des banques en dommages-intérêts de ce chef.
2) les créances des établissements de crédit.Attendu que le jugement déféré rappelle à juste titre que ces créances ne sont pas contestables.Attendu que la Caisse d'épargne justifie d'une créance de 58 360,39 francs suivant un décompte du 28 octobre 2004 qui n'est pas critiqué par la SCI.Attendu que la société OSEO BDPME produit un arrêté de compte de sa créance à la date du 30 septembre 2005 pour un montant en principal et intérêts de 164 166,35 euros; que le décompte joint, qui retrace l'historique de cette créance à compter du 31 décembre 1996, fait apparaître à cette dernière date un capital restant dû de 1 123 391,68 francs, ce qui est conforme au tableau
d'amortissement versé aux débats et démontre ainsi que les échéances antérieures étaient honorées; que ce décompte tient compte des règlements effectués par le débiteur et mentionne, conformément aux stipulations du contrat de prêt, des frais de recouvrement au titre des échéances impayées, lesquelles sont expressément répertoriées et ne sont au demeurant pas contestées; que la SCI ne saurait reprocher à la société OSEO BDPME d'avoir imputé ses règlements en priorité sur les frais, cette pratique étant conforme aux dispositions de l'article 1254 du Code civil; qu'il convient donc d'accueillir la demande de la société OSEO BDPME tendant à voir fixer sa créance à la somme de 164 166,35 euros, en principal et intérêts, à la date du 30 septembre 2005, laquelle sera assortie des intérêts au taux contractuel à compter de cette date, outre leur capitalisation conformément à l'article 1154 du Code civil.
PAR CES MOTIFSLa cour d'appel statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort CONFIRME le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Tulle le 3 février 2005, sauf en ses dispositions constatant que les décomptes produits par la Caisse d'épargne et la société OSEO BDPME ne permettent pas de fixer l'étendue de leurs créances respectives et rejetant, en conséquences, leurs demandes de fixation desdites créances;REFORMANT le jugement de ce chef et STATUANT à nouveau FIXE la créance de la Caisse d'épargne sur la SCI Le Mialaret à la somme de 58 360,39 francs au 28 octobre 2004, avec intérêts au taux légal à compter de cette date;FIXE le créance de la société OSEO BDPME sur la SCI Le Mialaret à la somme de 164 166,35 euros, en principal et intérêts, à la date du 30 septembre 2005, avec intérêts au taux contractuel à compter de cette date, avec capitalisation des intérêts conformément à l'article 1154 du Code civil;DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile; CONDAMNE la SCI Le Mialaret aux dépens et
accorde à la SCP Debernard Dauriac et à Me A..., avoués, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
CET ARRET A ETE PRONONCE A L'AUDIENCE PUBLIQUE DE LA CHAMBRE CIVILE PREMIERE SECTION DE LA COUR D'APPEL DE LIMOGES EN DATE DU NEUF NOVEMBRE DEUX MILLE SIX PAR MADAME JEAN, PRESIDENT.LE GREFFIER,
LE PRESIDENT Marie-Christine MANAUD.
Martine JEAN.