RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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COUR D'APPEL DE NANCY
CINQUIEME CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT N° /23 DU 03 MAI 2023
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 21/01219 - N° Portalis DBVR-V-B7F-EYUT
Décision déférée à la Cour :
jugement du Tribunal de Commerce de NANCY, R.G. n° 2017011812, en date du 06 mai 2021,
APPELANTE :
S.A.S. ISOLANTS DE L'EST prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège,, [Adresse 1]
Représentée par Me Fabrice GOSSIN de la SCP FABRICE GOSSIN ET ERIC HORBER, avocat au barreau de NANCY
INTIMÉES :
S.A.R.L. SUELCO, prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social [Adresse 3]/FRANCE Représentée par Me Patrice CARNEL de la SCP GASSE CARNEL GASSE TAESCH, avocat au barreau de NANCY
avocat plaidant : Me Arnaud CONSTANS avocat au barreau de Paris
S.A. ACEBSA, prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social [Adresse 2]/ESPAGNE inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés sous le numéro
Représentée par Me Patrice CARNEL de la SCP GASSE CARNEL GASSE TAESCH, avocat au barreau de NANCY
avocat plaidant : Me Arnaud CONSTANS avocat au barreau de Paris
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 08 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Patrice BOURQUIN, Président de Chambre et Monsieur Olivier BEAUDIER, conseiller , chargé du rapport ;
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Patrice BOURQUIN Président de Chambre,
Monsieur Olivier BEAUDIER, Conseiller,
Monsieur Jean-Louis FIRON Conseiller
Greffier, lors des débats : Monsieur Ali ADJAL.
A l'issue des débats, le Président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 12 Avril 2023, en application du deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile puis à cette la date de délibéré a été prorogé au 3 mai 2023 ;
ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 3 mai 2023, par Monsieur Ali ADJAL, Greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;
signé par Monsieur Patrice BOURQUIN, Président de chambre, et par Monsieur Ali ADJAL, Greffier ;
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Copie exécutoire délivrée le à
Copie délivrée le à
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FAITS ET PROCEDURE
La société Acebsa, société espagnole spécialisée dans la production de matériel électrotechnique, a été le fournisseur à partir de 2011 de façon régulière, de la société Isolants de l'Est, spécialisée dans le commerce de gros matériel électrique.
Cette relation contractuelle a été formalisée par des bons de commande et des factures concernant l'achat de fils et des méplats de cuivre destinés à la fabrication de composants électriques.
En décembre 2016, la société Acebsa a demandé à la société Isolants de l'Est de s'approvisionner par l'intermédiaire de sa filiale française, la société Suelco.
Suivant courrier en date du 13 décembre 2016, la société Suelco a adressé à la société Isolants de l'Est ses conditions tarifaires, ainsi que les conditions de règlement des factures émises dans le cadre de ses achats, applicables à compter du 1er janvier 2017.
Considérant que ces nouvelles conditions commerciales représentaient une modification substantielle des relations contractuelles jusqu'alors entretenues, suivant exploits en date des 22 septembre et 27 octobre 2017, la société Isolants de l'Est a fait assigner les sociétés Suelco et Acebsa devant le tribunal de commerce de Nancy.
Suivant jugement rendu contradictoirement le 6 mai 2021, le tribunal de commerce de Nancy a :
- déclaré la société Isolants de l'Est mal fondée en sa demande de dommages-intérêts au titre de la rupture brutale des relations commerciales,
- l'en a débouté,
- déclaré la société Isolants de l'Est mal fondée en sa demande de dommages-intérêts au titre de la dépendance économique,
- l'en a débouté,
- déclaré la société Isolants de l'Est mal fondée en sa demande de dommages-intérêts au titre de la concurrence déloyale,
- l'en a débouté,
- it n'avoir lieu à examiner la demande de dommages intérêts de la société Isolants de l'Est pour non-respect de son obligation d'exécution de bonne foi de ses obligations contractuelles,
- déclaré les sociétés Acebsa et Suelco mal fondées en leurs demandes de paiement des intérêts de retard pour règlement tardif des factures,
- les en a débouté,
- déclaré les sociétés Acebsa et Suelco mal fondées en leur demande de dommages-intérêts au titre de la rupture brutale des relations commerciales,
- les en a débouté,
- condamné la société Isolants de l'Est à payer la somme de 15 000 euros à la société Acebsa et la somme de 15 000 euros à la société Suelco au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Isolants de l'Est aux entiers dépens du présent jugement.
Par déclaration en date du 12 mai 2021, la société Isolants de l'Est a relevé appel du jugement rendu par le tribunal de commerce de Nancy le 6 mai 2021.
Suivant ordonnance en date du 5 janvier 2022, le conseiller de la mise en état a déclaré recevable l'appel de la société Isolants de l'Est, au motif que la violation des règles d'attribution de compétences, posées par l'article L. 442-6 du code de commerce, constitue une fin de non-recevoir de la demande fondée sur la rupture brutale des relations commerciales, et non une cause de l'irrecevabilité de l'appel.
Par arrêt en date du 20 février 2022, la cour d'appel de Nancy a infirmé l'ordonnance susvisée et a déclarer irrecevable l'appel formé par la société Isolants de l'Est devant elle du chef de la rupture brutale des relations commerciales en l'état de de la compétence exclusive de la cour d'appel de Paris en cette matière.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises le 4 novembre 2022, la société Isolants de L'Est demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'i1 a débouté la société Isolants de l'Est de ses demandes de dommages- intérêts pour concurrence déloyale, pour non-respect par les sociétés Acebsa et Suelco de leur obligation d'exécution de bonne foi du contrat, condamné l'appelante à payer aux intimés respectivement la somme de 15 000 euros au titre de l'artic1e 700 du code de procédure civile.
Statuant a nouveau,
- dire et juger que les sociétés Acebsa et Suelco se sont livrées à des actes de concurrence déloyale à l'égard de la société Isolants de l'Est,
- les condamner solidairement à payer à la société Isolants de l'Est la somme de 200 000 euros a titre de dommages et intérêts de ce chef,
- dire et juger que les sociétés Acebsa et Suelco n'ont pas respecté leur obligation d'exécution de bonne foi de leurs obligations contractuelles,
- les condamner solidairement à payer à la société Isolants de l'Est la somme de 50 000 euros a titre de dommages et intérêts de ce chef,
- débouter les sociétés Acebsa et Suelco de toutes leurs demandes reconventionnelles,
- condamner les sociétés Acebsa et Suelco à payer à la societe IDE la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- les condamner en tous frais et dépens.
Aux termes de leurs dernières conclusions remises au greffe le 7 octobre 2022, les sociétés Suelco et Acebsa demandent à la cour de :
- donner acte à Isolants de l'Est de ce qu'elle renonce à toute demande fondée sur la rupture brutale de relations commerciales et la dépendance économique.
* Sur les demandes fondées sur la concurrence déloyale :
- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que la société Isolants de l'Est n'apporte aucune preuve de faits de concurrence déloyale prétendument commis par Acebsa, que la société Acebsa ne s'est adonnée à aucune pratique de démarchage, a fortiori un démarchage systématique et déloyal au détriment de la société Isolants de l'Est, que cette dernière n'établit pas le moindre préjudice résultant de prétendus faits de concurrence déloyale, débouté l'appelante de l'ensemble de ses demandes fondées sur de prétendus faits de concurrence déloyale.
* Sur les demandes fondées sur l'obligation d'exécution de bonne foi :
- juger que les demandes fondées sur l'obligation d'exécution de bonne foi sont irrecevables car formulées en méconnaissance de l'article 954 du code de procédure civile,
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Isolants de l'Est de l'ensemble de ses demandes fondées sur un prétendu manquement par la société Acebsa à son obligation d'exécution de bonne foi de ses obligations contractuelles.
* Sur les demandes reconventionnelles :
- infirmer le jugement en ce qu'il a refusé de faire droit à la demande de la société Isolants de l'Est tendant au paiement d'intérêts de retard calculés selon les termes de l'article L. 441-6 (ancien) du code de commerce.
Statuant à nouveau :
- juger que la société Isolants de l'Est s'est rendue coupable d'une violation des règles d'ordre public régissant les délais de paiement,
- condamner la société Isolants de l'Est à payer à la société Acebsa des intérêts de retard et des indemnités forfaitaires de recouvrement d'un montant de 36 585,44 euros (calculé sur la base d'un délai de paiement de 45 jours), conformément à l'article L. 441-6 du code de commerce,
- subsidiairement, si la cour devait considérer que le délai de paiement était de 60 jours, et non de 45 jours, condamner la société Isolants de l'Est à payer à la société Acebsa des intérêts de retard et des indemnités forfaitaires de recouvrement d'un montant de 24 624,04 euros, conformément à l'article L. 441-6 du code de commerce.
* Sur l'abus du droit d'ester en justice
- infirmer le jugement en ce qu'il a jugé que la société Isolants de l'Est ne s'est pas rendue coupable d'un abus du droit d'ester en justice.
Statuant à nouveau :
- condamner la société Isolants de l'Est au paiement de dommages-intérêts d'un montant de 5 000 euros pour abus du droit d'ester en justice à chacune des intimées.
En tout état de cause :
- débouter la société Isolants de l'Est de l'ensemble de ses demandes,
- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Isolants de l'Est à verser la somme de 15 000 euros à chacune des intimées (Acebsa et Suelco) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance,
- condamner la société Isolants de l'Est à verser la somme de 15 000 euros à chacune des intimées (Acebsa et Suelco) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la présente procédure d'appel,
- condamner la société Isolants de l'Est aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des moyens et des prétentions des parties, la cour renvoie expressément à leurs conclusions visées ci-dessus, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 7 décembre 2022 ;
MOTIFS
- Sur la recevabilité de la demande de dommages-intérêts formée au titre de l'exécution de bonne foi du contrat :
Aux termes de l'article 910-4 alinéa 1er du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. Conformément à l'article 565 du même code, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, le la conséquence ou le complément nécessaires.
Au visa de ces dispositions, les sociétés Acebsa et Suelco font valoir que les 'conclusions d'appelante n°1' de la société Isolants de l'Est contiennent au dispositif une demande indemnitaire de '50 000 euros au titre de dommages-intérêts pour non-respect de son obligation d'exécution de bonne foi de ses obligations contractuelles', mais que celle-ci ne figure pas dans les motifs. Elles considèrent dans ces conditions que l'appelante n'a pas présenté, dès ses premières conclusions remises au greffe de la cour, de prétention au titre de la violation par les intimées de leur obligation d'exécution de bonne foi du contrat, de sorte que cette demande est selon elles irrecevable.
Conformément à l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine que les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion. Il en résulte que la cour est régulièrement saisie, par les conclusions de l'appelante remises au greffe dans le délai prévu à l'article 908 du même code, de la demande de dommages-intérêts formée par la société Isolants de l'Est au titre de l'exécution de bonne foi du contrat. Cette demande figure en effet au dispositif des conclusions de l'appelante qui saisit la cour de cette prétention. Son absence de discussion dans les motifs n'est pas sanctionné à peine d'irrecevabilité, la cour n'étant seulement tenue de répondre aux moyens invoqués dans ces derniers.
Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 4 novembre 2022, la société Isolants de l'Est a au surplus développé des moyens au soutien de cette prétention sur laquelle le tribunal de commerce de Nancy n'a pas statué en première instance.
Il convient par conséquent de déclarer recevable la demande de dommages-intérêts formée par la société Isolants de l'Est au titre de la violation par les sociétés Acebsa et Suelco de leur obligation d'exécution du contrat de bonne foi.
- Sur la demande de dommages-intérêts formée au titre de la concurrence déloyale :
En application de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Par ailleurs, conformément à l'article 1241 du code civil, chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.
Au soutien de sa demande de dommages-intérêts, la société Isolants de l'Est affirme qu'elle a pour principal client la société Conti, à qui elle revend des méplats et des fils de cuivre ronds, composants électriques achetés auprès de la société Acebsa, son fournisseur. Elle fait valoir que celle-ci a démarché la société Conti, le 1er juin 2017, puis le 26 juillet 2017 en lui proposant d'acheter directement auprès d'elle des marchandises à des prix inférieurs à ceux définis par les conditions tarifaires qu'elle lui appliquait depuis le 1er janvier 2017.
La société Isolants de l'Est considère dans ces conditions que le démarchage de la société Acebsa de sa principale cliente caractérise un acte de concurrence déloyale, celle-ci ayant pour objectif de capter cette dernière par la proposition de tarifs plus attractifs. S'agissant de son préjudice, elle indique que la société Conti lui a passé commande en 2017 de 104 020 kilogrammes de matériaux, au prix habituel de 16 332 euros, mais que la société Acebsa a fait une contre-proposition à hauteur de 141 651 euros pour la même quantité. Elle prétend qu'elle a alors été contrainte de réviser ses tarifs à la baisse et a facturé le matériel à sa cliente au prix de 144 588 euros, ayant de ce fait subi une perte de marge estimée à 20 744 euros sur l'année considérée.
En l'espèce, les sociétés Acebsa et Suelco ne contestent pas avoir offert, à compter du mois de juin 2017, des conditions tarifaires plus avantageuses qu'à la société Isolants de l'Est, à la demande expresse de cette nouvelle cliente, et ce, afin de rester compétitive vis-à-vis de la concurrence. Il est constant que l'appelante n'est liée à aucun accord d'exclusivité avec la société Conti, s'agissant de la fourniture de fils et des méplats de cuivre, et qu'elle ne dispose d'aucun droit privatif sur ce client avec lequel elle entretient des relations commerciales sur ce marché de la vente de composants électriques, à l'instar des sociétés intimées.
Les courriels échangés entre les sociétés Suelco et Conti, sur une période allant du 24 mai 2017 au 12 septembre 2017, produits aux débats par l'appelante, établissent certes l'existence de négociations commerciales portant sur le prix de vente des matériaux considérés. Ils ne permettent pas toutefois de démontrer que la société Suelco aurait démarché la société Conti, laquelle entretenait aussi librement des relations commerciales avec la société Isolants de l'Est, n'étant liée à celle-ci par aucun contrat de distribution. Ainsi, même à supposer que la société Suelco soit à l'origine du démarchage de la société Conti, la société Isolants de l'Est ne rapporte pas la preuve que ces agissements constitueraient des manoeuvres déloyales en vue de détourner sa clientèle, et qu'ils présenteraient un caractère fautif dans le cadre du jeu de la libre concurrence entre deux sociétés oeuvrant sur le même marché.
La société Isolants de l'Est ne conteste pas par ailleurs qu'elle était en concurrence avec la société Suelco sur le marché de la revente des fils et méplats de cuivre, reconnaissant même dans ses conclusions d'appel qu'elle a été contrainte de revoir à la baisse ses propres conditions tarifaires, afin d'être plus compétitive que cette dernière pour conserver sa cliente (la société Conti), et éviter ainsi qu'elle ne s'approvisionne directement auprès de cet autre concurrent.
Ainsi, la société Isolants de l'Est ne démontre pas que la société Suelco aurait concrètement usé dans le cadre de la négociation de ses prix avec la société Conti au cours de l'année 2017 de moyens qui ne seraient pas conformes aux usages commerciaux. Elle n'établit pas non plus que l'intimée aurait détourné des commandes déjà existantes, passées par la société Conti auprès d'elle, étant observé que l'offre tarifaire faite par la société Suelco à cette dernière est datée du 1er juin 2017, soit près de six mois après la dernière commande effectuée par l'appelante auprès de l'intimée.
Il convient pour ces motifs de confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a débouté la société Isolants de l'Est de sa demande de dommages-intérêts formée au titre de la concurrence déloyale, en l'absence de preuve d'une faute commise par les sociétés Acebsa et Suelco dans le cadre des relations commerciales entretenues avec la société Conti.
- Sur la demande de dommages-intérêts formée au titre de l'exécution de bonne foi du contrat :
Conformément aux dispositions de l'article 1104 du code civil, Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d'ordre public.
Au soutien de sa demande de dommages-intérêts, la société Isolants de l'Est fait grief à la société Suelco de lui avoir notifié, le 13 décembre 2016, de nouvelles conditions tarifaires applicables dès le 1er janvier 2017, prévoyant une augmentation de plus de 5%. Elle reproche également à celle-ci d'avoir fixer de nouvelles conditions de règlement de ses factures, réduisant le délai de paiement de celles-ci à 30 jours, au lieu de 45 jours précédemment.
L'appelante considère que l'imposition unilatérale de ces nouvelles conditions, sans aucune justification économique, est constitutive d'une exécution de mauvaise foi du contrat. Elle prétend également que compte tenu de l'augmentation des tarifs de la société Suelco, elle a été contrainte s'approvisionner auprès d'un autre fournisseur à des conditions moins avantageuses et sollicite dans ces circonstances l'indemnisation de son préjudice à hauteur de 50 000 euros.
Il ressort cependant des échanges entre les parties que la société Suelco a avisé la société Isolants de l'Est, dès le 16 novembre 2016, qu'elle a été contrainte de réviser ses tarifs pour l'année 2017, en raison d'une augmentation du cours du cuivre de 3,19 %. L'appelante ne démontre pas que cette révision des tarifs par l'intimée serait abusive et caractériserait la mauvaise foi de l'intimée, étant observé qu'elle ne conteste pas la réalité de la hausse du coût des matières premières, comptant pour près de 85 % des coûts de fabrication de l'intimée. Par ailleurs, la société Isolants de l'Est ne démontre, ni même n'allègue, que la société Suelco se serait engagée à lui garantir les prix des marchandises vendus, indépendamment du cours du cuivre entrant dans leur composition.
La société Isolants de l'Est n rapporte pas la preuve au surplus qu'elle aurait subi un préjudice financier du fait de la hausse des tarifs pratiqués par la société Suelco. Elle fait valoir en effet qu'elle aurait été contrainte de s'approvisionner auprès d'un autre fournisseur à des conditions moins avantageuses, mais ne justifie pas de ces dernières.
La société Isolants de l'Est ne démontre pas que la réduction du délai de paiement des commandes facturées par la société Suelco de 45 jours à 30 jours présenterait un caractère fautif ou abusif, sachant que cette nouvelle condition de règlement était applicable au 1er janvier 2017, et qu'elle en a été avertie par écrit le 13 décembre 2016. Ce délai de 30 jours est par ailleurs conformes aux prescriptions de l'article L. 441-6 du code de commerce, ce que la société Isolant de l'Est ne conteste pas.
En l'absence d'un engagement préexistant sur le règlement des factures 45 jours après la livraison, la société Suelco était ainsi en droit de modifier ce délai, sachant que l'appelante disposait en toute état de cause de la faculté de les accepter ou de les refuser, en d'adressant à un autre fournisseur. Il n'est pas contesté sur ce dernier point que la société Isolants de l'Est se fournit en fil émaillé depuis l'année 2017 auprès de la société IRCE et en conducteurs auprès de la société Trafilerie Omeca, deux sociétés italiennes concurrentes de la société Acebsa.
Il convient par conséquent de débouter la société Isolants de l'Est de sa demande de dommages-intérêts formée au titre de la violation de l'obligation d'exécuter de bonne foi le contrat, en l'absence de faute commise par la société Suelco dans la modification de ses conditions tarifaires et de règlement.
- Sur les intérêts de retard :
Conformément à l'article L. 441-6 du code de commerce, dans sa rédaction applicable aux faits de l'espèce, sauf dispositions contraires figurant aux conditions de vente ou convenues entre les parties, le délai de règlement des sommes dues et fixé au trentième jour suivant la date de réception des marchandises ou d'exécution de la prestation demandée. Les conditions de règlement doivent obligatoirement préciser les conditions d'application et le taux d'intérêt des pénalités de retard exigibles le jour suivant la date du règlement figurant sur la facture, ainsi que le montant de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement due au créancier dans le cas où les sommes sont réglées après cette date.
Sauf disposition contraire qui ne peut toutefois fixer un taux inférieur à trois fois le taux d'intérêt légal, ce taux est égal au taux par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage. Tout professionnel en situation de retard de paiement est de plein droit débiteur, à l'égard du créancier, d'une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, dont le montant est fixé par décret. Les pénalités de retard sont exigibles de plein droit, sans qu'un rappel soit nécessaire. Une mise en demeure préalable de procéder au règlement du prix n'est donc pas obligatoire.
Les dispositions relatives à la perception des intérêts fixées par l'article L. 441-6 du code de commerce sont d'ordre public et présentent un caractère impératif, auquel un usage en matière commercial ne peut déroger. La société Isolants de l'Est ne peut en conséquence invoquer l'existence d'un usage qui se serait instauré entre les parties, aux termes duquel les intimées auraient renoncé au paiement des intérêts dues sur les factures impayées dans le délai de 45 jours.
Au surplus, la société Isolant de l'Est ne rapporte pas la preuve l'existence d'un tel usage qui aurait été institué dès l'année 2012 dans le cadre de ses relations commerciales avec la société Acebsa , puis avec la société Suelco. Elle ne justifie pas non plus comme elle le prétend de l'existence d'un accord écrit de la société Acebsa, quant à l'acceptation d'un règlement sans intérêts de l'ensemble des factures payées, au-delà d'un délai de 45 jours. Les pièces produites aux débats par l'appelante ont trait en effet à l'accord de délais de paiement par la société Acebsa à la société Isolants de l'Est, lesquels présentant un caractère ponctuel et exceptionnel et concernant seulement certaines factures impayées. Il ne ressort de ces mêmes documents que l'intimée aurait renoncé définitivement aux intérêts prévus par l'article L. 441-6 du code de commerce.
Sur la base d'un décompte produit aux débats, la société Acebsa justifie que le montant total des intérêts calculés sur l'ensemble des factures impayées dans le délai de 45 jours s'élève à la somme de 36 585,44 euros, La société Isolants de L'Est n'émet aucune contestation quant au calcul des intérêts de retard, correspondant au taux de refinancement de la Banque centrale européenne majoré de dix points, auxquels s'ajoutent l'indemnité forfaitaire de recouvrement d'un montant de 40 euros par facture.
Il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris, et de condamner la société Isolants de l'Est à payer à la société Acebsa la somme de 36 585,44 euros, au titre des intérêts dus en application de l'article L. 441-6 du code de commerce sur les factures impayées dans le délai de 45 jours.
- Sur la demande de dommages-intérêts pour abus du droit d'ester en justice :
Aux termes de l'article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire et abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.
En l'espèce, les sociétés Suelco et Acebsa ne rapportent pas que l'action en responsabilité initiée par la société Isolants de l'Est devant le tribunal de commerce de Nancy aurait dégénéré en abus de droit. Les intimés ne démontrent pas l'intention de nuire de l'appelante laquelle ne peut se déduire du seul caractère infondé de leurs demandes indemnitaires.
Il y a lieu pour ces motifs de confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a débouté les sociétés Suelco et Acebsa de leur demande de dommages-intérêts pour abus du droit d'ester en justice.
En outre, l'article 559 du code de procédure civile dispose qu'en cas d'appel principal dilatoire ou abusif, l'appelant peut être condamné à une amende civile d'un montant maximum de 10 000 euros, sans préjudice des intérêts qui lui seraient réclamés.
Les sociétés Suelco et Acebsa ne rapportent pas non plus la preuve que la société Isolants de l'Est aurait de mauvaise foi tenté de prolonger le procès par la voie du présent appel, en dépit du caractère infondé de ses demandes, comme elles le prétendent. L'appel de la société Isolants de l'Est ne peut être qualifié d'abusif, en l'absence d'éléments démontrant un abus de l'appelante dans l'exercice de son recours contre le jugement déféré l'ayant débouté de ses demandes. Il est constant enfin que les parties peuvent soulever en cause d'appel des moyens nouveaux, au soutien de leurs prétentions. Il ne peut donc être fait grief à la société Isolants de l'Est d'avoir invoqué pour la première foi devant le cour le moyen tiré du manquement des intimés à leur obligation de bonne foi dans l'exécution des contrats.
Il convient en conséquence de débouter les sociétés Suelco et Acebsa de leur demande de dommages-intérêts formé au titre de l'appel abusif de la société Isolants de l'Est.
- Sur les demandes accessoires :
La société Isolants de l'Est succombant dans ses prétentions est condamnée aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel. Elle est déboutée de ses demandes formées au titre des frais irrépétibles de procédure exposés en première instance et en cause d'appel.
Il convient de confirmer le jugement entrepris, en ce qu'il a condamné la société Isolants de l'Est à payer aux sociétés Suelco et Acebsa, chacune, la somme de 15 000 euros, au titre des frais irrépétibles de procédure exposés en première instance.
La société Isolants de l'Est est condamnée à payer aux sociétés Suelco et Acebsa, chacune, la somme de 10 000 euros, au titre des frais irrépétibles de procédure exposés en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile,
Infirme le jugement entrepris, en ce qu'il a débouté la société Acebsa de sa demande formée au titre des intérêts de retard et indemnités forfaitaires de recouvrement prévus à l'article L. 441-6 du code de commerce ;
Le confirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau sur ce chef infirmé et ajoutant :
Condamne la société Isolants de l'Est à payer à la société Acebsa la somme de 36 585,44 € (trente six mille cinq cent quatre vingt cinq euros et quarante quatre centimes), au titre des intérêts de retard et des indemnités forfaitaires, prévus par les dispositions de l'article L. 441-6 du code de commerce ;
Déclare recevable la demande de dommages-intérêts formée par de la société Isolants de l'Est au titre de au titre de l'exécution de bonne foi du contrat ;
Déboute cette dernière de cette demande de dommages-intérêts ;
Déboute les sociétés Acebsa et Suelco de leur demande de dommages-intérêts pour appel abusif de la société Isolants de l'Est ;
Déboute la société Isolants de l'Est de sa demande formée au titre des frais irrépétibles de procédure exposés en cause d'appel ;
Condamne la société Isolants de l'Est à payer aux sociétés Suelco et Acebsa, chacune, la somme de 10 000 € (dix mille euros), au titre des frais irrépétibles de procédure exposés en cause d'appel ;
Condamne la société Isolants de l'Est aux entiers frais et dépens d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrice BOURQUIN Président de Chambre, à la Cour d'Appel de NANCY, et par Monsieur Ali ADJAL, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Minute en douze pages.