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03/05/2023 | FRANCE | N°22/00417

France | France, Cour d'appel de Nancy, 5ème chambre, 03 mai 2023, 22/00417


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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COUR D'APPEL DE NANCY

CINQUIEME CHAMBRE COMMERCIALE



ARRÊT N° /23 DU 3 MAI 2023





Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/00417 - N° Portalis DBVR-V-B7G-E5VA



Décision déférée à la Cour :

jugement du Tribunal de Commerce de NANCY, R.G. n°2021.4744 , en date du 24 janvier 2022,



APPELANTE :

S.A. ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL IARD agissant poursuites et diligences de

son représentant légal pour ce domicilié audit siège, [Adresse 3]

Représentée par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE, avocat...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

------------------------------------

COUR D'APPEL DE NANCY

CINQUIEME CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT N° /23 DU 3 MAI 2023

Numéro d'inscription au répertoire général :

N° RG 22/00417 - N° Portalis DBVR-V-B7G-E5VA

Décision déférée à la Cour :

jugement du Tribunal de Commerce de NANCY, R.G. n°2021.4744 , en date du 24 janvier 2022,

APPELANTE :

S.A. ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL IARD agissant poursuites et diligences de son représentant légal pour ce domicilié audit siège, [Adresse 3]

Représentée par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE, avocat au barreau de NANCY

Avocat plaidant Me Serge PAULUS avocat au barreau de Strasbourg

INTIMÉE :

S.A.R.L. C2R exerçant sous l'enseigne AU COIN DE LA RUE représentée par son gérant domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 1] immatriculé au registre du commerce et des sociétés de Nancy sous le numéro 828 037 291

Représentée par Me Alain CHARDON, avocat au barreau de Nancy

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 22 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Patrice BOURQUIN, Président de Chambre chargé du rapport et Monsieur Olivier BEAUDIER, conseiller ;

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Patrice BOURQUIN Président de Chambre,

Monsieur Olivier BEAUDIER, Conseiller,

Monsieur Jean-Louis FIRON Conseiller

Greffier, lors des débats : Monsieur Ali ADJAL.

A l'issue des débats, le Président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 03 Mai 2023, en application du deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 03 Mai 2023, par Monsieur Ali ADJAL, Greffier, conformément à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

signé par Monsieur Patrice BOURQUIN, Président de chambre, et par Monsieur Ali ADJAL, Greffier ;

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Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à

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FAITS ET PROCEDURE

La société C2R, exploitant un fonds de commerce de restaurant, café, bar sous l'enseigne "Au coin de la rue" a souscrit, pour les besoins de son exploitation professionnelle, un contrat d'assurance multirisque auprès de la société Assurances du crédit mutuel (ACM) IARD, contrat comprenant notamment une garantie financière au titre des pertes d'exploitation.

Confrontée à la fermeture de son établissement par application des mesures administratives prises dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire consécutif à la pandémie de Covid-19, la société C2R a mis en demeure la société ACM IARD, de prendre en charge l'indemnisation des pertes d'exploitation au titre de la garantie souscrite.

La société ACM IARD a rejeté cette demande d'indemnisation et par acte du 6 octobre 2021, la société C2R a assigné à bref délai la société ACM IARD devant le tribunal de commerce de Nancy.

Par jugement rendu le 24 janvier 2022, le tribunal de commerce de Nancy a :

- déclaré la société C2R bien fondée en sa demande d'indemnisation des sinistres déclarés et condamné la société ACM IARD à l'indemniser dans le respect des stipulations contractuelles,

- condamné à titre provisionnel la société ACM IARD à payer à la société C2R la somme de 75000 euros à valoir sur l'indemnité définitive telle qu'elle ressortira du rapport d'expertise judiciaire,

- ordonné une mesure d'expertise,

- désigné Mme [K] [W] [G], [Adresse 2], en qualité d'expert avec pour mission de :

*convoquer les parties et leurs conseils sur les lieux de ses opérations,

* se faire communiquer l'ensemble des documents qu'elle jugera opportun de consulter pour mener à bien sa mission,

*déterminer au contradictoire de la société ACM IARD, dans le strict respect des stipulations de l'article 17.2 des conditions générales 43.25.14 - 01/2016, le montant réel de la perte de marge brute, sur la période d'indemnisation contractuelle retenue,

Par déclaration en date du 18 février 2022, la société ACM IARD a interjeté appel du jugement rendu par le tribunal de commerce de Nancy le 24 janvier 2022 en en demandant l'infirmation en toutes ses dispositions.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises le 1er décembre 2022, la société ACM IARD demande de :

A titre principal,

- juger que les conditions de la garantie ne sont pas réunies,

- juger qu'elle n'est pas tenue de garantir les prétendues pertes d'exploitation de la société C2R,

- débouter la société C2R de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

A titre subsidiaire,

- juger que la clause d'exclusion est valide et applicable,

- juger qu'elle n'est pas tenue de garantir les prétendues pertes d'exploitation de la société C2R,

- débouter la société C2R de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.

A titre très subsidiaire,

- juger que la société C2R n'a pas déclaré son sinistre dans le délai de 5 jours prévu au contrat,

- juger que cette déclaration de sinistre partielle et tardive a causé un préjudice à la société ACM IARD,

- par conséquent, juger que la société C2R est déchue de son droit à garantie,

- débouter la société C2R de l'ensemble de ses demandes,

A titre très subsidiaire,

- juger que la société C2R ne démontre pas l'existence du préjudice dont elle demande réparation,

- débouter la société C2R de l'ensemble de ses demandes.

A titre infiniment subsidiaire, si la cour décidait néanmoins de désigner un expert,

- fixer sa mission comme suit :

- évaluer et délimiter la seule perte de chiffre d'affaires directement en lien avec le sinistre allégué à savoir « l'interdiction d'accès », en replaçant la société requérante dans la même situation que celle qui aurait été la sienne en l'absence de ce sinistre.

- à cet effet évaluer et déduire du chiffre d'affaires de la même période précédente l'impact qu'aurait eu le Covid 19 sur l'activité de l'assuré en l'absence de mesures de restriction d'accueil du public durant cette période de pandémie, en se référant notamment aux statistiques disponibles en France et à l'étranger,

- identifier, chiffrer et prendre en compte les charges supplémentaires et les charges économisées en les détaillant par nature,

- prendre en compte les subventions, primes et indemnités reçus ou à recevoir au titre des deux périodes de confinement et ayant pour objet d'atténuer ou de compenser la perte d'exploitation,

- évaluer le réel préjudice financier effectivement subi par la société C2R et imputable aux seules mesures de restriction d'accueil du public dans les bars et restaurant d'une part du 15 mars au 1er juin, et d'autre part du 17 octobre 2020 au 18 mai 2021,

- établir un pré-rapport et recueillir les dires des parties,

- débouter la société C2R de sa demande de provision,

En tout état de cause,

- condamner la société C2R au paiement d'une indemnité de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance, ainsi qu'aux entiers frais et dépens de la procédure de première instance,

- condamner la société C2R au paiement d'une indemnité de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens de la présente procédure.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises le 9 janvier 2023, la société C2R demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 24 janvier 2022 par le tribunal de commerce de Nancy.

Y ajoutant :

- condamner la société ACM IARD à lui payer , au titre de la procédure d'appel, la somme de 8.000,00 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner enfin la société ACM IARD aux entiers dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de Me Alain Chardon, avocat au barreau de Nancy, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

En application de l' article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions précédemment visées.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 février 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Les conditions générales du contrat d'assurance perte d'exploitation n° B 18003540, dénommé Acajou Signature souscrit par la société C2R auprès de la société ACM-IARD comprennent au titre des garanties financières les dispositions suivantes :

'PERTES D'EXPLOITATION :

17.1 GARANTIE DE BASE

Nous garantissons les pertes pécuniaires que vous pouvez subir du fait de l'interruption ou de la réduction de votre activité résultant soit :

- d'un dommage matériel * garanti

- d'une impossibilité ou d'une difficulté d'accès à vos locaux professionnels, et/ou d'une impossibilité de les exploiter consécutives à un événement accidentel * ayant entraîné des dommages matériels *survenant à moins de 500 mètres de vos locaux, dès lors que ceux-ci auraient étaient garantis par le présent contrat s'ils avaient atteint les biens assurés

- d'une mesure d'interdiction d'accès émanant des autorités administratives ou judiciaires, prises à la suite d'un événement extérieur à votre activité ou aux locaux dans lesquels vous l'exercez (...)'.

La société C2R fait valoir que la société ACM IARD ne peut plus contester l'application de la garantie au motif que dans un courrier adressé le 27 avril 2020, elle annonçait le versement d'une 'prime de relance mutualiste' sans contester devoir garantir les pertes pécuniaires subies à la suite de la mesure d'interdiction d'accès édictée par les pouvoirs publics.

Ce courrier adressé à l'ensemble des assurés ayant souscrit le contrat d'assurance multirisque professionnel, précise expressément que les conditions générales prévoient 'notamment une exclusion pour les dommages causés par les micro-organismes' et fait ressortir que la 'prime de relance' n'est pas versée en exécution des dispositions contractuelles, de sorte qu'elle n'établit pas une reconnaissance non équivoque de l'assureur de la réalisation des conditions de la garantie de la perte d'exploitation.

Par ailleurs, interrogée par courrier du 10 août 2021 par la société C2R sur la prise en charge des pertes d'exploitation, la société ACM IARD a immédiatement dénié sa garantie.

Il appartient donc à la société C2R, en sa qualité d'assurée de rapporter la preuve que les conditions d'application de la garantie sont remplies.

La clause précise que la mise en oeuvre de la garantie est subordonnée à une interdiction d'accès, notion claire qui consiste en une défense absolue de pénétrer dans les locaux assurés et ne peut donner lieu à aucune interprétation en application de l'article 1192 du code civil.

Or, par arrêtés des 14 et 15 mars 2020, et par décret du 23 mars 2020 les restaurants et débits de boissons ne pouvaient plus recevoir du public à compter du 15 mars jusqu'au 15 avril 2020, durée prorogée par la suite jusqu'au 1er juin 2020, les activités de vente à emporter restant toutefois autorisées en application de l'article 8 §1 du décret.

En application de l'article 3 du décret du 23 mars 2020 les déplacements étaient autorisés pour effectuer des achats de première nécessité dans les établissements dont les activités étaient autorisées, comportant les restaurants.

Le décret du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face au Covid 19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, durant le second confinement, prévoyait en son article 40, par dérogation, que les restaurants et débits de boisson pouvaient continuer à accueillir du public pour leurs activités de livraison et de vente à emporter.

Les mesures de restrictions prises par les dispositions réglementaires n'étaient pas constitutives de mesures d'interdiction d'accès aux locaux de ces restaurants, puisque l'accès était toujours possible pour les exploitants, le personnel et les fournisseurs et par ailleurs elles permettaient à la clientèle de se rendre dans ces établissement pour prendre livraison des commandes préalablement passées.

Il importe peu sur ce point que la société C2R indique qu'elle ne réalisait pas auparavant de vente à emporter et n'a pas mis en oeuvre cette possibilité durant la période en cause et que par ailleurs la vente à emporter aurait nécessairement entraîné un manque à gagner.

Dès lors, la garantie perte d'exploitation sollicitée n'est pas mobilisable.

Dans ces conditions, sans qu'il y ait lieu d'examiner la validité de la clause d'exclusion et les demandes subsidiaires, le jugement sera infirmé et les demandes de la société C2R seront rejetées.

La somme de 2.000€ sera allouée à la société ACM IARD au titre des frais irrépétibles exposés en première instance ainsi que la même somme au titre des frais exposés à hauteur d'appel.

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile,

INFIRME le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

DEBOUTE la société C2R de l'ensemble de ses demandes,

CONDAMNE la société C2R à payer à la société ACM IARD la somme de 2.000 € (deux mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance,

CONDAMNE la société C2R à payer à la société ACM IARD la somme de 2.000 € (deux mille euros)au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel,

CONDAMNE la société C2R aux dépens de première instance et d'appel.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Patrice BOURQUIN Président de Chambre, à la Cour d'Appel de NANCY, et par Monsieur Ali ADJAL, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

Minute en six pages.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Nancy
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22/00417
Date de la décision : 03/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-03;22.00417 ?
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