CP/CD
Numéro 1039/10
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRET DU 08/03/2010
Dossier : 07/03510
Nature affaire :
Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution
Affaire :
CAISSE D'ÉPARGNE AQUITAINE POITOU CHARENTES (CEAPC) VENANT AUX DROITS DE LA CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DES PAYS DE L'ADOUR (CEPA)
C/
[M] [N]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 8 mars 2010, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 11 Janvier 2010, devant :
Madame de PEYRECAVE, Présidente
Madame ROBERT, Conseiller
Madame PAGE, Conseiller
assistés de Madame HAUGUEL, Greffière, présente à l'appel des causes.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
CAISSE D'ÉPARGNE AQUITAINE POITOU CHARENTES (CEAPC) VENANT AUX DROITS DE LA CAISSE D'ÉPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DES PAYS DE L'ADOUR (CEPA), prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Maître CHONNIER de la SELAFA FIDAL, avocats au barreau de BAYONNE
INTIMÉE :
Madame [M] [N]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par la SCP DARRIEUMERLOU BLANCO - BLANCO, avocats au barreau de PAU
sur appel de la décision
en date du 02 OCTOBRE 2007
rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE DAX
FAITS ET PROCÉDURE
Madame [M] [N] a été embauchée par la CAISSE D'EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DES PAYS DE L'ADOUR le 23 janvier 1994, elle a été nommée par lettre du 23 janvier 2004 responsable du département de recouvrement contentieux avec le niveau CM7. Elle a été licenciée par lettre du 22 novembre 2006 pour inaptitude médicalement constatée.
Le conseil des prud'hommes de Dax, section encadrement, par jugement contradictoire du 2 octobre 2007, auquel il conviendra de se reporter pour plus ample exposé des faits, des moyens et de la procédure a prononcé la résiliation judiciaire du contrat à la date du 22 novembre 2006 et il a condamné la CAISSE D'EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DES PAYS DE L'ADOUR à verser à Madame [M] [N] les sommes de :
10.497 € au titre de l'indemnité de préavis,
1.049 € au titre des congés payés sur le préavis,
20.400 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
3.400 € au titre de l'indemnité pour rupture abusive,
500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Le licenciement ayant été déclaré illégitime et sanctionné par l'article L 1235-4, il a ordonné le remboursement par la CAISSE D'EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DES PAYS DE L'ADOUR à l'ASSEDIC AQUITAINE des sommes versées au salarié au titre du chômage dans la limite de 3 mois.
Il a ordonné l'exécution provisoire des sommes dues au titre du préavis et des congés payés en application de l'article R 516-37 du Code du travail et dit que les condamnations au titre du préavis des congés payés seront productrices d'intérêts au taux légal à compter du 12 avril 2006 et à compter du prononcé du jugement pour les autres condamnations.
Il a débouté les parties du surplus de leurs demandes et a condamné la CAISSE D'EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DES PAYS DE L'ADOUR aux dépens de l'instance.
La CAISSE D'EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DES PAYS DE L'ADOUR a interjeté appel de ce jugement le 23 octobre 2007.
Les parties ont comparu à l'audience par représentation de leur conseil respectif.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions développées à l'audience, la CAISSE D'EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DES PAYS DE L'ADOUR demande à la Cour de déclarer l'appel recevable, de confirmer le jugement sur le rejet des heures supplémentaires mais de le réformer sur le licenciement et les condamnations intervenues.
De condamner Madame [M] [N] à payer la somme de 1.500 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile et de la condamner aux entiers dépens.
Elle fait valoir que le positionnement à l'emploi de chargée de mission n'a aucunement affecté sa qualification et les responsabilités que sous-entendait son poste, qu'il n'y a donc pas eu de modification du contrat de travail mais un simple changement dans les conditions de son travail sans aucune rétrogradation, qu'en conséquence la résiliation judiciaire du contrat de travail n'est pas fondée, que la fiche de poste de responsable de département datée de 2004 est inhérente à l'emploi exercé depuis 2004, que l'animation d'une équipe ne constituait que l'un des aspects de l'emploi de la salariée et que l'évolution des tâches qui lui ont été confiées ne dénaturait pas la fonction initiale puisqu'elle requiert une qualification strictement identique ce qui veut dire que l'affectation au poste de chargée de mission a été sans incidence sur le degré de subordination à l'égard du secrétaire général, que de plus le changement d'attribution ne revêtait qu'un caractère temporaire puisqu'il lui avait été proposé pour une durée de quatre mois que dès lors on ne saurait reprocher à l'employeur un manquement d'une gravité telle qu'il justifierait la résiliation judiciaire du contrat.
Elle fait valoir en outre que c'est par dénaturation des termes des deux avis rendus par le médecin du travail que Madame [M] [N] conclut à la violation par l'employeur de son obligation de reclassement, en effet le médecin du travail a indiqué sur le premier avis d'inaptitude «'inapte à son poste, pas de propositions médicales de reclassement'» et dans le second avis «'vu ma connaissance des postes de travail dans l'entreprise, inapte à tous les postes.'» Elle ajoute que contrairement à ce que prétend la partie adverse, elle s'est livrée à une véritable recherche d'emploi au sein des différentes caisses d'épargne comme l'attestent les e-mails de Monsieur [S] [F] du 6 novembre 2006 adressés à l'ensemble des responsables des ressources humaines des caisses d'épargne afin de les interroger sur les disponibilités d'un poste compatible avec la qualification de Madame [M] [N].
Elle ajoute que Madame [M] [N] tente manifestement d'établir un lien de causalité entre le comportement de l'employeur et son inaptitude, or, en dehors de la simple coïncidence chronologique des faits rien ne vient justifier la demande.
Sur la demande d'heures supplémentaires elle fait valoir que la salariée ne fournit aucun élément sérieux de nature à étayer sa demande, que celle-ci ne peut donc qu'être rejetée.
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Madame [M] [N], intimée, par conclusions développées à l'audience demande à la Cour de confirmer le jugement sur la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la caisse d'épargne avec toutes ses conséquences de droit et de l'infirmer pour le surplus, de dire que la résiliation judiciaire est intervenue le 8 septembre 2005 de condamner la CAISSE D'EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DES PAYS DE L'ADOUR à payer les sommes de :
17.824,10 € au titre des heures supplémentaires et 1.782,41 € au titre des congés payés,
4.240,11 € au titre des congés et RTT de 2004,
200.000 € au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
50.000 € au titre de l'indemnité pour rupture abusive,
5.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
Dire que ces sommes porteront intérêt de droit à compter de la saisine du conseil des prud'hommes soient le 7 avril 2006 et condamner la caisse d'épargne aux entiers dépens.
Madame [M] [N] précise qu'elle avait engagé une procédure devant le conseil des prud'hommes pour demander la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur avant que ne soit engagée la procédure de licenciement pour inaptitude, qu'il appartient donc à la juridiction d'apprécier la légitimité de la demande de résolution judiciaire avant d'examiner la procédure de licenciement.
Elle soutient que la modification du contenu de l'activité constitue un élément du contrat que l'employeur ne peut modifier unilatéralement, que ce dernier était bien conscient de cette réalité, que c'est la raison pour laquelle il a tenté d'obtenir coûte que coûte son accord au bas de l'avenant du 29 août 2005, accord qu'elle a refusé de signer malgré les pressions exercées, qu'elle est en outre en droit de lui reprocher le défaut de paiement des heures supplémentaires et le non-respect de ses droits à congé.
Sur le licenciement, elle fait valoir qu'il est vexatoire au regard de la tentative forcée de modification unilatérale du contrat de travail, des pressions exercées sur elle et des conséquences qui en ont résulté, elle ajoute qu'il est responsable de l'inaptitude à son travail et qu'il n'a pas respecté ses obligations en matière de reclassement, que l'employeur s'est emparé de l'avis du médecin du travail pour rompre précipitamment le contrat en la privant de son préavis.
Sur les heures supplémentaires, elle indique qu'elle a effectué 615,42 heures en 2004 ainsi que cela résulte des messages et décomptes produits, qu'elle s'est trouvée en outre dans l'impossibilité de prendre ses congés et RTT en raison de la surcharge de travail pour l'année 2004.
La Cour se réfère expressément aux conclusions visées plus haut pour l'exposé des moyens de fait et de droit.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La Cour examinera successivement les points litigieux au vu du dossier de la procédure, des éléments des débats et des pièces régulièrement produites au dossier.
Sur la recevabilité de l'appel :
L'appel formalisé dans les délais et formes requis est recevable.
Au fond,
Sur la rupture du contrat de travail :
sur la résiliation judiciaire :
Il convient d'examiner la demande de résiliation judiciaire introduite avant que ne soit engagée la procédure de licenciement pour inaptitude qui ne pourra être analysée que s'il n'était pas fait droit à la demande de résiliation judiciaire.
Il revient à celui qui invoque la rupture aux torts de l'employeur de rapporter la preuve de faits suffisamment graves qu'il reproche à ce dernier et il appartient au juge d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui.
Madame [M] [N], chef du département recouvrement contentieux de la CAISSE D'EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DES PAYS DE L'ADOUR, soutient que la modification du contenu de l'activité constitue un élément du contrat que l'employeur ne peut modifier unilatéralement tandis que la CAISSE D'EPARGNE fait valoir que l'emploi proposé de chargée de mission n'a aucunement affecté sa qualification, l'étendue de ses responsabilités, sa position hiérarchique, son salaire qu'il n'y a donc pas eu de rétrogradation ni de modification du contrat de travail, que les nouvelles tâches qui lui ont été confiées ne dénaturaient pas la fonction initiale puisqu'elles requièrent une qualification strictement identique.
Il ressort de l'accord collectif national applicable sur la classification des emplois du 30 septembre 2003 à effet du 1er janvier 2004 que la détermination du niveau de classification repose exclusivement sur l'examen des caractéristiques du contenu de l'emploi, l'accord dégage six critères, la technicité, les connaissances, l'autonomie, la dimension relationnelle, la contribution sur le fonctionnement, les résultats et l'image de l'entreprise et enfin le management. La classification CM7 est ainsi définie : « emplois requérant une maîtrise affirmée de techniques spécifiques permettant la résolution des problématiques rencontrées et le développement de solutions nouvelles'». Les connaissances requises sont de bac + 5 plus l'expérience et il y est précisé : « les titulaires proposent des plans d'action et peuvent participer à l'élaboration des objectifs de l'unité, ils rendent compte de la réalisation des objectifs fixés. Ils organisent et gèrent la relation de représentation de négociation, d'animation avec des interlocuteurs d'horizons variés, certains emplois comportent la responsabilité opérationnelle d'une unité. »
Le descriptif du poste de responsable du département recouvrement contentieux est le suivant :
Finalité de l'emploi,
- garantir un fonctionnement optimisé du pôle activité dont il a la responsabilité avec un souci permanent de qualité et de service client dans le respect des normes et procédures en vigueur en mobilisant et dynamisant l'ensemble des ressources à disposition.
Environnement et dimension,
- l'activité s'exerce au sein de la direction du secrétariat général pour le compte du groupe caisse d'épargne Adour,
- rapporte au directeur du secrétariat général,
- implique la responsabilité d'une équipe de plusieurs collaborateurs,
- collaborer étroitement avec les responsables de différents domaines de l'entreprise (et juridiques, engagement...),
- entretient des relations fonctionnelles avec l'ensemble des directions,
- développe des contacts réguliers avec de nombreux intervenants et correspondants externes,
- peut nécessiter des déplacements en Adour et hors Adour.
Contenu caractéristique,
- contribuer à la définition des plans d'action et de développement des unités de production dont il a la responsabilité,
- coordonner l'activité et développer la performance des unités rattachées,
- garantir l'application des normes réglementaires internes et externes,
- diagnostiquer et analyser régulièrement les facteurs de l'efficacité et les causes de dysfonctionnements au sein des unités rattachées.
- définir avec sa hiérarchie l'organisation et la répartition des contributions au sein de son département pour une plus grande efficacité.
- étudier et mettre au point de nouvelles techniques méthodes de procédure et outils en matière de gestion de recouvrement de contentieux pouvant être mis en oeuvre, réaliser les simulations et adaptations nécessaires avant la mise en application.
- accompagner la mise en place de ces évolutions et assurer un suivi d'intégration.
- représenter et défendre les intérêts de la caisse d'épargne ADOUR si nécessaire auprès des autorités judiciaires,
- assurer la mise à niveau théorique et technique des collaborateurs
- constituer un relais d'informations privilégiées pour sa hiérarchie et ses collaborateurs,
- organiser ou participer à des groupes de travail, projets ou de réflexion sur l'évolution de l'activité gérée,
- conduire l'appréciation de ses collaborateurs,
- rendre compte régulièrement de son activité.
Exigences de l'emploi,
- aptitude à stimuler favoriser et maintenir la motivation et le sentiment d'appartenance à une équipe,
- qualités managériales éprouvées,
- réelle capacité d'adaptation et d'assimilation des connaissances,
- forte capacité d'analyse et d'interprétation des données ou informations,
- sens de l'organisation rigueur et méthode,
- connaissance approfondie des dispositions juridiques et réglementaires relatives aux produits et services gérés,
- maîtrise des principales fonctionnalités des outils bureautiques et applicatifs spécifiques à disposition,
- connaissance des procédures de traitement et de circuits liés à l'activité.
Le descriptif de la mission proposée est le suivant : contribution attendue : garantir la réalisation des projets en cours au sein de la direction (IFRS, BALE 2, CREDENCE, archivage...) en mobilisant, pilotant et coordonnant les ressources et moyens nécessaires dans un cadre de contraintes définies.
Prendre en charge la conduite des projets confiés par sa direction.
Analyser les buts et les limites de la mission, définir la méthodologie qui devra être mise en oeuvre, la nature et le périmètre des actions qui devront être réalisés par chacun des acteurs identifiés.
Présenter à sa hiérarchie pour décision les plans programmes envisageables en incluant notamment la planification, l'évaluation des charges, l'identification des ressources et moyens nécessaires.
S'engager sur la cohérence et l'opportunité des choix entrepris lors de chacune des phases du projet et rendre compte à sa direction au terme des étapes définies.
Définir et gérer la communication associée au projet (constitution, validité, diffusion...).
Réaliser tous les travaux de planification, détermination des tâches, définition des moyens.
Contrôler le déroulement de chacune des phases et actualiser si nécessaire la planification, l'organisation des travaux et la prévision des moyens à mobiliser.
Elaborer les rapports de lancement, d'avancement, finalisation des phases en étroite collaboration avec les différents chefs de projet.
Présenter aux instances ou acteurs concernés par le projet, les restitutions formalisées synthétiques ou détaillées selon la demande des intéressés.
Participer à différents comités (projet, pilotage...) et représenter ou suppléer ponctuellement à la demande de sa hiérarchie le chef de projet.
Réaliser les comptes rendus de ces réunions, le suivi de la réalisation des décisions arrêtées et en assurer la mise en oeuvre pour les périmètres confiés.
Participer aux groupes de travail et/ou réflexion sur le domaine d'intervention.
Rendre compte régulièrement de son activité à sa hiérarchie et aux différents chefs de projet.
Il résulte du descriptif de la mission que celle ci correspond parfaitement à la classification CM7 de l'accord.
Par ailleurs, il résulte d'une lettre de la CAISSE D'EPARGNE adressée à Madame [M] [N] le 9 juin 2005 en réponse aux questionnements de cette dernière : « concernant vos actions dans le cadre de la formation CREDENCE, vous m'interrogez au sujet d'une hypothétique lettre de mission vous confiant la responsabilité de ce déploiement.
Je vous rappelle que le chantier CREDENCE est destiné, par le déploiement d'un logiciel, à professionnaliser et industrialiser la gestion des dossiers contentieux dont une majorité sont aujourd'hui pas ou mal traités, engendrant une perte financière pour l'entreprise.
Le déploiement de ce nouvel outil s'inscrit dans le cadre de vos activités professionnelles, objet de notre relation contractuelle.
À titre d'exemple les finalités suivantes composent, notamment, votre emploi de responsable du département recouvrement/contentieux :
coordonner l'activité et développer la performance des unités rattachées ;
diagnostiquer et analyser régulièrement les facteurs d'efficacité et les causes de dysfonctionnements au sein des unités rattachées ;
étudier et mettre au point de nouvelles techniques, méthodes, procédures et outils en matière de gestion de recouvrement et de contentieux pouvant être mises en oeuvre, réaliser des simulations et adaptations nécessaires avant la mise en application.
Je m'étonne dès lors, que vous conditionnez votre implication dans ce chantier à la remise une lettre de mission... ».
La lettre qui a été adressée le 29 août 2005 à la salariée par un membre du directoire lui confirme sa nomination en qualité de chargée de mission à compter du 5 septembre 2005, il lui est demandé d'en retourner un exemplaire avec accord pour la bonne forme, ce qui démontre que la CAISSE D'EPARGNE n'a pas exercé de pressions pour obtenir son accord puisqu'elle n'a pas attendu l'accord de cette dernière pour lui notifier sa nomination en qualité de chargée de mission à compter du 5 septembre 2005.
Madame [M] [N] à qui incombe la preuve de la modification du contrat de travail ne conteste pas les missions découlant de son emploi de responsable du département recouvrement/contentieux.
La CAISSE D'EPARGNE a procédé à un redéploiment du service contentieux, le poste de responsable a été supprimé et Madame [M] [N] n'indique pas avoir été remplacée dans ses fonctions.
Madame [M] [N] ne précise à aucun moment en quoi le contenu de la mission proposée serait substantiellement différent de celui précédemment occupé hormis son intitulé, or l'appréciation de la modification s'apprécie au regard des fonctions réellement exercées par le salarié.
La réorganisation faite par l'employeur pour améliorer la gestion d'un secteur entre dans l'exercice de son pouvoir de direction, l'emploi proposé de chargée de mission dont il n'est pas démontré que les tâches conférées étaient substantiellement différentes de celui précédemment occupé n'a aucunement affecté la qualification, l'étendue des responsabilités, la position hiérarchique, le salaire de Madame [M] [N] qu'il n'y a donc pas eu de rétrogradation ni de modification du contrat de travail, que de plus le changement d'attribution ne revêtait qu'un caractère temporaire puisqu'il lui avait été proposé pour une durée de quatre mois, cette proposition ne constitue donc pas un motif suffisamment grave pour justifier la résiliation judiciaire du contrat aux torts de l'employeur, la demande sera rejetée.
sur le licenciement :
La lettre de licenciement du 22 novembre 2006 qui fixe les limites du litige est libellée comme suit : «'Après examen de votre dossier personnel, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour le motif suivant :
inaptitude physique constatée par le médecin du travail et à la suite de laquelle un reclassement dans l'entreprise dans le groupe des caisses d'épargne s'est révélé impossible...».
Madame [M] [N] fait valoir que le licenciement est illicite dans la mesure où la cause de l'inaptitude de la salariée est consécutive à l'attitude de employeur de vouloir la contraindre à l'acceptation d'une modification unilatérale du contrat de travail, à l'attitude agressive injurieuse du représentant de l'employeur à l'occasion de l'entretien du 8 septembre 2005 qui a provoqué la dégradation de l'état de santé de la salariée et une dépression réactionnelle entraînant son inaptitude.
Tout d'abord il convient de constater que Madame [M] [N] était informée depuis longtemps de sa nouvelle affectation qui lui a été signifiée par écrit le 29 août 2005, qu'elle avait donc eu le temps de réfléchir à cette proposition qui devait prendre effet le 5 septembre 2005.
Par ailleurs, il résulte des éléments de l'enquête fondée sur les dires mêmes de Madame [M] [N] qu' aucune violence verbale ni physique n'a été exercée, que Madame [M] [N] n'a pas fait état des propos humiliants et très pénibles mettant en cause ses capacités professionnelles et de compréhension qu'aurait tenu le directeur du personnel à son égard, dont d'ailleurs elle n'a jamais précisé les termes, que la nécessité d'une réponse immédiate tenait au fait que le changement d'affectation aurait dû être effectif depuis le 5 septembre 2005 et sur lequel on lui avait donné le temps de la réflexion.
Il y a lieu de noter que le certificat médical du Médecin traitant [R] rédigé le 13 septembre motivant sa prescription d'arrêt de travail du 8 septembre 2005 dans le cadre d'un accident du travail apparaît fondé sur les dires de sa patiente comme étant un choc émotionnel lié à l'annonce le 8 septembre 2005 de lui supprimer son poste sans aucune précaution psychologique, il parle d'électrochoc, d'agression professionnelle, alors que cette dernière était au courant de la modification et qu'elle a travesti la réalité des faits à son médecin.
Madame [M] [N] ne démontre donc pas que la dégradation de son état de santé et son inaptitude au travail découlent de faits imputables à l'employeur ou ses subordonnés.
Sur l'obligation de reclassement :
L'article L. 1226 -2 du Code du travail énonce : « Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur propose un autre emploi approprié à ses capacités.
Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise.
L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutation, transformation de postes de travail ou aménagement du temps de travail. ».
Le médecin du travail a émis le 31 octobre 2006 un deuxième avis conforme au premier, il a indiqué : « vu ma connaissance des postes de travail dans l'entreprise ' inapte à tous les postes ».
L'avis d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise délivrée par le médecin du travail ne dispense pas l'employeur, quelle que soit la position prise par la salariée de rechercher les possibilités de reclassement et d'en rapporter la preuve.
Il résulte d'une lettre du médecin du travail du 22 mai 2007 adressé à la caisse d'épargne suite à sa demande téléphonique concernant la reprise et le reclassement de Madame [M] [N], qui confirme avoir rencontré Monsieur [P] à ce sujet les 22 juin, 22 août et 6 octobre 2006 et Monsieur [F] le 16 octobre 2006.
C'est donc en connaissance de cause qu'il a pu écrire dans son deuxième avis, vu ma connaissance des postes de travail dans l'entreprise.
Par ailleurs, la CAISSE D'EPARGNE rapporte la preuve qu'elle a fait une recherche de reclassement au sein des sociétés du groupe le 6 novembre 2006 afin de les interroger sur les disponibilités d'un poste compatible avec la qualification de Madame [M] [N] qu'il ne peut donc prétendre que son employeur ne s'est pas livré à une recherche effective et loyale de reclassement.
Sur l'indemnité compensatrice de préavis :
Madame [M] [N] n'est pas fondée à réclamer le paiement de l'indemnité de préavis qu'elle ne peut pas exécuter physiquement du fait de son inaptitude à l'emploi d'origine non professionnelle ;
Sur les congés payés et RTT de 2004 :
Par mail du 15 décembre 2004, elle a réclamé le décompte du solde des jours de congés + RTT + jours flottants demeurant à son crédit au responsable du personnel.
Il lui a été répondu que les congés non pris peuvent être mis dans le compte épargne temps au 1er janvier, les congés non pris et non épargnés seront perdus.
Ce dernier explique : « pour optimiser ton épargne, je peux modifier six demi-journées RTT sur les 8 posées en jours congés payés, ton reliquat s'établit comme suit : 10 jours de congés +4 jours flottants soit 14 jours + 5 jours de RTT, tu épargnes 10 jours de congés et cinq jours de RTT soient 15 jours, les quatre jours flottants sont perdus ».
Madame [M] [N] réclame le paiement de 20 jours de congés payés et 2 jours de RTT sur l'année 2004 qu'elle indique n'avoir pu prendre en raison de la surcharge de travail.
Or, faute par elle d'avoir opté pour la mise en compte épargne temps des jours de congés restants, ces derniers sont perdus et il ne lui est rien dû à ce titre.
Sur les heures supplémentaires :
Par ce même mail du 15 décembre 2004, elle a réclamé le décompte des heures supplémentaires effectuées par ses soins du 1er janvier 2004 à ce jour.
Elle indique : « Je souhaiterais connaître le nombre d'heures ainsi effectuées dûment ventilées «'par poste'» à savoir :
- heures supplémentaires sur journée de travail obligatoire
- heures supplémentaires sur journée RTT non prises le tout avant écrétage par le système de gestion.'» Il lui sera répondu le jeudi 16 décembre 2004 : « je suis malheureusement dans l'incapacité de te donner ces informations pour cette date. ».
Elle a réitéré sa demande par mail du 25 janvier 2005 où elle va écrire : « j'avais cru comprendre que tu devais en référer et m'indiquer la position réservée par l'entreprise. Sans réponse à ce jour, je me permets de revenir vers toi pour connaître la décision prise. À titre d'information je précise qu'au 24 décembre 2004, la situation était la suivante : heures supplémentaires effectuées depuis le 1er janvier 2004 : 615,42 heures supplémentaires. » Il ne sera donné aucune réponse à sa demande.
Aux termes de l'article L. 3171-4 du Code du travail en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit aux juges les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par ce dernier.
Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles...
Il résulte de ce texte que la preuve des heures travaillées n'incombe spécialement à aucune des parties et que le juge ne peut se fonder exclusivement sur l'insuffisance des preuves apportées par le salarié, il doit examiner les éléments que l'employeur est tenu de lui fournir de nature à justifier les horaires effectivement réalisés.
En l'espèce, la CAISSE D'EPARGNE n'a jamais contesté l'existence de ces heures supplémentaires justifiées par la surcharge de travail que le service a connu au cours de l'exercice 2004 dont Madame [M] [N] précise le détail des motifs dans son mail du 25 janvier 2005, que la réponse donnée suivant laquelle «'je suis malheureusement dans l'incapacité de te donner ces informations pour cette date'» constitue un élément sérieux de nature à étayer la demande. L'employeur ne fournit pas les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par cette dernière, il convient en conséquence de faire droit à la demande.
Sur les dommages et intérêts réclamés sur le fondement de l'article 1382 :
Compte tenu du fait que le licenciement est justifié, il convient de rejeter la demande.
Sur l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens :
Il est équitable ne pas faire application de l'article 700 du Code de procédure civile.
L'appelante qui succombe en ses prétentions sur les heures supplémentaires sera condamnée aux entiers dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière sociale et en dernier ressort,
Déclare l'appel recevable,
Confirme le jugement sur le rejet de la demande de congés payés et RTT afférents à 2004,
L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau,
Dit que le licenciement pour inaptitude est régulier,
Déboute Madame [M] [N] de ses demandes au titre de l'indemnité de préavis, au titre des congés payés sur le préavis, au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, au titre de l'indemnité pour rupture abusive,
Condamne la CAISSE D'EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DES PAYS DE L'ADOUR à payer à Madame [M] [N] les sommes de 17.824,10 € au titre des heures supplémentaires et 1.782,41 € au titre des congés payés sur les heures supplémentaires,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de procédure civile,
Y ajoutant,
Condamne la CAISSE D'EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE DES PAYS DE L'ADOUR aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Arrêt signé par Madame de PEYRECAVE, Présidente, et par Madame HAUGUEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,