GL/ MC
Numéro 11/ 585
COUR D'APPEL DE PAU 2ème CH-Section 2
Arrêt du 31 janvier 2011
Dossier : 09/ 00371
Nature affaire :
Demande d'indemnisation pour enrichissement sans cause
Affaire :
Claudette X...
C/
Marie-José Y...,
Michel Y...
A R R E T
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 31 janvier 2011, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
* * * * *
à l'audience publique tenue le 6 décembre 2010, devant :
Monsieur PIERRE, Président
Madame LACOSTE, Conseiller, en charge du rapport
Madame BELIN, Conseiller
assistés de Madame MARI, Greffier, présent à l'appel des causes,
les magistrats du siège ont délibéré conformément à la loi.
Grosse délivrée le : à
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
Madame Claudette X...née le 7 février 1953 à ANGLET (64600) de nationalité Française ...64600 ANGLET
représentée par la SCP DE GINESTET/ DUALE/ LIGNEY, avoués à la Cour assistée de Maître Virginie JULLIEN, avocat au barreau de BAYONNE
INTIMES :
Madame Marie-José Y...née le 28 décembre 1964 à BAYONNE (64100) de nationalité Française ...64200 BIARRITZ
Monsieur Michel Y...né le 19 novembre 1962 à BAYONNE (64100) de nationalité Française ... 64200 BIARRITZ
représentés par la SCP P. et C. LONGIN, P. LONGIN-DUPEYRON, O. MARIOL, avoués à la Cour assistés par Maître L'HOIRY, avocat au barreau de BAYONNE
sur appel de la décision en date du 18 septembre 2006 rendue par le Tribunal de Grande Instance de BAYONNE
EXPOSE DU LITIGE
-Faits et procédure-
Mme Claudette X...et M. Michel Y...ont vécu en concubinage, de 1985 à octobre 2001, deux enfants sont nés de cette union.
Par arrêt du 19 mai 2008, auquel il convient de se référer pour l'exposé des faits et de la procédure, la Cour d'appel de Pau a :
- réformé le jugement du jugement du Tribunal de grande instance de Bayonne en date du 18 septembre 2006,
- déclaré Mme X...recevable à fonder son action sur l'enrichissement sans cause,
- écarté sa demande de provision,
- avant dire-droit, ordonné une expertise confiée à M. B...,
- réservé les autres demandes.
Par arrêt du 1er juillet 2009, la Cour de cassation a déclaré irrecevable le pourvoi initié par les Consorts Y....
L'expert commis a déposé son rapport le 26 janvier 2010.
La procédure devant la Cour a été clôturée par ordonnance du 23 novembre 2010.
- Prétentions et Moyens des parties-
Mme Claudette X..., dans ses dernières conclusions en date du 17 novembre 2010, demande à la Cour de :
- condamner solidairement les consorts Y...à lui payer la somme de 19 000 € représentant l'indemnisation de son appauvrissement outre les intérêts légaux, 3000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens et aux frais d'expertise, ceux d'appel étant directement recouvrés par la SCP De Ginestet-Dualé-Ligney en application de l'article 699 du Code de procédure civile.
Mme Marie-José Y...et M. Michel Y..., dans leurs dernières conclusions du 22 novembre 2010, concluent :
- à la confirmation du jugement du Tribunal de grande instance de Bayonne en date du 18 septembre 2006 et la condamnation à la somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. A titre subsidiaire, ils demandent à la Cour de fixer l'appauvrissement de Mme X...à la somme de 4395, 86 €.
DISCUSSION
Par arrêt du 19 mai 2008, la Cour a déclaré recevable l'action de Mme X..., fondée sur l'enrichissement sans cause, à l'encontre de Michel Y...et Marie-José Y...propriétaires d'un immeuble situé .......
Il y a lieu de relever qu'il est constant que M. Y...et sa soeur, Mme Marie-José Y..., sont propriétaires de l'immeuble de Biarritz, par héritage de leur grand-mère, et que le couple " X.../ Y..." y a vécu en procédant à sa rénovation.
Il est constant que l'action fondée sur l'enrichissement sans cause ne doit être admise que dans les cas où, le patrimoine d'une personne se trouvant sans cause légitime enrichi au détriment de celui d'une autre personne, celle-ci ne jouirait pour obtenir ce qui lui est dû d'aucune action naissant d'un contrat, d'un quasi-contrat, d'un délit ou d'un quasi-délit.
Ainsi que l'a relevé l'arrêt de la Cour de cassation du 1er juillet 2009, l'arrêt de la Cour d'appel de Pau du 19 mai 2008 n'a statué que sur la recevabilité de l'action de Mme X...fondée sur l'enrichissement sans cause.
En effet aucun autre fondement juridique ne permettait à Mme X...d'obtenir compensation par les propriétaires des sommes dont elle s'est appauvrie, par l'investissement dans la rénovation de l'immeuble et qui ont enrichi d'autant les propriétaires. Pour autant la Cour n'ayant pas tranché l'objet du litige qui lui était soumis reste saisie des prétentions des parties.
Mme X...doit donc rapporter la preuve de son appauvrissement et de l'enrichissement corrélatif des propriétaires de l'immeuble, parties à la procédure. La particularité du cas d'espèce résultant dans le fait que Mme X...et M. Y...ont partagé 18 années de vie commune, l'appauvrissement devant s'analyser dans ce contexte très particulier.
Initialement Mme X...avait estimé s'être appauvrie de la somme de 29 155, 67 €, par le financement des travaux de rénovation de l'immeuble de Biarritz par des fonds propres, ce qui était contesté par M. Y...et sa soeur, propriétaires de cet immeuble. En cause d'appel, Mme X...ramène sa demande à la somme de 19 000 €.
L'expertise a permis de vérifier certains éléments de fait, en particulier les modalités financières prévalant à l'organisation de la vie commune des concubins. Il résulte des démarches diligentées par l'expert que chacun d'entre eux finançait, par un versement égal de 3500 francs, les comptes joints Caisse d'Epargne et BNP, qui permettaient de faire vivre la famille.
Il est également établi que Mme X...a contracté deux prêts, le 3 janvier 1990, à la Caisse d'Epargne pour un montant de 60 000 francs et de 10760 francs qui ont servi à financer des travaux de rénovation de l'immeuble situé ...et qu'elle en a assumé les remboursements.
La nature de ces prêts, déblocables au vu de factures, l'attestation de M. Y..., datée du 2 décembre 1989, " en cas de séparation avec Melle X..., je continuerai à sa place, à régler, les échéances mensuelles dues à la Caisse d'Epargne des Cinq Cantons et concernant l'emprunt que nous avions pris de décembre 1989 pour des travaux de rénovations concernant la villa ... à Biarritz dont je suis propriétaire " et la remise d'un chèque de 13 000 francs par M. Y...confirment ce financement par des fonds propres. Les dénégations et explications des intimés n'étant pas opérantes au vu de ces éléments de preuve incontestables.
Par ailleurs, il s'évince de l'analyse des éléments figurant en annexe du rapport d'expertise, que M. Y...et Mme X...ont contracté, ensemble, le 3 juin 1999, un prêt à la Caisse d'Epargne de 96 000 francs, ayant servi pour partie à l'acquisition d'un véhicule et pour partie, 39 000 francs, au financement de travaux ainsi qu'un prêt de 64 000 francs dont l'objet et la destination étaient " des travaux sans permis de construire pour le ...à Biarritz ". Il résulte des éléments bancaires que Mme X...assurait ces remboursements au delà de l'avantage en nature que représentait l'occupation de l'immeuble, avec les enfants communs.
De plus, sa participation effective, par un virement mensuel, égal à celui de son concubin, aux dépenses de la famille naturelle, fait que les remboursements d'emprunts constituaient des dépenses exceptionnelles excédant la contribution normale de la vie commune avec M. Y....
Enfin, il ne saurait se déduire des éléments analysés par l'expert la moindre intention libérale envers M. Y...et sa soeur ainsi que l'établit l'attestation datée du 2 décembre 1989.
Pour ces motifs, la Cour estime, contrairement au premier juge, que Mme X...rapporte la preuve de son appauvrissement, sans cause.
Corrélativement, l'expert, par une analyse des améliorations apportées à l'immeuble qui en ont augmenté sa valeur dans des proportions importantes a estimé que les propriétaires de l'immeuble se trouvaient enrichis, après avoir examiné la valeur de l'immeuble au regard du marché local, a évalué cet enrichissement à la somme de 19 000 €. Les critiques apportées par les intimés au rapport de l'expert, ne sont pas pertinentes, l'expert ayant rempli sa mission conformément aux dispositions procédurales et de manière contradictoire.
En conséquence, infirmant la décision du premier juge, la Cour fait droit à la demande de Mme X...et condamne in-solidum M. Y...et Mme Y...à lui payer la somme de 19 000 € avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt fixant la créance.
L'équité commande de ramener à la somme de 1500 € la demande de Mme X...sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Succombant dans leurs prétentions M. Y...et Mme Marie-José Y...supporteront tous les dépens de première instance, d'appel et les frais d'expertise, les dépens d'appel étant directement recouvrés en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant en audience publique, contradictoirement et en dernier ressort,
Vu l'arrêt du 19 mai 2008,
Infirme le jugement du Tribunal de grande instance de Bayonne en date du 18 septembre 2006,
Condamne in solidum M. Michel Y...et Mme Marie-José Y...à payer la somme de 19 000 € à Mme X...avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
Condamne in solidum M. Michel Y...et Mme Marie-José Y...à payer la somme de 1500 € à Mme X...sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamne in solidum M. Michel Y...et Mme Marie-José Y...aux entiers dépens de première instance et d'appel, aux frais d'expertise, les dépens d'appel étant directement recouvrés par la SCP De Ginestet-Duale-Ligney sur le fondement de l'article 699 du Code de procédure civile.
Arrêt signé par Bernard PIERRE, Président et Brigitte MARI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
Brigitte MARIBernard PIERRE