NR/CD
Numéro 877/13
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 28/02/2013
Dossier : 12/02314
Nature affaire :
Contredit
Affaire :
[B] [N]
C/
SIVU AIDE A DOMICILE DE LA PLAINE DE NAY
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 28 Février 2013, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 07 Janvier 2013, devant :
Madame ROBERT, magistrat chargé du rapport,
assistée de Madame HAUGUEL, Greffière.
Monsieur CHELLE, en application des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Madame ROBERT et en a rendu compte à la Cour composée de :
Monsieur CHELLE, Président
Madame ROBERT, Conseiller
Madame PAGE, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
DEMANDEUR :
Monsieur [B] [N]
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représenté par Maître PETRIAT, avocat au barreau de PAU
DÉFENDEUR :
Syndicat Intercommunal à Vocation Unique (SIVU) AIDE A DOMICILE DE LA PLAINE DE NAY
[Adresse 3]
Centre multiservices
[Localité 2]
Comparant en la personne de Madame COURTAND, Présidente, assistée de Maître MALTERRE, avocat au barreau de PAU
sur contredit de la décision
en date du 18 JUIN 2012
rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PAU
Monsieur [B] [N] est engagé par le Syndicat Intercommunal à Vocation Unique AIDE À DOMICILE DE LA PLAINE DE NAY par contrat de travail à durée déterminée en date du 4 février 2010 pour une durée de six mois à compter du 15 février 2010 en qualité d'adjoint administratif 2ème classe.
Par avenant en date du 13 août 2010, le contrat de travail est renouvelé jusqu'au 14 février 2011.
Par lettre en date du 14 avril 2011, le Syndicat Intercommunal à Vocation Unique AIDE À DOMICILE DE LA PLAINE DE NAY confirme à Monsieur [B] [N] la non-reconduction de son contrat C.A.E. qui s'est terminé le 14 février 2011.
Le 6 décembre 2011, Monsieur [B] [N] dépose une requête auprès du Conseil de Prud'hommes de PAU aux fins de :
- requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée faute de comporter la définition précise de son motif,
- dire que la rupture de la relation contractuelle est imputable au Syndicat Intercommunal à Vocation Unique AIDE À DOMICILE DE LA PLAINE DE NAY,
- dire que cette rupture en l'absence de toute procédure de licenciement et d'une lettre de licenciement motivée s'analyse en un licenciement abusif,
- condamner le Syndicat Intercommunal à Vocation Unique AIDE À DOMICILE DE LA PLAINE DE NAY au paiement à Monsieur [B] [N] des sommes suivantes :
indemnité de requalification : 1.648,37 € bruts,
indemnité compensatrice de préavis : 1.648,37 € bruts outre l'indemnité compensatrice y afférente,
indemnité de licenciement : 682,52 € nets,
dommages-intérêts pour irrégularités de la procédure : 1.648,37 €,
dommages-intérêts pour licenciement abusif : 9.890 €,
article 700 du code de procédure civile : 1.500 €,
outre les intérêts au taux légal à compter de la réception par le Syndicat Intercommunal à Vocation Unique AIDE À DOMICILE DE LA PLAINE DE NAY de sa convocation devant le bureau de jugement pour les créances de nature salariale et à compter de la réception de la notification de la décision à intervenir pour les créances en dommages-intérêts,
- ordonner la remise des documents de rupture rectifiés.
Par jugement en date du 18 juin 2012, le Conseil de Prud'hommes de PAU :
- se déclare incompétent et invite les parties à mieux se pourvoir,
- laisse les dépens éventuels à la charge du demandeur.
Monsieur [B] [N] forme contredit par lettre recommandée en date du 25 juin 2012 du jugement qui lui est notifié le 20 juin 2012.
Monsieur [B] [N] demande à la Cour de :
Vu les articles L. 5134-19-1 et suivants et L. 5134-24 du code du travail,
Vu l'article L. 1245-2 du code du travail,
Vu l'article L. 1235-2 du code du travail,
Vu l'article L. 1235-5 du code du travail,
Vu le décret du 15 février 1988,
- infirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de PAU,
- dire que le Conseil de Prud'hommes était compétent pour trancher le litige entre Monsieur [B] [N] et le Syndicat Intercommunal à Vocation Unique AIDE À DOMICILE DE LA PLAINE DE NAY.
En conséquence, sur évocation :
- requalifier le contrat de travail à durée déterminée établi le 4 février 2010 en un contrat de travail à durée indéterminée, faute de comporter la définition précise de son motif,
- dire que la rupture de la relation contractuelle est imputable au Syndicat Intercommunal à Vocation Unique AIDE À DOMICILE DE LA PLAINE DE NAY,
- dire que cette rupture, en l'absence de toute procédure de licenciement et d'une lettre de licenciement motivée, s'analyse en un licenciement abusif,
- condamner le Syndicat Intercommunal à Vocation Unique AIDE À DOMICILE DE LA PLAINE DE NAY à payer à Monsieur [B] [N] les sommes suivantes :
indemnité de requalification : 1.648,37 € bruts,
indemnité compensatrice de préavis : 1.648,37 € bruts outre l'indemnité, compensatrice de congés payés y afférente,
indemnité de licenciement : 682,52 € nets,
dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure : 1.648,37 €,
dommages-intérêts pour licenciement abusif : 9.890 €,
article 700 du code de procédure civile : 2.000 €.
Dans des conclusions écrites, déposées le 4 janvier 2013, reprises oralement, Monsieur [B] [N] conteste la décision d'incompétence rendue par le Conseil de Prud'hommes aux motifs :
- que les contrats aidés de type CUI et CAE sont des contrats de droit privé relevant de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire,
- que la demande de Monsieur [B] [N] tend à la requalification d'un contrat de travail de droit privé en contrat à durée indéterminée,
- que le Conseil de Prud'hommes s'est finalement déclaré compétent pour prononcer la requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée,
- qu'il était donc compétent pour statuer sur les demandes indemnitaires de Monsieur [B] [N].
Il précise que sa demande de requalification est uniquement fondée sur l'absence de mention du CAE dans le contrat de travail à durée déterminée initial et non en raison de la continuation de la relation de travail à durée déterminée au-delà du terme.
Il soutient que le contrat de travail à durée déterminée daté du 15 février 2011 versé aux débats par le Syndicat Intercommunal à Vocation Unique AIDE À DOMICILE DE LA PLAINE DE NAY ne lui a jamais été soumis et qu'il n'a donc pu refuser de le signer.
En tout état de cause, au 15 février 2011, la relation contractuelle était en réalité à durée indéterminée depuis la signature du contrat initial.
La rupture du contrat est donc imputable au Syndicat Intercommunal à Vocation Unique AIDE À DOMICILE DE LA PLAINE DE NAY et totalement abusive.
Âgé de 50 ans, brutalement privé d'emploi et de ressources, il a été placé dans une situation matérielle et psychologique délicate.
Actuellement sans emploi les dommages et intérêts doivent être fixés à la somme de 9.890 €.
Le Syndicat Intercommunal à Vocation Unique AIDE À DOMICILE DE LA PLAINE DE NAY demande à la Cour de :
- dire que le Tribunal Administratif de PAU est seul compétent pour connaître du litige ;
A titre subsidiaire,
- dire que Monsieur [B] [N] est mal fondé dans ses demandes,
- condamner Monsieur [B] [N] au paiement de la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Dans des conclusions écrites, déposées le 19 décembre 2012, reprises oralement, le Syndicat Intercommunal à Vocation Unique AIDE À DOMICILE DE LA PLAINE DE NAY soutient que seule la juridiction administrative est compétente pour tirer les conséquences d'une requalification d'un contrat à durée déterminée lorsque la requalification effectuée par le juge judiciaire a pour conséquence non la réparation du préjudice résultant de la rupture du contrat mais la poursuite d'une relation contractuelle entre le salarié et la personne morale de droit public ;
A titre subsidiaire, le contrat de travail à durée déterminée du 4 février 2010 est dès l'origine un contrat aidé ce que n'ignorait pas le salarié.
En conséquence, ni le contrat initial, ni son avenant ne peuvent encourir la moindre critique, ni a fortiori de requalification.
Il soutient par ailleurs, que le Syndicat Intercommunal à Vocation Unique AIDE À DOMICILE DE LA PLAINE DE NAY lui a proposé un contrat de travail à durée déterminée pour la période du 15 au 28 février 2011 que Monsieur [B] [N] a refusé de signer ; sa mauvaise foi ne fait donc aucun doute et il ne peut aujourd'hui prétendre exploiter une situation dont il est seul à l'origine.
À titre infiniment subsidiaire, Monsieur [B] [N] justifie d'à peine une année d'ancienneté mais de plus, ne justifie d'aucun préjudice particulier.
SUR QUOI
Conformément aux dispositions de l'article L. 5134-24 du code du travail le contrat d'accompagnement dans l'emploi, contrat aidé, est un contrat de droit privé relevant en ce qui concerne sa conclusion, son exécution, sa rupture ou son échéance, de la compétence du Conseil de Prud'hommes, l'employeur serait-il une personne de droit public.
Il appartient en principe à l'autorité judiciaire de se prononcer sur les litiges nés de la conclusion, de l'exécution et de la rupture d'un tel contrat, même si l'employeur est une personne publique gérant un service public à caractère administratif ; il lui incombe à ce titre de se prononcer sur une demande de requalification du contrat.
En l'espèce, Monsieur [B] [N] a saisi la juridiction prud'homale en réparation du préjudice subi du fait de l'irrégularité entachant le contrat de travail à durée déterminée signé le 4 février 2010, en l'absence de motif de recours, ce qui justifie sa requalification et en conséquence son indemnisation du fait de la rupture abusive, à défaut de lettre de licenciement motivée.
Le Conseil de Prud'hommes et désormais la Cour d'Appel n'est donc pas saisie d'un litige mettant en cause la légalité de la convention de droit public passée entre l'État et l'employeur, ni d'une demande tendant à la poursuite d'une relation contractuelle avec le Syndicat Intercommunal à Vocation Unique AIDE À DOMICILE DE LA PLAINE DE NAY, au-delà du terme du contrat ; en conséquence, le juge judiciaire est compétent.
Conformément aux dispositions de l'article L. 5134-24 du code du travail le contrat de travail, associé à une convention individuelle de contrat d'accompagnement dans l'emploi, est un contrat de travail de droit privé, soit à durée déterminée conclu en application de l'article L. 1242-3, soit à durée indéterminée.
Aux termes de l'article L. 1242-3 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée peut être conclu au titre des dispositions légales destinées à favoriser le recrutement de certaines catégories de personnes sans emploi.
Néanmoins, il est constant que ce type de contrat doit comporter la définition précise de son motif, sans que puisse être invoquée la convention passée entre l'employeur et l'Etat, et, qu'à défaut, il doit être réputé conclu pour une période indéterminée.
En l'espèce, le contrat de travail n'indique aucun motif justifiant le recours à un contrat à durée déterminée et ne mentionne nullement qu'il s'agit d'un C.A.E, peu importe qu'une convention ait été signée entre le Syndicat Intercommunal à Vocation Unique AIDE À DOMICILE DE LA PLAINE DE NAY et l'Etat.
En conséquence, le contrat doit être requalifié en contrat à durée indéterminée.
Sur l'indemnité de requalification :
Le contrat de travail requalifié ouvre droit au paiement d'une indemnité de requalification qui ne peut être inférieure à un mois de salaire en application de l'article L. 1245- 2 du code du travail ; il convient d'allouer à Monsieur [N] la somme de 1.648,37 €.
Sur la rupture du contrat de travail :
Le contrat de travail requalifié a été rompu sans qu'ait été respectée la procédure de licenciement et sans qu'ait été énoncée dans une quelconque lettre la cause réelle et sérieuse de ce licenciement et sans respect du délai de préavis ; la rupture s'analyse nécessairement comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Monsieur [B] [N] est fondé en sa demande d'indemnité de licenciement, laquelle sera fixée à la somme de 682,52 € net conformément aux dispositions du décret du 15 février 1988, visé dans son contrat de travail.
Il lui sera également alloué une indemnité de préavis de 1.648,37 € outre l'indemnité de congés payés y afférente soit 164,84 €.
Conformément à l'article L. 1235-5 du code du travail, Monsieur [B] [N] peut prétendre à une indemnité en fonction du préjudice subi.
Eu égard à l'âge du salarié et aux difficultés de reconversion professionnelle rencontrées, il y a lieu d'allouer à Monsieur [B] [N], dans le cadre d'un licenciement abusif, une indemnité pouvant être justement évaluée à la somme de 6.000 €.
Lorsque le licenciement illégitime est indemnisé sur le fondement de l'article L. 1235-5 du code du travail, l'indemnisation ainsi allouée se cumule avec l'indemnité due en cas d'irrégularité de la procédure, soit en l'espèce la somme de 800 €.
Le jugement sera en conséquence infirmé.
Sur les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile :
Il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur [N] l'intégralité des frais engagés, il convient de lui allouer une indemnité de 900 €.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud'homale et en dernier ressort,
Déclare le contredit en date du 25 juin 2012 formé par Monsieur [B] [N] recevable,
Confirme le jugement du Conseil de Prud'hommes de PAU en date du 18 juin 2012 en ce qu'il a requalifié le contrat de travail signé le 4 février 2010 faute de comporter la mention précise de son motif,
L'infirme pour le surplus de ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Rejette l'exception d'incompétence,
Dit que la juridiction judiciaire est compétente pour statuer sur l'indemnité de requalification,
Dit que la juridiction judiciaire est compétente pour statuer sur l'indemnisation du fait de la rupture abusive et irrégulière du contrat de travail à durée déterminée requalifié,
Dit que la rupture du contrat de travail constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Dit que la procédure de licenciement n'a pas été respectée,
Condamne le Syndicat Intercommunal à Vocation Unique AIDE À DOMICILE DE LA PLAINE DE NAY à payer à Monsieur [B] [N] la somme de 1.648,37 € au titre de l'indemnité de requalification,
Condamne le Syndicat Intercommunal à Vocation Unique AIDE À DOMICILE DE LA PLAINE DE NAY à payer à Monsieur [B] [N] la somme de 1.648,37 € brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,
Condamne le Syndicat Intercommunal à Vocation Unique AIDE À DOMICILE DE LA PLAINE DE NAY à payer à Monsieur [B] [N] la somme de 164,84 € au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis,
Condamne le Syndicat Intercommunal à Vocation Unique AIDE À DOMICILE DE LA PLAINE DE NAY à payer à Monsieur [B] [N] la somme de 682,52 € nets au titre de l'indemnité de licenciement,
Condamne le Syndicat Intercommunal à Vocation Unique AIDE À DOMICILE DE LA PLAINE DE NAY à payer à Monsieur [B] [N] la somme de 6.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Condamne le Syndicat Intercommunal à Vocation Unique AIDE À DOMICILE DE LA PLAINE DE NAY à payer à Monsieur [B] [N] la somme de 800 € pour non-respect de la procédure de licenciement,
Condamne le Syndicat Intercommunal à Vocation Unique AIDE À DOMICILE DE LA PLAINE DE NAY à payer à Monsieur [B] [N] la somme de 900 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne le Syndicat Intercommunal à Vocation Unique AIDE À DOMICILE DE LA PLAINE DE NAY aux dépens.
Arrêt signé par Monsieur CHELLE, Président, et par Madame HAUGUEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE,LE PRÉSIDENT,