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13/03/2014 | FRANCE | N°12/00977

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 13 mars 2014, 12/00977


RC/SB



Numéro 14/00959





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 13/03/2014









Dossier : 12/00977





Nature affaire :



Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution















Affaire :



[S] [Z]



C/



SNC LIDL







































RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 13 Mars 2014, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédur...

RC/SB

Numéro 14/00959

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 13/03/2014

Dossier : 12/00977

Nature affaire :

Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution

Affaire :

[S] [Z]

C/

SNC LIDL

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 13 Mars 2014, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 13 Janvier 2014, devant :

Monsieur CHELLE, Président

Madame PAGE, Conseiller

Monsieur GAUTHIER, Conseiller

assistés de Madame HAUGUEL, Greffière.

En présence de Madame COSTES, greffière stagiaire

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

Madame [S] [Z]

[Adresse 2]

[Localité 1]

représenté par Monsieur [W] délégué syndical muni d'un pouvoir

INTIMÉE :

SNC LIDL

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Maître ROBERT-DESPOUY de la SELARL ORACLE AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

sur appel de la décision

en date du 15 FEVRIER 2012

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MONT DE MARSAN

RG numéro : 11/00115

FAITS ET PROCÉDURE

Madame [S] [Z] a été engagée par la société Lidl, société en nom collectif dont le siège est à [Localité 14] et qui exploite de nombreux magasins sur l'ensemble du territoire français, au poste de caissière LS, niveau 2, au magasin de [Localité 3] (Landes), par contrat à durée déterminée à temps partiel en date du 24 juillet 1995, transformé le 18 septembre 1995 en contrat à durée indéterminée. Le 18 septembre 1995, elle a été promue au poste de chef-caissière. La convention collective applicable est la Convention Nationale du commerce de gros à prédominance alimentaire.

Le 6 octobre 2010, le médecin du travail, à la suite d'arrêts pour maladie d'origine non-professionnelle, a déclaré Mme [Z] «'inapte au poste, inapte à tous les postes de l'entreprise. Inaptitude prononcée en une seule visite pour situation de danger immédiat pour la santé si maintien dans l'entreprise'».

Par courriers du 18 novembre 2010, puis du 19 novembre 2010, la société LIDL a proposé à Mme [Z] des reclassements sur différents postes de travail. Par courrier du 2 décembre 2010, la SNC LIDL a constaté le refus de reclassement et a conclu à l'impossibilité de la reclasser au sein de l'entreprise.

Par courrier du 3 décembre 2010, Mme [Z] a été convoquée à un entretien préalable pour le 15 décembre 2010. Elle a fait l'objet d'un licenciement pour inaptitude physique à l'emploi le 20 décembre 2010.

Par requête reçue le 12 avril 2011, Mme [Z] a saisi le conseil de prud'hommes de Mont-de-Marsan pour contester son licenciement et obtenir, outre indemnités de ce chef, la requalification à temps complet de son contrat, un rappel de salaire sur 5 ans, une indemnité au titre des temps de pause, un «'droit au DIF'».

Par jugement en date du 15 février 2012, auquel il y a lieu de renvoyer pour plus ample exposé des faits et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Mont-de-Marsan a ainsi statué':

Dit que le licenciement de Madame [Z] repose sur une cause réelle et sérieuse';

Déboute Madame [Z] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions';

Condamne Madame [Z] à verser à la SNC LIDL 500,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile';

La condamne aux entiers dépens et frais d'exécution';

Par lettre recommandée avec avis de réception mentionnant la date d'expédition du 7 mars 2012 et reçue au greffe de la Cour le 9 mars suivant, Mme [Z] a interjeté appel de la décision.

L'affaire a été fixée à l'audience du 13 janvier 2014 pour laquelle les parties ont été convoquées avec proposition d'un calendrier de procédure.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions écrites déposées le 3 octobre 2013 et reprises oralement, auxquelles il convient de se référer pour le détail de l'argumentation, Mme [Z] demande à la Cour de :

Débouter la SNC LIDL de ses demandes.

D'INFIRMER le jugement du conseil de Prud'hommes de Mont de MARSAN du 15/02/12 dans toutes ses dispositions y compris la condamnation de 500.00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile

STATUANT A NOUVEAU':

Dire et juger, que la SNC LIDL n'a pas satisfait aux obligations de reclassement de l'article L 1226-2 du Code du travail, et que le licenciement ne repose sur aucun caractère réel et sérieux.

Condamner la SNC LIDL à verser à Madame [Z] la somme de 53.600.00 € d'indemnités nettes de CSG et CRDS pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Condamner la SNC LIDL à verser la somme de 11.115.50 € sur le fondement de l'article 3123-14 pour requalification à temps plein

Condamner la SNC LIDL aux CP afférents sur le temps plein 1.115,00 €

Condamner la SNC LIDL à verser à Mme [Z] la somme de 5.000,00 € au titre de dommages et intérêts pour non respect par l'employeur de la législation sur les temps de pauses sur la base de l'article L 3121-33 ainsi que les congés afférents.

Condamner la SNC LIDL au paiement du droit au DIF 1.110,00 €

Condamner la SNC LIDL à verser à Mme [Z] la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du CPC.

Condamner la SNC LIDL aux entiers dépens de l'instance

Débouter la SNC LIDL de ses demandes,

L'appelante soutient':

Sur l'inaptitude et le reclassement, que si l'employeur a bien mis en 'uvre un certain nombre de procédures, il n'a pour autant pas satisfait aux dispositions de l'article L 1226-2 du code du travail'; après avoir rappelé les mesures engagées par l'employeur, elle fait valoir que les propositions de reclassement produites sont toutes adressées à des personnes du sexe masculin'; que la société n'hésite pas à proposer des postes identiques à celui initialement occupé, sans aménagement'; que la société LIDL ne proposera pas tous les postes existant sur la Direction de [Localité 5]'; qu'il existait sur la période concernée deux postes que la société va volontairement cacher (chef caissière sur le magasin de [Localité 12] et assistant approvisionnement sur [Localité 5]) (pièce n° 8/1)'; qu'en ne proposant qu'une partie des soit disant postes de reclassement la société ne respecte pas l'article L. 1226-2 du Code du Travail'; que les propositions sont toutes basées loin de son domicile et surtout dans d'autres régions, avec un niveau d'étude ne correspondant pas à la qualification de Madame [Z]'; que la SNC LIDL ne proposera pas de remise à niveau pour éventuellement pouvoir accéder à ces postes'; que la société LIDL comprend 13 filiales pour lesquelles aucunes recherches n'ont été effectuées ce qui correspond une nouvelle fois à une infraction au code du travail'; qu'un groupe existe et qu'aucune recherche n'a été faite au sein du groupe'; que l'employeur ne justifie pas de son impossibilité de reclasser la salariée'; que l'employeur devait orienter ses recherches de reclassement au regard des indications du médecin du travail'; que la société s'est spécialisée dans le non-remplacement de ses salariés et que la jurisprudence a condamné l'entreprise en diverses régions'; que les postes proposés ne sont pas adaptés à la compétence de Madame [Z]'; que la SNC LIDL propose des postes dans le magasin de [Localité 3] alors que les recommandations du médecin disaient le contraire'; qu'aucune recherche au niveau des filiales ni recherche auprès du groupe n'ont été effectuées'; que Madame [Z] est depuis le 01/12/2010 reconnue travailleur handicapé.

Sur la requalification du contrat à temps partiel en temps plein, que des règles doivent être respectées lors de la conclusion d'un contrat de travail à temps partiel, particulièrement sur la durée hebdomadaire du travail'; que Mme [Z] va effectuer plus de 10% d'heures complémentaires par mois, et plus de 40 % par rapport à son contrat initial, en infraction avec le code du travail et la jurisprudence'; qu'elle travaillera sur cinq jours par semaine matin et après-midi, ce qui ne lui permettra pas de chercher un second emploi pour compléter ses revenus';

Sur les temps de pause, qu'elle conteste les dispositions de l'accord collectif de 1999 qui prévoit pour les salariés à temps partiel en magasin une pause payée et prise fixée à 7 minutes par demi-journée de travail ; que la société commet par cet accord une discrimination par rapport aux temps complet qui bénéficient bien des 3 minutes de pause par heure travaillée'; que la charge de la preuve sur les temps de pause incombe à l'employeur et non l'inverse'; que Mme [Z] est entrée valide et est maintenant reconnue travailleur handicapé';

Sur la demande de paiement du droit au DIF acquis, que, en cas de licenciement (sauf faute lourde), et si le salarié en fait la demande avant la fin du préavis, la somme correspondant au solde du nombre d'heures acquises au titre du DIF et non utilisées, multiplié par le montant forfaitaire fixé pour les formations dans le cadre des contrats de professionnalisation (9,15 €), peut permettre de financer tout ou partie d'une action de bilan de compétences, de validation des acquis de l'expérience ou de formation'; qu'elle avait 15 ans d'ancienneté et demande donc, sur la base d'une réponse ministérielle du 1er février 2011, le paiement de ses droits au DIF de 120 heures x 9,15 euros (montant forfaitaire fixé pour les formations dans le cadre des contrats de professionnalisation) = 1.100 €.

Par conclusions écrites déposées le 8 janvier 2014 et reprises oralement, auxquelles il convient de se référer pour le détail de l'argumentation, la société Lidl demande à la Cour de :

Confirmer dans son intégralité le jugement entrepris.

EN CONSEQUENCE

Débouter Madame [S] [Z] de l'intégralité de ses demandes';

Faire droit à la demande reconventionnelle formulée par la SNC LIDL et condamner Madame [S] [Z] au paiement de la somme de l 500 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre les entiers dépens en ce compris les frais d'exécution.

La société intimée fait valoir :

Sur le licenciement, que le licenciement de Madame [Z] est intervenu dans le droit fil des dispositions légales et jurisprudentielles que la société cite'; que la salariée n'a jamais contesté les avis rendus par le médecin du travail'; après avoir exposé l'organisation de ses magasins, qu'elle'a mené ses recherches de reclassement dans un contexte tout à fait particulier puisque le médecin du travail a répondu à sa demande d'avis qu'il avait été fortement recommandé à Mme [Z] une réorientation professionnelle externe, et qu'il était inutile d'étudier un reclassement interne'; qu'elle a toutefois mené des recherches sur l'ensemble des postes existants au sein de la société'; qu'elle verse aux débats l'ensemble des réponses adressées par les directions régionales'; qu'elle a reçu au total 15 types de postes de reclassement différents au siège ou au sein des directions régionales'; que Mme [Z] a refusé de se rendre à l'entretien de reclassement au cours duquel ces possibilités devaient lui être exposées'; qu'elle aurait alors été informée de la possibilité de bénéficier d'une formation interne pour occuper le poste qui l'intéressait, ce qui lui a été indiqué dans le courrier du 18 novembre 2010 lui présentant les possibilités de reclassement'; qu'un nouveau courrier lui a été adressé le 19 novembre 2010'; en réponse à ses arguments, que toutes les propositions des postes mentionnent «'H/F'», ce qui signifie Homme / Femme'; que le médecin n'a formulé aucune préconisation'; sur l'étendue des recherches, que seules les dispositions légales relatives au licenciement économique prévoient le reclassement au sein du groupe, et que contrairement à ce que soutient Mme [Z], la société Lidl ne fait pas partie d'un groupe de sociétés et encore moins d'un groupe européen'; que le périmètre de recherches de reclassement était donc bien la France uniquement';

Sur la demande de requalification du contrat de travail en contrat à temps plein, que la salariée ne rapporte pas la preuve qu'elle aurait travaillé à temps plein'; que le contrat de travail avec Mme [Z] avait été conclu sous l'empire des anciennes dispositions de la loi du 20 décembre 1993, qui ont été modifiées par la loi du 19 janvier 2000'; que l'erreur de la salariée sur le droit applicable a été relevée par le conseil de prud'hommes'; qu'elle produit un tableau analysant la régularité des contrats de travail de Mme [Z] au regard des dispositions applicables au moment de leur date de conclusion'; que la convention collective prévoit la possibilité de faire réaliser 1/3 d'heures complémentaires, soit plus que les 10% invoquées par la salariée (article 6.8.2 de la CCN, pièce n°159)'; que Mme [Z] n'a jamais informé l'employeur d'un souhait d'exercer un autre emploi, et n'a jamais manifesté son refus d'exécuter des heures complémentaires'; que Mme [Z] verse aux débats 8 plannings de travail qui ne la concernent aucunement'; qu'elle ne rapporte absolument pas la preuve du bien-fondé du montant qu'elle réclame au titre du rappel de salaire'; que les avenants dont elle se prévaut correspondent à des périodes où elle a bénéficié d'une modification temporaire de fonctions, de durée du travail et de rémunération, pour exercer les fonctions du chef de magasin temporairement absent'; que ces avenants «'faisant fonction'» s'inscrivent au surplus dans la logique des nouvelles dispositions légales';

Sur la demande relative aux temps de pause, que Mme [Z] n'a jamais émis la moindre réclamation à ce titre, et qu'elle ne rapporte pas la preuve du bien fondé de ses demandes'; que les dispositions conventionnelles applicables à l'entreprise comme les accords d'entreprises conclus avec les organisations syndicales représentatives sont justement plus favorables que les dispositions légales'; que les salariés ne sont jamais contraints de travailler six heures de manière ininterrompue'; que toute demi-journée de travail, d'un maximum de six heures, entraîne nécessairement l'attribution d'une pause de 7 minutes'; que Mme [Z] a bénéficié en plus d'une indemnité de 30 minutes de prime de pause payée par semaine, qui apparaît sur le bulletin de salaire'; que les «'feuilles de contrôle de temps'» sont régulières au regard des dispositions des articles D 3171-8 et suivants du code du travail'; que la demande de Mme [Z] est non étayée et formulée sur la base de chiffrages erronés';

Sur la demande au titre du DIF, que Madame [Z] sollicite le paiement de ses droits à DIF au motif que la SNC LIDL ne lui aurait pas permis d'en bénéficier pendant une durée équivalente au préavis'; que l'utilisation du droit à DIF n'est pas limitée à la durée du préavis depuis une loi en date du 24 novembre 2009 qui a institué le mécanisme de la portabilité du DIF'; qu'en l'espèce, Madame [Z] ne justifie absolument pas d'avoir voulu bénéficier de son crédit d'heures au titre du DIF et d'en avoir été privée par la faute de la SNC LIDL, ce qui justifierait l'allocation de dommages et intérêts, soit pendant la durée équivalente au préavis, soit pendant sa période d'indemnisation par l'assurance chômage, soit, le cas échéant, chez un nouvel employeur.

La Cour se réfère expressément aux conclusions visées ci-dessus pour un plus ample exposé des moyens de fait et de droit développés par les parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'appel, interjeté dans les formes et délais prescrits par la loi, est recevable.

Sur le fond, plusieurs demandes sont présentées, qui seront examinées successivement':

Sur le licenciement

Mme [Z] a fait l'objet d'un licenciement notifié par lettre du 20 décembre 2010, pour inaptitude physique à l'emploi, refus des postes de reclassement proposés et impossibilité de proposer un autre poste de reclassement.

Il est constant qu'à la suite de plusieurs arrêts pour maladie d'origine non professionnelle, Mme [Z] a été déclarée inapte à son poste et inapte à tous les postes de l'entreprise par le médecin du travail, sous signature du Dr [X], du service de santé au travail des Landes, et ce en une seule visite qui a eu lieu en date du 6 octobre 2010 (pièce n° 11 de l'employeur, et n° 4 de la salariée).

Il résulte de l'article L. 4624-1 du code du travail, que l'avis émis par le médecin du travail, seul habilité à constater une inaptitude au travail, peut faire l'objet tant de la part de l'employeur que du salarié, d'un recours administratif devant l'inspecteur du travail ; qu'en l'absence d'un tel recours cet avis s'impose aux parties.

En l'espèce, aucun recours n'a été exercé par Mme [Z] ou la société Lidl à l'encontre de l'avis du médecin du travail, de sorte que l'inaptitude n'est contestée ni en elle-même ni comme cause du licenciement.

Il résulte des dispositions de l'article L. 1226-2 du code du travail que lorsque, à l'issue des périodes de suspension consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, transformations de poste de travail ou aménagement du temps de travail.

Le licenciement ne peut être prononcé que si l'employeur justifie, dans ces conditions, soit de l'impossibilité où il se trouve de proposer un emploi, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé.

Mme [Z] soutient que la société Lidl n'a pas satisfait aux dispositions de l'article L 1226-2 du code du travail, en faisant notamment valoir que les propositions de reclassement faites ne sont pas loyales et sérieuses, avec les arguments ci-dessus repris.

La société Lidl, en réponse, fait d'abord observer que, par lettre du 28 octobre 2010 (sa pièce n° 13) que le médecin du travail a répondu à sa demande du 18 octobre 2010 en déclarant que la salariée était inapte aux catégories de postes envisagées (préparatrice de commande, employée administrative, caissière ELS, chef caissière dans un autre centre Lidl), et que «'il a été fortement recommandé à Mme [Z] une réorientation professionnelle externe. Par conséquent, il est inutile pour vous et pour moi d'étudier un reclassement interne dans votre groupe.'»

L'employeur expose avoir quand même entrepris de rechercher un poste de reclassement pour Mme [Z].

En effet, l'avis du médecin du travail déclarant un salarié inapte à tout emploi dans l'entreprise, ne dispense pas l'employeur, quelle que soit la position prise par le salarié, de rechercher des possibilités de reclassement par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail au sein de l'entreprise et, le cas échéant, du groupe auquel elle appartient.

L'employeur justifie de ses recherches de reclassement auprès du siège de la société et des différentes directions régionales qui gèrent les magasins (ses pièces 14, 16 à 37)..

C'est ainsi que l'employeur expose que sa direction régionale de [Localité 4] avait reçu en réponse à ses demandes 15 types de postes de reclassement différents':

Au siège de la société': assistant service audit'; employé administratif service achats'; secrétaire technique'; assistant service trésorerie'; auditeur interne interrégional.

Au sein des directions régionales': 2 postes de chef caissière ([Localité 7])'; postes de préparateur de commandes et chef caissière ([Localité 13])'; employé administratif achats ([Localité 11])'; préparateur de commandes ([Localité 8])'; préparateur de commandes ([Localité 10])'; employé administratif service approvisionnement (Vars)'; préparateur de commandes ([Localité 6])'; caissière ELS (DR [Localité 4], magasins de [Localité 2], [Localité 3] et [Localité 9]).

Il est constant que Mme [Z] a refusé par écrit de se rendre à l'entretien de reclassement que lui proposait la société Lidl pour le 17 novembre 2010, au cours duquel l'employeur comptait lui exposer les propositions de reclassement et de formation adéquate le cas échéant (pièce n° 39 de l'employeur). La société lui a alors adressé ces propositions par écrit (sa pièce n° 40).

Mme [Z] n'est pas fondée à soutenir que l'employeur lui proposait des postes contraires aux recommandations du médecin du travail, alors que ce médecin avait refusé d'envisager de formuler des recommandations pour un reclassement interne. De même, elle n'est pas fondée à soutenir que les postes n'auraient pas été adaptés à sa compétence, alors même qu'elle omet de considérer qu'une offre de formation lui était faite pour le cas où elle aurait opté pour un poste nécessitant des compétences qu'elle n'avait pas.

La société démontre aisément que la critique selon laquelle elle n'aurait proposé que des postes masculins à une femme n'est pas fondée, les postes proposés portant la mention «'H/F'», c'est-à-dire homme ou femme.

Ainsi, c'est à juste titre que la société Lidl oppose qu'elle voit mal comment reclasser une salariée': Déclarée inapte à tous postes dans l'entreprise en une seule visite'; Pour laquelle le médecin du travail indique qu'il est inutile de faire des recherches de reclassement'; Qui ne souhaite pas entendre la présentation des postes de reclassement proposés'; Qui ne répond pas aux propositions de reclassement qui lui sont formulées.

Mme [Z] critique enfin le périmètre des recherches de reclassement en soutenant d'une part que la société Lidl possède 13 filiales au sein desquelles aucune recherche n'a été effectuée, et d'autre part que la société Lidl appartient à un groupe européen.

La société Lidl oppose sans être démentie que les sociétés filiales invoquées sont des sociétés civiles immobilières, propriétaires d'immeubles et qui n'emploient pas de personnel.

S'agissant du groupe européen invoqué, la société Lidl oppose, là encore sans être démentie, qu'elle n'a que deux associés, les sociétés de droit allemand AMRS WARENHADEL GmbH, et LIDL STIFTUNG&CO VERWALTHUNGS GmbH, qui n'emploient pas de salariés et n'exercent pas de contrôle dominant, et qu'il n'existe aucun échange de personnel entre elle et d'autres sociétés.

Ainsi, le périmètre de reclassement était bien limité à la France et à la société Lidl.

Il en résulte que l'employeur a rempli son obligation de rechercher un reclassement de sa salariée déclarée inapte, en lui proposant un choix sensiblement important de postes, et il est constant que Mme [Z] a refusé ces offres de reclassement.

Dès lors son licenciement était justifié, en application du texte cité ci-dessus, et c'est à bon droit que le conseil de prud'hommes, dont le jugement sera confirmé, a jugé que le licenciement de Mme [Z] reposait sur une cause réelle et sérieuse.

Sur la demande de requalification du contrat à temps partiel en temps plein

Mme [Z] demande la requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet. Elle fait valoir qu'elle va effectuer plus de 10% d'heures complémentaires par mois, allant 40 % par rapport à son contrat initial, en infraction avec le code du travail et la jurisprudence'; qu'elle effectuait plus de 35 heures par semaine et même 42 heures, et qu'un avenant ne permet pas de déroger à l'interdiction.

La société Lidl oppose que les différents contrats et avenants signés avec Mme [Z] étaient conformes à la législation et la réglementation applicables au moment de leur signature. La société objecte notamment à bon droit que l'avenant du 1er septembre 1995, qui a transformé le contrat à durée déterminée initial en contrat à durée indéterminée, prévoit expressément que «'toutes les autres conditions de votre contrat demeurent inchangées'», de sorte qu'il ne saurait lui être fait grief que la répartition du temps de travail n'aurait pas été prévue par écrit.

Mme [Z] invoque notamment des avenants à son contrat de travail qui l'aurait conduite à dépasser non seulement son temps partiel, mais encore la durée légale d'un travail à temps plein (ses pièces produites sous le n° 16/1).

Toutefois, l'employeur oppose à juste titre qu'il s'agit d'avenants dits «'avenants faisant fonction'», qui permettent à une chef caissière d'occuper les fonctions de son chef de magasin temporairement absent. Dans ce cas, non seulement la durée du travail est modifiée, mais également la rémunération et les fonctions.

La possibilité pour un salarié de remplacer provisoirement son supérieur absent est expressément prévue à l'article 4-4.3 de la convention collective.

Ainsi, c'est à bon droit que l'employeur objecte que ces avenants ne viennent pas seulement modifier la durée du travail, et qu'il s'agit alors d'un nouveau contrat conclu pour une durée limitée pour de nouvelles fonctions.

Il n'est pas allégué par la salariée qu'elle aurait refusé d'exécuter ces fonctions de chef de magasin, ni qu'elle aurait été contrainte de les accepter.

Dans ces conditions, les périodes au titre de ces «'avenants faisant fonction'» ne peuvent entrer dans les critères d'appréciation d'un dépassement d'horaire justifiant une requalification du contrat en contrat à temps plein.

Il n'est pas contesté que la salariée a régulièrement accompli des heures complémentaires.

L'employeur se prévaut sur ce point de l'article 6.8.2 de la convention collective.

Aux termes de ce texte, et plus précisément de l'article 6.8.2.1 alinéa 2, lorsque des heures complémentaires sont prévues au contrat, elles pourront être effectuées dans la limite du tiers de la durée hebdomadaire ou mensuelle du travail mentionnée audit contrat.

Mme [Z] n'articule pas davantage ses prétentions, et ne précise pas si et à quelle période elle aurait accompli des heures complémentaires d'un quantum supérieur à celui prévu par la convention collective. Elle omet également de s'expliquer sur la répartition de ces heures.

Si des heures complémentaires apparaissent sur les bulletins de paie de Mme [Z] produits aux débats, leur répartition n'apparaît pas sur ces documents. Ainsi, il peut seulement être constaté sur les bulletins qu'elle produit (ses pièces sous le n° 17/1) qu'elle a, par exemple, accompli pour 2010 les heures complémentaires suivantes': 1,25 heure en janvier, 3,50 heures en avril, 5,20 heures en juin, et 6,75 heures en juillet, les autres mois n'étant pas fournis.

Le contrat étant conclu pour 22 heures par semaine (pièce n° 1 de la salariée et n° 1 de l'employeur), ces heures complémentaires n'excèdent pas la limite prévue par la convention collective.

Il n'est donc pas établi que les heures complémentaires accomplies par Mme [Z], ni par leur quantum, ni par leur répartition, n'auraient pas été conformes au code du travail, à la convention collective ou à son contrat de travail, ni qu'elles l'auraient contrainte à rester à la disposition de son employeur, l'empêchant ainsi de rechercher un autre travail pour compléter son temps partiel.

C'est donc à juste titre que le conseil de prud'hommes a rejeté sa demande de requalification de son contrat en contrat à temps plein, et le jugement doit être confirmé sur ce point.

Sur la demande relative aux temps de pause

Mme [Z] demande à la cour d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes qui a rejeté ce chef de demande et de faire droit à sa demande de dommages et intérêts au titre des temps de pause non pris et de l'incidence que ce déficit de temps de pause aura eu sur sa santé, en lui allouant la somme de 5.000,00 € ainsi que 500,00 € de congés afférents.

Elle fait valoir qu'elle conteste les dispositions de l'accord collectif de 1999 qui prévoit pour les salariés à temps partiel en magasin une pause payée et prise fixée à 7 minutes par demi-journée de travail'; que la société commet par cet accord une discrimination par rapport aux temps complet qui bénéficient bien des 3 minutes de pause par heure travaillée'; que la charge de la preuve sur les temps de pause incombe à l'employeur et non l'inverse.

La société Lidl oppose que les dispositions conventionnelles applicables à l'entreprise comme les accords d'entreprises conclus avec les organisations syndicales représentatives sont justement plus favorables que les dispositions légales'; que les salariés ne sont jamais contraints de travailler six heures de manière ininterrompue'; que toute demi-journée de travail, d'un maximum de six heures, entraîne nécessairement l'attribution d'une pause de 7 minutes'; que Mme [Z] a bénéficié en plus d'une indemnité de 30 minutes de prime de pause payée par semaine, qui apparaît sur le bulletin de salaire'; que les «'feuilles de contrôle de temps'» sont régulières au regard des dispositions des articles D 3171-8 et suivants du code du travail'; que la demande de Mme [Z] est non étayée et formulée sur la base de chiffrages erronés.

Il résulte des dispositions de l'article L. 3121-33 du code du travail, pris pour l'application de l'article 4 de la directive 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail, recodifiée par la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003, que dès que le temps de travail quotidien atteint 6 heures, le salarié bénéficie d'un temps de pause d'une durée minimale de 20 minutes.

Les dispositions de l'article L. 3171-4 du code du travail relatives à la répartition de la charge de la preuve des heures de travail effectuées entre l'employeur et le salarié ne sont pas applicables à la preuve du respect des seuils et plafonds, prévus tant par le droit de l'Union européenne que par le droit interne, qui incombe à l'employeur.

En l'espèce, l'employeur ne démontre pas avoir respecté les temps de pause prévus par l'article L. 3121-33 du code du travail, ce qui caractérise le préjudice causé à la salariée.

Il doit donc être fait droit à la demande de celle-ci sur ce point.

Sur le chiffrage, Mme [Z] développe sans être autrement contredite par l'employeur, qui se limite à affirmer sans le démontrer que la demande de la salariée serait formulée sur la base de chiffrages erronés, que pour la durée de travail inscrite à son contrat, 135 heures, son préjudice se calcule ainsi': 135 x 3 minutes = 405 minutes soit 6 heures 45 par mois de pause, alors qu'elle ne prend que 7 minutes sur trois jours et 14 minutes sur deux jours, soit 196 minutes par mois ou 3 heures et 26 minutes.

Elle parvient ainsi à un résultat de 209 heures sur 5 ans, qu'elle chiffre à 2.'246,75 € par la formule 209 x 10,75 €.

Par ailleurs, ce chiffrage correspond au calcul d'une indemnité pour compenser les temps de pause non pris en violation des dispositions légales et réglementaires. Mais, le temps de travail de Mme [Z], qu'il s'agisse de temps de pause non pris ou de temps réellement travaillé, a de toute façon généré nécessairement les congés payés afférents, de sorte qu'elle n'est pas fondée à demander une somme supplémentaire au titre de congés payés sur cette indemnité.

Ainsi, c'est une somme de 2.245,75 € qui doit être allouée à Mme [Z] en réparation de son préjudice à ce titre, et le jugement du conseil de prud'hommes sera infirmé en ce sens.

Sur la demande au titre du DIF

Madame [Z] sollicitait le paiement de ses droits à DIF, en invoquant une réponse ministérielle du 1er février 2011, à raison de 120 heures x 9,15 € (montant forfaitaire fixé pour les formations dans le cadre des contrats de professionnalisation) = 1.100 €.

Toutefois, à l'audience, son conseil déclare qu'elle ne soutient plus cette demande.

Il résulte des dispositions de l'article L. 6323-9 du code du travail que la mise en 'uvre du droit individuel à la formation relève de l'initiative du salarié, en accord avec son employeur.

C'est à bon droit que la société Lidl oppose à la demande que l'utilisation du droit à DIF n'est pas limitée à la durée du préavis depuis une loi en date du 24 novembre 2009 qui a institué le mécanisme de la portabilité du DIF. Il s'avère au surplus que Mme [Z] ne justifie pas d'avoir voulu bénéficier de son crédit d'heures au titre du DIF et d'en avoir été privée par la faute de la société Lidl, soit pendant la durée équivalente au préavis, soit pendant sa période d'indemnisation par l'assurance chômage, soit, le cas échéant, chez un nouvel employeur.

Dans ces conditions c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes a rejeté sa demande de ce chef.

Sur les autres demandes

Chacune des parties succombe partiellement en ses prétentions. Il n'y a donc pas lieu à faire ici application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et, pour les mêmes motifs, chacune des parties gardera à sa charge les dépens d'appel qu'elle aura engagés.

La demande relative aux frais d'exécution, présentée ici par la société Lidl avec celle relative aux dépens dont elle est pourtant distincte, n'est pas motivée, et, outre qu'elle concerne des frais futurs seulement hypothétiques, n'apparaît pas pertinente à ce stade de la procédure, faute de préciser davantage les frais qu'elle vise, étant observé que la loi met déjà par principe les frais d'une exécution forcée à la charge du débiteur.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement, contradictoirement, en matière prud'homale et en dernier ressort,

Déclare l'appel recevable en la forme,

Confirme le jugement rendu entre les parties par le conseil de prud'hommes de Mont-de-Marsan en date du 15 février 2012

SAUF en ce qu'il a rejeté la demande de Mme [Z] au titre de l'indemnité pour temps de pause non pris,

L'infirme sur ce point, et, statuant à nouveau,

Condamne la société Lidl à payer à Mme [Z] la somme de 2.245,75 € en réparation de son préjudice au titre des temps de pause non pris,

Dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du Code de Procédure Civile en cause d'appel,

Dit que chaque partie conservera à sa charge les dépens d'appel qu'elle aura engagés.

Dit n'y avoir lieu ici à statuer sur des frais d'exécution.

Arrêt signé par Monsieur CHELLE, Président, et par Madame HAUGUEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12/00977
Date de la décision : 13/03/2014

Références :

Cour d'appel de Pau 3S, arrêt n°12/00977 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2014-03-13;12.00977 ?
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