CP/CD
Numéro 14/00962
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 13/03/2014
Dossier : 12/01092
Nature affaire :
Demande d'annulation d'une décision d'un organisme
Affaire :
Société MAS
C/
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE HAUTE GARONNE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 13 Mars 2014, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
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APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 13 Janvier 2014, devant :
Monsieur CHELLE, Président
Madame PAGE, Conseiller
Monsieur GAUTHIER, Conseiller
assistés de Madame HAUGUEL, Greffière.
En présence de Madame COSTES, greffière stagiaire.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
Société MAS
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 2]
Représentée par Maître BOURGERIE, avocat au barreau de PAU, loco Maître LASMARI, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE HAUTE-GARONNE
prise en la personne de Monsieur [J] [D], Directeur
[Adresse 1]
[Localité 1]
Comparante en la personne de Madame [V] [X], munie d'un pouvoir régulier
sur appel de la décision
en date du 13 FÉVRIER 2012
rendue par le TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE DE PAU
RG numéro : 20100288
FAITS ET PROCÉDURE
La Société MAS a saisi la Commission de Recours Gracieux de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie pour que lui soit déclarée inopposable la prise en charge du 10 mars 2008 par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Haute-Garonne au titre des risques professionnels de la tendinopathie de la coiffe des rotateurs de l'épaule droite (tableau numéro 57) développée par son salarié,'Monsieur [W] [O] déclarée le 2 octobre 2007, la Commission a, par décision du 9 septembre 2010, rejeté la demande et la Société MAS a saisi le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale le 13 octobre 2010.
Par jugement du 13 février 2012, le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de Pau a confirmé la décision de la Commission de Recours Amiable du 9 septembre 2010 qui a confirmé l'opposabilité à l'égard de la Société MAS des conséquences financières de la maladie professionnelle de Monsieur [W] [O].
La Société MAS a interjeté appel de ce jugement le 27 mars 2012 dans des conditions de forme et de délais qui ne sont pas discutées.
Les parties ont comparu à l'audience la Société MAS par représentation de son conseil, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Haute-Garonne par Madame [X] suivant pouvoir du 3 décembre 2013.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions déposées le 16 septembre 2013 et développées à l'audience, la Société MAS demande à la Cour de déclarer l'appel recevable, d'infirmer le jugement, de lui déclarer inopposable la prise en charge de la maladie professionnelle de Monsieur [W] [O] du 2 octobre 2007.
Elle fait valoir que la décision de la Caisse relève de la compétence exclusive du Directeur qui a le pouvoir conformément aux dispositions de l'article R. 122-3 de déléguer sous sa responsabilité une partie de ses pouvoirs à certains agents de l'organisme ; qu'en l'espèce, la décision de prise en charge n'émane pas du Directeur de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie mais de « votre correspondant risque professionnel », Madame [R] [N]'», que cet agent n'a pas le pouvoir de prendre en charge une maladie au titre des risques professionnels en l'absence de délégation expresse de pouvoir, qu'il convient de dire de ce chef la décision de prise en charge inopposable à l'employeur ; qu'au surplus, le délai de prise en charge n'a pas été respecté dans la mesure où ce délai, pour une tendinopathie de la coiffe des rotateurs est de sept jours, que Monsieur [W] [O] a été exposé au risque à compter du 25 juin 2007 de sorte que le délai de prise en charge est dépassé et que le dossier aurait dû donc être transmis au Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles par application des dispositions de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale ainsi qu'il ressort de l'enquête diligentée par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie elle-même ; que le rapport a été établi le 12 février 2009 soit près d'un an après la décision de prise en charge alors que les conditions de la prise en charge doivent être appréciées à la date de la décision de prise en charge et non sur la base d'éléments recueillis a posteriori. La Caisse s'est fondée sur l'avis du médecin conseil retenant le 25 juin 2007 comme date de première constatation médicale de la maladie alors qu'aucune pièce ne fixe au 25 juin 2007 la date de la première constatation puisque au contraire, la fiche de liaison retient le 2 octobre 2007 comme date de la première constatation médicale. Enfin, elle indique qu'elle n'a pas disposé d'un délai suffisant pour venir consulter les pièces du dossier, qu'elle n'a reçu que le mardi 26 février un courrier daté du 21 février 2008 lui indiquant que l'instruction du dossier étant terminée, la décision interviendra le 7 mars 2008, qu'elle n'a donc eu que sept jours ouvrables pour venir consulter les pièces du dossier et présenter ses observations de sorte que le délai n'est pas suffisant pour garantir le respect du contradictoire ; qu'elle a sollicité le 3 mars une copie des pièces du dossier que la Caisse n'a pas souhaité lui adresser estimant que l'employeur avait déjà, au cours de l'instruction fait connaître ses observations et communiqué tous les éléments qu'il jugeait utiles, que l'appréciation du caractère raisonnable du délai ne s'étend pas jusqu'à la date réelle de prise en charge puisque le délai imparti dans la lettre est expiré et que l'employeur n'avait pas été avisé de la prorogation.
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Par conclusions déposées le 5 décembre 2013 et développées à l'audience, la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Haute-Garonne demande à la Cour de confirmer le jugement, de débouter la Société MAS de l'ensemble de ses prétentions, de la condamner à payer la somme de 800 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que Monsieur [W] [O] est employé en qualité de coffreur bancheur, que selon certificat médical établi le 2 octobre 2007, il présentait une pathologie de l'épaule droite en rapport avec son activité professionnelle ; que le 8 octobre, une déclaration de maladie professionnelle faisant état d'une tendinopathie de la coiffe des rotateurs droite a été établie au titre du tableau numéro 57 A des maladies professionnelles, qu'elle a donc procédé à différentes mesures d'instruction et, à l'issue de l'enquête, relevant que le certificat médical initial du 2 octobre 2007 avait été établi au-delà du délai de prise en charge de sept jours, elle avait interrogé le service médical sur la date de la première constatation médicale qui lui avait répondu que la première constatation médicale datait du 25 juin 2007, de telle sorte que la condition relative au délai de prise en charge de sept jours est respectée puisque le délai de prise en charge correspond à la période au cours de laquelle, après la fin de l'exposition au risque, l'état pathologique doit se révéler et être médicalement constaté ; qu'en l'espèce, le certificat médical établi avant la cessation d'exposition au risque, même s'il n'a pas été transmis peut constituer une première constatation de maladie professionnelle et le délai de prise en charge court à compter de la première constatation médicale qui atteste de l'existence de l'affection qui peut être antérieure au certificat joint à la déclaration de maladie professionnelle, qu'ici, le médecin-conseil s'est fondé sur une radiographie et une échographie du 25 juin 2007 dont il a retranscrit le contenu dans son rapport d'évaluation du taux d'incapacité permanente « tenosynovie exsudative du long tendon bicipital au niveau de la gouttière humérale. tendinopathie inflammatoire du sus épineux et du long tendon bicipital », ces pièces étaient couvertes par le secret médical et résultent aujourd'hui tant du rapport d'évaluation du taux d'IPP du médecin-conseil que du rapport d'expertise diligenté à la demande Tribunal du contentieux de l'incapacité de Toulouse ; qu'elle produit en outre, une attestation de versement des indemnités journalières ainsi qu'un avis d'arrêt de travail à compter du 27 juin 2007 qu'elle a donc informé par lettre recommandée du 21 février l'employeur de la clôture de l'instruction, de la possibilité qu'il avait de venir consulter le dossier, que la décision serait prise le 7 mars 2008, qu'enfin la décision de prise en charge est du 10 mars 2008.
Elle précise qu'en matière de risques professionnels, la Caisse instruit le dossier sans préciser l'identité du signataire, qu'il ne peut être sérieusement exigé d'un Directeur chargé de l'ensemble des attributions administratives de satisfaire lui-même à la totalité de celles-ci, qu'il suffit que le destinataire soit en mesure de connaître l'organisme à l'origine de la décision pour assurer la validité de l'acte, que la signature par le Directeur des décisions rendues en matière de risques professionnels n'est pas exigée par les textes et que la Société MAS ne rapporte pas la preuve que cette éventuelle irrégularité lui ferait grief ou porterait atteinte à ses droits, que d'ailleurs, sous l'empire de la législation antérieure au décret du 29 juillet 2009, la décision de prise en charge était seulement notifiée à l'assuré.
Enfin, sur le caractère contradictoire de la procédure, elle rappelle que la Caisse n'a pas l'obligation d'adresser l'intégralité du dossier, que l'employeur a été pleinement associé à l'instruction pendant laquelle il a fait valoir ses observations, il a été informé de la fin de l'instruction, de la date à compter de laquelle la décision serait prise et de la possibilité qu'elle avait de venir consulter le dossier, qu'il a bénéficié de 7 jours ouvrables pour venir consulter le dossier, que ce délai est apprécié souverainement par les juges du fond qui au regard de la longueur de l'enquête apparaît comme éminemment raisonnable ; que de plus, il existe plus de 10 jours francs entre la réception de l'avis de fin d'instruction le 26 février 2008 et la décision de reconnaissance de la maladie professionnelle le 10 mars 2008 de telle sorte que si la décision avait été prise sous l'empire de la nouvelle législation, il aurait été considéré que le caractère contradictoire du débat était parfaitement respecté.
La Cour se réfère expressément aux conclusions pour l'exposé des moyens de fait et de droit.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de l'appel :
L'appel formalisé dans les délais et formes requis est recevable.
Au fond,
Sur le défaut de pouvoir du signataire de la prise en charge :
« Les Caisses Primaires d'Assurance Maladie sont des organismes de droit privé dirigés par un Directeur investi de pouvoirs propres qui peut, conformément aux dispositions réglementaires déléguer à titre permanent sa signature.
En vertu de l'article R. 122-3 du code de la sécurité sociale, le Directeur assure le fonctionnement de l'organisme sous le contrôle du Conseil d'Administration. Il peut déléguer, sous sa responsabilité, une partie de ses pouvoirs à certains agents de l'organisme ».
En l'espèce, la décision contestée est une décision de prise en charge d'une maladie au titre de la législation professionnelle, signée par « le correspondant risques professionnels, Madame [R] [N]'». Celle-ci n'est pas régie par les dispositions des articles D. 253-1 et suivants mais bien par l'article R. 122-3 du code de la sécurité sociale qui ne prévoit aucun formalisme. Le courrier de notification de la prise en charge est en-tête de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie et la salariée signataire est identifiée comme le «correspondant Risques Professionnels», ce qui établit qu'elle détient une délégation de pouvoir du Directeur de la Caisse concernée pour valablement prendre les décisives de prise en charge au titre de la législation professionnelle et qui est attesté par le Directeur en pièce 12 du dossier.
Sur le délai de prise en charge :
Le délai de prise en charge pour une tendinopathie de la coiffe des rotateurs est de sept jours à compter de la cessation de l'exposition au risque.
Si le certificat médical initial du 2 octobre 2007 a été établi au-delà du délai de prise en charge de sept jours ainsi que l'ont constaté chacune des parties, il résulte des investigations de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Haute-Garonne qu'en fait, la maladie de Monsieur [W] [O] est apparue pendant la période d'exposition au risque. Le médecin-conseil s'est fondé sur une radiographie et une échographie du 25 juin 2007 dont il a retranscrit le contenu dans son rapport d'évaluation du taux d'incapacité permanente « tenosynovie exsudative du long tendon bicipital au niveau de la gouttière humérale, tendinopathie inflammatoire du sus épineux et du long tendon bicipital » corroboré par un avis d'arrêt de travail à compter du 27 juin 2007 et une attestation de versement des indemnités journalières à compter de cette date.
Il ressort par ailleurs des pièces produites par l'employeur et des observations qu'il a faites dans le rapport d'enquête du service accident du travail de la Caisse Primaire et de son propre rapport d'enquête qu'il évoque l'arrêt de travail du mois de juin 2007 et précise que le salarié a cessé le travail en fin d'après-midi en se plaignant de l'épaule ainsi que le rapportent les témoins entendus dans le cadre de l'enquête sur un accident de travail qu'il a déclaré et qui n'a pas été retenu par les services de la Caisse, que le certificat médical indique « traumatisme de l'épaule droite avec impotence fonctionnelle... » que si l'accident du travail déclaré n'a pas été retenu, il n'est pas contestable que la maladie de Monsieur [W] [O] est apparue pendant la période d'exposition au risque.
Le délai de prise en charge court à compter de la première constatation médicale qui atteste de l'existence de l'affection qui peut être antérieure au certificat joint à la déclaration de maladie professionnelle, l'argument sera rejeté.
Sur le caractère contradictoire de la procédure :
En application de l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale et afin d'assurer le respect du principe du contradictoire la Caisse est tenue, avant de se prononcer sur le caractère professionnel d'un accident ou d'une maladie, d'informer l'employeur de la fin de la procédure d'instruction, de la possibilité de consulter le dossier et de faire des observations et de la date à compter de laquelle elle prévoit de prendre sa décision.
Il y a lieu de déterminer le nombre de jours utiles laissés à l'employeur pour venir consulter le dossier, la lettre est datée du 21 février 2008, reçue le 26 février 2008, la décision devait être prose à compter du 7 mars, elle a été prise le 10 mars 2008.
Il n'est pas contesté que la Société MAS a bénéficié de 7 jours ouvrables pour venir consulter le dossier et présenter ses observations, la Caisse n'est pas tenue de lui adresser le dossier en communication.
Par conséquent, il y a lieu de dire qu'il a été laissé un délai suffisant à la Société MAS pour faire valoir ses observations préalablement à la décision de la Caisse, ce délai a permis de garantir le respect du principe du contradictoire, de sorte que la décision de la Caisse relative à la prise en charge de la maladie de Monsieur [W] [O] au titre de la législation professionnelle doit être déclarée opposable à la Société MAS.
Sur l'article 700 du code de procédure civile :
Il serait inéquitable de laisser à la charge de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Haute-Garonne les frais par elle exposés et non compris dans les dépens, la Cour lui alloue à ce titre la somme de 800 €.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière de sécurité sociale et en dernier ressort,
Déclare l'appel recevable,
Confirme le jugement,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
Y ajoutant,
Condamne la Société MAS à payer à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Haute-Garonne la somme de 800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Monsieur CHELLE, Président, et par Madame HAUGUEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE,LE PRÉSIDENT,