CP/CD
Numéro 14/04019
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 20/11/2014
Dossier : 14/00224
Nature affaire :
Demande d'indemnités ou de salaires
Affaire :
CARMI DU SUD-OUEST
C/
[V] [X]
M. LE PRÉFET DE RÉGION
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 20 Novembre 2014, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
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APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 24 Septembre 2014, devant :
Madame PAGE, magistrat chargé du rapport,
assistée de Madame DEBON, faisant fonction de Greffière.
Monsieur CHELLE, en application des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Madame PAGE et en a rendu compte à la Cour composée de :
Monsieur CHELLE, Président
Madame PAGE, Conseiller
Monsieur GAUTHIER, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
CARMI DU SUD OUEST
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Maître FOULON-CHATEAU, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMÉS :
Madame [V] [X]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Comparante et assistée de Monsieur MOUCHET, délégué syndical, muni d'un pouvoir régulier
M. LE PRÉFET DE RÉGION
Préfecture de [Localité 1]
[Adresse 3]
[Localité 1]
Non comparant, non représenté
sur appel de la décision
en date du 18 DÉCEMBRE 2013
rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DÉPARTAGE DE PAU
RG numéro : F 12/00346
FAITS ET PROCÉDURE
Madame [V] [X] a été employée par la Société de Secours Minière F 49 devenue aujourd'hui la CARMI-SO ou CAISSE RÉGIONALE DES MINES DU SUD-OUEST le 22 avril 1968 en qualité d'employée principale. Elle a fait valoir ses droits à la retraite le 1er juin 1991.
Un protocole d'accord transactionnel a été conclu le 24 novembre 2003 entre les parties aux termes duquel Madame [V] [X] a perçu la somme de 8.000 € à la suite de la saisine du conseil de prud'hommes.
Madame [V] [X] a saisi le conseil de prud'hommes le 16 mai 2012 pour obtenir le versement de la retraite complémentaire CREA dont elle aurait dû bénéficier depuis la fin de son activité, par application de l'article 34 de la convention collective nationale des personnels des Sociétés de Secours Minière et de leurs unions régionales relative aux retraites complémentaires qui devra être calculée à dire d'expert pour le rappel de sa retraite avec réversion sur le conjoint :
20 000 € à titre de dommages et intérêts,
500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle a sollicité une astreinte de 100 € par jour de retard ainsi que le versement des intérêts
Le conseil de prud'hommes de Pau, section activités diverses, par jugement de départage réputé contradictoire du 18 décembre 2013, auquel il conviendra de se reporter pour plus ample exposé des faits, des moyens et de la procédure a déclaré la demande recevable, dit que l'article 34 de la convention collective aurait dû être appliqué, en conséquence, il a ordonné une expertise, commis pour y procéder Monsieur [J] [W] avec pour mission de calculer les droits mensuels au régime des prestations de retraite supplémentaire servis par la CREA du 21 janvier 1977 au 1er juin 1991 en application de l'accord cadre signé le 28 février 1995 et tels qu'ils auraient dû être pré-calculés à cette date et calculer leur valorisation mensuelle jusqu'au moment de la retraite effective et son montant pour les années suivantes, mis à la charge de la CARMI-SO une provision de 1.000 €.
Il a condamné La CARMI-SO au paiement de la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et réservé les dépens.
La CARMI-SO a interjeté appel de ce jugement le 13 janvier 2014.
Madame [V] [X] a comparu à l'audience assistée de Monsieur [O], délégué syndical, la CARMI-SO était représentée par son conseil, Monsieur le Préfet de région n'était ni présent, ni représenté.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
La CARMI-SO par conclusions déposées le 25 avril 2014 développées à l'audience demande à la cour de déclarer l'appel recevable, d'infirmer le jugement, de déclarer Madame [V] [X] irrecevable en sa demande et de la condamner au paiement de la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
La CARMI-SO soulève l'autorité de la chose jugée de la transaction signée le 24 novembre 2003 ainsi que cela est mentionné en son article 4, l'article 2 précisant par ailleurs «'que la somme allouée de 8.000 € est destinée à réparer les préjudices de toute nature' comme conséquence de l'absence d'application de l'article 34 de la convention collective et à mettre un terme définitif à toute contestation concernant l'application des dispositions de l'article 34 de la convention collective'» qui évoque les différents régimes de retraite ce qui inclut nécessairement le régime de retraite complémentaire CREA ; elle ajoute que Madame [V] [X] ne démontre pas que le fondement de ses prétentions est né ou a été révélé postérieurement et ne saurait prétendre ni ne démontre qu'elle n'avait pas connaissance de l'existence de la CREA puisque de nombreux autres salariés avaient déjà avant cette date fait valoir en justice leurs droits au titre de cette retraite complémentaire, que la demande est donc irrecevable.
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Par conclusions déposées le 7 juillet 2014 et développées à l'audience, Madame [V] [X] demande à la Cour de confirmer le jugement.
Madame [V] [X] fait valoir que la transaction n'a pas pu porter sur ses droits à la retraite complémentaire du régime CREA dont elle ignorait l'existence et qui n'était pas citée dans l'article 34 de la convention collective, il s'agit donc d'une demande nouvelle dont l'objet est distinct qui ne peut être couverte par la transaction qui est recevable. Elle indique qu'elle est fondée à demander à la Cour de sanctionner l'attitude fautive de l'employeur sur qui repose la charge de la preuve de l'information des salariés et qui s'est comporté de manière parfaitement déloyale en dissimulant l'existence de cette retraite complémentaire, en ne cotisant pas à cette dernière, en n'appliquant pas le pré-calcul prévu en 1994 et en multipliant les recours.
La Cour se réfère expressément aux conclusions visées plus haut pour l'exposé des moyens de fait et de droit.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il résulte de l'article 2048 du code civil que les termes d'une transaction doivent être interprétés restrictivement et de l'article 2052 du même code que les transactions ont entre les parties l'autorité de la chose jugée en dernier ressort.
Aux termes de l'article 481 du code de procédure civile, le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche.
L'autorité de la chose jugée ne couvre donc que les éléments portant sur le désaccord préalable entre les parties, sur l'existence ou l'étendue de leurs droits.
L'article 2 de la transaction signée le 24 novembre 2003 précise «'que la somme allouée de 8.000 € est destinée à réparer les préjudices de toute nature' comme conséquence de l'absence d'application de l'article 34 de la convention de la convention collective et à mettre un terme définitif à toute contestation concernant l'application des dispositions de l'article 34 de la convention collective'».
L'article 34 de la convention collective ne fait pas mention de l'existence de la CREA et du droit à la perception de cette retraite complémentaire, les litiges de l'époque ne portaient que sur l'alignement des cotisations de la retraite sur la base de 8 % et du régime UNIRS et la salariée peut légitimement alléguer qu'elle en ignorait l'existence.
En l'espèce, il est constant que la SSMF 49 n'a pas appliqué à son personnel les régime de retraite complémentaire et de prévoyance de la SNEA(P), lui préférant d'autre régime moins onéreux pour elle et moins avantageux pour ses salariés. Il résulte de l'ensemble des procédures dont la Cour a eu à connaître que l'existence du régime de la CREA a été volontairement cachée par l'employeur à son personnel qui n'en a eu connaissance de manière incidente qu'à partir du début de l'année 2007, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la connaissance que pouvait avoir la salariée de l'intégralité de ses droits ce qu'il ne fait pas, l'autorité de la chose jugée de la transaction ne peut donc valablement lui être opposée.
Il convient en conséquence de déclarer sa demande recevable et de confirmer le jugement sur ce point.
Au fond,
L'accord cadre du 28 février 1995 prévoit que les droits potentiels au 31'décembre 1994 de tous les salariés présents à cette date dans les sociétés affiliées, quelle que soit leur ancienneté, feront l'objet d'un pré-calcul. Ce pré-calcul sera converti en pension si, lors de la liquidation de ces retraites, le salarié a accompli au moins 15 ans de service avant ou après 1994 dans les sociétés concernées.
Cette période est exempte de cotisations salariées pour le régime CREA aux termes de la brochure concernant les régimes de prévoyance et de retraite, édition 1992 à l'en-tête d'ELF AQUITAINE.
Madame [V] [X] remplit la condition d'ancienneté de 15 ans dans l'entreprise, son préjudice est donc équivalent à cette allocation retraite par application de l'article 34 de la convention collective signée le 21 janvier 1977 qui lui aurait été versée si la CARMI-SO avait tenu ses engagements contractuels et avait souscrit au régime CREA pour la période allant du 21 janvier 1977 au 31 décembre 1994, la salariée ayant accompli plus de 15 ans de service dans la société.
Il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné une expertise à l'effet de calculer ses droits pour cette période mais de le réformer sur le montant de la provision allouée à l'expert.
Sur la demande de dommages et intérêts :
La CARMI-SO n'a pas adhéré à l'accord cadre du 28 février 1995 et n'a pas affilié les membres du personnel ayant au moins 1 an d'ancienneté dans l'entreprise, ce qui est le cas de Madame [V] [X] pour avoir été embauchée depuis le 22 avril 1968 au 1er juin 1991.
La CARMI-SO a volontairement dissimulé à ses salariés les informations qu'elle était tenue de leur délivrer concernant leur droit à bénéficier de la retraite complémentaire, il convient dès lors de confirmer le jugement sur le principe de la condamnation à des dommages et intérêts mais de le réformer sur le quantum et de la condamner à payer la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.
Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :
Il serait inéquitable de laisser à la charge de Madame [V] [X] les frais par elle exposés et non compris dans les dépens, la Cour lui alloue à ce titre la somme de 500 €.
Les dépens seront réservés en fin d'instance.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, en matière sociale et en dernier ressort,
Déclare l'appel recevable,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf sur le quantum des dommages et intérêts et la provision allouée à l'expert,
Condamne la CARMI-SO à payer à Madame [V] [X] la somme de 3.000 € pour résistance abusive,
Dit que dans le délai d'un mois à compter de la présente décision, la CARMI-SO devra consigner au greffe de la Cour d'Appel (à l'ordre du Régisseur) la somme de 3.000'€ destinée à garantir le paiement des frais et de la rémunération définitive de l'expert,
Y ajoutant,
Condamne la CARMI-SO à payer à Madame [V] [X] la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Réserve les dépens en fin d'instance.
Arrêt signé par Monsieur CHELLE, Président, et par Madame HAUGUEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE,LE PRÉSIDENT,