DT/SB
Numéro 17/05044
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 21/12/2017
Dossier : 15/00667
Nature affaire :
Demande d'indemnités ou de salaires
Affaire :
[V] [A]
C/
URSSAF AQUITAINE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 21 Décembre 2017, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 16 Octobre 2017, devant :
Madame THEATE, magistrat chargé du rapport,
assistée de Madame HAUGUEL, greffière.
Madame THEATE, en application des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame THEATE, Présidente
Madame COQUERELLE, Conseiller
Madame NICOLAS, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [V] [A]
[Adresse 1]
[Adresse 2]
Comparant assisté de Maître DUPUY, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉE :
URSSAF AQUITAINE
[Adresse 3]
[Adresse 4]
[Adresse 5]
Représentée par Maître COULAUD de la SELARL COULAUD & PILLET, avocat au barreau de BORDEAUX
sur appel de la décision
en date du 23 JANVIER 2015
rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BAYONNE
RG numéro : F12/00389
FAITS PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Monsieur [V] [A] a été recruté par l'URSSAF de BAYONNE le 24 avril 1977 en qualité de technicien.
Après avoir bénéficié d'une formation, il a obtenu le diplôme de cours des cadres le 17 avril 1981.
Selon note de service du 11 mai 1981, il a bénéficié d'un échelon conventionnel de 4 % en application de l'article 32 de la Convention collective du personnel des organismes de sécurité sociale.
Le 1er octobre 1982, Monsieur [V] [A] a été nommé en qualité d'agent de contrôle employeur.
A compter du mois d'octobre 1983 les échelons de l'article 32 dont il bénéficiait ont été supprimés.
Le 03 octobre 2012, Monsieur [V] [A] a saisi le conseil de prud'hommes de BAYONNE d'une demande en rappels de salaires et d'indemnités de repas dirigée contre l'URSSAF D'AQUITAINE venant aux droits de l'URSSAF des PYRENEES ATLANTIQUES.
La tentative de conciliation ayant échoué, l'affaire et les parties ont été renvoyées devant la formation de jugement où le salarié a augmenté et complété ses demandes ainsi qu'il suit :
* condamner l'URSSAF D'AQUITAINE venant aux droits de l'URSSAF des PYRENEES ATLANTIQUES à lui payer la somme de 10.546,07 € à titre de rappel de salaires, demande fondée sur l'article 32 de la Convention collective du personnel des organismes de sécurité sociale somme arrêtée au 31 décembre 2013 ;
* condamner l'URSSAF D'AQUITAINE venant aux droits de l'URSSAF des PYRENEES ATLANTIQUES à régulariser le rappel de salaire dû à Monsieur [V] [A] sur le fondement de l'article 32 de la Convention collective précitée à la date du jugement à intervenir et à établir à compter de cette date, le salaire qui lui est dû majoré de 14 points correspondant aux deux augmentations de 2% soit 4 % appliquées au coefficient 350 ;
* condamner l'URSSAF D'AQUITAINE venant aux droits de l'URSSAF des PYRENEES ATLANTIQUES à payer à Monsieur [V] [A] les sommes suivantes :
- 46.128,54 € à titre de rappel de salaires, demande fondée sur l'article 23 de la Convention collective du personnel des organismes de sécurité sociale arrêtée au 31 décembre 2013, somme à actualiser à la date à laquelle le jugement sera rendu ;
- 2.982,97 € au titre du remboursement des frais de repas ;
- 25.000 € à titre de dommages et intérêts ;
* condamner l'URSSAF D'AQUITAINE venant aux droits de l'URSSAF des PYRENEES ATLANTIQUES à payer à Monsieur [V] [A] la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile outre les dépens.
L'URSSAF D'AQUITAINE venant aux droits de l'URSSAF des PYRENEES ATLANTIQUES a conclu au débouté du demandeur de l'ensemble de ses prétentions.
Par jugement du 23 janvier 2015, auquel il conviendra de se reporter pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, le conseil de prud'hommes de BAYONNE, section encadrement, statuant en formation paritaire, a :
- dit que les demandes de Monsieur [V] [A] n'étaient ni fondées ni justifiées et a débouté le demandeur de l'ensemble de ses prétentions ;
- dit qu'il n'y avait pas lieu de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- dit que chaque partie supporterait la charge de ses propres dépens
Par lettre recommandée avec accusé de réception portant la date d'expédition du 19 février 2015, Monsieur [V] [A] a fait appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 28 janvier 2015.
Par conclusions enregistrées le 06 octobre 2017 au greffe, reprises oralement à l'audience du 16 octobre 2017 et auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, Monsieur [V] [A] demande à la cour :
* de juger que la 'promotion' de l'article 33 de la Convention collective n'entraîne pas la suppression des échelons accordés au titre de l'article 32 pour les agents diplômés du cours des cadres ;
* de juger que l'URSSAF AQUITAINE viole le principe d'égalité ;
* de juger à titre principal que Monsieur [V] [A] est en droit de bénéficier d'un rappel de salaire au titre de l'article 32 de la Convention collective ;
* de juger à titre subsidiaire que Monsieur [V] [A] est en droit de prétendre à des dommages et intérêts pour préjudice subi du fait de défaut de versement des sommes au titre de l'article 32 de la Convention collective ;
* de juger que l'URSSAF AQUITAINE s'est rendue coupable d'exécution déloyale du contrat de travail en violation de l'article L 1222-1 du Code du travail ;
* de condamner en conséquence l'URSSAF AQUITAINE venant aux droits de l'URSSAF des PYRENEES ATLANTIQUES au versement des sommes suivantes :
- à titre principal sur l'article 32 :
° 12.606,14 € à titre de rappel de salaire en application de l'article 32 de la Convention collective du personnel des organismes de sécurité sociale (décompte individuel actualisé en décembre 2016) ;
° 1.260,61€ d'indemnité compensatrice de congés payés au prorata ;
° 454,05 € à titre de complément sur les indemnités versées en septembre 2016 (indemnité de départ à la retraite, 14ème mois et prime de vacances ;
- à titre subsidiaire sur l'article 32 :
° 40.000 € à titre de dommages et intérêts pour perte de bénéfice de l'article 32 ;
- en toute hypothèse :
° 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du Code du travail (article L 1222-1 du Code du travail) ;
° 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
* d'ordonner la délivrance des bulletins de paie rectifiés pour la période allant d'octobre 2007 à septembre 2016 inclus, faisant apparaître les rappels au titre de l'article 32 de la Convention collective, sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;
* de condamner l'URSSAF AQUITAINE aux entiers dépens.
Sur l'application de l'article 32 de la Convention collective du personnel des organismes de sécurité sociale
Monsieur [V] [A] expose que la Convention collective du personnel des organismes de sécurité sociale organisait pour les agents de l'URSSAF et notamment pour les titulaires du diplôme du cours des cadres, des modalités d'avancement (à l'ancienneté et au mérite) qui ont évolué dans le temps.
Au regard de la date de sa nomination, il relevait des textes antérieurs au protocole applicable à compter du 1er janvier 1993, qui distinguait trois types d'avancement :
- un avancement à l'ancienneté (article 29 de la Convention collective) ;
- un avancement 'au choix' fondé sur le mérite tel que reconnu par la hiérarchie (article 29 précité) ;
- un avancement 'de choix' automatiquement accordé au titre de l'article 32 du fait de l'obtention du diplôme national organisé par la FNOSS et par l'UNCAF, puis par l'UCANSS.
Le litige porte exclusivement sur le bénéfice attendu au regard des stipulations conventionnelles (attribution d'un échelon de 4%), de l'obtention du diplôme national.
Monsieur [V] [A] reproche à l'URSSAF AQUITAINE d'avoir supprimé cet avantage par une lecture erronée de l'article 33 de la Convention. L'appelant fait surtout valoir que ce faisant l'URSSAF AQUITAINE a méconnu le principe d'égalité de traitement dans la mesure où :
* d'une part de nombreux salariés placés dans la même situation que lui ont continué à bénéficier de cet échelon après leur nomination en qualité d'inspecteur de recouvrement (ou se sont vu rétablir dans leurs droits), la circonstance que ces agents relèvent d'autres URSSAF que l'URSSAF AQUITAINE étant indifférente dès lors que la formation des agents comme le diplôme en cause sont nationaux de même que l' agrément des inspecteurs et leur périmètre d'intervention (national) ;
* d'autre part l'U.C.A.N.S.S qui coordonne l'ensemble des organismes participant au recouvrement général du régime de sécurité sociale, et dont les décisions 's'appliquent de plein droit dès lors qu'ils sont d'application automatique d'un accord collectif national', a, à la suite des arrêts rendus par la Cour de cassation sur l'application des articles 32 et 33 émis un avis favorable à la régularisation de la rémunération des agents placés dans la même situation que lui, sans distinction par rapport à la date de nomination des inspecteurs.
Monsieur [V] [A] invoque en outre la jurisprudence de nombreuses cours d'appel qui ont fait droit aux demandes d'inspecteurs relevant, comme lui, des textes antérieurs au protocole applicable à compter du 1er janvier 1993, en jugeant que la suppression des échelons résultant d'une promotion de l'agent (article 33 de la Convention collective) ne concernait que des avancements 'au choix'(fondé sur le mérite) et non les avancements 'de choix' (accordés au titre de l'article 32 du fait de l'obtention du diplôme national).
Monsieur [V] [A] ajoute que dans la mesure où l'URSSAF reconnaît désormais aux agents ayant obtenu leur diplôme après l'entrée en vigueur du protocole de 1992, le maintien du bénéfice de cet échelon de 4 %, le principe d'égalité de traitement commande que ce bénéfice soit également accordé à ceux qui l'ont obtenu avant, ce que la cour de cassation a également eu l'occasion de rappeler à plusieurs reprises dans des affaires ayant précisément trait à l'application de l'article 32 de la Convention collective du personnel des organismes de sécurité sociale.
Selon Monsieur [V] [A] les arrêts cités par l'URSSAF AQUITAINE ne sont pas significatifs en ce qu'ils ne statuent pas sur le moyen tiré de l'inégalité de traitement entre agents relevant de la même catégorie professionnelle.
Sur l'argument de l'URSSAF AQUITAINE tiré de l'absence de préjudice financier, Monsieur [V] [A] le conteste rappelant que :
* lors de la transposition de 2005 (consécutive à un nouveau protocole d'accord du 30 novembre 2004), les échelons acquis antérieurement (notamment par application de l'article 32) ont été pris en compte pour la détermination du nombre de points de rémunération (article 9 du protocole) ;
* la circonstance que Monsieur [V] [A] avait atteint le plafond d'avancement conventionnel (40% du salaire) est sans incidence dès lors que ce plafonnement ne concernait que les points d'expérience professionnelle et non les points de compétence ;
* dans une note sur 'les opérations de transposition et la mesure d'accompagnement' l'UCANSS a clairement expliqué que les échelons de l'article 32 étaient convertis en prime provisoire ayant vocation, dans le cadre des opérations de transposition de s'ajouter 'pour son montant antérieur' à la nouvelle rémunération, le seul cas de disparition de la prime provisoire étant celui d'une promotion sur un poste de cadre postérieurement aux opérations de transposition (qui ne correspond pas à l'évolution professionnelle de Monsieur [V] [A]).
Il évalue la perte de salaire subie à 12.606,14 € (outre l'indemnité de congés payés afférente de 1.260,61 €) et l'incidence de cette perte sur les indemnités versées lors de son départ en retraite (indemnité de départ à la retraite, 14ème mois, primes de vacances) à 454,05 €.
Subsidiairement il évalue le préjudice subi intégrant les pertes précédemment énoncées le préjudice moral lié au défaut de bénéfice de l'article 32, la violation du principe d'inégalité de traitement et la perte de droits à la retraite à 45.000 €.
Sur les dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
Monsieur [V] [A] expose que l'employeur a non seulement refusé de régulariser sa situation mais a également refusé toute discussion, ce qui caractérise selon le salarié une exécution déloyale du contrat de travail dont il demande réparation.
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Dans le dernier état de ses conclusions enregistrées le 20 septembre 2017 au greffe, reprises oralement à l'audience du 16 octobre 2017 et auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des prétentions et moyens, l'URSSAF AQUITAINE demande à la cour :
* de confirmer le jugement dont appel ;
* de débouter Monsieur [V] [A] de l'ensemble de ses demandes comme non fondées ni justifiées ;
* de condamner Monsieur [V] [A] au paiement d'une somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
Sur l'application des articles 32 et 33 de la Convention collective du personnel des organismes de sécurité sociale
L'URSSAF AQUITAINE rappelle les accords conventionnels régissant l'avancement de ses agents, qui se sont succédé de 1976 à janvier 2005 et la jurisprudence à laquelle ils ont donné lieu.
Elle approuve l'analyse des stipulations conventionnelles (article 32 et 33 dans leur rédaction du 08 février 1957) qui est faite par la Cour de cassation, et désapprouve celle qui découle de l'application du principe d'égalité de traitement entre les inspecteurs relevant du protocole d'accord du 14 mai 1992 applicable à compter du 1er janvier 1993, au motif que 'le raisonnement de la Cour de cassation conduit à faire application à des salariés ayant réussi l'examen avant le 1er janvier 1993, d'un texte conventionnel qui n'existait pas à cette date simplement sur un article précis qui leur serait défavorable et ce au mépris de l'équilibre général du texte' en soulignant que les récentes décisions de la cour de cassation laissent envisager une évolution de l'incidence du temps écoulé et du contexte social, économique.., sur l'évolution de la norme, qui serait de nature à justifier une différence de traitement.
En tous cas, elle considère qu'il appartient à la cour d'apprécier si les différences de traitement induites par l'application successive des deux versions de ces textes, n'étaient pas justifiées par des raisons objectives tenant notamment à l'évolution de l'équilibre conventionnel du fait des modifications importantes voulues par les partenaires sociaux dans le cadre du protocole susvisé.
En l'occurrence, l'employeur soutient que le protocole de 1992 aurait instauré un dispositif de rémunération très différent du dispositif antérieur, destiné à valoriser l'accroissement des compétences, qui rendrait 'caduque' toute comparaison entre les situations de salariés avant et après la prise d'effet du protocole d'accord négocié par les partenaires sociaux.
Enfin, l'URSSAF AQUITAINE relève que Monsieur [V] [A] se situe au-dessus de la moyenne de coefficient de rémunération de ses collègues de même niveau (hors points d'ancienneté), en soulignant que l'appréciation de la différence de traitement ne peut se fonder sur un seul élément de la rémunération mais doit prendre en compte l'ensemble de ses composantes.
En conclusion, l'intimée soutient que c'est par une stricte application de la convention collective que les échelons au choix qui avaient été attribués à Monsieur [V] [A] après l'obtention de son diplôme ont été supprimés lorsqu'il a été nommé au poste d'agent de contrôle étant souligné que la rémunération du salarié a bien évidemment été majorée du fait de cette promotion.
Subsidiairement, elle souligne qu'aussi bien dans le régime antérieur que dans le régime postérieur au protocole du 14 mai 1992, l'accord conventionnel stipulait un plafond (40 % du salaire) à l'avancement conventionnel qui englobait tous les types d'avancement et que l'appelant avait atteint lorsque la transposition a été faite au 1er janvier 2005. Elle déduit que la suppression des 4 % au titre de l'article 32 n'a eu aucune incidence sur le calcul de sa rémunération redéployée conformément aux dispositions du protocole d'accord du 30 novembre 2004.
Quant au préjudice moral allégué il serait 'fort improbable', Monsieur [V] [A] ayant attendu plus de 30 ans pour contester les conditions de son recrutement et de ses conséquences.
Sur l'exécution déloyale du contrat de travail
L'URSSAF AQUITAINE rappelle qu'elle n'a été saisie qu'en 2011 des réclamations des inspecteurs dans un contexte jurisprudentiel incertain qu'elle n'a fait preuve d'aucune mauvaise foi, que ne démontre pas Monsieur [V] [A]. L'intimée conclut en conséquence au débouté du salarié de cette demande.
MOTIFS
Pour une bonne compréhension du litige, il importe de rappeler le régime conventionnel d'avancement auquel était soumis Monsieur [V] [A] ainsi que son parcours professionnel.
Selon les dispositions des articles 29, 32 et 33 de la Convention collective nationale du personnel des organismes de sécurité sociale dans leur version du 08 février 1957 :
Article 29 :
' il est institué dans chaque catégorie d'emploi, un tableau d'avancement comportant 10 échelons de 4 % du salaire d'embauche de l'emploi considéré. L'avancement du personnel à l'intérieur des catégories d'emplois s'effectue par le double système de l'ancienneté et du choix, sans pouvoir dépasser 40 % du salaire d'embauche de l'emploi considéré. L'avancement à l'ancienneté est fixé au maximum à 40 % du salaire d'embauche. Il s'acquiert par échelon de 4 % tous les deux ans. L'avancement au choix, effectue par échelons de 4 % du salaire d'embauche.'
Article 32 :
' les agents diplômés au titre de l'une des options du Cours des Cadres de l'Ecole nationale organisée par la F.N.O.S.S. et l'U.N.C.A.F. obtiennent un échelon de choix de 4 % à effet du premier jour du mois qui suit la fin des épreuves de l'examen. Si, malgré leur inscription au tableau de promotion dans les conditions prévues à l'article 34 ci-après, les agents diplômés du coût des cadres n'ont pas obtenu effectivement leur promotion après deux ans de présence, soit au sein du même organisme, soit après mutation dans un autre organisme, il leur est attribué un nouvel échelon de choix de 4 % .En cas de dépassement du plafond d'avancement tel qu'il est prévu à l'article 29, le surplus sera attribué sous la forme d'une prime provisoire . »
Article 33 :
' en cas de promotion dans une catégorie ou échelon d'emplois supérieur, les échelons d'avancement à l'ancienneté sont maintenus, étant entendu qu'ils doivent être calculés sur la base du nouveau salaire de titularisation. Par contre, les échelons au choix sont supprimés . »
Monsieur [V] [A] qui avait été recruté par l'URSSAF de BAYONNE le 24 avril 1977 en qualité de technicien, a obtenu le diplôme de Cours des Cadres le 17 avril 1981.Conformément aux stipulations de l'article 32 précité, il a, dès le mois de mai 1981 bénéficié d'un échelon conventionnel de 4 % en application de l'article 32 de la Convention collective du personnel des organismes de sécurité sociale.
Ayant été nommé agent de contrôle employeur le 1er octobre 1982, l'échelon de l'article 32 dont il bénéficiait a été supprimé à compter du mois d'octobre 1983.
Contrairement à ce que soutient Monsieur [V] [A] la suppression, lors de sa promotion, de l'échelon de 4 % dont il bénéficiait depuis l'obtention de son diplôme résulte d'une stricte application de l'article 33 précité, la distinction opérée entre échelon 'au' choix (correspondant prétendument aux échelons attribués au mérite qui auraient seuls été concernés par l'application de l'article 33) et échelon 'de' choix (réservé aux échelons attribués aux agents diplômés de l'une des options du Cours des Cadres exclus du champ d'application de l'article 33) ayant été jugée artificielle et contraire à la lettre comme à l'esprit des articles précités.
Monsieur [V] [A] est en conséquence mal fondé à se prévaloir d'une inapplication ou d'une mauvaise application de l'accord en vigueur au moment où il a été promu.
A la suite d'un protocole du 14 mai 1992 appliqué à compter du 1er janvier 1993, les articles 29, 32 et 33 de la convention ont été modifiés ainsi qu'il suit :
Article 29 :
'Le système d'avancement conventionnel comprend 20 échelons de 2 % du salaire résultant du produit du coefficient de l'emploi tenu, par la valeur du point. L'avancement du personnel dans son emploi s'effectue dans la limite de 40 % du salaire tel que défini ci-dessus, dans les conditions suivantes :
a) - l'avancement conventionnel est acquis à raison de 2 % par année (au sens de l'article 30). Ces échelons s'appliquent une fois révolue la deuxième année suivant l'entrée de l'agent dans l'institution.
b) - toutefois, jusqu'à 24 %, l'avancement conventionnel peut passer de deux à 4 % par an, les 2 % supplémentaires résultant de l'appréciation portée annuellement par la hiérarchie. Ces échelons s'appliquent une fois révolue la troisième année suivant l'entrée de l'agent dans l'institution.
c) - Au-delà de 24 % et jusqu'à 40 %, l'avancement conventionnel est acquis à raison de 2 % par an.'
Article 32 :
'Les agents diplômés au titre de l'une des options du cours des cadres organisé par l'U.C.A.N.S.S. obtiennent deux échelons d'avancement conventionnel de 2 % à effet du premier jour du mois qui suit la fin des épreuves de l'examen . Si malgré leur inscription au tableau de promotion dans les conditions prévues à l'article 34 ci-après, les agents diplômés du cours des cadres n'ont pas obtenu de promotion après deux ans de présence soit au sein du même organisme, soit après mutation dans un autre organisme, il leur est attribué deux nouveaux échelons de 2 %.'
Articles 33 :
' Toute promotion dans un niveau de qualification supérieur intervient en principe dans l'ordre d'un tableau de promotion sur lequel figurent les agents que leurs notes et leurs appréciations de leur responsable hiérarchique destinent à un niveau de qualification supérieur. En cas de promotion, les échelons supplémentaires d'avancement conventionnel acquis dans l'emploi précédent sont supprimés.
Les autres échelons d'avancement conventionnel acquis sont maintenus, étant entendu qu'ils doivent être calculés sur la base du nouveau salaire correspondant au nouveau coefficient.'
Il importe de préciser, qu'au terme d'une évolution jurisprudentielle relative à l'interprétation de l'article 33 de la convention dans la rédaction applicable à compter du 1er janvier 1993, la Cour de Cassation a dit que les agents relevant de l'application du protocole de 1992, devaient continuer à bénéficier des échelons qualifiés par l'article 32 'd'échelons d'avancement conventionnel' acquis du fait de l'obtention du diplôme précité, à la suite de leur promotion, puisque seuls 'les échelons supplémentaires d'avancement conventionnel' de l'article 29 étaient concernés par l'application de l'article 33.
Cette analyse du protocole du 14 mai 1992 a été acceptée par l'URSSAF qui l'a mise en oeuvre et a procédé aux régularisations qui en découlaient au profit des inspecteurs de recouvrement qui avaient obtenu leur diplôme après le 1er janvier 1993.
Monsieur [V] [A] en déduit que dans la mesure où l'URSSAF reconnaît désormais aux agents ayant obtenu leur diplôme après l'entrée en vigueur du protocole de 1992, le maintien du bénéfice de cet échelon de 4 %, le principe d'égalité de traitement commande que ce bénéfice soit également accordé à ceux qui l'ont obtenu avant, ce que la cour de cassation a également eu l'occasion de rappeler à plusieurs reprises dans des affaires ayant précisément trait à l'application de l'article 32 de la Convention collective du personnel des organismes de sécurité sociale.
Pour s'opposer à la demande de Monsieur [V] [A] fondée sur la différence injustifiée de traitement, l'URSSAF AQUITAINE ne conteste pas que les inspecteurs de recouvrement relevant du texte de 1957 d'une part et ceux qui relèvent du protocole du 14 mai 1992 d'autre part : appartiennent à la même catégorie professionnelle exécutent les mêmes tâches dans des conditions d'emploi identiques, ont tous passé le même diplôme, ni que la survenance d'un même événement (la promotion) entraîne pour les uns (ceux qui relèvent du texte de 1957) la suppression de l'avantage conventionnel lié à l'obtention d'un même diplôme, alors qu'elle est sans incidence pour les autres (ceux qui relèvent du protocole du 14 mai 1992). La différence de traitement étant établie, il convient de reprendre les moyens invoqués par l'URSSAF pour la justifier. Elle fait valoir à cet égard :
- qu'accorder aux salariés diplômés avant le 1er janvier 1993 le bénéfice de l'échelon de 4 % reviendrait à les faire bénéficier d'un texte qui n'existait pas lorsqu'ils ont passé ce diplôme.
Ce raisonnement ne peut cependant être suivi dans la mesure où il ne s'agit pas d'accorder à des salariés un avantage qui n'existait pas au moment où ils remplissaient les conditions pour l'obtenir, puisque l'avantage litigieux était bien prévu dans les textes antérieurs à celui de 1992 (article 32) et que Monsieur [V] [A] en a même bénéficié un mois après l'obtention de son diplôme. La question qui se pose ici n'est pas celle de l'attribution de l'avantage mais des conditions de sa suppression, qui instaurent la différence de traitement en cause. Dès lors aligner les conditions de sa suppression sur celles applicables à des collègues placés dans la même situation mais diplômés plus tardivement, reviendrait à rétablir le salarié dans ses droits et non à le faire bénéficier rétroactivement d'un avantage indu ;
- que l'évolution d'une même norme dans le temps n'est pas contraire au principe d'égalité de traitement.
Cependant, l'objet du litige, est de savoir si la rupture de l'égalité dans l'application de la norme se trouve ou non justifiée par des situations différentes ou pour des raisons d'intérêt général, qui en l'espèce n'apparaissent pas caractérisées. L'URSSAF AQUITAINE fait en effet valoir que la différence de traitement serait justifiée par la succession d'événements qui impliquerait que la norme applicable ne soit plus la même, sans préciser de quels 'événements' il s'agirait, ni en quoi ils justifieraient une 'évolution' de la norme, laquelle n'est pas ici en cause puisque précisément la norme (respectivement l'avantage conventionnel en cause et ses conditions d'attribution) n'a pas évolué ce dont il y a lieu de tirer les conséquences pour des salariés placés dans la même situation ;
- que la différence en cause s'expliquerait par la négociation des partenaires sociaux et par les modifications importantes quant au dispositif de rémunération, qu'ils auraient voulu mettre en oeuvre en sorte que les différences critiquées s'expliqueraient par une évolution de l'équilibre conventionnel.
Il sera cependant rappelé que dans un premier temps, et jusqu'aux arrêts de la Cour de cassation de 2010 et 2013, l'URSSAF AQUITAINE soutenait que par application de l'article 33 dans sa rédaction issue du protocole du 14 mai 1992, la promotion de l'agent entraînait, comme sous l'empire des textes antérieurs, la suppression de l'avantage conventionnel lié à l'obtention du diplôme. C'est donc de façon quelque peu contradictoire que l'URSSAF AQUITAINE fait désormais valoir que les partenaires sociaux ont entendu introduire lors des négociations du protocole du 14 mai 1992 des modifications majeures - dont celles qui concernent le maintien de l'avantage - dans le dispositif de rémunération de ses agents. Elle n'indique d'ailleurs pas en quoi le rétablissement de l'égalité entre ses agents générerait un quelconque 'déséquilibre' conventionnel. Il importe en effet de rappeler que la restauration de l'égalité au profit des agents relevant de l'application de la Convention collective dans sa version de 1957 ne modifie en rien le protocole de 1992, ni ses conditions d'application.
De plus, la simple comparaison entre les articles 29 à 33 dans leur version applicable avant et après le 1er janvier 1992 ne révèle pas une 'évolution très substantielle' du dispositif de rémunération qui 'rendrait caduque toute comparaison entre les situations des salariés avant et après la prise d'effet du protocole', les différences introduites traduisant une évolution mais certainement pas une modification du mode de rémunération, calqué sur le même dispositif d'avancement par attributions d'échelons, de taux, destinés à valoriser sans modification majeure l'ancienneté, et la compétence. Enfin si comme le soutient l'URSSAF AQUITAINE il s'est agi en 1992 de mieux rétribuer l'accroissement des compétences, le maintien de la valorisation liée à l'obtention d'un diplôme s'inscrit parfaitement dans une telle démarche.
- que la rémunération de Monsieur [V] [A] serait globalement supérieure à la moyenne de celles de ses collègues (hors points d'ancienneté), l'argument 'à travail égal salaire égal' ne pouvant se fonder sur un seul élément de rémunération mais sur l'ensemble de la rémunération.
Cependant le litige ne porte pas sur le constat d'une différence de rémunération mais sur celui d'une différence de traitement de salariés placés dans une même situation au regard des conditions d'obtention (ou plus précisément de maintien) d'un même avantage conventionnel, en sorte qu'il importe peu pour la solution du litige que le coefficient de Monsieur [V] [A] en fin de carrière soit supérieur à la moyenne de celui de ses collègues inspecteurs.
La différence de traitement étant établie, et non justifiée par des éléments objectifs, il y a lieu d'infirmer le jugement dont appel qui a débouté Monsieur [V] [A] de ce chef.
Sur l'indemnisation du préjudice que Monsieur [V] [A] a nécessairement subi du fait de la différence de traitement dont il a été victime, il importe de rappeler qu'un accord a été négocié et conclu le 30 novembre 2004, qui a mis en place une nouvelle structure de rémunération, supprimé les articles 31 et 32 ainsi que les éléments de rémunération en pourcentage et modifié l'article 33. Ainsi, à compter du 1er janvier 2005, les échelons en pourcentage antérieurement attribués aux agents ont été transposés en 'points d'expérience' et 'points de compétence' selon une grille de transposition énoncée à l'article 9 du protocole du 30 novembre 2004. Il en découle que Monsieur [V] [A] ne peut comme il le fait, déterminer l'indemnisation du préjudice à laquelle il est en droit de prétendre sur la base d'un rappel de salaire calculé à compter du mois de mars 2007 par référence au 4% de l'article 32, cet article et le mode de calcul auquel il se réfère ayant été supprimés à compter du 1er janvier 2005.
Dès lors, l'indemnisation du préjudice ne peut se faire que sur la base de dommages et intérêts prenant en compte l'ensemble des composantes du préjudice, à savoir, l'incidence financière sur la rémunération du salarié et ses droits à la retraite, mais aussi le préjudice moral qu'il a éprouvé lorsqu'il a pris conscience de la différence de traitement effectuée à son détriment.
Au vu des pièces produites, du montant de la rémunération de Monsieur [V] [A] et de la durée de son activité, ce préjudice justifie la condamnation de l'URSSAF à lui payer une somme de 12.000 € à titre de dommages et intérêts.
Sur les indemnités de repas et de guichet (article 23 de la Convention collective du personnel des organismes de sécurité sociale
Monsieur [V] [A] qui a été débouté en première instance des demandes qu'il avait présentées, afin d'obtenir la condamnation de l'URSSAF AQUITAINE à lui payer un différentiel d'indemnité de repas et le versement d'une indemnité de guichet, ne conteste pas la décision rendue de ces chefs et ne reprend d'ailleurs pas ces demandes en appel. Les dispositions non critiquées du jugement sont en conséquence définitives.
Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat
Monsieur [V] [A] reproche à l'URSSAF AQUITAINE non seulement d'avoir refusé de régulariser sa situation mais également de n'avoir pas répondu à sa lettre de réclamation et d'être restée fermée à toute négociation.
De fait, la première demande de régularisation de Monsieur [V] [A] date du 28 janvier 2011, soit 26 ans après la nomination de ce salarié et après la date à compter de laquelle il aurait pu prétendre à l'avantage revendiqué. L'appelant reproche à l'URSSAF AQUITAINE de n'avoir pas répondu à sa mise en demeure, mais au delà d'un défaut de civilité, l'abstention de l'employeur ne constitue pas un manquement aux obligations du contrat de travail.
L'URSSAF AQUITAINE fait en outre valoir à juste titre, qu'au regard de la succession des accords conclus, de leur rédaction et des modifications apportées, leur mise en oeuvre a donné lieu à des lectures et applications diverses non seulement par les URSSAF mais aussi par les juridictions.
En tout état de cause, il ne peut être sérieusement reproché à l'employeur de n'avoir pas fait droit à des prétentions qu'elle conteste dès lors que les moyens de défense qu'elle oppose sont étayés et reposent sur une argumentation qui ne peut être qualifiée d'abusive.
La preuve d'une exécution déloyale du contrat de travail n'étant pas rapportée, le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [V] [A] de ce chef de la demande.
Sur les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
Il appartient à l'URSSAF Aquitaine qui succombe de supporter la charge des dépens de l'instance et de verser à l'appelant une indemnité de procédure de 800 €, sa demande fondée sur les mêmes dispositions étant rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe et en dernier ressort :
CONSTATE que le jugement du conseil de prud'hommes de Mont de Marsan du 23 janvier 2015 n'est pas critiqué en ce qu'il a débouté Monsieur [V] [A] de ses demandes en paiement d'un différentiel d'indemnité de repas et d'une indemnité de guichet de remboursement des frais de repas ;
DÉCLARE le jugement définitif de ces chefs ;
CONFIRME le jugement dont appel en ce qu'il a débouté Monsieur [V] [A] de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
L'INFIRME pour le surplus ;
ET STATUANT À NOUVEAU :
DIT que Monsieur [V] [A] a été victime d'une différence de traitement en ce que l'URSSAF Aquitaine lui a refusé le bénéfice de l'article 32 de la Convention collective du personnel des organismes de la sécurité sociale et des allocations familiales ;
CONDAMNE l'URSSAF Aquitaine à verser à Monsieur [V] [A] une somme de 12.000 € (douze mille euros) à titre de dommages et intérêts ;
DÉBOUTE Monsieur [V] [A] pour le surplus ;
CONDAMNE l'URSSAF Aquitaine aux entiers dépens de première instance et d'appel et au versement à la partie adverse d'une indemnité de procédure de 800 € (huit cents euros) ;
REJETTE la demande de l'URSSAF AQUITAINE fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Arrêt signé par Madame THEATE, Présidente, et par Madame HAUGUEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,