MHD/SB
Numéro 18/00547
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 08/02/2018
Dossier : 16/03780
Nature affaire :
Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail CDI ou CDD, son exécution ou inexécution
Affaire :
[W]BERRIA SOCIETE COOPERATIVE AGRICOLE FROMAGERE DU PAYS BASQUE
C/
[X] [I]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 08 Février 2018, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 30 Octobre 2017, devant :
Madame DIXIMIER, magistrat chargé du rapport,
assistée de Madame DEBON, faisant fonction de greffière.
En présence de Monsieur [L] étudiant stagiaire
Madame DIXIMIER, en application des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame THEATE, Présidente
Madame COQUERELLE, Conseiller
Madame DIXIMIER, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
Société BERRIA SOCIETE COOPERATIVE AGRICOLE FROMAGERE DU PAYS BASQUE agissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Comparante assistée de Maître DUALE de la SCP DUALE-LIGNEY-MADAR-DANGUY, avocat au barreau de PAU et de Maître GAILLARD, avocat au barreau de BRIVE LAGAILLARDE
INTIME :
Monsieur [X] [I]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représenté par Maître LECLAIR de la SCP MOUTET LECLAIR, avocat au barreau de BAYONNE
sur appel de la décision
en date du 14 OCTOBRE 2016
rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BAYONNE
RG numéro : F16/00078
FAITS ET PROCÉDURE
Les sociétés ONETIK, ESNEA et BERRIA, situées à MACAYE, entretiennent entre elles des liens capitalistiques, techniques et commerciaux.
Elles exercent des activités dans des domaines proches et complémentaires ; les sociétés ESNEA et BERRIA étant des coopératives regroupant des agriculteurs producteurs de lait et la société ONETIK étant la société commerciale chargée d'acquérir et de commercialiser, après transformation éventuellement en fromage, le lait en provenance de ces coopératives.
Par contrat à durée indéterminée en date du 15 février 1992, Monsieur [X] [I] a été engagé par la société ONETIK, en qualité de directeur administratif et financier.
Le 1er janvier 1998, il a été embauché, par contrat de travail verbal, en qualité de secrétaire général de la Coopérative BERRIA.
Un contrat de travail écrit du 25 juin 1998 (non produit) a confirmé son embauche en qualité de directeur administratif, financier et commercial, puis à compter du 1er juillet 2003 en qualité de directeur du marketing au sein de la société ONETIK.
A compter du 1er avril 2005, il n'a plus perçu de salaires versés par la société BERRIA.
En 2007, il est devenu le directeur général non-administrateur de cette société.
Le 1er décembre 2008, il a été nommé président de la société ONETIK ; fonction dont il a été révoqué par délibération de l'assemblée générale du 3 septembre 2012.
Le 17 septembre 2012, le président d'ONETIK, son employeur, lui a signifié une mise à pied à titre conservatoire dans l'attente d'un entretien ultérieur afin de statuer sur sa situation au sein de l'entreprise.
Le 21 décembre 2015, il a fait assigner la société BERRIA devant la formation de référé du conseil de prud'hommes de BAYONNE aux fins de voir condamner cette dernière à lui transmettre un certificat de travail et une attestation de Pôle emploi, sous astreinte de 100€ par jour de retard, afférent à la période du 1er janvier 1998 au 31 mars 2005.
Par ordonnance en date du 10 février 2016, la formation de référé l'a débouté de sa demande en raison de l'absence d'urgence et de la présence d'une contestation sérieuse.
Le 9 mars 2016, il a saisi le conseil de prud'hommes au fond et a sollicité la remise de documents afférents à la période du 1er janvier 1998 au 31 mars 2005 (attestation pôle emploi et certificat de travail) sous astreinte de 100 € par jour de retard outre l'octroi d'une somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La tentative de conciliation s'étant révélée vaine, l'affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement devant lequel il a sollicité notamment :
. la constatation qu'il n'avait pas démissionnée en mars 2005 de son emploi de secrétaire général de la coopérative BERRIA,
. la condamnation de cette dernière à lui verser sous astreinte de 100 € par jour de retard au titre des arriérés de salaires dus la somme de 128.070 € depuis le mois de septembre 2012 jusqu'au 31 mai 2016 avec pour mémoire les sommes dues au titre des salaires depuis le 1er juin 2016,
. la condamnation de la même société à lui verser sous astreinte de 100 € par jour de retard au titre des congés payés afférents la somme de 12.807 € depuis le mois de septembre 2012 jusqu'au 31 mai 2016, avec en mémoire les salaires dus depuis le 1er juin 2016,
. la condamnation de la même société à lui payer la somme de 153.360 € au titre des salaires qui avaient été payés par la société ONETIK et qu'il avait remboursés,
. la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la coopérative BERRIA,
. en conséquence,
. la condamnation de la coopérative à lui verser sous astreinte de 100 € par jour de retard les sommes suivantes :
. 17.076 € (2846 × 6) au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement compte tenu qu'il a été embauché le 1er janvier 1998, qu'il justifie de 18 ans d'ancienneté (indemnité d'un mois de traitement, augmenté d'un tiers de mois par année au-delà de trois ans selon l'article 13 de l'annexe cinq de la convention collective)
. 17.076 € au titre de l'indemnité de préavis (six mois selon l'article 11 de l'annexe cinq de la convention collective)
. 1.706 € au titre des congés payés afférents
. 70.000 € à titre de dommages-intérêts
. la condamnation de la coopérative à lui remettre les bulletins de salaire et une attestation pôle emploi rectifiés,
Par jugement en date du 14 octobre 2016, le conseil des prud'hommes de Bayonne a :
. dit que l'action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail était prescrite au 8 mars 2011,
. rejeté toute fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée ou de l'unicité de l'instance,
. dit que Monsieur [X] [I] n'avait pas démissionné en mars 2005 de son emploi de secrétaire général de la Coopérative BERRIA,
. prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Monsieur [X] [I] aux torts de la Coopérative BERRIA au 12 septembre 2012,
. condamné la Coopérative BERRIA à payer à Monsieur [X] [I] les sommes de :
. 13.913,77 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
. 18.782,00 € au titre de l'indemnité de préavis et des congés payés y afférents,
. 153.360,00 € au titre des salaires qui avaient été payés par la société ONETIK pour le compte de la Coopérative BERRIA et que Monsieur [X] [I] lui a remboursés,
. 50. 000,00 € au titre des dommages et intérêts pour rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur,
. condamné la Coopérative BERRIA à remettre à Monsieur [X] [I] les documents rectifiés de fin de contrat,
. condamné la Coopérative BERRIA aux dépens de l'instance,
. condamné la Coopérative BERRIA à payer à Monsieur [X] [I] la somme de 1.500,00 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
. débouté les parties de leurs autres demandes.
Par déclaration en date du 7 novembre 2016, la société BERRIA a interjeté appel de cette décision.
***
L'ordonnance de clôture initialement prononcée le 4 octobre 2017 a été révoquée et fixée au 30 octobre 2017.
PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Par conclusions en date du 15 septembre 2017, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens, la coopérative BERRIA demande à la Cour de :
. à titre principal,
. déclarer l'action de Monsieur [X] [I] prescrite,
. débouter Monsieur [X] [I] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
. condamner Monsieur [X] [I] à lui verser la somme de 100. 000 € à titre de dommages-intérêts et une indemnité de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre une amende au titre de l'art. 32 du code de procédure civile.
. condamner Monsieur [X] [I] aux entiers dépens.
. subsidiairement
. infirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de BAYONNE en toutes ses dispositions,
. constater l'absence de caractérisation d'un contrat de travail entre Monsieur [I] et elle - même à compter du 1er avril 2005,
. débouter en conséquence Monsieur [X] [I] de ses demandes de résiliation judiciaire, sans objet en l'absence de contrat de travail liant les parties à l'instance, et partant de ses demandes de rappel de salaire, d'indemnités de rupture, de dommages et intérêts pour rupture abusive et de documents de fin de contrat,
. condamner Monsieur [X] [I] à lui verser la somme de 100.000 € à titre de dommages-intérêts et une indemnité de 10.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile, outre une amende au titre de l'art. 32 du code de procédure civile.
. condamner Monsieur [X] [I] aux entiers dépens.
Par conclusions en date du 24 octobre 2017, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample des faits, des prétentions et des moyens, Monsieur [X] [I] demande à la Cour de :
. dire et juger irrecevables les demandes reconventionnelles de la Coopérative BERRIA au titre de l'abus de procédure.
. confirmer le jugement du 14 octobre 2016 en ce qu'il a :
. rejeté toute fin de non -recevoir tirée de la prescription, de l'autorité de la chose jugée ou de l'unicité de l'instance
. dit et jugé qu'il n'a pas démissionné en mars 2005 de son emploi de secrétaire général de la coopérative BERRIA.
. prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la Coopérative BERRIA.
. condamné la Coopérative BERRIA à lui payer la somme de 153.360 € au titre des salaires qui avaient été payés par la société ONETIK et qu'il lui a remboursés.
. réformer le jugement en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire au 12 septembre 2012 et l'a débouté de ses demandes au titre des salaires impayés jusqu'au jugement du 14 octobre 2016.
. en conséquence,
. prononcer la résiliation aux torts de l'employeur au 14 octobre 2016
. condamner la Coopérative BERRIA à lui payer sous astreinte de 100 € par jour de retard, au titre des arriérés de salaire dus de septembre 2012 au 14 octobre 2016 la somme de 143.273 € brut sur la base d'un salaire mensuel de 2.846 € (50,5 mois)
. condamner la Coopérative BERRIA à lui payer sous astreinte de 100 € par jour de retard, au titre des congés payés afférents depuis le mois de septembre 2012 jusqu'au 14 octobre 2016, la somme de 14.237 €
. en conséquence ,
. condamner la Coopérative BERRIA à lui payer sous astreinte de 100 € par jour de retard les sommes suivantes :
. 68.133,24 € ( 2.846 X18 X 1,33) au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement compte tenu du fait qu'embauché le 1er janvier 1998, il justifie de 18 ans d'ancienneté (indemnité d'1 mois de traitement augmentée de 1/3 de mois par année au-delà de 3 ans selon article 13 de l'annexe V de la Convention collective)
. 17.076 € au titre de l'indemnité de préavis (6 mois selon article 11 de l'annexe V de la Convention collective)
. 1.706 € au titre des congés payés afférents
. 70.000 € à titre de dommages et intérêts
. condamner la Coopérative BERRIA à lui remettre les bulletins de salaire tenant compte des condamnations prononcées tant au niveau des arriérés de salaire, des congés payés, du préavis que des sommes à caractère indemnitaire, et une attestation Pôle emploi faisant référence à un emploi salarié rompu à la date de sa décision à venir et tenant compte de la même façon des condamnations prononcées tant au niveau du préavis que des sommes à caractère indemnitaire.
. en tout état de cause,
. débouter la Coopérative BERRIA de l'ensemble de ses demandes
condamner la Coopérative BERRIA à payer à Monsieur [I] une indemnité supplémentaire de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
. condamner la Coopérative BERRIA aux entiers dépens de première instance et d'appel.
SUR QUOI,
I - SUR LE SURSIS A STATUER :
Monsieur [I] sollicite, afin d'éviter une contrariété de décision, un sursis à statuer dans l'attente d'une décision définitive sur la plainte pénale pour escroquerie au jugement qu'il a déposée à l'encontre de la société ONETIK dans le cadre de l'instance qu'il avait engagée parallèlement à la présente procédure contre la société ONETIK aux fins d'obtenir notamment le paiement d'une somme de 385.000€ pour rupture abusive de contrat de travail et dans laquelle la cour d'appel de céans a rendu un arrêt, frappé d'un pourvoi, aux termes duquel notamment il a été condamné à restituer à la société ONETIK la somme de 495.777€ au titre des salaires perçus pendant la période de suspension du contrat de travail et il a été jugé que la société était condamnée à lui verser un montant de 822.779, 97€ à titre de licenciement abusif.
Il soutient que le traitement de cette plainte lui permettra de déterminer le quantum réel de la créance de la société ONETIK après compensation, la société ayant imputé des charges sociales qui, après vérification auprès de la MSA, n'auraient pas été payées.
Il prétend que de ce fait, les comptes définitifs entre lui et ONETIK sont susceptibles de s'en trouver modifiés et par voie de conséquence ceux entre lui et la société BERRIA.
Cependant, d'une part, il convient d'observer que les deux affaires sont distinctes, que la société ONETIK n'est pas dans la cause et que d'autre part l'apurement des comptes entre ONETIK et lui pourront se faire dans le cadre des procédures d'exécution civile en cours, sans qu'il soit nécessaire de paralyser la présente procédure.
En conséquence, Monsieur [I] sera débouté de sa demande de sursis à statuer.
II - SUR LA PRESCRIPTION :
A - Sur le point de départ de la prescription :
En application de l'article L. 1471-1 du code du travail issu de la loi no 2013-504 du 14 juin 2013, art. 21-III, applicable en l'espèce, ' Toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.'
En l'espèce, la détermination du point de départ de la prescription implique l'étude des questions relatives à la poursuite ou à la rupture du contrat de travail liant les parties postérieurement au 31 mars 2005 (1) et à la qualification de cette rupture (2).
1 ) L'existence du contrat de travail n'étant pas contestée jusqu'au 31 mars 2005, il appartient à la société BERRIA qui invoque sa rupture à compter de cette date d'en rapporter la preuve.
A cet effet, elle soutient que le 1er avril 2005, Monsieur [I] a cessé ses fonctions salariées de secrétaire général en son sein dans le cadre d'une résolution amiable du contrat de travail et qu'en contrepartie de la perte de salaires, il a obtenu d'ONETIK une majoration de sa rémunération d'un montant équivalent.
Elle en veut pour preuve les propres déclarations de Monsieur [I], le contrat de travail signé entre ONETIK et Monsieur [I], le procès-verbal de l'assemblée générale ONETIK en date du 25 septembre 2009 et le rapport spécial du commissaire aux comptes sur les conventions réglementées présenté en vue de l'approbation des comptes au 31 décembre 2011.
* Il résulte de l'ensemble de ces éléments :
. que Monsieur [I] a été désigné en 2007 - soit postérieurement au 31 mars 2005 - en qualité de directeur non administrateur et que ses activités exercées dans d'autres sociétés (Onetik, Fromagerie Georges RIVAUD etc .. ) ont toutes été mentionnées, à l'exception d'un quelconque emploi de secrétaire général au sein de la société BERRIA ( pièce 24 [I] rapport de gestion du groupe sur les opérations de l'exercice clos le 31 décembre 2006 de la société BERRIA),
. que son mandat avait pour objet la poursuite du règlement du dossier fiscal et du dossier des quotas laitiers, dans lequel BERRIA était engagée et faisait l'objet de poursuites depuis de très nombreuses années (pièce 23 BERRIA attestation non contestée ),
. qu'aucun procès-verbal des assemblées générales d'ONETIK dressé postérieurement au 1er avril 2005 ne relève dans les paragraphes spécialement consacrés aux contrats de Monsieur [I] l'existence d'un contrat de travail pouvant encore le lier à BERRIA,
. que dans le paragraphe 'contrat de travail'du rapport spécial du commissaire aux comptes sur les conventions réglementées présenté en vue de l'approbation des comptes au 31 décembre 2011 (pièce BERRIA 27) pour la société ONETIK, aucun contrat de travail - à l'exception de celui conclu entre ONETIK et Monsieur [I] n'est mentionné.
Afin de combattre ces éléments, Monsieur [I] développe divers moyens.
Cependant, s'appuyer sur les courriers électroniques ou courriers recommandés qu'il a envoyés à des fonctionnaires ou à des salariés du groupe ou qu'il a reçus des avocats de BERRIA suivant le dossier afférent aux problèmes des quotas laitiers ou au dossier fiscal (pièces 8, 9, 11, 16, 17, 18, 25) est totalement inopérant dans la mesure où ces pièces sont postérieures à sa nomination en qualité de directeur général non administrateur et où il ne démontre pas que les conditions du cumul du mandat social et du contrat de travail étaient réunies, à savoir le maintien de fonctions techniques réelles et subordonnées, bien distinctes du mandat.
De même, produire aux même fins dans la présente procédure (pièce 19 [I]) le courrier qu'il a envoyé le 27 novembre 2006, à la Direction Régionale des Douanes et des Droits Indirects de Bayonne en qualité de secrétaire général de BERRIA est totalement inopérant et ne peut que jeter un doute sur sa sincérité dès lors que l'inspectrice des douanes en charge du dossier a renvoyé par courrier électronique (pièces 14 et 15 BERRIA ) à BERRIA le 20 février 2017 un exemplaire du courrier original qu'elle avait reçu et qu'il l'avait, en réalité, signé en qualité de directeur général d'ONETIK.
Enfin, alléguer que la pièce qu'il a produite est la matrice du courrier qu'il avait préparé en sa qualité de secrétaire général de BERRIA et qui a été transposée sur papier à en tête de BERRIA et ESNEA avec mention de sa qualité de directeur général est tout aussi inutile dans la mesure où ce sont de simples affirmations qui ne peuvent combattre l'évidence.
Il y a donc lieu, en l'absence de toute preuve contraire pertinente, de constater que la société BERRIA n'établit que le défaut de fourniture de travail à compter du 1er avril 2005.
* Par ailleurs, il n'est pas contesté:
. que la société BERRIA n'a plus délivré de bulletins de paie à Monsieur [I] à compter du 1er avril 2005,
. qu'aucun procès-verbal des assemblées générales d'ONETIK dressé postérieurement au 1er avril 2005 ne mentionne un quelconque salaire payé par ONETIK pour le compte BERRIA au profit de Monsieur [I].
Aussi, se réfugier pour Monsieur [I], afin de combattre cette évidence, derrière la seule correspondance mathématique de son bulletin de salaire d'avril 2005 établi par ONETIK - 9.690€ - avec les rémunérations forfaitaires figurant sur ses deux bulletins de salaire de mars 2005 rédigés respectivement par ONETIK - 7.140€ - et par BERRIA - 2.550€ - est insuffisant pour démontrer qu'à compter du 1er avril 2005 les sommes qu'ONETIK lui a versées au titre des salaires et reçus sans qu'il les conteste comprenaient, entre autres, le salaire versé pour le compte de BERRIA.
Il en résulte donc qu'à compter du 1er avril 2005, tous les éléments rapportés par la société BERRIA établissent qu'elle ne lui versait plus de salaire.
* Enfin, tous les éléments versés au dossier par BERRIA - courriers électroniques, courriers papier, procès verbaux ... - démontrent qu'à compter du 1er avril 2005, Monsieur [I] n'était plus soumis aux pouvoirs de direction, de contrôle et de discipline de BERRIA mais à ceux d'ONETIK qui seule lui donnait des consignes et l'autorisait à prendre des décisions pour régler ses dossiers et mener sa politique .
D'ailleurs, Monsieur [I] échoue à rapporter la preuve contraire.
***
Ainsi, il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'à compter du 31 mars 2005, le contrat de travail liant BERRIA à Monsieur [I] a été rompu.
2) Sur la qualification de cette rupture :
La société BERRIA établit que le contrat de travail litigieux a été résolu d'un commun accord entre les parties.
En effet, en application de l'article 1134 du Code civil pris dans sa rédaction applicable à l'espèce, le contrat de travail peut toujours prendre fin du commun accord des parties sans que la passation d'un écrit ne s'impose.
Dans cette hypothèse, seule l'indemnité compensatrice de congés payés est due par l'employeur, à l'exclusion du versement d'une indemnité de licenciement et d'une indemnité compensatrice de préavis qui ne sont pas obligatoires et les parties peuvent prévoir la compensation qu'elles souhaitent à la rupture du contrat.
Or en l'espèce, ces éléments sont confirmés implicitement par :
. d'une part, les demandes initiales de Monsieur [I] qui avait limité dans un premier temps sa saisine du conseil des prud'hommes de Bayonne à une demande de remise des documents de fin de contrat afférents à la période du 1er janvier 1998 au 31 mars 2005,
. d'autre part, son absence de cotisation à compter du 1er avril 2005 à tout organisme social en qualité de salarié de BERRIA,
enfin, par l'augmentation du salaire versé par ONETIK à compter du 1er avril 2005 alors qu'aucun élément dans le contrat de travail liant ONETIK à Monsieur [I] ne le justifiait.
3) En conclusion, il résulte de l'ensemble de ces éléments que postérieurement au 1er avril 2005, BERRIA rapporte la preuve qu'il n'existait plus de contrat de travail entre elle et Monsieur [I] en raison de la résolution amiable du contrat du travail.
Or, comme démontré ci-dessus, ce dernier connaissait pertinemment le terme dudit contrat.
Dès lors, le délai de prescription de toute action dérivant de ce contrat de travail a commencé à courir à compter du 1er avril 2005.
B - Sur les effets du point de départ :
La loi du 17 juin 2008 applicable à compter du 19 juin 2008 a :
. maintenu l'application de la prescription quinquennale pour les actions en paiement du salarié et de ses accessoires et le paiement de l'indemnité compensatrice de préavis,
. réduit à cinq ans la prescription trentenaire de l'action en remise de documents sociaux et en paiement des indemnités légales ou conventionnelles de licenciement.
En l'espèce, il en résulte donc qu'avec l'entrée en vigueur de cette loi, en application de l'article 2222 du code civil :
. les actions en paiement du salaire et de ses accessoires et en paiement de l'indemnité compensatrice du préavis ont expiré le 10 avril 2010,
. les actions aux fins de remise des documents sociaux et en paiement des indemnités légales ou conventionnelles ont expiré le 19 juin 2013.
Avec l 'entrée en vigueur le 17 juin 2013 de la loi du 14 juin 2013 combinée avec l'article 2222 du code civil, la prescription de ces dernières actions a expiré le 19 juin 2013.
En conséquence, lorsque Monsieur [I] a engagé le 9 mars 2016 son action au fond, elle était prescrite sans qu'il puisse invoquer comme cause interruptive de prescription l'action en référé introduite par assignation du 21 décembre 2015.
II - SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES :
La société BERRIA sollicite une somme de 100.000 € à titre de dommages intérêts, soutenant que l'attitude de Monsieur [I] et son acharnement à obtenir l'exécution d'une provision qu'il sait juridiquement infondée a causé et cause toujours aux éleveurs qui la composent un préjudice d'une extrême gravité et que son impossibilité de percevoir le paiement de factures qui lui sont dues en raison de procédures de saisies attributions mises en place ruinent encore davantage sa trésorerie et sa crédibilité.
Cependant, elle ne démontre pas l'existence d'une faute dans la mesure où les voies d'exécution n'ont été mises en oeuvre qu'en application du jugement attaqué de première instance assorti de l'exécution provisoire en application de l' ordonnance prononcée par le premier président de la cour d'appel du Pau le 15 décembre 2016 et où l'absence - en son temps - de formalisation de la rupture conventionnelle du contrat de travail à laquelle elle a participé constitue un élément contribuant à nourrir le présent litige.
En conséquence, elle sera déboutée de sa demande.
***
L'article 32-1 du code de procédure civile ne peut pas être mis en oeuvre dans la mesure où le caractère abusif et dilatoire de l'action n'est pas établi.
***
Les dépens seront supportés par Monsieur [I].
Monsieur [I] sera condamné à verser à la société BERRIA une somme de 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, tout en étant débouté de sa propre demande présentée sur le fondement des mêmes dispositions.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort, et par arrêt mis à disposition au greffe ;
Infirme dans toutes ses dispositions le jugement prononcé par le Conseil de Prud'hommes de Bayonne le 14 octobre 2016,
Statuant à nouveau,
Déclare prescrite l'action engagée par Monsieur [X] [I],
Y ajoutant,
Déboute la société coopérative agricole BERRIA de sa demande de dommages intérêts,
Condamne Monsieur [X] [I] à verser à la société coopérative agricole BERRIA la somme de 1.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute Monsieur [X] [I] de sa demande présentée en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit n'y avoir lieu à amende civile,
Condamne Monsieur [X] [I] aux dépens.
Arrêt signé par Madame THEATE, Présidente, et par Madame HAUGUEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,