MHD/CD
Numéro 18/01199
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 29/03/2018
Dossier : 15/01127
Nature affaire :
Demande d'annulation d'une mise en demeure ou d'une contrainte
Affaire :
[C] [M]
divorcée [K]
C/
MSA SUD AQUITAINE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 29 Mars 2018, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 21 Décembre 2017, devant :
Madame DIXIMIER, magistrat chargé du rapport,
assistée de Madame DEBON, faisant fonction de greffière.
Madame DIXIMIER, en application des articles 786 et 910 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame THEATE, Présidente
Madame NICOLAS, Conseiller
Madame DIXIMIER, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
Madame [C] [M] divorcée [K]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représentée par la SELARL ACBC, avocats au barreau de PAU
INTIMÉE :
MSA SUD AQUITAINE
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège
[Adresse 2]
[Localité 2]
Représentée par la SCP ARNAUD DOMERCQ-KARINE LHOMY, avocats au barreau de PAU
sur appel de la décision
en date du 09 MARS 2015
rendue par le TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE DE PAU
RG numéro : 242014
FAITS ET PROCÉDURE
Mme [C] [M] épouse [K] est affiliée à la caisse de la Mutuelle Sociale Agricole en qualité de chef d'exploitation agricole.
Par assemblée générale extraordinaire du 31 mars 2007, les statuts de l'EARL [K], créée en 1996, ont été modifiés, afin qu'elle devienne titulaire de 4750 parts sociales de ladite EARL à compter du 31 mars 2007 et acquière ainsi la qualité d'associée exploitante à compter de la même date ; Monsieur [K] détenant les 4750 parts sociales autres.
Lors de l'assemblée générale extraordinaire du 31 mars 2007, les associés ont décidé la reconduction de M. [K] [K] dans ses fonctions de cogérant sans limitation de durée et ont également décidé de nommer Mme [C] [K] comme cogérante de l'EARL à compter du 31 mars 2007 pour une durée indéterminée.
Par assemblée générale extraordinaire du 28 septembre 2012, les statuts de l'EARL ont été modifiés afin de prendre acte du fait que Mme [K] ne participait plus aux travaux de l'exploitation et était devenue une associée non participante et non exploitante.
Il a été mentionné sur le procès-verbal de délibérations de cette assemblée générale extraordinaire 'qu'il conviendra lors d'une prochaine assemblée générale, de statuer sur les fonctions de cogérante de Mme [C] [K] et sur la répartition du capital social entre les associés'.
Soutenant que Mme [K] cogérante, titulaire de 4750 parts sociales de l'EARL [K], devrait à ce titre être considérée comme associée exploitante et par conséquent redevable des cotisations sociales du régime des non-salariés agricoles, la MSA SUD AQUITAINE a considéré qu'elle devait déclarer les revenus professionnels de 2012 avant le 30 janvier 2013.
N'ayant reçu aucune déclaration, elle lui a adressé une lettre de mise en demeure de produire la déclaration de revenus professionnels au plus tard le 2 août 2013.
Mme [K] a réceptionné ce courrier et par lettre du 17 octobre 2013 a indiqué à la Caisse être dans l'impossibilité de communiquer ses revenus professionnels en raison de sa situation familiale.
Compte tenu de l'absence de déclaration des revenus professionnels 2012, la Caisse a appliqué la majoration de 50 % du montant des cotisations sociales légales, soit 2 339,98 €.
Mme [K] a opéré des règlements les 14 janvier, le 5 février, 5 mars, 5 avril et 5 juillet 2013 pour un montant de 2 637,45 €.
À la date de l'émission annuelle des cotisations et contributions sociales de l'année 2013, Mme [K] restait redevable de la somme de 3 827,55 € sur les cotisations de 2012 et de 2 339,98 € de pénalités soit un total de 6 167,53 €.
Par courrier en date du 31 janvier 2014, réceptionné le 13 février 2014, la caisse l'a mise en demeure de régler un montant de 3 807,55 € au titre des cotisations de 2013, de 2 339,98 € au titre de la majoration sanction pour défaut de production des revenus professionnels et de 205,55 € au titre de la majoration de retard pour l'année 2013, soit un montant de 6 353,08 €.
En l'absence de règlement des cotisations et contributions de l'année 2013, elle a émis le 19 mai 2014 une contrainte pour un montant total de 6 353,08 € (3 807,55 € en cotisations et contributions de l'année 2013, 2 339,98 € en pénalités sanctions et 205,55 € en majoration de retard de l'année 2013) et lui a faite signifier par acte d'huissier du 5 juin 2014.
Le 12 juin 2014, Mme [K] y a fait opposition, en expliquant qu'elle n'était plus redevable du paiement des cotisations et contributions pour l'année 2013 dans la mesure où elle était associée non exploitante au sein de l'EARL [K].
Par requête reçue au greffe le 13 juin 2014, Maître [J], conseil de Mme [K], a formé opposition à la contrainte devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Pau.
Par jugement réputé contradictoire du 9 mars 2015, ledit tribunal :
- a reçu Mme [K] en son opposition,
- au fond l'en a déboutée,
- a validé la contrainte en son montant à hauteur de 6 358,08 €,
- condamné Mme [K] à payer à la Caisse la somme de 6 358,08 € outre 73,38 € de frais de signification et de majorations de retard complémentaires restant à courir jusqu'à parfait règlement des cotisations dues à hauteur de 3 807,55 €.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 27 mars 2015, Mme [M] épouse [K] a interjeté appel de cette décision.
PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Par conclusions en date du 31 mars 2017, reprises oralement sur l'audience et auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, Mme [C] [M] divorcée [K] demande à la Cour :
Vu les articles L. 324-8 et suivants du code rural et de la pêche maritime,
Vu les articles L. 731-10 du code rural et de la pêche maritime,
- déclaré recevable et bien-fondé son appel,
- infirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions,
- débouter la MSA SUD AQUITAINE de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions au titre des cotisations 2013,
- condamner la MSA SUD AQUITAINE à lui payer la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions en date du 26 mai 2017, reprises oralement sur l'audience et auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, la MSA SUD AQUITAINE demande à la Cour :
Vu le jugement attaqué,
Vu l'appel interjeté par Mme [K],
- confirmer le jugement dans toutes ses dispositions,
- y ajouter,
- condamner Mme [K] au paiement des sommes de :
3 807,55 € en cotisations NSA 2013,
2 339,98 € en majoration sanction, année 2013,
205,55 € en majorations de retard, année 2013, sans préjudice des majorations de retard à courir jusqu'à complet paiement du principal et des frais de recouvrement mis à sa charge,
- condamner Mme [K] à lui payer la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
SUR QUOI
I - SUR LE NON ASSUJETTISSEMENT AUX COTISATIONS SOCIALES DU REGIME DES NON-SALARIES AGRICOLES :
En application des articles :
- L. 722-1 du code rural et de la pêche maritime :
'Le régime de protection sociale des non-salariés des professions agricoles est applicable aux personnes non salariées occupées aux activités ou dans les exploitations, entreprises ou établissements énumérés ci-dessous :
1° Exploitations de culture et d'élevage de quelque nature qu'elles soient,
2° Entreprises de travaux agricoles définis à l'article L. 722-2';
- L. 722-4 dudit code :
'Sont assujettis, dans les conditions fixées par le présent titre et le titre III du présent livre, au régime de protection sociale des non-salariés des professions agricoles :
1° Les chefs d'exploitation ou d'entreprise mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 722-1 sous réserve qu'ils dirigent une exploitation ou une entreprise d'une importance au moins égale ou équivalente à celle définie à l'article L. 722-5' ;
- L. 722-10 dudit code :
'Les dispositions relatives à l'assurance obligatoire maladie, invalidité et maternité des personnes non salariées des professions agricoles sont applicables, sous réserve des traités et accords internationaux :
1° Aux chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole mentionnés à l'article L. 722-4 à condition que l'exploitation ou l'entreprise soit située sur le territoire métropolitain et qu'elle ait au moins l'importance définie à l'article L. 722-5, sous réserve des dérogations prévues aux articles L. 722-6 et L. 722-7...
5° Aux membres non salariés de toute société, quelles qu'en soient la forme et la dénomination, lorsque ces membres consacrent leur activité, pour le compte de la société, à une exploitation ou entreprise agricole située sur le territoire métropolitain, lesdites sociétés étant assimilées, pour l'application du présent régime, aux chefs d'exploitation ou d'entreprise mentionnés au 1°' ;
- L. 324-8 dudit code :
'Les associés majeurs qui participent effectivement, au sens de l'article L. 411-59 du code rural et de la pêche maritime, à l'exploitation sont dénommés « associés exploitants ». Les statuts doivent mentionner les noms de ceux qui ont cette qualité.
Les associés exploitants doivent détenir ensemble plus de 50 % des parts représentatives du capital.
Les associés choisissent parmi les associés exploitants, titulaires de parts sociales représentatives du capital, un ou plusieurs gérants'.
Il en résulte que les membres non salariés de toute société à objet agricole, quelles qu'en soient la forme et la dénomination, sont assujettis au régime de l'assurance maladie maternité des exploitants agricoles lorsqu'ils consacrent leur activité pour le compte de la société à une exploitation ou à une entreprise agricole.
Ainsi, doit être affilié au régime des non-salariés agricoles, le gérant associé, même non rémunéré, qui participe effectivement à l'activité agricole de la société.
En l'espèce, il convient de rappeler :
- que le 31 mars 2007, Mme [K] est devenue associée exploitante de l'EARL [K] en acquérant la moitié des parts sociales de ladite société et a été désignée comme cogérante de cette dernière, pour une durée indéterminée ;
- que le procès-verbal des délibérations de l'assemblée générale extraordinaire du 28 septembre 2012 indique :
dans sa première résolution, adoptée à l'unanimité des voix exprimées :
'L'assemblée générale des associés, après avoir pris connaissance du rapport de la gérance et pris acte du fait que Mme [C] [K] ne participait plus aux travaux de l'exploitation, décide de modifier, à compter de ce jour, le statut social de ladite associée au sein de la société, laquelle devient associée non exploitante. Il est précisé qu'il conviendra, lors d'une prochaine assemblée générale, de statuer sur les fonctions de cogérante de Mme [C] [K] et sur la répartition du capital social entre les associés, aux fins de mise en conformité avec la réglementation agricole'' ;
dans sa seconde résolution, adoptée à l'unanimité des voix exprimées :
'En conséquence de la décision qui précède, l'assemblée générale extraordinaire des associés décide que le versement de la rémunération qui était allouée à Mme [C] [K] au titre de son travail sur l'exploitation devient sans objet à ce jour...' ;
- que les statuts de la société ont été modifiés en conséquence le 28 septembre 2012.
Il en résulte que si Mme [C] [K] reste dans les statuts toujours cogérante, disposant de la moitié des parts sociales, il n'en demeure pas moins qu'elle n'exerce plus aucune activité effective dans l'EARL et ne participe plus à son exploitation.
En effet, l'assemblée générale de l'EARL - à laquelle elle n'a pas pu participer et qui a délibéré en son absence - en a pris acte officiellement le 28 septembre 2012 et a modifié ses statuts en conséquence en la mentionnant en qualité d'associée, non exploitante.
Cela est également confirmé par les deux contrats de travail qu'elle verse aux débats, à savoir, un contrat à durée indéterminée signé le 3 septembre 2012, qui démontre qu'elle travaille en qualité de conductrice du bus en période scolaire et un autre à durée déterminée signé le 9 septembre 2013 qui indique qu'elle travaille en qualité de conseiller client, l'ordonnance de non-conciliation en date du 26 novembre 2012 et le jugement de divorce du 8 mars 2016 qui établissent qu'elle ne participe plus à l'exploitation de l'EARL.
Il en résulte en conséquence qu' elle ne peut se voir assujettie aux cotisations MSA 2013.
Il convient donc de réformer dans toutes ses dispositions le jugement réputé contradictoire attaqué et de débouter la MSA de l'intégralité de ses demandes.
II - SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES :
La MSA SUD AQUITAINE qui succombe dans ses prétentions sera condamnée aux dépens.
***
Il n'apparaît pas inéquitable de débouter Mme [M] divorcée [K] de sa demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant, publiquement, contradictoirement, en dernier ressort et par arrêt mis à disposition au greffe,
Infirme dans toutes ses dispositions le jugement réputé contradictoire prononcé le 9 mars 2015 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Pau, section agricole,
Statuant à nouveau,
Fait droit à l'opposition à contrainte formée par Mme [C] [M] divorcée [K],
En conséquence,
Déboute la MSA SUD AQUITAINE de l'intégralité de ses demandes,
Y ajoutant,
Déboute Mme [C] [M] divorcée [K] de sa demande formée en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Dispense la MSA SUD AQUITAINE de l'application de l'article R. 144-10 alinéa 2 du code de la sécurité sociale et dit n'y avoir lieu à condamnation aux dépens.
Arrêt signé par Madame THEATE, Présidente, et par Madame HAUGUEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,