JN/CD
Numéro 18/01190
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 29/03/2018
Dossier : 15/02751
Nature affaire :
Demande d'indemnités liées à la rupture du contrat de travail pour motif économique
Affaire :
[T] [O]
C/
[S] [J],
Association POUR LA GESTION DE LA CAISSE DE GARANTIE DES CRÉANCES DES SALARIÉS DE MONACO,
CGEA ILE-DE-FRANCE OUEST,
[A] [M] [V]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 29 Mars 2018, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 10 Janvier 2018, devant :
Madame THEATE, Président
Madame COQUERELLE, Conseiller
Madame NICOLAS, Conseiller
assistées de Madame HAUGUEL, Greffière.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [T] [O]
ès qualités de syndic à la liquidation des biens de la SAM Cosmetic Laboratories
[Adresse 1]
[Adresse 2]
[Adresse 3]
Représenté par Maître MANCEAU, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉS :
Monsieur [S] [J]
[Adresse 4]
[Adresse 5]
Représenté par la SELARL DARMENDRAIL/SANTI, avocats au barreau de PAU
Association POUR LA GESTION DE LA CAISSE DE GARANTIE DES CRÉANCES DES SALARIÉS DE MONACO (CGCS)
prise en la personne de son représentant légal
'[Adresse 6]'
[Adresse 7]
[Adresse 3]
Représentée par la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocats au barreau de NICE
CGEA ILE-DE-FRANCE OUEST
[Adresse 8]
[Adresse 9]
Représenté par Maître CAMESCASSE de la SCP CAMESCASSE-ABDI, avocat au barreau de PAU
Monsieur [A] [M] [V]
président délégué de la SAM Cosmetic Laboratories
[Adresse 10]
[Adresse 3]
Non comparant, non représenté
sur appel de la décision
en date du 22 JUIN 2015
rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PAU
RG numéro : F 14/00062
FAITS ET PROCÉDURE
Selon contrat à durée indéterminée du 1er septembre 2000, la société Sam Cosmetic Laboratories (l'employeur), dont le siège social était situé à [Localité 1], a embauché M. [S] [J] (le salarié) en qualité de VRP.
Par jugement du 7 mars 2013, le Tribunal de Première Instance de la Principauté de Monaco a constaté l'état de cessation des paiements de la société employeur et a désigné M. [T] [O], ès qualités de syndic.
Le 4 avril 2013, M. [T] [O], ès qualités, a notifié au salarié son licenciement pour motif économique.
Par requête du 27 septembre 2013, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Pau, section encadrement afin de contester son licenciement et de réclamer divers rappels de salaires et indemnités, outre la remise sous astreinte de documents sociaux, sollicitant de :
- fixer sa créance au passif de la SAM Cosmetic Laboratories aux sommes suivantes :
2.840 € au titre des commissions sur le chiffre d'affaires réalisé en 2012,
1.276 € au titre des commissions sur le chiffre d'affaires réalisé en 2013,
800 € au titre des commissions sur le chiffre d'affaires non réalisé en mars 2013,
4.113,81 € au titre des remboursements des frais de route, accessoires du salaire exposés en 2013,
6.547,05 € à titre d'indemnité de licenciement,
30.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
6.000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier,
2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonner l'exécution provisoire du jugement,
- ordonner la remise sous astreinte de 50 € par jour de retard de documents sociaux et de bulletins de paie rectifiés,
- dire que ces sommes porteraient intérêts à taux légal,
- déclarer la décision opposable à la CGCS.
Par jugement du 10 février 2014 l'affaire a été radiée puis réinscrite suivant les conclusions de réinscription du demandeur du 12 février 2014.
Par jugement du 18 décembre 2014, le Tribunal de Première Instance de la Principauté de Monaco a prononcé la liquidation des biens de la SAM Cosmetic Laboratories.
Selon ses dernières écritures le salarié a ajouté à ses demandes, les demandes suivantes en fixation de sa créance au passif de la société Sam Cosmetic Laboratories :
6.000 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'ordre des licenciements,
3.000 € à titre de dommages et intérêts pour défaut de mentions de la lettre de licenciement,
8.676 € à titre de dommages et intérêts pour défaut de proposition du contrat de sécurisation professionnelle.
Par jugement du 22 juin 2015, le conseil de prud'hommes de Pau, a :
- dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- fixé le salaire moyen du salarié à 2.548 €,
- fixé la créance due au salarié par M. [T] [O], ès qualités de syndic à la procédure de liquidation des biens de la SAM Cosmetic Laboratories aux sommes de :
2.840 € au titre des commissions de 2012,
1.276 € au titre des commissions de 2013,
800 € au titre des commissions de mars 2013,
4.113,81 € au titre des frais exposés,
6.547,05 € au titre de l'indemnité de licenciement,
15.288 € au titre des articles L. 1233-4 et L. 1235-3 du code du travail,
800 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné la remise de l'attestation Pôle Emploi, du certificat de travail et des bulletins de paie rectifiés, sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter du jour de la notification du jugement,
- débouté le salarié de ses autres demandes,
- dit que les sommes seront assorties des intérêts légaux,
- rappelé que l'exécution provisoire en matière prud'homale est de droit pour les remises de documents que l'employeur est tenu de délivrer ainsi que pour le paiement de sommes au titre des rémunérations et indemnités mentionnées au 2° de l'article R. 1454-14 du code du travail dans la limite de neuf mois de salaire calculée sur la moyenne des trois derniers mois de salaires (article R. 1454-28 du code du travail),
- dit que la CGCS devrait garantir la SAM Cosmetic Laboratories représentée par M. [T] [O], ès qualités de syndic à la procédure de liquidation des biens de cette société, pour l'intégralité des sommes fixées,
- mis hors de cause le CGEA IDF Ouest,
- débouté M. [T] [O], ès qualités de syndic à la procédure de liquidation des biens de la SAM Cosmetic Laboratories et le CGCS de leurs demandes reconventionnelles,
- dit le jugement opposable à la Caisse de Garantie des Créances des Salariés,
- condamné la SAM Cosmetic Laboratories, société en liquidation judiciaire, aux dépens.
Cette décision a été notifiée aux parties, par lettre recommandée avec accusé de réception, dont les pièces du dossier ne permettent pas de définir sa date de réception par M. [T] [O], ès qualités.
Par lettre recommandée adressée au greffe de la cour, le 22 juillet 2015, M. [T] [O], ès qualités, par son conseil, en a régulièrement interjeté appel.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Selon ses conclusions visées par le greffe le 13 septembre 2017, reprises oralement à l'audience et auxquelles il est expressément renvoyé, M. [T] [O], ès qualités de syndic à la procédure de liquidation des biens de la SAM Cosmetic Laboratories, conclut à l'infirmation du jugement déféré, sauf en ce qu'il a débouté le salarié du surplus de ses demandes, et statuant à nouveau, conclut :
- à l'irrecevabilité à titre subsidiaire, au mal fondé des demandes du salarié au titre des dommages et intérêts pour défaut de mentions de la lettre de licenciement et pour défaut de proposition du CSP,
- au débouté du salarié de toutes ses autres demandes,
- à la condamnation du salarié à supporter les dépens, ainsi qu'à lui payer 2.000 € sur le devant de l'article 700 du code de procédure civile.
Selon ses conclusions visées par le greffe 2 novembre 2017, reprises oralement à l'audience et auxquelles il est expressément renvoyé, M. [J], le salarié, intimé, formant appel incident, conclut à :
- l'application de la Loi française au litige,
- la confirmation du jugement déféré, s'agissant de la fixation des créances du salarié, sauf s'agissant du quantum alloué au salarié en réparation de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement et des dispositions ordonnant à l'employeur la remise des divers documents sous astreinte,
- son infirmation en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes au titre de l'inobservation des règles relatives à l'ordre des licenciements et du défaut de proposition du CSP ;
Et statuant à nouveau, il sollicite :
1- la condamnation en conséquence de l'employeur, à lui payer les sommes suivantes :
50.000 € de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (au lieu des 15.288 € alloués par le premier juge),
6.000 € au titre de l'inobservation des règles relatives à l'ordre des licenciements,
10.083,48 € au titre du défaut de proposition d'adhésion au CSP ;
2- qu'il soit jugé que le CGCS de Monaco et le CGEA Ile-de-France seront tenus in solidum de garantir le paiement de la totalité des créances, en exécution de l'arrêt à intervenir,
3- l'application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil, autorisant la capitalisation des intérêts,
4- la condamnation de l'appelant aux entiers dépens et frais d'exécution éventuels.
Selon ses conclusions visées par le greffe le 5 janvier 2018, reprises oralement à l'audience et auxquelles il est expressément renvoyé, l'Association pour la gestion de la Caisse de Garantie des Créances des Salariés de Monaco (CGCS en abrégé), conclut :
- à titre principal, à l'infirmation du jugement déféré, sauf en ce qu'il a débouté le salarié du surplus des demandes, et statuant à nouveau, au débouté de l'ensemble des demandes du salarié,
- à titre subsidiaire, à sa mise hors de cause,
- à titre reconventionnel, à la condamnation du salarié à lui payer 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les entiers dépens et frais de procédure.
Selon ses conclusions visées par le greffe le 24 octobre 2017, reprises oralement à l'audience et auxquelles il est expressément renvoyé, l'UNEDIC, délégation AGS, CGEA Ile-de-France Ouest, conclut :
à titre principal :
- à la confirmation du jugement déféré, en ce qu'il l'a mis hors de cause,
- à ce que l'Association CGCS soit déclarée irrecevable et mal fondée en son appel en intervention forcée contre l'AGS pris en son CGEA Ile-de-France Ouest,
- à ce que le salarié soit déclaré irrecevable et à tout le moins mal fondé et débouté de l'ensemble de ses demandes,
à titre infiniment subsidiaire, et à titre documentaire :
- à ce que soit rappelé le caractère subsidiaire de l'intervention du CGEA Ile-de-France Ouest, délégation AGS,
- à ce qu'il soit jugé que :
* le jugement est simplement opposable au CGEA dans le cadre des dispositions légales et réglementaires,
* l'AGS ne peut procéder à l'avance des créances que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-8 du code du travail et L. 3253-17 et L. 3253-19 et suivants du code du travail,
* l'obligation de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant des créances garanties ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par la mandataire judiciaire et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement,
* l'AGS ne saurait être tenue aux dommages et intérêts au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour frais irrépétibles et autres indemnités n'ayant pas le caractère de créances salariales,
à ce qu'il soit statué ce que de droit sur les dépens.
La société liquidée, SAM Cosmetic Laboratories et M. [A] [M] [V], président délégué de cette société, et contre lesquels aucune demande n'est formée, n'ont pas comparu ni constitué avocat, et n'ont donc fait valoir aucune observation.
La présente décision sera réputée contradictoire.
SUR QUOI LA COUR
Le salarié a produit au passif de la liquidation de la société monégasque employeur, des créances qui ont été définitivement admises, à savoir :
2.270,35 €, à titre de créance super privilégiée,
18.158,39 € à titre de créance privilégiée,
3.863,91 € à titre de créance chirographaire.
Sa déclaration de créances supplémentaires au passif de la liquidation de la société employeur, pour la somme de 53.576,86 €, correspondent aux prétentions dont le salarié a saisi le conseil des prud'hommes de Pau, le 27 septembre 2013.
Elle a fait l'objet d'un rejet, contesté par le salarié, à l'occasion d'une procédure ayant donné lieu à un jugement du tribunal de première instance de la principauté de Monaco (pièce n° 16 de l'employeur), ayant à ce titre sursis à statuer, jusqu'à une décision définitive dans l'instance pendante devant le conseil de prud'hommes de Pau.
La recevabilité de ces demandes n'est pas contestée par l'employeur qui conteste leur bien-fondé.
Le salarié a saisi enfin, par conclusions ultérieures, le conseil de prud'hommes de Pau, de trois autres demandes qui n'ont pas fait l'objet d'une déclaration au passif s'agissant des créances suivantes :
6.000 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l'ordre des licenciements,
3.000 € à titre de dommages et intérêts pour défaut de mentions de la lettre de licenciement,
8.676 € à titre de dommages et intérêts pour défaut de proposition du CSP.
La recevabilité de ces demandes est contestée par l'employeur, par application de la Loi monégasque dont il se prévaut.
Sur la Loi applicable : Loi française ou Loi monégasque
Le contrat de travail (pièce n° 2 du salarié) conclu le 1er septembre 2000 à [Localité 1], entre l'employeur, société monégasque et le salarié, personne physique de nationalité française, avait vocation à être exécuté (son article 2) sur un secteur géographique ne visant que des départements français, au nombre de vingt, sous réserve de variation.
Ce contrat (article 13), prévoit que :
« (Pour) tout litige relatif au présent contrat, contestation ou interprétation qui n'aura pas trouvé de solution amiable, seuls les Tribunaux Monégasques seront compétents.
Seul le droit monégasque gouverne ce contrat ce qui est expressément accepté par les deux parties ».
Les parties sont en désaccord sur la Loi applicable au contrat, l'employeur revendiquant l'application de la Loi monégasque, au contraire du salarié, qui revendique l'application de la Loi française.
C'est à juste titre et de façon non contestée, que le premier juge a retenu que le conflit de lois, s'agissant d'un contrat conclu le 1er septembre 2000, était régi par la Convention de Rome signée le 19 juin 1980 et applicable pour la France compter du 1er avril 1991.
En effet, l'article 1 de la Convention de Rome prévoit que ses dispositions sont applicables dans les situations comportant un conflit de Loi, aux obligations contractuelles et prévoit des exclusions qui ne concernent pas le présent litige, alors que son article 2, lui reconnaît un caractère universel, en estimant qu'elle s'applique à la Loi désignée même si elle est celle d'un État non contractant.
Par ailleurs, et contrairement à ce que soutient le salarié, qui l'invoque, il n'est pas sérieusement contestable que le règlement européen du 17 juin 2008, qui est venu se substituer à la Convention de Rome, n'est applicable qu'aux contrats conclus après le 17 décembre 2009, ce qui ne correspond pas au cas particulier, si bien que ces développements à ce sujet, sont jugés inapplicables à la cause.
De même, par son article 3, la Convention de Rome, prévoit notamment que le contrat est régi par la Loi choisie de façon expresse ou certaine par les parties, ce qui correspond au cas particulier où les parties, par une disposition expresse du contrat de travail, dont la validité n'est pas contestée, on fait le choix de la Loi monégasque.
Cependant, en son article 6 intitulé « contrat individuel de travail », cette convention prévoit expressément que « nonobstant les dispositions de l'article 3, dans le contrat de travail, le choix par les parties de la Loi applicable ne peut avoir pour résultat de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la Loi qui serait applicable, à défaut de choix, en vertu du paragraphe 2 du présent article », à savoir, au cas d'espèce, la Loi du pays où le travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail, c'est-à-dire la Loi française.
Il s'en déduit que si les parties ont fait le choix de la Loi monégasque, ce choix ne peut avoir pour résultat de priver le salarié de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la Loi française, au titre desquelles, ainsi que l'a retenu le premier juge, figure le statut de VRP qui est d'ordre public et ce d'autant, que le contrat de travail (article 1) fait expressément référence à l'application de ce statut.
Il en va de même, des règles impératives et d'ordre public, relatives à la protection des salariés, en matière de rupture du contrat de travail.
En revanche, en application de l'article 5 de la Convention franco-monégasque conclue le 13 septembre 1950 et relative à la faillite et la liquidation judiciaire, la production et la vérification des créances nées du failli ou du débiteur admis au bénéfice de la liquidation judiciaire sont régies par la Loi du tribunal qui a déclaré la faillite ou la liquidation judiciaire.
Il en résulte, au cas particulier, indépendamment de la Loi française applicable à la rupture du contrat de travail, que la Loi applicable à l'admission de la créance du salarié est la Loi monégasque.
Il doit être rappelé qu'en application de la Convention de Rome, le juge national saisi du litige, doit lui appliquer la Loi applicable, même s'il ne s'agit pas de sa Loi nationale.
C'est à la lumière de règles qui viennent d'être dégagées, que vont être examinées les demandes.
Sur la recevabilité des demandes du salarié n'ayant pas fait l'objet d'une déclaration au passif de la société liquidée, ni d'une contestation de l'état du passif, s'agissant des demandes formées au titre du non-respect de l'ordre des licenciements, du défaut de mentions de la lettre de licenciement, du défaut de proposition du CSP
Il vient d'être rappelé qu'en application de l'article 5 de la convention franco-monégasque conclue le 13 septembre 1950 et relative à la faillite et la liquidation judiciaire, la production et la vérification des créances nées du failli ou du débiteur admis au bénéfice de la liquidation judiciaire sont régies par la Loi du tribunal qui a déclaré la faillite ou la liquidation judiciaire et il en résulte, indépendamment de la Loi française applicable à la rupture du contrat de travail, que la Loi applicable à l'admission de la créance du salarié est la Loi monégasque.
Or, il résulte de l'application combinée des articles 468 et suivants et 471 du code de commerce monégasque (pièce n° 6 de l'employeur), ce qui n'est d'ailleurs pas sérieusement contesté, que l'état des créances dressé par le syndic, peut faire l'objet de réclamations par tout créancier ayant produit, mais qu'à l'expiration du délai prévu par l'article 470 pour y procéder, le juge-commissaire arrête l'état des créances sous réserve des réclamations formulées.
À l'égard des créances qui n'ont pas donné lieu à réclamations, la décision prise par le juge-commissaire en vertu du deuxième alinéa de l'article 468, devient définitive.
Or, au cas particulier, le salarié n'a pas déclaré au passif de la société liquidée, les trois créances dont la recevabilité des demandes est contestée.
Il n'a pas davantage élevé à leur propos, une quelconque contestation de l'état du passif, lequel ne fait donc pas état de ces créances, ni pour les admettre, ni pour les rejeter à titre provisionnel ou définitif, les considérant, de fait, comme inexistantes.
Il se déduit de ces éléments, par application de la Loi monégasque, qu'à l'égard de ces créances, la décision du syndic, devient définitive, c'est-à-dire que ces créances, faute d'avoir été déclarées ou d'avoir donné lieu à une contestation de l'état du passif, alors même que le créancier qui les invoque n'est pas défaillant à la procédure, doivent être, par application de la Loi monégasque, jugées irrecevables.
Sur les demandes de rappel de commissions pour l'année 2012 et jusqu'au 30 mars 2013
L'appelant critique le premier juge, pour avoir jugé fondées, les demandes de commissions formées par le salarié, le 10 avril 2013, au motif que ni l'employeur, ni le syndic n'auraient répondu de façon précise et objective aux arguments chiffrés présentés par l'intimé, estimant qu'un défaut de réponse à une réclamation ne suffit pas à en établir le bien-fondé.
Pour justifier du bien-fondé de ses demandes, le salarié produit :
- (sa pièce n° 2), le contrat de travail qui prévoit en son article 6, relatif à la rémunération, le versement d'une part fixe et d'une part variable comprise entre 5 et 8 % du chiffre d'affaires hors taxes,
- (ses pièces n° 4 et 4 bis), un courrier de réclamations, s'appuyant sur un tableau détaillant les commissions réclamées pour les années 2012 et 2013,
- le rappel de l'article 6 du contrat de travail, prévoyant expressément que les commissions afférentes aux commandes passées avant la rupture du contrat de travail, lui restent acquises.
Force est de constater, que les tableaux établis a posteriori par le salarié, pour soutenir sa demande de paiement de rappel de commissions, formée pour la première fois auprès du syndic liquidateur judiciaire de la société employeur le 10 avril 2013, c'est-à-dire postérieurement à la lettre de licenciement économique du 7 avril 2013, ne suffisent pas à établir le bien-fondé de ses demandes.
En effet, le salarié par ces tableaux, soutient que mois par mois, les factures de la société auraient été inférieures aux commandes qu'il aurait enregistrées, ce dont il déduit un manque à gagner, par application sur cette différence, d'un taux moyen de commissions de 6 % en 2012, et de 7 % en 2013.
Cependant, aucun élément ne vient corroborer les chiffres qu'il consigne, ni s'agissant des commandes qu'il aurait prises, ni s'agissant des sommes qui auraient été facturées suite à ses commandes, ni d'ailleurs, s'agissant du taux de commissionnement, que les termes du contrat de travail fixent à 5 %, sauf «S/Aurelys », où il est fixé à 8 %.
Il s'en déduit que ses demandes ne sont pas fondées.
Le premier juge sera infirmé en ce qu'il a fait droit aux demandes à concurrence de la somme de 4.116 € au titre des rappels de commissions pour les années 2012 et 2013.
Sur la demande concernant le mois de mars 2013
Le salarié réclame une somme de 800 € qu'il qualifie dans les motifs de ses conclusions de « dommages et intérêts » pour commissions sur chiffre d'affaires non réalisé du fait de l'employeur, alors que dans le dispositif de ces mêmes conclusions, il sollicite à ce titre des « commissions manquantes sur chiffre d'affaires non réalisé en mars 2013 ».
Au soutien de ses demandes, il produit le courrier de l'employeur du 19 mars 2013 (sa pièce n° 3), par lequel, l'employeur, lui a demandé jusqu'à nouvel ordre d'arrêter ses tournées sur son secteur, « compte tenu de la situation que connaît actuellement la société », précisant être « en attente de la décision du syndic liquidateur concernant la suite des événements » et « espérer que cet arrêt soit le plus bref possible ».
Il résulte des pièces du dossier (pièce n° 11 de l'employeur), que la société employeur a été déclarée en cessation des paiements par jugement du Tribunal de Première Instance de Monaco du 7 mars 2013.
Au vu de cette situation, et à défaut pour le salarié de la caractériser et de la qualifier, il n'est pas établi à l'encontre de l'employeur de faute qui justifierait l'octroi de dommages et intérêts.
Par ailleurs, le salarié ne produit aucun élément comptable qui permettrait de fonder sa demande au titre de « commissions manquantes ».
Sa demande est jugée infondée et sera rejetée, contrairement à la décision du premier juge qui sera infirmé.
Sur la demande de remboursement de frais
Le premier juge a fait droit à cette demande, à concurrence d'une somme de 4.113,81 €.
L'appelant ne conteste pas que les sommes réclamées à ce titre doivent être inscrites au passif de la société employeur au rang des créances chirographaires.
Le premier juge sera confirmé.
Sur la demande au titre du solde de l'indemnité de licenciement
Cette demande est fondée au visa de l'application de la convention collective des VRP, dont il a été jugé qu'elle s'appliquait au titre des dispositions impératives françaises de protection du salarié.
Les seules contestations élevées par l'appelant, pour contester la décision du premier juge sur le calcul de ce solde d'indemnité, consistent à tort à soutenir que cette convention collective des VRP ne serait pas applicable à l'espèce.
Il s'en déduit que le premier juge, doit être confirmé, en ce que, par application de la convention collective des VRP, il a, de façon non contestée, fait le calcul de l'indemnité conventionnelle, constaté qu'elle s'élevait à la somme de 14.359,57 €, et, constatant que le salarié n'avait reçu que la somme de 7.812,52 €, a fixé sa créance à la somme de 6.547,05 €, correspondant à la différence entre la somme due et la somme reçue.
Sur la contestation de la cause réelle et sérieuse du licenciement
Au soutien de ses prétentions à ce titre, le salarié invoque à la fois, au visa des dispositions des articles L. 1233-3 et L. 1233-4 du code du travail, d'une part, l'insuffisance du motif économique contenu dans la lettre de licenciement, considérant qu'il n'est ni objectif, ni précis, ni matériellement vérifiable, et d'autre part, le manquement de l'employeur à son obligation de recherche de reclassement.
L'employeur, pour s'opposer aux demandes et contester la décision du premier juge, qui a fait droit aux demandes au motif d'absence de recherche de reclassement,
fait valoir que :
- les dispositions de la Loi française, ne sont pas applicables, au contraire des dispositions de la Loi monégasque,
- même sous l'angle de l'application de la Loi française, la lettre de licenciement est motivée et aucune solution de reclassement n'était envisageable au sein de la société employeur à la date de rupture du contrat de travail litigieux, puisqu'en raison de l'ouverture de la procédure de cessation des paiements, lequel n'autorisait pas la poursuite de l'activité de l'entreprise, le licenciement de tout le personnel était devenu inéluctable, dès lors que la société employeur n'est pas filiale d'un groupe et que le reclassement était de ce fait impossible.
Ainsi qu'il l'a déjà été jugé par les premiers développements de la présente décision auxquels il est renvoyé, le salarié peut prétendre à l'application des règles impératives et d'ordre public de la Loi française, relatives à la protection des salariés, en matière de rupture du contrat de travail, qu'il invoque.
La lettre de licenciement, du 4 avril 2013, produite par le CGEA, est libellée en ces termes :
« Je viens vers vous ès qualités de syndic de la SAM Cosmetic Laboratories désigné à cette fonction par jugement du Tribunal de Première Instance en date du 7 mars 2013.
Cette décision, compte tenu de l'absence d'autorisation de poursuite de l'activité de la SAM Cosmetic Laboratories implique le licenciement pour motif économique de l'ensemble du personnel.
Dès lors je me vois contraint de vous notifier votre licenciement pour motif économique... ».
Au vu des motifs, par lesquels ce courrier indique à la fois l'absence d'autorisation de poursuite de l'activité, issue d'une décision juridictionnelle, dont la date et la référence sont citées, permettant toute vérification utile, de même que les conséquences à en déduire, à savoir, une cessation totale de l'activité de la société employeur, impliquant le licenciement pour motif économique de l'ensemble du personnel, c'est à tort et par une position contredite par les éléments du dossier, que le salarié soutient que la lettre de licenciement ne serait pas à suffisance motivée.
Par ailleurs, le délai écoulé entre la décision du Tribunal de Première Instance du 7 mars 2013, la lettre de licenciement du 4 avril 2013 et les motifs contenus par cette lettre de licenciement, contiennent à eux seuls la démonstration de l'impossibilité de tout reclassement au sein de l'entreprise dès lors que la société employeur n'avait plus aucune possibilité d'activité et qu'il n'est pas contesté qu'elle ne faisait pas partie d'un quelconque groupe.
Dans ces conditions, aucun manquement à l'obligation de recherche de reclassement ne peut être sérieusement caractérisé.
Les demandes du salarié ne sont pas fondées, et seront rejetées, contrairement à la décision du premier juge à ce titre.
Sur la demande de capitalisation des intérêts par application de l'article 1343-2 du code civil français
Le salarié ne soutient, ni ne démontre que cette disposition du droit français, serait impérative, si bien qu'au vu du choix des parties de la Loi monégasque, ces dispositions ne trouvent pas à s'appliquer, et que cette demande sera rejetée.
Sur le débiteur des garanties de salaire
Tant l'Association pour la gestion de la Caisse de Garantie des Créances des Salariés de Monaco (CGCS en abrégé), que l'UNEDIC, délégation AGS, CGEA Ile-de-France Ouest, appelée en cause par la première, contestent leur garantie et sollicitent respectivement leur mise hors de cause.
Au soutien de ces contestations,
1- le CGCS fait valoir que :
- l'avance qu'il a consentie au salarié ne vaut pas reconnaissance de sa garantie,
- le salarié était domicilié et effectuait sa prestation de travail en France alors que la société versait ses cotisations non au CGCS mais auprès de l'URSSAF jusqu'au mois de mars 2013, après cette date une ligne 4200 « AGS » apparaît sur les bulletins de paie,
- suivant la Directive Communautaire du 23 septembre 2002, les articles L. 3252-18-1 et -2 du code du travail ainsi que la jurisprudence, les conditions de l'article L. 3253-8 du code du travail étaient remplies, l'AGS doit garantie, sous peine de bénéficier d'un enrichissement sans cause ;
2- l'UNEDIC, délégation AGS, CGEA Ile-de-France Ouest fait valoir que :
- selon la jurisprudence, seul le CGCS doit garantie dans le cas du salarié embauché par une société monégasque soumise à une procédure collective ouverte dans la principauté,
- le moyen tiré de la violation de l'ordre public de protection est inopérant dans la mesure où il existe une association CGCS dont les garanties sont supérieures à celles de l'AGS,
- il n'est pas établi, notamment au visa des bulletins de paie, que la société employeur a cotisé au fonds de garantie française,
- d'ailleurs, le CGCS a fait l'avance des sommes sans contester sa garantie,
- enfin, le CGEA rappelle le champ et le plafonnement de la garantie de l'AGS et invoque l'article L. 622-28 du code de commerce qui prévoit que le jugement d'ouverture d'une procédure collective arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels.
Les pièces du dossier établissent que la CGCS est intervenue sans contestation de sa garantie, d'une part, en effectuant auprès du salarié, au titre des créances déclarées et admises au passif de la liquidation de la société employeur, divers paiements (3.320,18 € puis, 10'996,99 €), de même qu'en refusant de procéder au paiement des frais dus au salarié, faute de considérer que ces frais entraient dans le champ de sa garantie.
Quoi qu'il en soit, la garantie des créances de salaire relève de la compétence de l'organisme de garantie de l'État de la procédure collective lorsque le salarié exerce son activité en dehors de tout établissement de son employeur, comme au cas particulier, la jurisprudence relative à l'extension à l'ordre international des règles internes de compétence prévue par l'article R. 517-1 du code du travail n'étant pas, au cas particulier applicable, dès lors que le salarié n'exerçait nullement son activité dans le cadre d'un établissement de l'employeur, qui se serait situé sur le territoire français.
Il s'en déduit que c'est bien la Caisse de Garantie des Créances des Salariés de Monaco (CGCS en abrégé) qui doit sa garantie, conformément à la décision du premier juge.
L'équité ne commande pas l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à la cause.
Les dépens suivront le sort des frais privilégiés de liquidation.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré, statuant, publiquement, par arrêté réputé contradictoire, en dernier ressort et par arrêt mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Pau du 22 juin 2015, sauf en ce qu'il a :
- jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- débouté le salarié de ses demandes indemnitaires formées au titre du non-respect de l'ordre des licenciements, du défaut de mentions de la lettre de licenciement, du défaut de proposition du CSP,
- fixé la créance due au salarié, M. [J], par M. [T] [O], ès qualités de syndic à la procédure de liquidation des biens de la SAM Cosmetic Laboratories aux sommes de :
2.840 € au titre des commissions de 2012,
1.276 € au titre des commissions de 2013,
800 € au titre des commissions de mars 2013,
15.288 € au titre des articles L. 1233-4 et L. 1235-3 du code du travail,
Et statuant à nouveau de ces seuls chefs,
Déboute le salarié de ses demandes de voir juger son licenciement économique dénué de cause réelle et sérieuse,
Déclare irrecevables les demandes indemnitaires du salarié formées au titre du non-respect de l'ordre des licenciements, du défaut de mentions de la lettre de licenciement, du défaut de proposition du CSP,
Déboute le salarié de ses demandes en fixation au passif de la SAM Cosmetic Laboratories, des créances suivantes :
2.840 € au titre des commissions de 2012,
1.276 € au titre des commissions de 2013,
800 € au titre des commissions de mars 2013,
15.288 € au titre des articles L. 1233-4 et L. 1235-3 du code du travail,
Y ajoutant,
Déboute le salarié de sa demande au titre de la capitalisation des intérêts, formée en application de la Loi française,
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,
Dit que les dépens exposés en appel, suivront le sort des frais privilégiés de liquidation.
Arrêt signé par Madame THEATE, Présidente, et par Madame HAUGUEL, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,