PhD/EA
Numéro 18/1938
COUR D'APPEL DE PAU
2ème CH - Section 1
ARRÊT DU 30/05/2018
Dossier : 17/01344
Nature affaire :
Demande relative à une servitude de distance pour les plantations et constructions
Affaire :
Francis X...
C/
Antoine Y...
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 30 Mai 2018, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 01 Mars 2018, devant :
Philippe Z..., magistrat chargé du rapport,
assisté de Madame Catherine SAYOUS, greffier présent à l'appel des causes,
Philippe Z..., en application des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame Valérie SALMERON, Président
Madame Cécile MORILLON, Conseiller
Monsieur Philippe Z..., Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur Francis X...
né le [...] à RIVEHAUTE (64190)
de nationalité Française
[...]
Représenté par Me François E... de la A..., avocat au barreau de PAU
INTIME :
Monsieur Antoine Y...
né le [...] à PATERNA (ESPAGNE)
de nationalité Française
[...]
Représenté par Me Karine B... de la C..., avocat au barreau de PAU
sur appel de la décision
en date du 27 MARS 2017
rendue par le JUGE DE L'EXECUTION DE PAU
FAITS-PROCEDURE -PRETENTIONS et MOYENS DES PARTIES
M. Francis X..., agriculteur, est propriétaire à Rivehaute (64) des parcelles cadastrées [...] et [...] qui jouxtent les parcelles [...] et [...] appartenant à M.Antoine Y....
Un conflit de voisinage a opposé les deux propriétaires concernant des écoulements d'eau, l'empiètement de végétation et l'emplacement des clôtures.
Par ordonnance du 30/06/2011, le président du tribunal de grande instance de Pau a conféré force exécutoire à un protocole d'accord signé entre les parties le07/01/2011, faisant suite à une expertise amiable du 05/10/2010, auxtermesduquel :
- M. Y... s'engage à continuer à entretenir régulièrement la végétation des parcelles lui appartenant n°90 et 91 de la section AC de la commune afin de se conformer à l'article 671 du code civil
- M. Y... s'engage à continuer à entretenir régulièrement le ruisseau qui longe sa parcelle [...] afin d'éviter des débordements intempestifs ; il s'engage à ne pas pratiquer de dérivation sur ce ruisseau et à reboucher celles déjà pratiquées
- M. X... admet que le ruisseau situé sur la parcelle de M. Y... n'est pas dimensionné pour recevoir l'ensemble des pluies qui sont recueillies des terrains situés en amont ; il ne peut être rendu responsable des débordements observés lors des fortes pluies de type orageux ou des périodes pluvieuses prolongées
- M. Y... s'engage à ramener ses clôtures en limite de sa propriété
- les travaux de mise en conformité sus-visés seront exécutés et terminés au profit de M. X... au plus tard le 31/01/2011
Le 18/08/2011, M. X... a assigné M. Y... en fixation d'une astreinte assortissant les travaux mis à la charge de ce dernier.
Par jugement du 07/05/2012, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Pau a débouté M. X... de ses demandes.
Par arrêt infirmatif du 29/05/2015, rendu au résultat d'une expertise judiciaire clôturée le 22/05/2014 par M. D... commis dans un arrêt avant dire droit, la cour d'appel de céans, après avoir constaté que les travaux avaient été effectués avec retard, a condamné M. Y... au paiement de la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts, outre le remboursement des frais de constatd'huissier.
Se plaignant encore du non respect du protocole transactionnel revêtu de la force exécutoire, et suivant exploit du 19/10/2016, M. X... a fait assigner M. Y... par devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Pau en fixation d'une astreinte et indemnisation de son préjudice.
Par jugement du 27/03/2017, le juge de l'exécution a débouté M. X... de l'ensemble de ses demandes, condamné ce dernier aux dépens et au paiement d'une indemnité de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration au greffe faite le 07/04/2017, M. X... a relevé appel de ce jugement.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 07/02/2018.
Vu les dernières conclusions notifiées le 07/06/2017 par M. X... tendant à voir, au visa de l'article L213-6 du code de l'organisation judiciaire et 1382 du codecivil :
- ordonner à M. Y... de faire procéder aux travaux stipulés dans le protocole transactionnel du 07/01/2011 sous astreinte de 200 euros par jour de retard àcompter de la signification de l'arrêt à intervenir
- condamner M. Y... à lui payer :
- une somme de 1.800 euros au titre de la remise en état de son fossé
- une somme de 6.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de ses préjudices financier, moral et de jouissance
-une somme de 4.000 euros pour résistance abusive
- ordonner s'il échet une mesure d'expertise judiciaire
- condamner M. Y... au paiement d'une indemnité de 3.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
Vu les dernières conclusions notifiées le 06/02/2018 par M. Y... tendant àvoir:
- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions
- condamner M. X... au paiement d'une indemnité de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
MOTIFS
1-sur la demande d'astreinte
Aux termes de l'article L131-1 du code des procédures civiles d'exécution, le juge peut assortir d'une astreinte une décision rendue par un autre juge si les circonstances le justifient ;
En l'espèce, il incombe à M. X... de rapporter la preuve des circonstances justifiant d'assortir d'une astreinte l'ordonnance du 30/06/2011 conférant force exécutoire au protocole transactionnel signé entre les parties le 07/06/2011 ;
Ce protocole transactionnel a pour objet tout à la fois de régler le litige de voisinage en cours à la date de sa signature mais aussi de prévenir tout litige futur lié à l'empiètement des végétaux du fonds Y... sur le fonds X... et aux déversements des eaux pluviales artificiellement dirigées vers ledit fonds, M.Y... s'étant reconnu débiteur, outre du déplacement des clôtures en limite de sa propriété, d'une obligation d'entretien régulier de la végétation et d'une obligation d'entretien régulier du «ruisseau», comportant le rebouchage des dérivations existantes, et s'interdisant de créer toute dérivation vers le fondsX... ;
Il faut relever que, comprises entre les bornes A-B-C situées en amont, les parcelles [...], en nature de terres agricoles, et 91, en nature de bois, sont contigües sur près de 82 mètres ; les parcelles [...], bâtie, et 90, bâtie, comprises entre les bornes C-D-E sont contigües sur près de 34 mètres ;
A l'occasion du précédent contentieux sur l'inexécution du protocole, la cour de céans, dans son arrêt du 29/05/2015 a constaté que M. Y... avait exécuté les obligations mises à sa charge ;
Les circonstances pouvant justifier une astreinte doivent donc nécessairement procédé de manquements contractuels postérieurs à la date de l'arrêt ;
1-1 - sur l'emplacement des clôtures limitatives de propriété
Aux termes du protocole transactionnel, M. Y... s'est «engagé à ramener ses clôtures en limite de propriété», et ce avant le 31/01/2011 ;
Pour établir la preuve d'un empiètement des clôtures délimitant la parcelle [...] sur la parcelles [...], l'appelant produit un constat d'huissier de justice en datedu 05/08/2016, doublé d'un constat en date du 05/10/2016 aux termes desquels l'huissier indique «par rapport au dernier procès-verbal de constat du29/09/2011, je constate qu'une partie de cette clôture a été déplacée vers la limite séparative entre les bornes A, B et C. Mais de la borne B vers la borne C, je constate que cette clôture empiète sur la propriété Davan sur une longueur de19 mètres» ;
Mais, il ressort de la procédure antérieure engagée le 18/08/2011 par M. X... que le constat du 29/09/2011, invoqué pour dénoncer l'empiètement des clôtures, avait été jugé insuffisant par le premier juge, tandis que la cour d'appel a tenu pour établie la conformité de l'implantation des clôtures séparatives avec les limites des propriétés respectives ;
Il faut donc constater, d'une part que M. Y... a exécuté le protocole transactionnel, ayant pour objet un acte précis et à exécution définitive, et, d'autre part, en tout état de cause, il ne résulte d'aucun élément que la clôture litigieuse aurait fait l'objet d'un nouveau déplacement postérieurement à l'arrêt alors que les constatations de l'huissier demeurent tout aussi laconiques et peu démonstratives que celles qu'il avait pu faire le 29/09/2011 ;
Il n'y a donc pas lieu à astreinte ;
1-2 - sur l'entretien de la végétation
Aux termes du protocole transactionnel, M. Y... s'est «engagé à continuer à entretenir régulièrement la végétation des parcelles lui appartenant n°90 et 91 de la section AC de la commune afin de se conformer à l'article 671 du code civil»;
M. Y... s'est donc reconnu débiteur de cette obligation d'entretien, précise dans son objet visant la maîtrise de la croissance et de la prolifération des végétaux en limite de propriété conformément aux prescriptions de l'article 671du code civil, dont la teneur est reproduite dans l'acte, cette obligation devant être exécutée tout à la fois pour remédier aux désordres existants à la date du protocole mais également pour le futur en fonction du développement des végétaux en limite de propriété ;
S'il ressort effectivement du constat d'huissier du 05/08/2016 que la végétation s'est développée en hauteur et au sol en violation des dispositions de l'article 671 du code de procédure civile, il est établi suivant constat d'huissier du 27/10/2016, réalisé à la demande de M. Y..., que ce dernier a procédé aux travaux d'élagage et de débrousaillage qui satisfont aux exigences du protocole ;
Il n'y a donc pas lieu à astreinte ;
1-3 - sur le déversement artificiel des eaux pluviales
Aux termes du protocole transactionnel, M. Y... «s'engage à continuer à entretenir régulièrement le ruisseau qui longe sa parcelle [...] afin d'éviter des débordements intempestifs ; il s'engage à ne pas pratiquer de dérivation sur ce ruisseau et à reboucher celles déjà pratiquées» ; pour sa part, M. X... «admet que le ruisseau situé sur la parcelle de M. Y... n'est pas dimensionné pour recevoir l'ensemble des pluies qui sont recueillies des terrains situés en amont ; il ne peut être rendu responsable des débordements observés lors des fortes pluies de type orageux ou des périodes pluvieuses prolongées» ;
Ainsi, sous réserve de la servitude légale d'écoulement des eaux des articles 640 et suivants du code civil, auxquels ne dérogent pas le protocole, M. Y... s'est obligé à faire cesser, et s'est interdit de créer, tout aménagement artificiel dirigeant les eaux pluviales vers le fonds X... ;
Dans le cadre du précédent contentieux, l'expert judiciaire D... avait relevé :
- la mise en place d'un captage devant la cabane située en partie haute de la propriété de M. Y.... Ce captage est dirigé vers son fossé situé en limite sud à l'opposé de la propriété de M. X...
- les rigoles précédemment constatées ne débouchent en aucun point directement sur le fossé de M. X.... Il reste sur le terrain, deux traces de «rigoles» non connectées avec le fonds X..., situées au milieu et en partie basse de la propriété ;
Dans son arrêt du 29/05/2015, la cour de céans a jugé satisfactoires les travaux réalisés par M. Y... et la conformité des lieux avec les engagements pris dans le protocole transactionnel ;
Désormais, M. X... soutient que M. Y... aurait relié des rigoles dissimulées sur son terrain vers le fossé de drainage des eaux pluviales, creusé et garni de graviers le long de sa parcelle [...] ; selon l'appelant, l'afflux important d'eau provenant du fonds Y... dégrade son réseau d'évacuation des eaux pluviales adapté au volume de sa propriété ;
Au soutien de ses allégations, l'appelant produit :
-des photographies des lieux prises en mars 2016 montrant le lessivage par les eaux pluviales du fossé avec déplacement des galets vers le bas de la pente
-le constat d'huissier du 05/08/2016 concernant les constatations suivantes :
- «côté borne A, derrière l'abri de jardin, je devine une rigole transversale. M. X... déclare que cette rigole rejoint l'ancien réseau de rigoles cachés de la végétation et des planches
- au niveau de la borne A sur 24 mètres, les galets sont bien organisés et n'ont pas bougés. Par contre, à partir du 24ème mètre, au niveau de la rigole transversale cachée par M. Y..., je constate que les galets se sont détachés et s'accumulent vers le bas de la pente au niveau du petit muret de la route»
- le constat d'huissier du 05/10/2016, complétant le précédent : « en partie haute du terrain, je devine des dépressions de type rigole creusées dans la propriétéY... et qui se dirigent vers le fossé d'évacuation des eaux de la propriété X... » ;
Il faut rappeler que dans son constat du 18/08/2011, l'hussier avait noté que la rigole située derrière l'abri de jardin avait été «condamnée» et noté la présence, entre les bornes C et D, la présence de sortie de rigoles transversales provenant du fonds Y... et dirigée vers le fonds X... ;
Dans son arrêt du 29/05/2015, la cour a constaté que toutes les dérivations des anciennes rigoles avaient été supprimées ;
Selon M. X..., M. Y... aurait modifié son terrain et créé de nouvelles dérivations, reprenant ainsi d'anciennes allégations émises dans le cadre du précèdent contentieux ;
Mais, les dernières constatations de l'huissier sont extrêmement vagues et imprécises, les photographies annexées étant peu démonstratives et impropres à caractériser l'existence d'une prétendue rigole qui aurait été dissimulée par M.Y... et qui serait à l'origine des désordres survenus à son fossé enmars2016 alors qu'il est constant qu'au cours de ce mois de mars des pluies massives se sont abattues sur la région détrempant et lessivant les sols ainsi que cela ressort des propres photographies versées aux débats par l'appelant (pièce5page), sans qu'aucun élément ne permette de considérer comme plausible l'hypothèse d'une dérivation artificielle des eaux pluviales du fonds Y... vers le fonds X... ayant contribué aux dommages subis par le fossé ;
Il n'y a donc pas lieu à astreinte, ni à expertise judiciaire qui ne saurait suppléer la carence du demandeur dans l'administration de la preuve dans une instance au fond ;
2-sur les demandes de dommages et intérêts
La preuve de l'imputabilité à M. Y... des dommages subis par le fossé n'étant pas rapportée, M. X... sera débouté de sa demande de dommages et intérêts dece chef ;
Et, en l'absence soit de manquement aux obligations mises à la charge de M.Y..., soit de preuve d'un préjudice résultant de l'exécution tardive des travaux d'élagage et de débroussaillage, M. X... sera débouté de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
Pour l'ensemble des motifs qui précèdent, le jugement entrepris sera confirmé en toutes ses dispositions et M. X... condamné aux dépens d'appel ;
M. Y... sera débouté de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel ;
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
CONDAMNE M. X... aux dépens d'appel,
DEBOUTE M. Y... de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile devant la cour d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Madame Valérie SALMERON, Président, et par Madame Catherine SAYOUS, greffier, suivant les dispositions de l'article456 du Code de Procédure Civile.
Le GreffierLe Président