VS/ND
Numéro 20/1465
COUR D'APPEL DE PAU
2ème CH - Section 1
ARRET DU 26/05/2020
Dossier : N° RG 18/03950 - N° Portalis DBVV-V-B7C-HDOO
Nature affaire :
Demande en paiement relative à un contrat non qualifié
Affaire :
[O] [D]
C/
SELARL EKIP'
SA CLINIQUE [9]
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 26 Mai 2020, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
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APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 10 Mars 2020, devant :
Valérie SALMERON, magistrat chargé du rapport,
assisté de Madame Catherine SAYOUS, Greffière présente à l'appel des causes,
Valérie SALMERON, en application des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Marc MAGNON et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame Valérie SALMERON, Président
Monsieur Marc MAGNON, Conseiller
Monsieur Hervé DUPEN, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [O] [D] Profession : chirurgien orthopédiste
né le [Date naissance 2] 1963 à [Localité 3]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 8]
Représenté par Me Olivia MARIOL de la SCP LONGIN/MARIOL, avocat au barreau de PAU
Assisté de Me OLHAGARAY, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMEES :
SELARL EKIP'ès qualité de Liquidateur judiciaire de la SA CLINIQUE [9], dont le siège [Adresse 5], selon jugement du Tribunal de commerce de Dax en date du 22 juin 2016
[Adresse 1]
[Localité 3]
SA CLINIQUE [9] SA CLINIQUE [9], dont le siège social est [Adresse 5], représentée par Mr [C] [L] demeurant [Adresse 6]
[Adresse 5]
[Localité 8]
défaillante
assistée de Me Bertrand DEFOS DU RAU de la SCP DEFOS DU RAU-CAMBRIEL-REMBLIERE, avocat au barreau de DAX
Représentée par Me Bertrand DEFOS DU RAU de la SCP DEFOS DU RAU-CAMBRIEL-REMBLIERE, avocat au barreau de DAX
sur appel de la décision
en date du 13 NOVEMBRE 2018
rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE DAX
Exposé des faits et procédure :
La Société Clinique [9] et le Docteur [O] [D], chirurgien orthopédiste, ont signé le 4 janvier 1996 un contrat d'exercice professionnel libéral à effet du 1er janvier 1996.
La Clinique [9] a fait l'objet d'un jugement de sauvegarde en date du 07/10/2015 suivi d'un redressement judiciaire le 13 avril 2016, publié au Bodacc le 20 avril 2016, puis d'un jugement de liquidation judiciaire en date du 22 juin 2016, publié au Bodacc le 28 juin 2016.
Par courrier recommandé avec accusé de réception le 20 juin 2016, [O] [D] a notifié à la Clinique [9] la rupture de son contrat.
[O] [D] a déclaré une créance à titre privilégié d'un montant de 532.000 euros selon déclaration de créance du 25 août 2016.
Compte tenu des contestations soulevées, les parties ont été convoquées devant le juge-commissaire conformément aux dispositions des articles L. 624-2, et R. 624-4 du code de commerce.
Par ordonnance du 22 juin 2017, le juge-commissaire a invité [O] [D] à mieux se pourvoir, et à saisir le tribunal de commerce au fond dans le délai d'un mois sous peine de forclusion en application des dispositions de l'article R. 624-5 du code de commerce.
[O] [D] a en conséquence saisi le tribunal de commerce de Dax au fond par assignation du 19 juillet 2017 aux fins notamment de constater la résiliation du contrat d'exercice et d'admettre sa créance au passif de la société la Clinique [9].
Par jugement du 13 novembre 2018, le tribunal de commerce de Dax a :
- débouté [O] [D] de ses demandes
- condamné [O] [D] à une indemnité de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile (cpc)
- condamné [O] [D] aux entiers dépens.
Par déclaration en date du 14 décembre 2018, [O] [D] a relevé appel du jugement.
La clôture est intervenue le 11 février 2020.
***
Prétentions et moyens des parties':
Vu les conclusions notifiées le 2 septembre 2019 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de [O] [D] demandant, au visa des articles 1134 et suivants du code civil dans son ancienne rédaction, de :
- débouter la SELARL Ekip et la clinique [9] de l'ensemble de ses demandes
- infirmer le jugement en date du 13 novembre 2018 dans toutes ses dispositions
Statuant à nouveau :
- constater que la résiliation du contrat d'exercice par la clinique [9] au préjudice de [O] [D]
- admettre la créance de [O] [D] à hauteur de la somme de 511.503 euros au passif de la clinique [9]
- condamner conjointement et solidairement la SELARL Ekip' et la clinique [9] à verser à [O] [D] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du cpc
- condamner conjointement et solidairement la SELARL Ekip' et la clinique [9] aux dépens.
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Vu les conclusions notifiées le 25 juin 2019 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la clinique [9] et la Selarl Ekip' en qualité de liquidateur judiciaire de la clinique [9] demandent de :
- confirmer le jugement entrepris.
Y ajoutant :
- condamner [O] [D] au paiement d'une indemnité de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du cpc ainsi qu'aux entiers dépens.
Motifs de la décision :
- sur la demande de résiliation judiciaire du contrat d'exercice libéral et sur l'imputabilité de la rupture :
En droit, selon l'article 1134 du code civil dans sa version applicable au cas d'espèce, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.
Selon l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution s'il ne justifie pas que l'inexécution a été empêchée par la force majeure, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
[O] [D] demande à la cour de prononcer la résiliation judiciaire aux torts de la clinique [9] et d'appliquer la clause contractuelle de l'article 9 de son contrat pour lui allouer des indemnités de rupture soit 482.000 euros ainsi que 50.000 euros de dommages-intérêts complémentaires aux motifs que la rupture du contrat d'exercice libéral est de la seule responsabilité de la clinique [9], qu'elle revêt un caractère fautif et ne résulte nullement d'un cas de force majeure ou du «'fait du prince'».
La clinique [9] et la selarl Ekip' es qualités lui opposent l'imputabilité de la rupture contractuelle dont il a pris lui-même l'initiative, le défaut de rupture abusive du contrat par la clinique alors qu'il s'est engagé à travailler dès juillet 2016 auprès du Centre hospitalier de [Localité 8], la rupture du contrat ayant été prononcée par ordonnance du juge-commissaire du 23 août 2016.
- Sur la responsabilité de la rupture du contrat :
Le fait que dans son ordonnance du 23 août 2016 le juge-commissaire ait constaté la résiliation de plein droit du contrat d'exercice de [O] [D] en application de l'article L. 641-11-1 du code de commerce, ne fait pas obstacle à ce que la cour, saisie au fond de l'imputabilité réelle de la rupture contractuelle, constate que la rupture du contrat était antérieure à la date mentionnée par le juge-commissaire qui est incompétent pour statuer sur la nature et la réalité de la créance contestée, dans le cadre de la simple procédure de vérification des créances et qui a d'ailleurs renvoyé [O] [D] à mieux se pourvoir par ordonnance du 22 juin 2017.
Dans sa déclaration de créance, [O] [D] sollicite une créance indemnitaire contractuelle d'une annuité fondée sur l'article 8 de son contrat d'exercice libéral et une indemnité complémentaire.
Il convient de constater que si la clause indemnitaire contractuelle d'une annuité visée dans la déclaration de créance existe, la référence à l'article 8 est erronée alors que la clause indemnitaire prévue au contrat est celle de l'article 9 qui stipule que «'en cas de rupture abusive par la Clinique, le docteur [O] [D] pourra prétendre à une indemnité due par la clinique calculée sur la base moyenne des honoraires annuels perçus par le docteur [O] [D] au cours' des trois dernières années d'exercice à la clinique.
Elle est égale à :
- une demi annuité, si son exercice a duré moins de cinq ans
- trois quarts d'annuité s'il exercé entre cinq et dix ans
- une annuité s'il a exercé entre dix et vingt cinq ans
- deux annuités au delà de vingt-cinq ans d'exercice».
L'application de la clause indemnitaire ne peut donc entrer en vigueur que si la rupture du contrat incombe à la clinique et est abusive.
Les parties s'opposent sur les conditions de la rupture.
Pour [O] [D], la suspension du contrat à compter du 31 mai 2016 pour suspension de l'activité de la clinique avec fermeture du bloc opératoire est une rupture contractuelle déguisée et abusive, l'empêchant d'exercer son métier dès fin mai 2016.
Pour la clinique, il ne s'agissait que d'une suspension provisoire du contrat en raison d'un risque médical lié à la présence d'un seul anesthésiste alors que l'activité de la clinique avait baissé depuis plusieurs années sans que les médecins n'assurent le remplacement des médecins démissionnaires ou partis en retraite et qu'à la suite de la baisse constante de son activité, elle avait dû solliciter de nouveau l'autorisation de l'ARS pour poursuivre son activité courant 2016.
Sur les fautes reprochées aux médecins, il convient de relever que le grief allégué par la clinique s'agissant du défaut de recherche de médecins remplaçants n'est pas établi.
Notamment concernant le départ brutal du Dr [U], urologue, l'attestation du docteur [F] [X] [X] du 12 février 2018 permet de conforter le fait que [K] [R], urologue de la clinique, l'a sollicité pour remplacer le Dr [U], remplacement qu'il a assuré de novembre 2014 au 18 juillet 2016.
Par ailleurs, dans le contrat de [O] [D], aucune stipulation ne l'obligeait à rechercher un praticien en remplacement d'un médecin de la clinique qui cesserait d'exercer son art pour tout motif, démission, retraite cessation brutale d'exercice... Seules les dispositions de l'article 6 de son contrat lui imposait une obligation de rechercher un remplaçant dans le cas suivant : «'au cas de son arrêt temporaire d'activité pour cause de congé ou de maladie notamment, le docteur [O] [D] prendra, en temps utiles toutes mesures nécessaires pour que son service soit assuré soit par un associé, soit par un remplaçant qualifié remplaçant les conditions légales'».
Il ressort donc de son contrat que [O] [D] n'avait aucune obligation de pourvoir au remplacement d'un médecin de la clinique et notamment pas d'une autre spécialité que la sienne comme celle des médecins anesthésistes.
S'agissant des manquements de la clinique, [O] [D] lui reproche d'avoir décidé de fermer provisoirement le bloc opératoire au 31 mai 2016 pour un risque médical qui n'était pas établi, avant que la conférence régionale de santé ne formule un avis défavorable à la poursuite d'activité fin mai et que l'ARS décide le 26 juillet 2016 de ne pas renouveler l'autorisation de pratiquer l'activité de soins de chirurgie en hospitalisation complète, l'empêchant de maintenir ses interventions chirurgicales programmées à partir de juin 2016, résiliant de fait le contrat le liant à la clinique et l'obligeant à rechercher un autre lieu d'accueil de ses patients pour lui permettre de poursuivre son activité.
Il convient de rappeler que dans le contrat liant les parties, concernant les obligations de la clinique, l'article 1 stipulait «'la clinique met à la disposition du docteur [O] [D] indivisément avec le docteur [K] [J] 25 lits d'hospitalisation qu'elle exploite, aujourd'hui, ainsi que les locaux et tous moyens nécessaires pour lui permettre d'exercer son art dans les meilleures conditions, eu égard à la spécialité exercée qui est la chirurgie d'orthopédie traumatologie'».
De plus l'article 3 précisait que «'la direction de l'établissement fournira de façon permanente le concours d'un personnel qualifié conformément aux normes, affecté aux services d'hospitalisation, de consultation et aux salles d'opération et de pansement'».
Un chirurgien ne pouvant opérer sans la présence d'un anesthésiste rattaché au bloc opératoire, il ressort des stipulations précitées que la clinique s'était engagée à recruter le personnel anesthésiste indispensable pour permettre à [O] [D] d'exercer son art.
Or, il ne ressort d'aucune pièce produite par les parties que la clinique a cherché à recruter un second anesthésiste aux côtés du Dr [B] avant de dénoncer, dès le 26 avril 2016, un risque médical allégué et de décider de suspendre l'activité de la clinique au 31 mai 2016.
De plus, si la clinique se fonde dans sa notification du 26 avril 2016, sur la démission du Dr [W] anesthésiste à compter du 1er avril 2016, ce dernier l'avait informée de son départ dès le 22 décembre 2015. De plus, le remplacement du Dr [B] était assuré jusqu'au 10 juin 2016, comme cela ressort du compte-rendu conseil du bloc opératoire du 11 avril 2016 qui précisait que le Dr [S], anesthésiste, était programmé pour assister le Dr [B] du 23 mai au 28 mai et qu'il remplacerait le Dr [B] du 6 juin au 10 juin 2016.
En outre, dès le 26 mai 2016, le Dr [B], avait réussi à s'associer avec le Dr [S] pour assurer son remplacement de façon pérenne en signant un contrat d'association, contrat notifié au conseil d'administration de la clinique et à l'administrateur judiciaire.
La clinique fait observer que ce contrat n'avait pas reçu l'avis du Conseil départemental de l'ordre des médecins mais cet avis pouvait être sollicité en attendant la position définitive de l'ARS et ce à condition de ne pas suspendre l'activité de la clinique dans le cadre des modalités habituelles de remplacement d'un médecin auprès de la clinique.
Il ressort de ces constats que la clinique n'avait pas simplement suspendu provisoirement les contrats d'exercice libéral des médecins au 31 mai 2016 mais contraint ces derniers à ne plus exercer leur art et a ainsi provoqué la décision de l'ARS dans le sens du refus de l'autorisation sollicitée.
Enfin, le seul fait que le contrat d'association du Dr [S] anesthésiste avec le Dr [B] du 26 mai 2016 ne portait pas de visa du Conseil de l'ordre ne suffit pas à justifier le refus d'agrément provisoire de la clinique du second anesthésiste en attendant la position de l'ARS alors que la simple suspension, qu'elle allègue des contrats des médecins de la clinique, reposait sur un risque médical lié au défaut d'un second anesthésiste.
Il ressort par ailleurs de la décision du 26 juillet 2016 de l'ARS portant refus de renouvellement de l'autorisation d'exercer l'activité de chirurgie en hospitalisation complète, que le Directeur général de l'ARS s'est fondé notamment sur l'avis de la commission spécialisée de l'organisation des soins de la conférence régionale de la santé et de l'autonomie dans sa séance du 27 mai 2016, avis défavorable, sur le courrier de la clinique [9] du 26 avril 2016 précité et sur un courriel du 6 juin, qui n'est pas produit aux débats mais qui informait l'ARS de la fermeture du bloc opératoire.
Dans son avis défavorable, la commission spécialisée de l'organisation des soins de la conférence régionale de la santé et de l'autonomie précisait, en page 5 du compte-rendu, que les locaux ne disposaient pas de la conformité de la commission sécurité incendie notamment pour la partie dédiée à l'hébergement, qu'elle constatait une baisse d'activité non maîtrisée depuis 2011 corrélée à une baisse des effectifs médicaux et la présence d'un seul anesthésiste réanimateur depuis le 1er avril 2016 avec suspension annoncée de l'activité au 31 mai.
Cet avis ne pouvait donc prendre en considération le contrat d'association du Dr [S] et du Dr [B] du 26 mai 2016 qui a été adressé au président de la clinique et à l'administrateur judiciaire et qui permettait de poursuivre l'activité provisoirement jusqu'à la décision du président de l'ARS.
Si depuis la décision de l'ARS du 27 juillet 2015 portant injonction à la SA Clinique [9] de déposer un dossier complet pour le renouvellement de la décision du 5 août 2010 autorisant l'activité de chirurgie avec hospitalisation complète, l'avenir de la clinique dépendait de cette décision attendue de l'ARS, ce que tous les médecins de la clinique ne pouvaient ignorer, la clinique se devait de répondre aux exigences de l'ARS et à ses engagements contractuels à l'égard des médecins jusqu'à la décision attendue de l'ARS et qui devait intervenir au plus tard le 2 août 2016.
Il ne peut davantage être reproché aux seuls médecins une chute de l'activité depuis 2011 dès lors que l'activité s'est maintenue au-dessus des seuils minimaux fixés par l'ARS et notamment le seuil des 1500 séjours chirurgicaux prévus par le schéma régional d'organisation des soins (SROS PRS) et rappelé dans le rapport soumis à la commission spécialisée de l'organisation de soins de la conférence régionale de santé et de l'autonomie.
La cour ne peut que constater qu'en décidant la suspension de l'activité de la clinique au 31 mai 2016 dès le 26 avril alors que le risque médical n'était pas encore avéré et sans justifier de ses recherches pour obtenir un second anesthésiste, la direction de la clinique a contribué à l'avis défavorable de la commission de l'ARS.
En outre, l'ARS a relevé que l'avis conforme de la commission de sécurité incendie pour la partie hébergement faisait défaut, tâche qui incombait à la clinique.
Il ressort de l'ensemble de ces éléments que la suspension de l'activité de la clinique entraînait nécessairement la cessation définitive de l'activité et la rupture des contrats d'exercice libéral des médecins précipitant ainsi la décision inéluctable de l'ARS le 26 juillet suivant.
La clinique ne justifie pas d'un fait du prince ou d'une cause de force majeure lui imposant de suspendre l'activité de la clinique dès le 31 mai 2016.
Il semble qu'elle entendait profiter de la période de redressement judiciaire pour organiser les conditions de poursuite de l'activité en relation avec le Centre hospitalier de [Localité 8] mais elle ne produit aucune pièce qui l'autorisait à suspendre l'activité au 31 mai 2016, décision qui a d'ailleurs surpris les médecins de la clinique mais également l'administrateur judiciaire dès le 29 avril 2016 par sa soudaineté et son défaut de fondement réel.
Si [O] [D] a pris l'initiative formelle de constater la rupture du contrat le liant à la clinique, il ressort des manquements contractuels de cette dernière que la responsabilité de cette rupture incombe à la clinique mettant les médecins dans l'impossibilité d'exercer leur activité.
La rupture du contrat du Dr [O] [D] doit donc être imputée à la SA Clinique [9] et constitue une rupture abusive du contrat alors qu'elle a notifié une suspension du contrat qui dissimulait une rupture du contrat. Il convient d'infirmer le jugement de ce chef.
- Sur les conséquences de la rupture contractuelle :
[O] [D] demande l'application de la clause indemnitaire de son contrat.
La Clinique [9] s'oppose à la demande de [O] [D] sur le montant des indemnités réclamées qui doivent se limiter aux seuls honoraires de la clinique soit 315.906 euros et non aux honoraires de consultation et sur le non-respect de la clause de non-concurrence contractuelle du Dr [O] [D] qui est immédiatement entré au service de la clinique voisine [7] dès juillet 2016. Par ailleurs, elle oppose le défaut de justification d'un quelconque préjudice.
[O] [D] produit l'ensemble de ses comptes annuels 2013, 2014 et 2015. On y distingue les honoraires de consultation des honoraires clinique. Il produit également sa déclaration de revenus.
Il convient de relever qu'en effet, à l'article 16 du contrat, il était stipulé une clause de non-concurrence limitée à 3 années et dans un rayon de 40km du siège de la clinique dans l'hypothèse où le contrat était rompu à l'initiative de [O] [D].
Eu égard à la clause indemnitaire, les honoraires, base de calcul de l'indemnité, doivent être entendues comme étant les honoraires cliniques qui correspondent aux prestations fournies par la clinique en hospitalisation complète conformément à l'objet du contrat et non aux honoraires de consultation qui peuvent correspondre à des prestations différentes sans lien avec l'hospitalisation complète du patient.
La clause indemnitaire n'était pas liée à une contrepartie d'engagement de non réinstallation géographique limitée dans le temps et l'espace.
L'indemnité contractuelle réclamée est donc due ; elle sera limitée aux «'honoraires cliniques'».
[O] [D] ayant exercé pendant 20 ans dans la clinique, il a droit à une annuité d'honoraires, calculée comme étant la moyenne des 3 dernières années, soit 315.906 euros = (330.540+304.894+312.286)/3.
Par ailleurs, il sera alloué des dommages-intérêts au titre du préjudice complémentaire mentionné dans sa déclaration de créance.
Dans la mesure où [O] [D] a retrouvé une activité dès le mois de juillet 2016 en exerçant auprès de la clinique [7], ce qu'il ne conteste pas et à défaut de justifier de son préjudice plus précisément, le préjudice sera fixé à 20.000 euros de dommages-intérêts pour défaut de respect du délai de préavis.
La Clinique [9] sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
Elle sera condamnée à verser à [O] [D] 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance et d'appel
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
-infirme le jugement
et statuant à nouveau,
- dit que la rupture du contrat d'exercice libéral entre [O] [D] et la clinique [9] est prononcée aux torts de la Clinique [9] au 31 mai 2016
- fixe la créance de [O] [D] au passif de la SA Clinique [9] à 315.906 euros au titre de la clause indemnitaire contractuelle
-fixe à 20.000 euros la créance de [O] [D] au titre de dommages-intérêts au passif au de la Clinique [9]
- condamne la Clinique [9] et la selarl EKIP', es qualites, aux dépens de première instance et d'appel.
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne la Clinique [9] et la selarl EKIP', es qualites, à payer à [O] [D] la somme de 1.000 euros.
Arrêt signé par Madame Valérie SALMERON, Président, et par Madame Catherine SAYOUS, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE,LE PRÉSIDENT,