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28/04/2022 | FRANCE | N°19/00650

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 28 avril 2022, 19/00650


PS/SB



Numéro 22/1703





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 28/04/2022







Dossier : N° RG 19/00650 - N° Portalis DBVV-V-B7D-HFTH





Nature affaire :



Contestation d'une décision d'un organisme portant sur l'immatriculation, l'affiliation ou un refus de reconnaissance d'un droit









Affaire :



SARL [W]



C/



URSSAF MIDI-PYRENEES









G

rosse délivrée le

à :





















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 28 Avril 2022, les parties en ayant été préalablement avisées da...

PS/SB

Numéro 22/1703

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 28/04/2022

Dossier : N° RG 19/00650 - N° Portalis DBVV-V-B7D-HFTH

Nature affaire :

Contestation d'une décision d'un organisme portant sur l'immatriculation, l'affiliation ou un refus de reconnaissance d'un droit

Affaire :

SARL [W]

C/

URSSAF MIDI-PYRENEES

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 28 Avril 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 06 Décembre 2021, devant :

Madame SORONDO, magistrat chargé du rapport,

assistée de Madame LAUBIE, greffière.

Madame [Y], en application de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame NICOLAS, Présidente

Monsieur LAJOURNADE, Conseiller

Madame SORONDO, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

SARL [W]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Maître BAUCOU, avocat au barreau de PAU

INTIMEE :

URSSAF MIDI-PYRENEES

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Maître CHAMAYOU de la SELARL LAURENCE CHAMAYOU, avocat au barreau de TARBES

sur appel de la décision

en date du 31 DECEMBRE 2018

rendue par le TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DES HAUTES PYRENEES

RG numéro : 21600382 et 21600429

FAITS ET PROCÉDURE

Par lettre d'observations du 18 janvier 2016, l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Midi-Pyrénées a notifié à la Sarl [W] un redressement portant sur un rappel de cotisations et contributions d'un montant de 19.759 € pour les années 2012, 2013 et 2014 pour «'travail dissimulé avec verbalisation ' dissimulation d'emploi salarié : assiette réelle'» et «'annulation des réductions de cotisations suite au constat de travail dissimulé'», outre une majoration de redressement complémentaire pour infraction de travail dissimulé de 2.672 €.

La société [W] a émis des contestations par courrier du 15 février 2016.

L'Urssaf Midi-Pyrénées a maintenu le redressement dans sa totalité par courrier du 5 avril 2016, puis a réclamé à la société [W] les sommes de 19.759 € de cotisations, de 2.671 € de majorations de redressement et de 2.878 € de majorations de retard par courrier de mise en demeure du 15 avril 2016.

La Sarl [W] a contesté le redressement ainsi qu'il suit :

- par courrier du 10 mai 2016, devant la commission de recours amiable (CRA) de l'Urssaf Midi-Pyrénées, qui, par décision du 15 septembre 2016 notifiée le 26 octobre 2016, a rejeté sa demande,

- devant le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hautes Pyrénées, saisi le 11 octobre 2016 d'une contestation d'une décision implicite de rejet de la CRA (RG n° 21600382), puis le 28 novembre 2016 d'une contestation de la décision du 15 septembre 2016 (RG n° 21600429).

Par jugement du 7 juin 2016 du tribunal correctionnel de Pau confirmé par arrêt de la cour d'appel du 18 mai 2017, M. [O] [W], gérant de la Sarl [W] a été déclaré coupable :

- d'avoir au restaurant «'[5]'», station de ski «'[6]'» à [Localité 3], du 29 décembre 2014 au 19 février 2015, dissimulé totalement l'emploi de salariés en se soustrayant intentionnellement à l'accomplissement des formalités suivantes : délivrance d'un bulletin de paie, déclaration préalable à l'embauche,

- d'avoir au restaurant «'[4]'», [Adresse 2], du mois de juin 2013 au mois de décembre 2014, dissimulé totalement l'emploi de salariés (Marque [L], [X] [C], [R] [B] [N] et [H] [D]), en se soustrayant intentionnellement à l'accomplissement des formalités suivantes : délivrance d'un bulletin de paie, déclaration préalable à l'embauche,

- d'avoir au restaurant «'[4]'», [Adresse 2], du mois de juin 2013 au mois de décembre 2014, dissimulé partiellement l'emploi de salariés en se soustrayant intentionnellement à l'accomplissement de la formalité suivante : mention d'un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué sur le bulletin de salaire,

- d'avoir au restaurant «'Le Béderet'» à Grust et au restaurant [4] à [Localité 7], du mois de juin 2013 au mois de février 2015, employé des salariés sans tenir un registre unique du personnel conforme.

Par jugement du 31 décembre 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hautes Pyrénées a :

- ordonné la jonction de l'instance portant le numéro 21600382 à l'instance portant le numéro 21600429,

- confirmé la décision de la commission de recours amiable et le redressement,

- condamné la Sarl [W] au paiement des sommes de :

. 19.759 € au titre des cotisations

. 2.671 € au titre des majorations de redressement,

. 2.878 € au titre des majorations de retard,

- condamné la Sarl [W] à payer à l'Urssaf Midi-Pyrénées la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Ce jugement a été notifié à la Sarl [W] à une date indéterminée. Elle en a relevé appel par déclaration au guichet unique du palais de justice de Pau.

Selon avis de convocation contenant calendrier de procédure du 5 juillet 2021, les parties ont été convoquées à l'audience du 6 décembre 2021, à laquelle elles ont comparu.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon ses dernières conclusions communiquées par RPVA le 12 février 2021, reprises oralement à l'audience de plaidoirie, et auxquelles il est expressément renvoyé, la Sarl [W], appelante, demande à la cour de :

- annuler toutes les dispositions du jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Tarbes du 31 décembre 2018 et notamment en ce qu'il a :

. confirmé la décision de la commission de recours amiable et le redressement,

. condamné la Sarl [W] au paiement des sommes de 19.759 € au titre des cotisations, de 2.671 € au titre des majorations de redressement et de 2.878 € au titre des majorations de retard ainsi qu'au paiement de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Par conséquent, statuant à nouveau,

- à titre liminaire,

. constater l'absence de moyens tranchés par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Tarbes,

. ordonner la nullité du jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Tarbes du 31 décembre 2018,

En conséquence,

Sur le fond,

- à titre principal, sur la nullité du contrôle,

. principalement, constater la violation de l'article R.133-8 du code de la sécurité sociale,

. subsidiairement, constater la violation de l'article R.249-53 du code de la sécurité sociale,

. en tout état de cause, infirmer la décision de la commission de recours amiable du 6 octobre 2016 et annuler la mise en demeure du 15 avril 2016,

. ordonner le remboursement des sommes réglées d'avance par la Sarl [W],

. à défaut, lui accorder une franchise de paiement de cotisations jusqu'à compensation des créances,

- à titre subsidiaire, sur le rejet des chefs de redressement

. à titre principal, constater la violation des droits de la défense de la Sarl [W],

. subsidiairement, juger l'absence de preuve de faits de travail dissimulé par l'Urssaf,

. en tout état de cause, infirmer la décision de la commission de recours amiable du 6 octobre 2016 et annuler la mise en demeure du 15 avril 2016,

. ordonner le remboursement des sommes réglées par elle,

. à défaut, lui accorder une franchise de paiement de cotisations jusqu'à compensation des créances,

- à titre infiniment subsidiaire, sur la réduction des chefs de redressement,

. infirmer la décision de la commission de recours amiable du 6 octobre 2016 et rectifier la mise en demeure du 15 avril 2016,

. déterminer le nouveau montant redressé de cotisations ainsi que les majorations

au titre de l'assiette retenue par l'Urssaf, constater qu'elle n'a pas respecté les droits de la défense de la Sarl [W], et à défaut contester la méthode de calcul pour non-respect des dispositions de la circulaire n° SG/AFSL/SDTPS/C2008-1538 du 28 juillet 2008,

au titre des majorations, prendre acte qu'il y a lieu de retenir une majoration de 40 %,

au titre de la réduction Fillion : constater que la remise en cause de la réduction Fillion ne doit porter que sur les mois concernés par les infractions, fixer le montant des cotisations à la somme de 9.054 € et déterminer le nouveau montant des majorations,

- en tout état de cause,

. ordonner le remboursement partiel des sommes déchargées et payées par la Sarl [W],

. à défaut, lui accorder une franchise de paiement des cotisations et majorations jusqu'à compensation des créances,

. condamner l'Urssaf à payer la somme de 17.984 € en réparation du préjudice financier subi par la Sarl [W],

. condamner l'Urssaf à payer la somme de 3.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Selon ses dernières conclusions communiquées par RPVA le 2 décembre 2021, reprises oralement à l'audience de plaidoirie, et auxquelles il est expressément renvoyé, L'URSSAF MIDI-PYRENEES, intimée, demande à la cour de :

- dire la SARL [W] infondée en son appel et l'en débouter,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement prononcé le 31 décembre 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de TARBES dans toutes ses dispositions,

- condamner la SARL [W] à verser la somme de 2500 € au profit de L'URSSAF de MIDI-PYRENEES au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

SUR QUOI LA COUR

Sur la nullité du jugement du 31 décembre 2018

La Sarl [W] invoque la nullité du jugement du 31 décembre 2018 au motif qu'il n'a pas été répondu aux moyens ci-après :

- l'inexistence d'un PV 95/2015 du 17 décembre 2015, le PV 95/2015 étant en date du 18 janvier 2016,

- la procédure pénale suivie contre M. [W], son gérant, et sa condamnation pénale, ne peuvent servir à démontrer des faits de travail dissimulé à l'encontre de la Sarl [W],

- la prise d'acte par la Sarl [W] de l'application du taux de majoration à 40 %.

L'Urssaf Midi-Pyrénées s'y oppose, faisant valoir que le tribunal a répondu à tous les moyens de la Sarl [W].

Sur ce,

La demande de prendre acte que la Sarl [W] convient que la majoration de redressement est de 40 % et non de 25 % comme elle le considérait antérieurement à l'instance, n'est pas un moyen, un argument ayant une incidence sur la solution du litige, et ne pas y répondre n'est donc pas manquer à l'obligation de motivation du jugement édictée par l'article 455 du code de procédure civile. De même, le moyen suivant lequel il n'existe pas de PV n° 95/2015 du 17 décembre 2015 n'était pas sérieux car la SARL [W] se contentait, pour démontrer que le PV n° 95/2015 serait en date du 18 janvier 2016, de faire valoir que le procès-verbal de convocation de M. [W] en comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité est en date du 18 janvier 2016, alors que le ministère public ne décide pas nécessairement à la date de la clôture du procès-verbal de travail dissimulé des suites à y donner. Enfin, le premier juge a relevé que «'lorsqu'un procès-verbal de travail dissimulé est établi par l'organisme de recouvrement, c'est à l'employeur qu'incombe de prouver l'inexistence du travail dissimulé'». Il ressort ainsi du jugement déféré qu'il a été répondu aux moyens pertinents invoqués à l'appui de la contestation de la régularité du contrôle et du bien-fondé du redressement. La Sarl [W] sera donc déboutée de sa demande de nullité du jugement.

Sur la nullité du contrôle

La Sarl [W] invoque :

- la violation de l'article R.133-8 du code de la sécurité sociale qui aurait dû être appliqué, au motif que le chiffrage des cotisations a été établi sur la base des informations contenues dans un procès-verbal pour travail dissimulé transmis par les agents mentionnés par l'article L.871-1-2 du code du travail, de sorte que la lettre d'observations aurait dû être signée par le directeur de l'Urssaf, le cas échéant par l'intermédiaire de son délégataire ;

- subsidiairement, la violation de l'article R.249-53 du code de la sécurité sociale,

. à défaut de transmission du PV n° 95/2015, elle n'a pu apprécier les motivations du redressement ni les montants retenus

. en l'absence de réponses exhaustives de l'inspecteur à ses arguments.

L'Urssaf Midi-Pyrénées soutient qu'elle a à bon droit utilisé la procédure de l'article R.243-59 du code de la sécurité sociale car M. [P], inspecteur de l'Urssaf, a été associé et a collaboré avec la gendarmerie aux fins de détermination de l'infraction de travail dissimulé. Au demeurant, M. [P], inspecteur du recouvrement, a reçu délégation de signature suivant acte du 15 décembre 2014. Par ailleurs, aucun texte ne lui impose de transmettre au contrevenant le procès-verbal de travail dissimulé, lequel ne pouvait être transmis que par le procureur de la République, et l'inspecteur a répondu aux arguments de la Sarl [W].

Sur ce,

Aux termes des articles L8271-1 et L8271-1-2 du code du travail, les infractions constitutives de travail illégal mentionnées à l'article L8211-1 sont recherchées et constatées notamment par les agents de contrôle les agents des organismes de sécurité sociale et des caisses de mutualité sociale agricole agréés à cet effet et assermentés, dans la limite de leurs compétences en matière de travail illégal.

Suivant l'article L243-7 du code de la sécurité sociale, le contrôle de l'application des dispositions du code de la sécurité sociale par les employeurs est confié aux agents assermentés et agréés des organismes chargés du recouvrement des cotisations du régime général, et se déroule dans les conditions notamment précisées à l'article R243-59 du même code.

Le principe d'autonomie de ces deux procédures de contrôle pouvant amener à la recherche d'infractions de travail dissimulé implique que l'organisme de recouvrement devra respecter les dispositions relatives à la procédure qu'il a initialement engagée, soit celle du code du travail, soit celle du code de la sécurité sociale. En conséquence, les dispositions de l'article R243-59 du code de la sécurité sociale ne sont pas applicables aux opérations ayant pour objet la recherche et la constatation d'infractions constitutives de travail illégal engagées sur le fondement des articles L8271-1 et suivants du code du travail (cass. civ. 2e 9 octobre 2014 n° 13-19493, 31 mai 2018 n°17-18584).

Suivant l'article R.133-8 ancien du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2013-1107 du 3 décembre 2013 applicable au présent litige, lorsqu'il ne résulte pas d'un contrôle effectué en application de l'article L243-7 du présent code ou de l'article L724-7 du code rural et de la pêche maritime, tout redressement consécutif au constat d'un délit de travail dissimulé est porté à la connaissance de l'employeur ou du travailleur indépendant par un document daté et signé par le directeur de l'organisme de recouvrement, transmis par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception. Ce document rappelle les références du procès-verbal pour travail dissimulé établi par un des agents mentionnés à l'article L8271-7 du code du travail et précise la nature, le mode de calcul et le montant des redressements envisagés. Il informe l'employeur ou le travailleur indépendant qu'il a la faculté de présenter ses observations dans un délai de trente jours et de se faire assister par une personne ou un conseil de son choix. A l'expiration de ce délai et, en cas d'observations de l'employeur ou du travailleur indépendant, après lui avoir confirmé le montant des sommes à recouvrer, le directeur de l'organisme de recouvrement met en recouvrement les sommes dues selon les règles et sous les garanties et sanctions applicables au recouvrement des cotisations de sécurité sociale.

En l'espèce, il résulte des termes de la lettre d'observations du 18 janvier 2016 qu'elle est fondée sur les constatations opérées par les agents de la brigade territoriale autonome de [Localité 7] par procès-verbal n° 95/2015 dressé le 17 décembre 2015 se rapportant à la constatation d'une situation de travail dissimulé. («'Liste des documents consultés pour le compte : procès-verbal n° 95/2015 établi par la BTA de [Localité 7]'» « Constatations : L'adjudant-chef Lumineau de la brigade de gendarmerie de [Localité 7] relève le délit de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié à l'encontre de la Sarl [W] dirigée par M. [W] [O], gérant, par procès-verbal n° 95-2015 du 17/12/2015». Il s'ensuit que le contrôle est fondé sur les éléments de l'enquête diligentée par la brigade de gendarmerie de [Localité 7] et que les dispositions précitées de l'article R.133-8 doivent recevoir application.

L'Urssaf Midi Pyrénées verse aux débats une délégation de signature du 15 décembre 2014, donc antérieure à la lettre d'observations, par laquelle M. [M] [J], directeur de l'Urssaf Midi-Pyrénées, donne à M. [F] [P], inspecteur du recouvrement, délégation de signature pour les contrôles comptables d'assiette et pour les opérations de lutte contre le travail illégal, notamment pour signer les décisions administratives ainsi que les notifications de redressement telles que prévues par l'article R. 133-8 du code de la sécurité sociale adressées aux cotisants. Dès lors, le visa de l'article R. 133-8 du code de la sécurité sociale emporte délégation de signature, qui permettait à l'inspecteur de répondre aux observations du cotisant, et le cas échéant, de confirmer le redressement proposé, peu important en l'espèce qu'il ait signé la lettre d'observations en qualité d'inspecteur du recouvrement et non en qualité de délégataire du directeur de l'Urssaf. Ainsi, ce moyen de nullité doit être rejeté.

Sur le redressement

La Sarl [W] soutient :

- qu'à défaut d'avoir eu communication du procès-verbal n° 95/2015, qui fonde le chiffrage des redressements, elle n'a pu être à même d'en apprécier le bien-fondé de sorte que les droits de la défense ne sont pas respectés ;

- que la preuve des faits de travail dissimulé n'est pas rapportée aux motifs :

. qu'il n'existe pas de procès-verbal n° 95/2015 du 17 décembre 2015 car, suivant sa pièce n° 20, à savoir le procès-verbal de convocation de M. [W] en comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, le procès-verbal transmis au parquet est en date du 18 janvier 2016,

. que M. [W], gérant de la société, a été condamné pénalement, mais que l'employeur réel, la société [W], n'a pas été même poursuivie ni condamnée, de sorte qu'il n'existe aucune preuve matérielle et intentionnelle de la culpabilité de la société [W].

L'Urssaf Midi-Pyrénées fait valoir :

- qu'étant tenue au secret en application de l'article 11 du code de procédure pénale, il ne lui appartient pas de communiquer le procès-verbal de travail dissimulé et qu'il incombait à la Sarl [W] d'en solliciter la communication au parquet ;

- que la Sarl [W] a été en mesure de faire valoir ses observations précises le 10 mai 2016, auxquelles il a répondu le 5 avril 2016 ;

- que le travail dissimulé est incontestable, peu important que le cotisant soutienne à tort que le procès-verbal a été clôturé le 18 janvier 2016 ; que M. [W] a lui-même reconnu le travail dissimulé et a été pénalement condamné, ce en sa qualité de gérant de la Sarl [W].

Sur ce,

En application de l'article R.133-8 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction en vigueur jusqu'au 31 décembre 2019, la lettre d'observations rappelle les références du procès-verbal pour travail dissimulé établi par un des agents mentionnés à l'article L.8271-7 du code du travail et précise la nature, le mode de calcul et le montant des redressements envisagés. Elle informe l'employeur ou le travailleur indépendant qu'il a la faculté de présenter ses observations dans un délai de trente jours et de se faire assister par une personne ou un conseil de son choix. A l'expiration de ce délai et, en cas d'observations de l'employeur ou du travailleur indépendant, après lui avoir confirmé le montant des sommes à recouvrer, le directeur de l'organisme de recouvrement met en recouvrement les sommes dues selon les règles et sous les garanties et sanctions applicables au recouvrement des cotisations de sécurité sociale.

Suivant l'article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.

Si les dispositions de l'article R.133-8 du code de la sécurité sociale n'imposent pas à l'Urssaf de joindre à la lettre d'observations le procès-verbal de travail dissimulé, dès lors que la contestation porte sur l'existence du procès-verbal de travail dissimulé et sur le chiffrage du redressement fondé sur les éléments de l'enquête contenus dans ce procès-verbal, l'Urssaf Midi-Pyrénées ne peut, comme en l'espèce refuser sa production, sans méconnaître le principe contradictoire et donc les droits de la défense, ce d'autant que la Sarl [W] justifie en pièce 15 que la communication dudit procès-verbal lui a été refusée par le parquet de Tarbes le 9 mai 2016. En conséquence, à défaut pour l'Urssaf Midi-Pyrénées de permettre toute vérification au fond dans le respect du principe contradictoire, il convient d'annuler la mise en demeure du 15 avril 2016.

Sur la demande de remboursement

La société [W] demande que l'Urssaf Midi-Pyrénées soit condamnée à lui restituer les sommes qu'elle a versées en vertu du redressement annulé.

Cependant le présent arrêt, infirmatif constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées. En conséquence, il n'y a pas lieu de statuer sur cette demande.

Sur la demande de dommages et intérêts

La Sarl [W] invoque un préjudice consistant dans la perte de chance d'obtenir un prêt de 80.000 €, qu'elle évalue à 17.984 €, causé par une inscription de privilège sur son fonds de commerce prise par l'Urssaf Midi-Pyrénées le 9 novembre 2016 en garantie d'une créance de 17.984 €, solde des sommes objets de la mise en demeure du 15 avril 2016. L'Urssaf Midi-Pyrénées ne présente aucun moyen sur cette demande.

Outre que les demandes en réparation fondées sur l'exécution ou l'inexécution dommageables des mesures conservatoires relève de la compétence du juge de l'exécution en application de l'article L.213-6 du code de l'organisation judiciaire, la Sarl [W] invoque un préjudice qu'elle ne caractérise pas à défaut de justifier d'une demande de prêt et de son refus. Cette demande doit donc être rejetée, étant observé que le premier juge n'avait pas statué.

Sur les demandes accessoires

L'Urssaf Midi-Pyrénées, qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel. L'équité commande de rejeter les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant, publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Rejette la demande de nullité du jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Hautes Pyrénées du 31 décembre 2018,

Infirme ledit jugement,

Et statuant à nouveau,

Annule la mise en demeure du 15 avril 2016,

Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution des sommes versées au titre du redressement litigieux,

Rejette la demande de dommages et intérêts de la Sarl [W],

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à la cause,

Condamne l'Urssaf Midi-Pyrénées aux dépens.

Arrêt signé par Madame NICOLAS, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19/00650
Date de la décision : 28/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-28;19.00650 ?
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