La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/04/2022 | FRANCE | N°19/03247

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 28 avril 2022, 19/03247


AC / SB



Numéro 22/1704





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 28/04/2022









Dossier : N° RG 19/03247 - N° Portalis DBVV-V-B7D-HMLS





Nature affaire :



Demande de remise de documents















Affaire :



[J] [N]



C/



SAS CLINEA











Grosse délivrée le

à :













RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 28 Avril 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.







* * * ...

AC / SB

Numéro 22/1704

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 28/04/2022

Dossier : N° RG 19/03247 - N° Portalis DBVV-V-B7D-HMLS

Nature affaire :

Demande de remise de documents

Affaire :

[J] [N]

C/

SAS CLINEA

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 28 Avril 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 09 Février 2022, devant :

Madame CAUTRES-LACHAUD, Président

Monsieur LAJOURNADE, Conseiller

Madame SORONDO, Conseiller

assistés de Madame LAUBIE, Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

Madame [J] [N]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Maître PIAULT de la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de PAU

et Maître SANTI de la SELARL DARMENDRAIL/SANTI, avocat au barreau de PAU,

INTIMEE :

SAS CLINEA

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Maître LABES de la SELARL ABL ASSOCIES, avocat au barreau de PAU et Maître JOLLY de la SELARL CAPSTAN SUD OUEST, avocat au barreau de TOULOUSE

sur appel de la décision

en date du 09 SEPTEMBRE 2019

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PAU

RG numéro : F18/00142

EXPOSE DU LITIGE

Mme [J] [N] a été embauchée le 22 avril 2003 par la société Clinea en qualité de secrétaire, suivant contrat à durée indéterminée régi par la convention collective nationale de l'hospitalisation privée à but lucratif.

À compter de 2011, elle a occupé un poste d'assistante de direction à [Localité 6].

Par avenant du 13 avril, il a été prévu qu'elle assure une partie des missions de sa directrice en congé maternité jusqu'au 31 août 2015.

Par avenant du 1er octobre 2015, Mme [J] [N] a été promue au poste d'attachée de direction, statut cadre, catégorie A, coefficient 300, avec une convention de forfait annuel de 213 jours.

À l'occasion de son entretien annuel d'évaluation le 23 août 2016, Mme [J] [N] a été informée qu'elle serait affectée à la Clinique [5] à compter du 14 novembre 2016.

Le 14 mars 2018, elle a été placée en arrêt de travail.

Le 20 avril 2018, Mme [J] [N] a dénoncé à son employeur des faits de harcèlement moral dont elle estime être l'objet ainsi que des erreurs de paye.

La société Clinea a proposé de la rencontrer pour évoquer ses conditions de travail, lui a indiqué la ligne directe de son assistante pour fixer un rendez-vous et lui a précisé que les problèmes de paye étaient en cours de régularisation.

Le 23 mai 2018, Mme [J] [N] a saisi la juridiction prud'homale.

Par jugement du 9 septembre 2019, le conseil de prud'hommes de Pau a notamment :

- dit que la société Clinea doit mettre à jour le coefficient de Mme [J] [N] conformément à la convention collective,

- condamné la société Clinea à verser à Mme [J] [N] :

* 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité au titre de l'article L. 4l21-1 du code du travail,

* 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté Mme [J] [N] de ses autres demandes, fins et conclusions,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit pour les condamnations de remise de documents que l'employeur est tenu de délivrer et celles en paiement de créances salariales ou assimilées dans la limite de neuf mois de salaire calculée sur la moyenne des trois derniers mois de salaire (art. R. 1454-28 du code du travail),

- dit qu'il n'y a pas lieu à exécution provisoire pour le surplus,

- rappelé que les intérêts légaux courent à compter de la saisine de la juridiction soit le 23 mai 2018, en matière de rémunération et à compter de la date de prononcé du présent jugement pour les dommages et intérêts,

- débouté la société Clinea de ses autres demandes, fins et conclusions et condamné la même aux entiers dépens.

Le 11 octobre 2019, Mme [J] [N] a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.

Elle a été déclarée inapte à son poste par le médecin du travail.

Le 3 mai 2021, elle a été licenciée pour inaptitude.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 13 janvier 2022, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, Mme [J] [N] demande à la cour de :

- écarter toutes éventuelles nouvelles conclusions et pièces de l'intimée produites postérieurement à celles notifiées par le RPVA le 6 janvier 2022, en application du principe du contradictoire et du droit au procès équitable de l'article 6 CEDH ;

- rejeter toute demande de rabat de clôture ;

- déclarer irrecevable l'intimée en ses demandes nouvelles contenues dans ces conclusions récapitulatives notifiées le 6 janvier 2022, d'une part, sur le fondement du principe de concentration des moyens de l'article 910-4 du code de procédure civile et, d'autre part, pour n'être pas reprises dans le dispositif, de sorte que la cour n'en est pas saisie ;

- déclarer également irrecevables les demandes tirées de la prescription, d'une part, sur le fondement du principe de concentration des moyens de l'article 910-4 du code de procédure civile et, d'autre part, pour n'être pas reprises dans le dispositif, de sorte que la cour n'en est pas saisie ;

- déclarer également irrecevables les demandes nouvelles ajoutées dans le dispositif des conclusions récapitulatives concernant l'obligation de sécurité et l'article 700 du code de procédure civile, sur le fondement du principe de concentration des moyens et de l'article 910-4 du code de procédure civile ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a alloué 10 000 € de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité en matière de santé et 1 000 € au titre des frais irrépétibles de première instance, sur fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- l'infirmer pour le surplus ;

- rejeter l'appel incident et toutes les demandes, fins et conclusions de l'intimée;

- prononcer la nullité relative ou l'inopposabilité la convention de forfait-jours, la clinique ne prouvant pas que l'accord d'entreprise respecte les conditions cumulatives posées par le code du travail et la Cour de cassation, ni avoir effectué de suivi effectif et régulier de la charge de travail ;

- faire droit aux demandes relatives aux heures supplémentaires, aux astreintes et au travail dissimulé, la salariée, qui ne supporte pas la charge de la preuve des heures supplémentaires va très au-delà des exigences de la CJUE et de la Cour de cassation en présentant des éléments contractuels et factuels et en produisant des pièces relatives à son temps de travail effectif alors que l'intimée ne communique au juge aucune pièce en violation des articles 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et L. 3171-2 à L. 3171-4 du Code du travail ;

- condamner en conséquence l'intimée à payer :

* 10 000 € de dommages-intérêts au titre de la violation de l'obligation de sécurité en matière de santé et de la prévention des risques professionnels et psycho-sociaux sur le fondement de l'article L. 4121-1 et de l'accord national interprofessionnel relatif au stress au travail ;

* 30 000 € de dommages-intérêts pour harcèlement moral sur le fondement des articles L. 1152-1 et suivants du code du travail et de l'accord national interprofessionnel du 26 mars 2010 sur le harcèlement et la violence au travail ;

* 7 500 € de dommages-intérêts au titre de la violation du droit au repos, sur le fondement du principe constitutionnel du droit au repos et à la santé et de l'article 31 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, interprétés à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne ;

* 31 929,19 € de rappel d'heures supplémentaires, outre 3 192,91 € de congés payés sur le fondement des articles 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, L. 3121-22, L. 3121-36 et L. 3171-4 du code du travail, interprétés à la lumière la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne ;

* 19 941,78 € d'indemnité forfaitaire spéciale pour travail dissimulé, sur le fondement des articles 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et L. 8223-1 du code du travail, interprétés à la lumière la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne ;

* 15 125,36 € de rappel de salaires concernant les astreintes, outre 1 512,53 € de congés afférents, sur le fondement des articles 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et L. 3121-9 du code du travail en écartant les dispositions contraires de la convention collective de l'hospitalisation privée du 18 avril 2002 ;

* 513,24 € de rappel de salaires concernant les sujétions du dimanche, outre 51,32 € de congés afférents, sur le fondement de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne en écartant les dispositions contraires de la convention collective de l'hospitalisation privée du 18 avril 2002 ;

* 9 073,41 € au titre des congés acquis pendant l'arrêt maladie, peu important que la maladie soit, ou non, d'origine professionnelle, en écartant tout texte et jurisprudence contraires, sur le fondement de l'article 31 paragraphe 2 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, d'effet direct horizontal interprété à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne ;

* 3 500 € au titre des frais irrépétibles d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonner à l'intimée, sous astreinte de 150 € par jour de retard, à émettre les bulletins de paie rectifiés des années 2016 à 2021 aux coefficients conformes, aucune impossibilité matérielle, ni force majeure n'étant établis ;

- se réserver la faculté de liquider l'astreinte ;

- frapper les condamnations des intérêts au taux légal depuis la saisine du conseil de prud'hommes et faire application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil autorisant la capitalisation des intérêts,

- condamner l'intimée aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 14 janvier 2022, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, la société Clinea demande à la cour de :

- recevoir l'appel incident

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à :

* 10 000€ de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité,

* 1 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeter toute demande adverse comme irrecevable ou mal fondée,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [J] [N] du surplus de ses demandes,

- débouter Mme [J] [N] de l'intégralité de ses demandes,

- condamner Mme [J] [N] à lui verser la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [J] [N] aux entiers dépens, en disant qu'ils seront recouvrés par ABL associés Me [Z] [R].

L'ordonnance de clôture est intervenue le 19 janvier 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande tirée de l'irrecevabilité des demandes nouvelles formulées par l'employeur

Attendu qu'il convient de constater, à la lecture des écritures concernées, que les dernières conclusions de l'intimée sont en totale conformité avec le principe de concentration des moyens tiré de l'article 910-4 du code de procédure civile ;

Qu'au surplus ce point n'a jamais été soulevé devant le conseiller de la mise en état ;

Attendu que la salariée sera donc déboutée de sa demande de ce chef ;

Sur la demande au titre du rejet des conclusions de l'intimée en date du 14 janvier 2022

Attendu qu'il convient de constater que l'ordonnance de clôture est intervenue le 19 janvier 2022, soit postérieurement aux dernières écritures de l'intimée ;

Que l'appelant avait donc le loisir d'y répondre et avait de toute façon conclu pour la quatrième fois par des écritures déposées par voie électronique le 13 janvier 2022 ;

Attendu que l'examen de ces éléments témoigne du respect du droit au procès équitable des dispositions de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'Homme ;

Que la demande de voir écarter des débats les écritures de la SAS Clinea en date du 14 janvier 2022 sera rejetée ;

Sur la demande de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral

Attendu que l'article L 1152-2 du code du travail dispose qu'aucun salarié ne peut, être sanctionné pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés ;

Attendu que l'article L 1154-1, dans sa version applicable à la présente espèce, prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné doit établir des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Attendu que Mme [N] fait valoir qu'elle a subi des faits de harcèlement moral par une surcharge excessive de travail, y compris en cumulant deux fonctions durant le congé de maternité d'une collègue, en faisant l'objet d'une mutation abusive, par la mise en place d'une stratégie de déstabilisation destinée à la faire craquer (man'uvres d'espionnage), par les réticences de l'employeur à lui payer les heures de travail accomplies entraînant une souffrance au travail et une altération de son état de santé ;

Attendu que Mme [N] produit notamment au dossier les éléments suivants :

* un avenant temporaire à son contrat de travail signé par les parties le 13 avril 2015 (durant le congé de maternité de la directrice de la clinique) prévoyant « du 13 avril au 31 août 2015 Mme [N] assurera, en sus de ses fonctions d'assistante de direction les missions suivantes : assurer la gestion des affaires courantes et le suivi des dossier direction, en lien avec les référents d'activités relayer les informations importantes et urgentes auprès de la direction de la division, contribuer à l'optimisation du taux d'occupation et de la mise en valeur des chambre particulières, veiller à la bonne application du règlement intérieur et autres dispositions légales par les collaborateurs de la clinique et avertir la direction de la division en cas de problème, accueillir et participer à l'intégration des nouveaux collaborateurs, tenir à jour les éléments relatifs au personnel dans le classeur, participer étroitement à la gestion économique de la clinique, s'impliquer dans les relations médico-sociales de la clinique, participer à la mise en place et au suivi du projet d'établissement, participer à l'élaboration des tableaux de bord, participer à la maîtrise de la masse salariale, assurer le suivi fournisseurs, assurer le relais concernant la transmission d'informations entre les collaborateurs de la clinique, les différents services du siège et le directeur d'exploitation, organiser des réunions internes, lors des réunions prendre des notes et rédiger le comptes rendus, réaliser l'affichage des divers documents à destination du personnel, des patients et des visiteurs, signaler à l'équipe soignante toutes situations à risque pour le patient, faire respecter au patient le cadre institutionnel et les règles de bonne conduite, veiller au respect des droits et informations du patient ». il convient de noter que le cumul de ces deux postes n'a entraîné, à la lecture du contrat, aucune augmentation de salaire. Il a simplement été prévu une indemnité différentielle pour les astreintes d'un montant de 400 euros bruts ;

* un avenant au contrat de travail signé par les parties le 1er octobre 2015 prévoyant qu'à compter du 1er octobre 2015 la salariée occupera les fonctions d'attaché de direction avec le statut cadre au coefficient 300 ;

* une attestation de Mme [C], salariée au sein de la clinique de février 2015 avril 2016 en qualité de secrétaire de direction. Elle relate qu'au retour de Mme [I] l'ambiance de travail a complètement changé. Elle fait état du comportement « sans gants » de la directrice, faisant preuve de mauvaise humeur, de propos inappropriés, d'emportements à l'égard de l'appelante. Elle spécifie que la directrice avait un discours vis à vis de Mme [N] lors de briefings et des retournements de sa part devant les salariés, mettant Mme [N] dans une position inconfortable, sans soutien de Mme [I]. Elle conclut enfin que la directrice a manqué de gratitude à l'égard de Mme [N] qui a pourtant tenu la clinique durant son absence, au prix d'une fatigue croissante ;

* une série de courriels des mois d'août et septembre 2016 sur le changement d'affectation de Mme [N]. Il est à noter celui de Mme [I] en date du premier août 2016 adressé aux ressources humaines « nous souhaiterions, en lien avec Mme [K] proposer une mutation à Mme [N], actuellement salariée de la 308, sur la 443. Pourriez-vous nous proposer un courrier l'informant de notre décision de la muter en interne le plus tôt possible ' Si elle refuse quels sont les recours ' Préparer un chiffrage pour un éventuel contentieux en cas de refus ferme et définitif de sa part ». Après rendez-vous avec Mme [N], Mme [I] a maintenu sa décision de mutation. Son courriel adressé aux ressources humaines est libellé comme suit le 5 septembre 2016 « Lors de ce rendez-vous elle nous a informé de sa situation personnelle (divorce en cours, problèmes de santé de son fils et que de ce fait elle avait besoin de temps...à peu près 3 mois pour se relever !!. Néanmoins nous souhaitons maintenir notre décision de transférer Mme [N] sur Préville » ;

* un courrier de l'employeur en date du 13 septembre 2016 libellé comme suit « pour faire suite à notre rencontre du 23 août dernier nous vous confirmons que nous sommes amenés à changer votre lieu de travail au sein de la SAS Clinea. En effet nous vous informons qu'à compter du 14 novembre 2016 vous exercerez vos fonctions d'attachée de direction au sein de la clinique [5]. Nous vous précisons toutefois que cette nouvelle affectation n'est pas contractuelle et a un caractère purement informatif... les tâches qui vous incombent dans le cadre de vos fonctions demeurent naturellement inchangées » ;

* un tableau récapitulatif des heures supplémentaires réalisé par la salariée révélant de nombreuse semaines de travail avec un nombre d'heures supérieur à 50 alors que les bulletins de salaire de cette période ne mentionnent le paiement d'aucune heure supplémentaire ;

* un courrier de la salariée en date du 20 avril 2018 ayant pour objet «  dénonciation des conditions d'exécution anormales de mon contrat de travail et d'une situation de harcèlement moral et mis en demeure de procéder au paiement des astreintes, mise en demeure de procéder à la subrogation et au règlement intégral du salaire du mois de mars ». le courrier est libellé comme suit «  comme vous le savez, je suis en arrêt de travail depuis le 14 mars 2018 en raison d'un surmenage et un état anxio-dépressif. Mon état de santé résulte d'une dégradation de mes conditions de travail depuis plusieurs années. En effet depuis le mois de septembre 2015, je subis de manière répétée, les critiques et le dénigrement de Mme [I]. Le comportement de celle-ci à mon égard, totalement injustifié, est constitutif d'un harcèlement moral. De plus, à compter de la prise de poste à la clinique de Préville le 14 novembre 2016, suite à une mutation qui m'a été imposée, j'ai dû faire face à une très importante surcharge de travail. En outre je subis une pression constante, mes faits et gestes étant rapportés à Mme [I] par des proches collaborateurs. Par ailleurs je rencontre des difficultés quant au paiement des astreintes administratives effectuées » ;

* Une réponse de l'employeur en date du 17 mai 2018 qui indique « vous évoquez dans votre missive des difficultés relationnelles que vous rencontreriez avec votre hiérarchie. Ces allégations, surprenantes, concernant votre relation de travail au sein de la clinique [5] relèvent d'un ressenti qui ne correspond aucunement à la réalité et à la qualité des rapports humains que la direction du site a pu établir avec l'ensemble des salariés. Nous vous laissons l'entière responsabilité de vos propos... nous vous proposons de vous rencontrer si vous le souhaitez afin d'évoquer ensemble votre ressenti et les difficultés rencontrées dans l'exercice de vos fonctions » ;

* un SMS du 22 septembre 2016 de Mme [O], une collègue de travail libellé comme suit « bonjour [J], j'ai appris pour votre arrêt et je déplore la manière avec laquelle on traite l'humain dans cette institution et dont on abuse de l'investissement des personnes. J'espère que cela va vous permettre de vous retrouver et de prendre soin de votre famille bon repos » ;

* un certain nombre d'arrêts de travail mentionnant surmenage, asthénie physique ;

* un certificat médical du docteur [W], médecin du travail en date du 21 mars 2018 mentionnant avoir examiné Mme [N] «  dans un contexte de souffrance au travail. Le 18 avril 2018 il est évoqué un syndrome dépressif après surmenage souffrance au travail. Il est indiqué que la patiente progresse depuis sa prise en charge spécialisée et commence à remonter. Celui-ci spécifie «  pour l'instant je suis content que l'on envisage un maintien dans l'emploi en lui donnant les armes pour tenir, qui a changé de structure sans s'éloigner dans la région » ;

* un courriel de Mme [E] en date du 17 octobre 2016 adressé à la directrice libellé comme suit «  Ci joint les transmissions comme convenu précédemment. J'apprends par l'IDE de Beau Site en formation avec moi au DU du 4 octobre que Mme [N] est notre future attachée de direction. Cette dernière me dit « ce n'est pas facile pour elle car elle a reçu un courrier la sommant de prendre ses fonctions le 14 novembre à Préville. Le 11 octobre Mme [N] a été présentée la première fois aux équipes par moi-même et par l'ancienne attachée de direction au début de débriefing du matin Mme [N] doit prendre ses fonctions à la clinique de Préville à compter du 14 novembre 2016 comme attachée de direction. De sa présentation aux équipes du relais, lorsque ces dernières lui soulignaient la complexité du nom de famille, elle répond «  je divorce donc je vais bientôt reprendre mon nom de jeune fille qui est plus facile ». Cordialement » ;

* un courriel en date du 7 mars 2018 de Mme [S] à la directrice libellé comme suit «  bonsoir Mme [I], petit débrief de cette journée : matinée avec [J] (je vous ferai un retour) puis Mme [F] ». La suite du courriel est un listing de tout ce qui a été accompli dans la journée ne concernant nullement Mme [N] ;

* un certain nombre de courriers de la salariée sollicitant le paiement de ces astreintes ;

* une expertise médicale de la salariée du 23 août 2019 concluant à des signes de dépression sévère. Il est spécifié au rapport que la salariée a fait l'objet d'un traitement anti-dépresseur à compter du 20 avril 2018 ;

Attendu que ces éléments, pris dans leur ensemble, laissent supposer des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ;

Attendu que l'employeur dément tout harcèlement moral à l'encontre de la salariée ;

Attendu qu'il produit notamment au dossier les éléments suivants :

* des justificatifs de formation de la salariée ;

* une évaluation professionnelle de la salariée par Mme [I] en 2011 indiquant qu'il s'agit d'une collaboratrice très agréable avec beaucoup d'investissement et les autres évaluations professionnelles postérieures faisant état de bonnes appréciations ;

* une attestation de Mme [V], salariée au sein de la clinique du [5] qui indique «  n'avoir jamais constaté de propos déplacés ni de situation de harcèlement de Mme [I] envers Mme [N]. Par contre j'ai eu des difficultés de communication lorsque je me suis adressé à Mme [N] concernant le décompte des congés payés qui me posaient question » ;

* une attestation de Mme [A], salariée de l'entreprise qui indique qu'elle n'a jamais été témoin de remarques pouvant être qualifiées de harcèlement de la part de Mme [I] à l'endroit de l'appelante et qu'elle a été choquée des propos tenus par Mme [N] le 30 mai 2018 lorsque celle-ci lui a indiqué qu'elle était harcelée par Madame [I] et que tous ses problèmes de santé venaient d'elle ;

* une attestation de Mme [M] qui confirme ne jamais avoir été témoin de propos de la part de la directrice à l'égard de Mme [N] dénigrants ou s'apparentant à du harcèlement moral ;

* une attestation de Mme [L], déléguée du personnel au sein de l'établissement qui indique, comme les autres attestants, n'avoir jamais été témoin de situation de harcèlement moral de la part de Mme [I] et ne jamais avoir été alertée en tant que déléguée du personnel de faits de harcèlement au sein de l'établissement sur un quelconque personnel ;

* une attestation de Mme [E], salariée de l'établissement qui fait état que son bureau au sein de la clinique [5], était situé en face de celui de Mme [N]. Elle précise que le travail avec Mme [I] s'accomplissait dans une atmosphère conviviale et joyeuse et que leur charge de travail semblait adaptée aux missions accomplies ;

* une attestation de Mme [X] qui indique que sa supérieure hiérarchique directe, Mme [I], est toujours demeurée à sa place dans l'exercice de ses fonctions de directrice et s'est toujours rendue disponible pour échanger sur l'ensemble des problématiques professionnelles rencontrées ;

* une attestation de Mme [P] qui confirme qu'elle n'a jamais assisté à des comportements inadaptés de la directrice envers les salariés. Elle précise que Mme [I] est une responsable avec un management participatif et est toujours à l'écoute des besoins, des propositions des cadres et des salariés ;

* une attestation de Mme [Y] qui indique que la directrice n'a jamais eu le comportement malveillant et qu'elle tient son rôle de directrice de façon professionnelle et non dictatoriale. L'ensemble de ces attestations de l'employeur ne permet nullement de confirmer les propos de Mme [C] dans l'attestation rédigée pour le compte de Mme [N] ;

* un certain nombre d'échanges de SMS entre Mme [I] et Mme [N] ne témoignant d'aucune agressivité entre les deux personnes. Au contraire de la bienveillance ressort de ces messages ;

* les dispositions de l'avenant au contrat de travail durée indéterminée en date du 1er octobre 2015 concernant le lieu d'exécution du travail précisant «  ce lieu de travail n'est pas contractuel et a un caractère purement informatif. Il est entendu que Mme [N] pourra être amenée, dans le cadre de ses fonctions, à se déplacer sur d'autres établissements du groupe Orpea-Clinea. En outre, pour des raisons touchant à l'organisation et au bon fonctionnement de l'entreprise, la société pourra être amenée à modifier le lieu de travail et la salariée pourra être mutée dans l'un des quelconques établissements, toutes activités confondues, où Orpea-Clinea exerce ou exercera son activité et situés en France métropolitaine. La salariée sera informée de cette décision de mutation dans un délai de deux mois avant la prise d'effet de la nouvelle affectation ». Cette clause n'a aucunement entraîné un changement d'employeur pour Mme [N] ;

Attendu que les éléments produits par l'employeur permettent de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;

Attendu que Mme [N] sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral, le jugement déféré devant être confirmé sur ce point ;

Sur la demande de dommages et intérêts pour violation par l'employeur de son obligation de sécurité

Attendu que dans le cadre de l'obligation de sécurité pesant sur l'employeur destinée notamment à prévenir les risques pour la santé et la sécurité des salariés, la loi lui fait obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ;

Que de ce fait, l'article L4121-1 lui fait obligation de mettre en place :

- des actions de prévention des risques professionnels y compris ceux mentionnés à l'article L.4161-1,

- des actions d'information et de formation,

- une organisation et des moyens adaptés,

et de veiller à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes ;

Attendu que l'article L.4121-2 du même code précise que   l'employeur met en 'uvre les mesures prévues à l'article L.4121-1 sur le fondement des principes généraux suivants : éviter les risques, évaluer les risques qui ne peuvent être évités, combattre les risques à la source, adapter le travail à l'homme ;

Que l'employeur doit également planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral ;

Attendu qu'il résulte des pièces décrites dans le cadre du développement concernant le harcèlement moral que l'employeur n'a rien mis en place lorsque la salariée a dénoncé les faits de harcèlement moral ;

Qu'aucune mesure n'a été prise par l'employeur pour évaluer les risques et combattre ceux-ci après la dénonciation circonstanciée de Mme [N] ;

Attendu que de la même façon il résulte des mêmes pièces que Mme [N] sollicitait, au moment de l'annonce de sa mutation sur le site de Préville, un délai au vu des difficultés de sa vie personnelle ;

Que l'employeur n'a nullement tenu compte de ces éléments et a poursuivi sa démarche sans se soucier valablement de la situation de la salariée ;

Attendu que c'est donc par une très exacte appréciation du droit applicable aux éléments de l'espèce que les premiers juges ont dit que l'employeur avait manqué à son obligation de sécurité en ne respectant pas les dispositions légales susvisées ;

Que de la même façon , au vu des pièces médicales du dossier, les premiers juges ont exactement évalué le préjudice subi par Mme [N] du fait de ces manquements ;

Attendu que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a alloué à la salariée la somme de 10 000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice résultant de la violation par l'employeur de son obligation de sécurité ;

Sur la demande au titre de la convention de forfait et des heures supplémentaires

Attendu qu'il résulte des pièces contractuelles du dossier que Mme [N] n'a signé une convention de forfait qu'aux termes de l'avenant en date du premier octobre 2015 la nommant aux fonctions d'attachée de direction ;

Attendu que jusqu'à cette date elle peut donc réclamer des rappels de salaire sur heures supplémentaires sans qu'il y ait besoin de trancher la question de la nullité ou de l'inopposabilité de la convention de forfait ;

Attendu que l'avenant signé par les parties en date du premier octobre 2015 prévoit en son article 5 « en considération des caractéristiques de ses fonctions d'attachée de direction, rendant impossible tout décompte a priori de son temps de travail quotidien, Mme [N] sera rémunérée sur la base d'un forfait défini en fonction d'un nombre de jours de travail sur l'année. La rémunération forfaitaire sera de 2574 euros bruts pour 213 jours de travail pour une année complète, conformément aux dispositions de l'accord d'entreprise relatif au temps de travail des cadres et à la loi du 30 juin 2004 relatif à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées » ;

Attendu que la salariée ne conteste que le suivi effectif irrégulier de sa charge de travail dans le cadre de la convention de forfait prévu par les stipulations de l'accord collectif ;

Attendu qu'il résulte des pièces du dossier et notamment de l'évaluation professionnelle de Mme [N] réalisée en 2016 que la question de la charge de travail n'a nullement été abordée lors de l'entretien annuel d'évaluation réalisé le 22 août 2016 alors même que la convention annuelle de forfait avait été signée le 1er octobre 2015 ;

Que l'employeur ne produit pas au dossier d'évaluation professionnelle postérieure à l'année 2016 ;

Attendu que la seule production au dossier par l'employeur du récapitulatif de son forfait annuel en jour de 2017 est totalement insuffisante à caractériser la preuve que celui-ci a respecté les stipulations de l'accord collectif destiné à assurer la protection et la sécurité de Mme [N] soumise au régime du forfait jours ;

Attendu que rien au dossier ne permet d'établir que l'employeur a organisé des entretiens annuels sur la charge de travail, l'organisation du travail dans l'entreprise, la rémunération ainsi que l'articulation entre l'activité professionnelle, la vie personnelle et la vie familiale de la salariée ;

Que l'employeur n'a donc pas exécuté les mesures pour garantir le respect des durées maximales de travail et des temps de repos ;

Attendu que faute pour l'employeur d'avoir exécuté valablement les mesures conventionnelles et légales en vigueur, la convention de forfait de la salariée est donc privée d'effet et permet l'application des règles relatives aux heures supplémentaires;

Attendu qu'aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ;

Qu'au vu de ces éléments et ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ;

Attendu qu'en cas de litige sur le nombre d'heures accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ;

Que le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences légales et réglementaires ;

Qu'après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant ;

Attendu que contrairement aux dires de la salariée le moyen tiré de la prescription d'une partie des demandes de rappel de salaire sur heures supplémentaires ne peut être déclaré irrecevable conformément à l'article 563 du code de procédure civile permettant d'invoquer des moyens nouveaux à l'appui d'une même prétention ;

Que d'autre part le moyen tiré de la prescription figure bien au dispositif des écritures visées à l'article 910-4 du code de procédure civile comportant le dispositif suivant « A titre principal, infirmant partiellement le jugement :

· RECEVOIR l'appel incident,

· REJETER toute demande adverse comme irrecevable ou mal fondée,

· DÉBOUTER Madame [J] [N] de l'intégralité de ses demandes,

A titre subsidiaire, en cas d'annulation de la convention de forfait annuel en jours,

· DIRE ET JUGER que la rémunération mensuelle brute de base de Madame [J] [N] est calculée comme elle l'était avant la signature de la convention de forfait annuel, et que la durée du travail contractuelle est de 35 heures hebdomadaires,

À titre reconventionnel,

· CONDAMNER Madame [J] [N] à verser à la société CLINEA la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

· CONDAMNER Madame [J] [N] aux entiers dépens, en disant qu'ils seront recouvrés par ABL Associés Me [Z] [R] »

Attendu qu'aux termes de l'article L 3245-1 du code du travail dans sa version applicable au litige : « L'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat. » ;

Qu'en l'espèce, Mme [N] a saisi la juridiction prudhommale le 23 mai 2018 d'une demande en rappel de salaires sur heures supplémentaires alors que son contrat de travail a été rompu postérieurement à la saisine du conseil de prud'hommes, soit le 3 mai 2021 ;

Qu'elle est dès lors recevable à agir en paiement des rappels de salaires à compter du 23 mai 2018 ;

Attendu qu'en l'espèce, la salariée expose qu'elle a effectué de nombreuses heures supplémentaires  non rémunérées ;

Que pour étayer ses dires, elle produit notamment :

- un décompte des heures supplémentaires alléguées  ;

- une attestation de Mme [C] qui indique que Mme [N], durant le remplacement de la directrice a effectuée des heures supplémentaires ;

Attendu que la salariée produit ainsi des éléments préalables qui peuvent être discutés par l'employeur ;

Attendu qu'en défense, l'employeur expose que la salariée n'a pas réalisé d'heures supplémentaires,

Qu'à l'appui de ses moyens, l'employeur produit un décompte des jours de travail et des jours de repos et les bulletins de salaire de Mme [N] ;

Attendu qu'au vu des éléments produits par les parties, et sans qu'il soit besoin d'une mesure d'instruction, la cour a la conviction au sens du texte précité que Mme [N] a bien effectué les heures supplémentaires non rémunérées dont le paiement est réclamé ;

Qu'en effet l'employeur conteste ces heures mais ne produit pas les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par la salariée ni aucun élément permettant de contredire les pièces fournies par elle dont il résulte qu'elle a travaillé à de nombreuses reprises au-delà des 35 h par semaine ;

Attendu qu'il y a donc lieu de faire droit à la demande de Mme [N] formée à hauteur de 21 000 € et de 2 100 € au titre des congés payés afférents ;

Que le jugement déféré est infirmé en ce qu'il a débouté la salariée de ses demandes formées au titre des heures supplémentaires ;

Sur le travail dissimulé

Attendu que l'article L 8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l'article L 8221-3 du même code relatif à la dissimulation d'activité ou exercé dans les conditions de l'article L 8221-5 du même code relatif à la dissimulation d'emploi salarié ;

Que l'article L 8221-5 dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli ;

Que toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle ;

Attendu qu'aucun élément produit au dossier ne permet d'établir que l'employeur a agi de façon intentionnelle concernant la dissimulation des heures de travail accomplies ;

Que la salariée sera donc déboutée de sa demande de ce chef, le jugement déféré devant être confirmé sur ce point ;

Sur la demande au titre des astreintes

Attendu qu'il est constant au dossier que l'indemnité d'astreinte constitue un élément de salaire ;

Attendu que la salariée produit au dossier à l'appui de sa demande de paiement d'astreinte les éléments contractuels, les bulletins de salaire, le décompte des astreintes réalisées durant la période considérée et un certain nombre de courriels de sa part réclamant le paiement des sommes dues à ce titre ;

Attendu que l'employeur, qui fait valoir que la salariée a été totalement remplie de ses droits, produit au dossier les plannings de la salariée, un récapitulatif des astreintes effectuées ;

Attendu qu'il résulte de l'ensemble des pièces produites sur ce point :

* que lors de la signature du contrat initial le 22 avril 2003 les fonctions de secrétaire qualifiée n'impliquaient pas la contrainte de temps d'astreintes au profit de l'employeur ;

* que durant la période du 13 avril 2015 au 31 août 2015, en sa qualité d'assistante de direction elle a été assujettie à l'accomplissement d'astreintes dont la rémunération a été prévue comme suit « durant cette période, outre son salaire actuel, Mme [N] percevra une indemnité différentielle, pour les astreintes, d'un montant mensuel brut de 400 euros pour 151,67 heures par mois, laquelle inclut entre deux et trois astreintes mensuelles ».  Il résulte du tableau récapitulatif des astreintes fourni par l'employeur que durant cette période Mme [N] a effectué plus de 3 astreintes par mois ;

* à compter du premier octobre 2015 Mme [N] a occupé les fonctions d'attachée de direction. Il est prévu au contrat « compte tenu de la nature de ses fonctions il est entendu que Mme [N] accepte de travailler les week-ends et jours fériés ainsi que d'effectuer des astreintes téléphoniques en semaine, le week-ends et les jours fériés ». Il ne ressort nullement de l'avenant au contrat de travail que la rémunération des astreintes était spécifiquement prévue. La lecture de l'article 5 de l'avenant permet de dire que le paiement des astreintes était englobé  dans la rémunération forfaitaire de Mme [N]. Il convient de rappeler que les développements relatifs aux heures supplémentaires ont conduit à priver d'effet la convention de forfait signée par les parties et que la salariée a donc droit au paiement des astreintes réalisées ;

* que les plannings produits par l'employeur sont relatifs à l'organisation du travail (certains d'entre eux mentionnent explicitement qu'il s'agit de plannings temporaires) ;

Attendu qu'au vu de l'examen de ces pièces la cour a la conviction que Mme [N] a réalisé des astreintes sans être rémunérée totalement de ce chef ;

Attendu qu'il y donc lieu de faire droit à la demande de ce chef, compte tenu des règles de prescription déjà évoquées dans le cadre de l'analyse des heures supplémentaires, formée à hauteur de 5 600 € et de 560 € au titre des congés payés afférents ;

Que le jugement déféré sera infirmé de ce chef ;

Sur la demande de rappel de salaire concernant les sujétions du dimanche

Attendu qu'il résulte des dispositions combinées des articles 82-2 et 82-4 de la convention collective nationale des hospitalisations privées à titre lucratif que la demande de Mme [N] à ce titre ne peut prospérer ;

Que ces dispositions ne sont nullement contraires aux dispositions de la charte des droits fondamentaux de l'union européenne, dans la mesure où la convention a souhaité ne pas procéder au cumul de rémunération du fait des mêmes sujétions déjà indemnisées par ladite convention ;

Que la salariée sera donc déboutée de sa demande de ce chef, le jugement déféré devant être confirmé sur ce point ;

Sur la demande de dommages et intérêts pour violation du droit au repos et à la santé

Attendu qu'il résulte des différents développements réalisés plus haut que Mme [N] a cumulé deux fonctions durant plusieurs mois en 2015 (celle de secrétaire ainsi que le lourd remplacement de la directrice de l'établissement) sans que l'employeur ne se préoccupe de la capacité de la salariée à assumer les nombreuses tâches confiées ;

Attendu que par contre aucun élément pertinent au dossier ne permet de confirmer que Mme [N] a effectivement travaillé durant 8 à 12 jours consécutifs ;

Attendu qu'il résulte des pièces du dossier, et notamment des pièces médicales, que Mme [N] a subi un préjudice de ce chef qui devra être évalué à la somme de 2000 euros ;

Que le jugement déféré sera donc infirmé de ce chef ;

Sur la demande au titre du coefficient

Attendu qu'en l'espèce, les parties reprennent devant la cour leurs prétentions et leurs moyens de première instance ;

Qu'en l'absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que les premiers juges, par des motifs pertinents qu'elle adopte, ont fait une exacte appréciation des faits de la cause et du droit des parties au regard de l'application des coefficients et y ajoute qu'il n'y a pas lieu d'ordonner une astreinte dans la remise des documents rectifiés ;

Attendu qu'il convient donc de confirmer le jugement déféré sur ce point ;

Sur la demande au titre des congés acquis pendant l'arrêt maladie

Attendu qu'en cas de rupture du contrat de travail, le salarié a droit à une indemnité compensatrice de congés acquis non pris alors qu'il a été dans l'impossibilité de prendre ses congés au cours de la période prévue du fait de son arrêt de travail ;

Attendu qu'en l'absence de toute contestation de l'employeur sur ce point il sera alloué à la salariée la somme de 9 073,41 euros ;

Sur les intérêts

Attendu que les sommes dues au titre des créances salariales et l'indemnité conventionnelle de licenciement portent intérêts au taux légal à compter de la notification de la saisine du conseil des prud'hommes à l'employeur, les sommes dues au titre des dommages et intérêts portent intérêts au taux légal à compter de la décision qui les fixe, et ce avec capitalisation conformément à l'article 1343-2 du code civil ;

Sur les demandes accessoires

Attendu que l'employeur qui succombe en grande partie doit supporter les entiers dépens y compris ceux de première instance ;

Attendu que l'équité commande de condamner la SAS Clinea à payer à Mme [N] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contardictoire et en dernier ressort,

DECLARE recevables les conclusions de la SAS Clinea en date du 14 janvier 2022 ainsi que les prétentions formulées dans le dispositif desdites écritures ;

CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Pau en date du 9 septembre 2019 sauf en ce qui concerne les heures supplémentaires, les astreintes, les dommages et intérêts pour violation du droit au repos et à la santé ;

Et statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

CONDAMNE la SAS Clinea à payer à Mme [J] [N] les sommes suivantes :

21000 euros au titre de rappel de salaire sur heures supplémentaires ;

2100 euros au titre des congés payés sur rappel de salaire sur heures supplémentaires ;

5600 euros au titre du rappel de salaire sur astreinte ;

560 euros au titre des congés payés sur rappel de salaire sur astreinte ;

2000 euros de dommages et intérêts pour violation par l'employeur du droit au repos et à la santé ;

9073,41 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés ;

Rejette la demande d'astreinte relative à la remise de documents rectifiés

DIT que les sommes dues au titre des créances salariales et l'indemnité conventionnelle de licenciement portent intérêts au taux légal à compter de la notification de la saisine du conseil des prud'hommes à l'employeur, les sommes dues au titre des dommages et intérêts portent intérêts au taux légal à compter de la décision qui les fixe, et ce avec capitalisation conformément à l'article 1343-2 du code civil ;

CONDAMNE la SAS Clinea aux dépens d'appel et à payer à Mme [J] [N] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Arrêt signé par Madame SORONDO, Conseillère par suite de l'empêchement de Madame CAUTRES, Présidente, et par Madame LAUBIE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,POUR LA PRÉSIDENTE EMPECHEE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19/03247
Date de la décision : 28/04/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-04-28;19.03247 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award