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05/05/2022 | FRANCE | N°18/01493

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 05 mai 2022, 18/01493


JN/DD



Numéro 22/1795





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 05/05/2022







Dossier : N° RG 18/01493 - N°Portalis DBVV-V-B7C-G4WO





Nature affaire :



Contestation d'une décision d'un organisme portant sur l'immatriculation, l'affiliation ou un refus de reconnaissance d'un droit









Affaire :



LE CENTRE HOSPITALIER DE [Localité 3]



C/



L'URSSAF MIDI-PYRENEES

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Grosse délivrée le

à :





















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 05 Mai 2022, les parties en ayant ...

JN/DD

Numéro 22/1795

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 05/05/2022

Dossier : N° RG 18/01493 - N°Portalis DBVV-V-B7C-G4WO

Nature affaire :

Contestation d'une décision d'un organisme portant sur l'immatriculation, l'affiliation ou un refus de reconnaissance d'un droit

Affaire :

LE CENTRE HOSPITALIER DE [Localité 3]

C/

L'URSSAF MIDI-PYRENEES

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 05 Mai 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 17 Mars 2022, devant :

Madame NICOLAS, magistrat chargé du rapport,

assistée de Madame BARRERE, faisant fonction de greffière.

Madame NICOLAS, en application de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame NICOLAS, Présidente

Monsieur LAJOURNADE, Conseiller

Madame SORONDO, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANT :

LE CENTRE HOSPITALIER DE [Localité 3]

Représenté par Mme [J] [N], directrice

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représenté par Maître HERRMANN, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMÉE :

L'URSSAF MIDI-PYRENEES

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Maître VIGNES loco Maître CHAMAYOU de la SELARL LAURENCE CHAMAYOU, avocat au barreau de TARBES

sur appel de la décision

en date du 05 AVRIL 2018

rendue par le TRIBUNAL DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE DE TARBES

RG numéro : 21500234

FAITS ET PROCÉDURE

Par courrier sous la forme recommandée avec accusé de réception en date du 10 février 2015, le Centre Hospitalier de [Localité 3] (l'employeur cotisant), a réclamé à l'URSSAF Midi-Pyrénées (l'URSSAF), le remboursement de la somme de 228 505,30 € versée au titre des cotisations de sécurité sociale calculées sur la prime spéciale de sujétion des aides-soignants, pour la période du 1er mars 2012 au 1er mars 2015.

Le 12 mars 2015, l'URSSAF a rejeté la demande.

Le cotisant a contesté la décision ainsi qu'il suit :

- le 7 mai 2015, devant la commission de recours amiable (CRA), laquelle n'a pas rendu de décision,

- le 4 septembre 2015, devant le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hautes-Pyrénées en contestation de la décision implicite de rejet de la CRA.

Par jugement du 5 avril 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hautes-Pyrénées a :

- rejeté l'exception de procédure et dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer,

- débouté le cotisant de ses demandes,

- validé la décision de l'organisme social en date du 12 mars 2015,

- condamné le cotisant à payer à l'organisme social la somme de 1 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Cette décision a été notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception, reçue des parties le 11 avril 2018.

Le cotisant a doublement interjeté appel, dans des conditions de régularité qui ne font l'objet d'aucune contestation, et qui ont été enregistrés sous le même numéro, ainsi qu'il suit :

- le 7 mai 2018, par lettre recommandée avec avis de réception adressée au greffe de la cour, et reçue le 9 mai 2018,

- le 9 mai 2018, par son conseil, par déclaration au guichet unique de greffe.

Selon avis contenant calendrier de procédure du 3 décembre 2020, les parties ont été convoquées à l'audience du 25 mars 2021, reportée successivement à leur demande et pour motifs justifiés, au 17 mars 2022, à laquelle elles ont comparu.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par conclusions visées par le greffe le 23 mars 2021, reprises oralement à l'audience de plaidoirie, et auxquelles il est expressément renvoyé, le cotisant, le Centre Hospitalier de [Localité 3], appelant, conclut à l'infirmation du jugement déféré, et statuant à nouveau, demande à la cour :

- à titre liminaire, de prononcer un sursis à statuer sur les mérites de sa requête introductive d'instance, et sur le fondement des dispositions de l'article 49 du code de procédure civile, saisir le tribunal administratif de Pau territorialement compétent aux fins de renvoi préjudiciel afférent au fait de savoir si la prime spéciale de sujétion versée aux agents du corps des aides-soignants, instituée par l'arrêté du 23 avril 1975, doit être considérée comme partie intégrante du traitement soumis à retenue pour pension, ou relevant des indemnités non assujetties,

- en tout état de cause,

- annuler la décision de l'URSSAF notifiée le 16 mars 2015,

- juger que sa demande de remboursement des cotisations de sécurité sociale indues sur la prime spéciale de sujétion des aides-soignants, pour un montant global de 228 505,30 €, est fondée et par voie de conséquence en ordonner le paiement,

- lui allouer une somme de 2 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et condamner l'URSSAF aux entiers dépens.

Selon ses conclusions visées par le greffe le 15 novembre 2021, reprises oralement à l'audience de plaidoirie, et auxquelles il est expressément renvoyé, l'URSSAF Midi-Pyrénées, intimée, demande à la cour de :

- dire l'appelant infondé en son appel et l'en débouter,

- confirmer le jugement prononcé le 05 avril 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Tarbes dans toutes ses dispositions en ce qu'il a :

- rejeté l'exception de procédure et dit n'y avoir lieu à surseoir à statuer,

- validé la décision de l'URSSAF Midi-Pyrénées du 12 mars 2015,

- condamner l'appelant à lui payer la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel.

SUR QUOI LA COUR

Les parties sont contraires sur le point de savoir si les primes spéciales de sujétion attribuées aux aides-soignantes de l'hôpital de [Localité 3], doivent ou non être soumises à cotisations de sécurité sociale.

L'URSSAF, au soutien de sa position, relatif à leur assujettissement, invoque un arrêt de la Cour de cassation (civile 2e, 26 mai 2016, n° 15-16'439), qui a considéré que dès lors que la cotisation maladie due par l'établissement employeur au titre des prestations en nature, pour les agents en activité, est assise sur le traitement soumis à retenue pour pension, ladite prime spéciale de sujétion versée aux aides-soignantes de la fonction publique hospitalière, doit entrer dans l'assiette de la cotisation maladie, dans la limite du montant soumis à retenue pour pension.

I/ Sur La Question Préjudicielle

L'appelant, au titre de sa demande de saisine du tribunal administratif, dans le cadre d'une question préjudicielle, fait valoir en substance, comme il l'a soutenu devant le premier juge, que :

-par sa décision, la Cour de cassation considère que la prime de sujétion versée à des aides-soignants publics relevant d'établissements publics hospitaliers, personnes morales de droit public, doit nécessairement être intégrée et assimilée au traitement

de ses agents,

-ce faisant, elle ajoute au caractère limitatif de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 modifié, et du décret n° 85-1148 du 24 octobre 1985,

-mais surtout elle interfère dans la définition même de la notion de traitement d'un agent public, laquelle relève de la compétence exclusive du juge administratif.

Il critique le premier juge, en ce qu'il a opposé à son argumentaire, un arrêt du tribunal des conflits du 16 juin 1923 ( arrêt Septfonds), qui reconnaît au juge judiciaire, le pouvoir d'interpréter des actes administratifs à caractère réglementaire, puisqu'il soutient qu'au cas particulier, il ne s'agit pas d'apprécier un acte administratif à caractère réglementaire, mais un acte administratif individuel.

L'URSSAF s'y oppose, en sollicitant la confirmation du jugement déféré et des motifs adoptés par le premier juge, pour rejeter la question préjudicielle.

Sur ce,

L'article 49 du code de procédure civile dispose :

« Toute juridiction saisie d'une demande de sa compétence connaît, même s'ils exigent l'interprétation d'un contrat, de tous les moyens de défense à l'exception de ceux qui soulèvent une question relevant de la compétence exclusive d'une autre juridiction.

Lorsque la solution d'un litige dépend d'une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction administrative, la juridiction judiciaire initialement saisie la transmet à la juridiction administrative compétente en application du titre Ier du livre III du code de justice administrative. Elle sursoit à statuer jusqu'à la décision sur la question préjudicielle ».

Au cas particulier, les conditions posées par l'article 49 du code de procédure civile, ne sont pas remplies, puisqu'en effet :

- la contestation de l'appelant concerne l'application par l'URSSAF, des dispositions de l'article D712-38 alinéa à 1, du code de la sécurité sociale, aux primes de sujétion reçues par les aides-soignants hospitaliers,

-ainsi, la question posée à la présente juridiction, ne consiste pas à définir la notion de traitement d'un agent public, mais à déterminer si une prime de sujétion reçue par un tel agent, est soumise à cotisations sociales, au vu des dispositions de l'article D712-38 alinéa 1 du code de la sécurité sociale,

- or, les litiges relatifs à la détermination de l'assiette des cotisations recouvrées par l'URSSAF, relèvent sans contestation de la compétence judiciaire,

- par ailleurs, le décret n°60-58 du 11 janvier 1960 modifié, applicable aux aides-soignants, (en ce qu'il est notamment relatif au régime de sécurité sociale des agents relevant du statut de la fonction publique hospitalière), les a soumis aux dispositions de l'article D712-38 alinéa 1 du code de la sécurité sociale, que les juridictions judiciaires ont compétence pour interpréter et appliquer,

- enfin, la contestation n'est pas sérieuse, dès lors qu'elle est tranchée par la Cour de cassation, de façon constante.

Le premier juge doit être confirmé, en ce qu'il a rejeté la demande de sursis à statuer et la question préjudicielle.

Sur le fond

L'appelant, fait valoir en substance que la prime de sujétion n'est pas intégrée au « traitement », tel que visé par l'article D712-38 du code de la sécurité sociale, et n'a donc pas à être intégrée dans l'assiette de calcul des cotisations de sécurité sociale, en l'absence de toute disposition contraire.

Il fonde sa position, sur un avis du conseil d'État, section des finances, du 13 janvier 1998 (n°360950), qu'il produit sous sa pièce n°8.

L'intimée s'y oppose, par des conclusions au détail desquelles il est expressément renvoyé et par lesquelles elle vise l'arrêt de la Cour de cassation du 26 mai 2016, de même que les textes appliqués par la juridiction suprême, s'agissant de l'article 2 du décret n°67-850 du 30 septembre 1967, l'article 37 de la loi n°2003-1199 du 18 décembre 2003, du décret n°2004-240 du 18 mars 2004, de l'article D712-38 du code de la sécurité sociale.

Elle conclut ainsi (page 6 de ses conclusions) que « la prime de sujétion doit être soumise aux cotisations dues au titre des prestations en nature de l'assurance maladie, maternité et invalidité des aides-soignants de la fonction publique hospitalière ».

Cette position est conforme à celle adoptée par l'URSSAF, dans la décision contestée du 12 mars 2015, par laquelle l'URSSAF, pour rejeter la demande de remboursement, concluait son propos ainsi qu'il suit :

« Par conséquent, en l'absence de dérogation ou de mesures de tolérance particulière concernant la prime spéciale de sujétion versée aux aides-soignants, il convient de considérer que celle-ci doit être soumise à cotisations sociales en application de l'article D712-38 du code de la sécurité sociale ».

Sur ce,

Selon l'article D712-38 alinéa 1 du code de la sécurité sociale, rendu applicable par l'article 18 du décret n°60-58 du 11 janvier 1960 modifié relatif au régime de sécurité sociale des agents permanents des départements, des communes et de leurs établissements publics n'ayant pas le caractère industriel ou commercial, aux agents relevant du statut de la fonction publique hospitalière, la cotisation à la charge de l'établissement employeur, au titre des prestations en nature de l'assurance maladie, maternité et invalidité du régime général, pour leurs agents en activité est assise sur les traitements soumis à retenue pour pension.

Selon l'article 37, I de la loi n°2003-1199 du 18 décembre 2003, les fonctionnaires classés dans le corps des aides-soignants de la fonction publique hospitalière bénéficient, (selon les modalités fixées par les dispositions de l'article 18-1 du décret n°2003-1306 du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, et de l'article 3, V du décret n°2007-173 du 7 février 2007 relatif à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités territoriales), de la prise en compte de la prime spéciale de sujétion, dans la limite de 10 % de leur traitement indiciaire, pour le calcul de la pension de retraite ainsi que pour les retenues pour pension.

Il résulte de la combinaison de ces dispositions que la prime spéciale de sujétion versée aux aides-soignants de la fonction publique hospitalière entre, dans la limite de son montant soumis à retenue pour pension, dans l'assiette de la cotisation due, au titre des prestations en nature des assurances maladie, maternité et invalidité du régime général, par les établissements qui les emploient.

Or, la décision contestée prise par l'URSSAF le 12 mars 2015, n'est pas conforme à cette analyse.

En effet, cette décision retient que la prime spéciale de sujétion versée aux aides-soignants est soumise à cotisations sociales en application de l'article D712-38 du code de la sécurité sociale, sans retenir qu'elle n'y est soumise que dans la limite de son montant soumis à retenue pour pension, et ce pour chacun de ses bénéficiaires.

En ce qu'elle viole les dispositions rappelées ci-dessus, cette décision doit être annulée, par infirmation du jugement déféré.

Sur la demande de remboursement

À l'exception de la contestation qui vient d'être tranchée, l'URSSAF ne forme aucune contestation de la demande de remboursement s'agissant de son montant.

Il y sera fait droit.

III/ Sur les dépens et frais irrépétibles

L'équité ne commande pas l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à la cause.

L'URSSAF, qui succombe, supportera les dépens exposés en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré, statuant, publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme partiellement le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hautes-Pyrénées en date du 5 avril 2018, et seulement en ce qu'il a rejeté l'exception de procédure et la demande de sursis à statuer,

L'infirme pour le surplus,

Et statuant à nouveau,

Annule la décision de l'URSSAF Midi-Pyrénées en date du 12 mars 2015,

Condamne l'URSSAF Midi-Pyrénées, à payer au Centre Hospitalier de [Localité 3] la somme 228 505,30 € en remboursement des sommes perçues au titre des cotisations de sécurité sociale calculées sur la prime spéciale de sujétion des aides-soignants, pour la période du 1er mars 2012 au 1er mars 2015,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne l'URSSAF Midi-Pyrénées aux dépens exposés à compter du 1er janvier 2019.

Arrêt signé par Madame NICOLAS, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 18/01493
Date de la décision : 05/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-05;18.01493 ?
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