AC / MS
Numéro 22/1781
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 05/05/2022
Dossier : N° RG 19/03246 - N° Portalis DBVV-V-B7D-HMLQ
Nature affaire :
Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail
Affaire :
[C] [U]-[E]
C/
LA COMMUNE DE LARUNS, venant aux droits de L'Office de Tourisme de Laruns (EPIC)
Grosse délivrée le
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 05 Mai 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 09 Février 2022, devant :
Madame CAUTRES, Présidente
Monsieur LAJOURNADE, Conseiller
Madame SORONDO, Conseiller
assistés de Madame LAUBIE, Greffière.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
Madame [C] [U]-[E]
née le 05 Août 1955 à [Localité 3]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Maître PIAULT de la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de PAU
et Maître SANTI de la SELARL DARMENDRAIL/SANTI, avocat au barreau de PAU,
INTIMEE :
LA COMMUNE DE LARUNS, prise en la personne de son représentant légal, Monsieur le Maire, venant aux droits de L'Office de Tourisme de Laruns (EPIC)
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Représentée par Maître GIARD, avocat au barreau de PAU et Maître GOUTNER de la SAS ALKEMIST AVOCAT, avocat au barreau de PARIS
sur appel de la décision
en date du 03 SEPTEMBRE 2019
rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PAU
RG numéro : F 18/00335
EXPOSE DU LITIGE
Mme [C] [U]-[E] a été embauchée à compter du 20 mai 1996 par l'EPIC Office de tourisme de Laruns en qualité d'agent d'accueil et de renseignements, suivant contrats à durée déterminée saisonniers régi par la convention collective nationale des organismes de tourisme.
Le contrat a été transformé en contrat à durée indéterminée le 1er janvier 2001.
En dernier lieu, elle a occupé le poste de comptable gestion administrative des ressources humaines et responsable de la centrale de réservation, statut agent de maîtrise, coefficient 2.3, indice 1836.
Du 9 au 21 décembre 2015, elle est placée en arrêt de travail.
Lors des entretiens annuels de 2015 et 2016, la salariée a indiqué ne pas se sentir bien.
Le 15 février 2017, Mme [C] [U]-[E] a demandé à être licenciée.
Du 27 avril 2017 au 30 juin 2018, Mme [C] [U]-[E] a été placée en arrêt de travail.
Mme [C] [U]-[E] a effectué une demande de prise en charge de cet arrêt en tant que maladie professionnelle. La caisse primaire d'assurance maladie a refusé de prendre en charge ladite maladie au titre de la législation professionnelle.
Le 7 novembre 2017, le médecin du travail l'a déclarée inapte à son poste en application de l'article L.4624-4 du code du travail en mentionnant « inapte au poste, apte à un autre. La salariée pourrait travailler dans un poste sans avoir trop de responsabilités. La salariée pourrait effectuer un travail physique léger en faisant par exemple un travail à l'accueil ».
Le 28 novembre 2017, l'EPIC Office de tourisme de Laruns lui a proposé deux poste de reclassement avec maintien de salaire. La salariée les a refusés.
Le 29 mai 2018, Mme [C] [U]-[E] a été convoquée à un entretien préalable fixé le 6 juin 2018.
Le 21 juin 2018, elle a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Le 7 décembre 2018, elle a saisi la juridiction prud'homale.
Par jugement du 3 septembre 2019, le conseil de prud'hommes de Pau a notamment :
- dit que le licenciement prononcé pour inaptitude est valable,
- débouté Mme [C] [U]-[E] de toutes ses demandes,
- débouté l'EPIC Office de tourisme de Laruns de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- laissé les dépens à la charge de Mme [C] [U]-[E].
Le 11 octobre 2019, Mme [C] [U]-[E] a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 18 novembre 2021, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, Mme [C] [U]-[E] demande à la cour de :
- infirmer le jugement en toutes ses dispositions et réparer les omissions de statuer,
- prononcer l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement faute d'avoir sollicité l'avis des délégués du personnel constituant la violation d'une garantie de fond, en l'absence d'organisation des élections depuis 2010, et de procès-verbal de carence, ce que l'Office de tourisme reconnaît dans le dispositif de ses conclusions, aveu judiciaire qui lui est opposable ou subsidiairement, l'inaptitude étant la conséquence des manquements de l'employeur, qui ne prouve pas avoir respecté son obligation de sécurité et de prévention des risques professionnels, malgré les alertes de la salariée, la dégradation de l'état de santé étant en lien avec une situation de stress au travail et de charge excessive, connues de l'intimé,
- subsidiairement, écarter les dispositions du dernier paragraphe de l'article L.1235-2 du code du travail, en application du principe de primauté du droit de l'Union européenne sur la norme interne, comme contraires aux articles 27 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et 8 de la Directive 2002/14/CE du parlement européen et du Conseil du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l'information et la consultation des travailleurs dans la communauté européenne ;
- tirer des conséquences juridiques de la défaillance de l'employeur en l'absence de mise en place d'un système objectif, fiable et accessible mesurant la durée du temps de travail journalier et hebdomadaire posée par l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 14 mai 2019 en faisant droit aux demandes relatives au licenciement, à la violation de l'obligation de sécurité ainsi que de la durée maximale de travail et pour non-respect des règles relatives au repos et au travail dissimulé ;
- condamner en conséquence l'intimé à payer :
* 70 000 € de dommages-intérêts pour sans cause réelle et sérieuse en écartant le barème les avis de la cour de cassation ne liant pas les juges du fond, dont l'indépendance et l'appréciation souveraine ne peuvent être entravées ou en faisant une appréciation in concreto du préjudice, ou, subsidiairement, 41 951,41 € sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail ;
* 5 085,02 € d'indemnité compensatrice de préavis outre 508,50 € au titre des congés afférents ;
* 10 000 € de dommages-intérêts pour violation des dispositions relatives à la représentation du personnel, sur le fondement de l'article 27 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ensemble les articles 8 de la Directive 2002/14/CE, L. 2312-1, L. 2314-2 et L. 2314-5 et du code du travail et 8 de la convention collective nationale des organismes de tourisme ;
* 20 000 € de dommages-intérêts pour violation par l'employeur de son obligation de sécurité en matière de santé et de prévention des risques professionnels, sur le fondement des articles 30 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, L. 4121-14 et L. 4121-2 du code du travail et de l'accord national interprofessionnel sur le stress au travail ;
* 15 000 € de dommages-intérêts pour violation de la durée maximale de travail et pour non-respect des règles relatives au repos des articles L. 3121-18 et L. 3131-1 du code du travail et de l'accord national interprofessionnel du 2 juillet 2008 sur le stress au travail sur le fondement des principes constitutionnels du droit au repos et à la santé et de l'article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, interprétés à la lumière de la jurisprudence de la CJUE, demande recevable en application des articles 565 et 566 du code de procédure civile comme étant l'accessoire ou le complément nécessaire des demandes relatives au licenciement pour inaptitude d'origine professionnelle ;
* 26 208 € de dommage-intérêts pour perte de droits à la retraite de base et complémentaire ;
* 2 542,51 au titre des congés acquis pendant les périodes d'arrêt maladie, en écartant tout texte et jurisprudence contraires, sur le fondement de l'article 31 paragraphe 2 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, interprété à la lumière de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, demande recevable en application des articles 565 et 566 du code de procédure civile comme étant l'accessoire ou le complément nécessaire des demandes relatives à l'inaptitude d'origine professionnelle et ne pouvant être formulée avant la publication de l'arrêt de la CJUE du 19 novembre 2019 ;
* 7 000 € de dommages-intérêts pour violation des obligations relatives au document unique d'évaluation des risques sur le fondement des articles L. 4121-3 et R.4121-1 et suivants du code du travail ;
* 8 000 € de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de formation professionnelle continue et d'adaptation, et défaut d'organisation de l'entretien professionnel d'un salarié reprenant son activité à l'issue d'un long arrêt de travail sur le fondement de l'article L. 6321-1 et L. 6315-1, I du code du travail ;
* 2 500 € au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- frapper les condamnations de l'intérêt au taux légal depuis la saisine du conseil de prud'hommes et faire application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil autorisant la capitalisation des intérêts ;
- condamner l'intimé aux entiers dépens.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 13 janvier 2022, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, par la Commune de Laruns, venant aux droits de l'EPIC Office de tourisme de Laruns demande à la cour de :
- à titre principal :
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
- débouter Mme [C] [U]-[E] de l'ensemble de ses demandes ;
- à titre subsidiaire :
- juger le licenciement de Mme [C] [U]-[E] fondé ;
- juger l'absence de consultation des délégués du personnel constitutive d'une irrégularité de procédure ;
- limiter sa condamnation à la somme de 300 € conformément à l'article L.1235-2 in fine du code du travail ;
- à titre infiniment subsidiaire :
- limiter sa condamnation à la somme de 7 627,53 € bruts à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- en tout état de cause :
- condamner Mme [C] [U]-[E] à la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner Mme [C] [U]-[E] aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 19 janvier 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le licenciement
Attendu que conformément à l'article L. 1226-2 du code du travail, dans sa version applicable à compter du premier janvier 2017, lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail en application de l'article L. 4624-4 à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel appartient le cas échéant, situé sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel ;
Que pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies aux articles L.233-1 et suivants du code du commerce ;
Que la proposition prend en compte, après avis du comité social et économique lorsqu'il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise ;
Que le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté ;
Que l'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutation, aménagements, adaptation ou transformation de poste existants ou aménagement du temps de travail ;
Attendu que la consultation des délégués du personnel ou du comité social et économique constitue, en matière d'inaptitude non professionnelle, une formalité substantielle et donc une règle de fond dont sa méconnaissance prive le licenciement de cause réelle et sérieuse ;
Attendu que l'invocation par l'employeur de l'article L. 1235-2 du code du travail, dans sa version applicable à compter du 22 septembre 2017, est en l'espèce inopérante dans la mesure où cette disposition légale ne concerne que les irrégularités de forme lors de l'entretien préalable ainsi que le défaut de motivation de la lettre de licenciement ;
Attendu que les parties ne contestent pas au dossier que la convention collective applicable à la présente espèce est bien celle mentionnée dans le contrat de travail, soit la convention collective des organismes de tourisme à caractère non lucratif ;
Attendu que conformément à l'article 8 de cette convention collective nationale en date du 5 février 1996, modifié par avenant du 28 mars 2012, la mise en place ainsi que le renouvellement des délégués du personnel, des membres du comité d'entreprise et des membres de la délégation unique du personnel se font conformément aux dispositions légales et réglementaires en vigueur ;
Que l'élection des délégués du personnel avec suppléant est obligatoire dans tous les organismes occupant au moins 5 salariés et relève de l'initiative de l'employeur et intervient à la même date que celle du comité d'entreprise si celui-ci existe ;
Attendu qu'il résulte des dispositions concernant le comité social et économique prévu par l'ordonnance n° 2017-1386 en date du 22 septembre 2017 :
* que le comité social et économique est mis en place au terme du mandat des délégués du personnel ou des membres élus du comité d'entreprise, de la délégation unique du personnel, de l'instance regroupée mise en place par accord du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, lors du renouvellement de l'une de ces institutions, et au plus tard le 31 décembre 2019 ;
* que le comité social et économique est mis en place dans les entreprises d'au moins 11 salariés et est applicable aux employeurs de droit privé, aux établissements publics à caractère industriel et commercial et aux établissements publics à caractère administratif lorsqu'ils emploient du personnel dans les conditions du droit privé ;
* la mise en place du comité social et économique n'est obligatoire que si l'effectif d'au moins 11 salariés est atteint pendant 12 mois consécutifs ;
Attendu qu'il résulte de l'examen de l'ensemble des pièces produites au dossier par l'employeur que :
* aucune consultation des instances représentatives du personnel n'a été réalisée concernant le reclassement de la salariée ;
* aucun élément ne permet de connaître, conformément aux règles prescrites par l'article L.1111-2 du code du travail, l'effectif réel de l'entreprise au moment du déclenchement de la procédure de licenciement. Si l'employeur fait état dans ses écritures du fait que l'entreprise comptait moins de 11 salariés, il ne conteste nullement le fait que celle-ci comptait au moins cinq salariés ;
* aucun procès-verbal de carence des élections de représentants du personnel au dossier ne permet d'établir que l'employeur a respecté ses obligations en matière d'élections professionnelles ;
Attendu que de son côté la salariée produit au dossier une attestation de M.[I] qui indique « en ma qualité de conseiller municipal de [Localité 1] j'ai intégré le comité de direction de l'Office du tourisme municipal le 5 mai 2015. J'ai appris par ma belle-s'ur, début mai 2017, qu'il n'y avait pas de délégué du personnel au sein de l'Office du tourisme depuis plusieurs années, élément confirmé par deux membres du personnel. Je suis intervenu en séance du comité de direction de l'Office le 13 décembre 2017 pour faire un rappel de la réglementation en vigueur en la matière et demander la mise en place d'une délégation du personnel. J'ai évoqué à nouveau cette demande en séance du 16 janvier 2018 et du 4 avril 2018 et je sais que ce point a été évoqué en mon absence en séance du 19 septembre 2018. Il est mentionné sur le compte rendu que la démarche est en cours » ;
Attendu que Mme [U]-[E] produit également au dossier un document d'évaluation de l'Office du tourisme de [Localité 1] rédigé par la salariée [Z] [V] que l'entreprise compte, au 12 octobre 2017, 11 salariés ainsi que des saisonniers ;
Que cette pièce n'est pas utilement critiquée par l'employeur concernant le nombre de salariés au sein de l'entreprise, ses seules affirmations étant totalement insuffisantes sur ce point ;
Attendu qu'au vu de ces éléments, l'employeur, alors qu'il avait l'obligation conventionnelle d'organiser des élections aux fins d'élire les représentants du personnel au vu de l'effectif de l'entreprise et qu'il s'est dispensé de la mise en place d'un comité social et économique, n'est nullement libéré de son obligation de consultation des représentants du personnel ou du comité social et économique sur les possibilités de reclassement de la salariée suite à sa déclaration d'inaptitude non professionnelle ;
Qu'en conséquence le licenciement de la salariée se trouve dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse
Sur l'indemnité compensatrice de préavis
Attendu que le licenciement de la salariée étant dépourvu de cause réelle et sérieuse du fait du manquement de l'employeur à son obligation de reclassement, la consultation des délégués du personnel constituant une composante de ce processus, une indemnité compensatrice de préavis et donc due ;
Attendu qu'au vu des pièces salariales du dossier il sera alloué à Mme [U] [E] la somme de 5 085,02 euros à ce titre ainsi que celle de 508,50 euros au titre des congés payés afférents ;
Sur les dommages et intérêts
Attendu que selon l'article L 1253-3 du code du travail dans sa rédaction issue de l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, dont les dispositions sont applicables aux licenciements prononcés postérieurement à la publication de ladite ordonnance, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux ;
Qu'il en résulte notamment que cette indemnité, pour un salarié ayant deux années complètes d'ancienneté dans une entreprise employant au moins 11 salariés, est comprise entre un montant minimal de 3 mois de salaire brut et un montant maximal de 3,5 mois de salaire brut ;
Attendu qu'afin de voir écarter le plafonnement susvisé, le salarié se fonde sur les dispositions des articles 4 et 10 de la convention de l'Organisation internationale du travail n°158 sur le licenciement en date du 22 juin 1982, l'article 24 de la Charte des droit sociaux européens et l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l' Homme ;
Attendu qu'au regard de l'article 6 de la Convention Européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales les dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail, qui limite le droit matériel des salariés quant au montant de l'indemnisation susceptible d'être allouée en cas de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, ne constituent pas un obstacle procédural entravant leur accès à la justice ;
Attendu cependant que si les dispositions de l'article 24 de la Charte européenne du conseil de l'Europe ne sont pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers, eu égard à l'importance de la marge d'appréciation laissée aux parties contractantes par lesdites dispositions, l'article 10 de la convention de l'Organisation Internationale du Travail (OIT) n°158 sur le licenciement en date du 22 juin 1982 ainsi libellé est incontestablement d'application directe en droit interne : " Si les organismes mentionnés à l'article 8 de la présente convention arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n'ont pas le pouvoir ou n'estiment pas possible dans les circonstances d'annuler le licenciement et/ou d'ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d'une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée" ;
Attendu qu'il a été rappelé qu'en droit français, si le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise ;
Que lorsque la réintégration est refusée par l'une ou l'autre des parties, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur dans les limites de montants minimaux et maximaux, le barème prévu étant écarté en cas de nullité de licenciement par application de l'article L 1235-3-1 du code du travail ;
Attendu que la compatibilité de l'article L 1235-3 du code du travail avec les dispositions de l'article 10 de la convention n°158 de l'OIT n'exclut pas la possibilité pour le juge de s'affranchir du plafond n'évoluant qu'en considération de l'ancienneté si ce dernier conduit à une indemnisation inadéquate au regard de l'ensemble des éléments de situation du salarié qui alimentent son préjudice lié à la perte de son emploi ;
Attendu qu'en l'espèce Mme [U]-[E], âgée de 63 ans, avait une ancienneté de 17 ans au jour de son licenciement dans la relation contractuelle à durée indéterminée et 22 ans de présence au sein de l'entreprise du fait des différents contrats saisonniers conclus antérieurement (sur des périodes de 5 mois jusqu'en 1998 et à plein temps à compter de 1999 ;
Attendu qu'elle justifie avoir fait valoir ses droits à la retraite et d'une perte financière du fait de la décote de sa retraite si elle avait quitté son emploi à 65 ans ;
Attendu que les autres éléments du dossier attestent de la charge d'un crédit immobilier jusqu'en mai 2019 d'un montant de 881,23 euros par mois, le crédit immobilier de 300,69 euros par mois ne concernant que son époux M. [G] [E] ;
Attendu qu'en conséquence, compte tenu des éléments produits l'application du barème susvisé permet une réparation du préjudice de Mme [U]-[E] adéquate et appropriée à sa situation;
Attendu qu'il convient donc, compte tenu de sa situation personnelle, sociale et familiale d'allouer à Mme [U]-[E] la somme de 40 000 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Sur la demande de dommages et intérêts pour violation des dispositions relatives à la représentation du personnel
Attendu qu'il résulte des pièces déjà évoquées que l'employeur n'a pas organisé d'élections de représentants du personnel depuis 2010 alors même que la convention collective applicable lui en faisait l'obligation ;
Que la salariée s'en est ouverte au conseiller municipal de [Localité 1] sur ce point ;
Attendu que les différents arrêts de travail, le dossier médical de la salariée, son courrier adressé au médecin du travail du 8 novembre 2017 témoignent du fait que la salariée a pu être en souffrance au travail depuis 2016 sans jamais pouvoir s'adresser un représentant du personnel ayant pour mission de participer à la détermination collective des conditions de travail et de la gestion au sein de l'entreprise ;
Attendu que les manquements de l'employeur sur ce point ont généré un préjudice qui, compte tenu des pièces médicales du dossier, doit être évalué à la somme de 2 000 euros ;
Sur la demande dommages et intérêts pour violation par l'employeur de son obligation de sécurité
Attendu que dans le cadre de l'obligation de sécurité pesant sur l'employeur destinée notamment à prévenir les risques pour la santé et la sécurité des salariés, la loi lui fait obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ;
Que de ce fait, l'article L 4121-1 lui fait obligation de mettre en place:
- des actions de prévention des risques professionnels y compris ceux mentionnés à l'article L.4161-1,
- des actions d'information et de formation,
- une organisation et des moyens adaptés,
et de veiller à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes ;
Attendu que l'article L.4121-2 du même code précise que l'employeur met en 'uvre les mesures prévues à l'article L.4121-1 sur le fondement des principes généraux suivants : éviter les risques, évaluer les risques qui ne peuvent être évités, combattre les risques à la source, adapter le travail à l'homme ;
Que l'employeur doit également planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral ;
Attendu qu'il résulte des pièces produites et notamment de l'évaluation professionnelle de la salariée en 2016 que celle-ci a pu mettre en avant un sentiment d'impuissance, une usure face à la non mise en place de fiches de suivi ;
Que cependant la salariée, dans la rubrique « souhait évolution exprimée » ne mentionne nullement un mal-être travail mais seulement une non reconnaissance financière ;
Que de la même façon elle estime ne pas se sentir bien sur l'année écoulée et évoque des problèmes de santé sans lien avec sa souffrance au travail ;
Attendu qu'il convient de constater que la salariée n'a jamais adressé de courrier à son employeur pour faire état de sa surcharge de travail et de ses conséquences ;
Attendu que l'examen des bulletins de salaire produits démontre qu'elle n'a jamais été rémunérée pour des heures supplémentaires accomplies ;
Que durant l'instance prud'homale ainsi que devant la cour Mme [U] [E] ne sollicite aucune somme au titre des heures supplémentaires ;
Attendu que l'employeur produit au dossier un courriel de Mme [V] en date du 13 mars 2017 libellé comme suit « bonjour [C], pour faire suite à votre mail en date du 15 février je voudrais repréciser certains points. Lors du dernier entretien individuel en date du 12 janvier 2017 vous m'avait fait part de votre désir de quitter l'Office de tourisme et d'avoir étudié pour ce faire la rupture conventionnelle. À quatre ans de la retraite, vous n'avez plus le même intérêt et la même satisfaction au travail m'avait vous dit. Je vous ai entendu sur cette fois et si tel est votre souhait j'aimerais que vous formulez une demande écrite de rupture conventionnelle » ;
Attendu que le courriel de la salariée en date du 15 février 2017 la salariée expose « suite à notre entretien d'hier, j'ai approfondi le sujet de la rupture conventionnelle car j'avais lu qu'il y avait eu des modifications. En effet, les règles ont été modifiées en fonction de l'âge à la date de la rupture. Je me suis fait confirmer ces éléments par un ami directeur des ressources humaines dans une grande entreprise. Si j'avais eu cette rupture l'an dernier à mes 60 ans comme nous l'avions évoqué lors de mon entretien individuel de 2016, le montant de l'indemnité n'était ni soumis à charge, ni à taxe sur salaire, ni impôts. En la signant cette année elle sera soumise à toutes ses charges. Mon ami m'a conseillé que nous faisions un licenciement pour motif personnel plutôt qu'une rupture conventionnelle...je suis partante pour cette solution en prenant en compte le motif de licenciement pour motif personnel qui peut être incompatibilité d'humeur entre collègues engendrant des faits répétés comme agressivité, conflit, tension, ce qui est la vérité même si cela ne peut plus m'être imputé depuis pas mal de temps. À voir ensemble » ;
Attendu que la salariée produit au dossier des courriels de sa part adressés à M.[K] faisant état de la dégradation de son état de santé ;
Que cependant aucune dénonciation de ses conditions de travail n'est évoquée dans ces courriers ;
Attendu que les différentes attestations produites par la salariée, soit celles de Mme [W] et Mme [F], si elles évoquent les impressions sur la dégradation de l'état de santé de la salariée, ne sont pas suffisamment précises quant à la réalité de la surcharge de travail alléguées et les mauvaises conditions de travail ;
Attendu que l'extrait très partiel du dossier médical de la salariée démontre que le médecin du travail n'a pas saisi l'envoyeur aux fins de préconisations particulières quant à l'adaptation du poste de travail de la salariée ;
Qu'il est intéressant de relever que lors de la visite du 25 avril 2017 Mme[U] [E] ne prend pas de traitement antidépresseur régulier mais seulement des anxiolytiques de temps en temps depuis 2015 ;
Que les ordonnances médicales produit au dossier confirment ce point dans la mesure où la prescription d'antidépresseurs intervient pour la première fois en décembre 2017 ;
Attendu qu'au vu de ces éléments, c'est donc par une très exacte appréciation du droit applicable aux éléments de l'espèce que les premiers juges ont dit que l'employeur n'avait pas manqué à son obligation de sécurité à l'égard de la salariée et l'ont débouté de sa demande de ce chef ;
Que le jugement déféré sera confirmé sur ce point par substitution de motifs ;
Sur la demande de dommages-intérêts pour violation de la durée maximale de travail et pour non-respect des règles relatives au repos
Attendu que la cour n'est aucunement saisie dans le dispositif des conclusions de l'intimé de la question de l'irrecevabilité de cette demande nouvelle devant la cour, ce point n'étant évoqué que dans le corps des écritures ;
Attendu qu'il convient au préalable de constater que la salariée ne réclame aucune somme au titre d'heures supplémentaires accomplies et au titre de la non rémunération du travail durant les jours fériés ;
Attendu qu'elle fait seulement valoir que l'employeur n'a pas mis en place de système de décompte de son temps de travail ;
Que dans la mesure où il est allégué aucun dépassement d'horaire par rapport à l'horaire contractuel, Mme [U]-[E] ne peut avoir subi aucun préjudice du fait de la violation seulement hypothétique de la durée maximale de travail et des règles relatives au repos ;
Attendu que la salariée sera déboutée de cette demande nouvelle devant la cour ;
Sur la demande de dommages-intérêts pour violation des obligations relatives au document unique d'évaluation des risques
Attendu que conformément à l'article R.4121-1 du code du travail l'employeur transcrit et mais un jour dans un document unique les résultats de l'évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs à laquelle il procède en application de l'article L. 4121-3. Cette évaluation comporte un inventaire des risques identifiés dans chaque unité de travail de l'entreprise ou de l'établissement y compris ceux liés aux ambiances thermiques ;
Que selon l'article R.4121-2 du même code, la mise à jour du document unique d'évaluation des risques est réalisée au moins chaque année, lors de toute décision d'aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail au sens de l'article L. 4612-8 et lorsqu'une information supplémentaire intéressant l'évaluation d'un risque dans une unité de travail et recueillie ;
Attendu enfin que l'article R.4121-4 du code du travail prévoit que le document unique d'évaluation des risques est tenu à la disposition des travailleurs ;
Attendu que l'examen des pièces produites au dossier démontre que l'employeur disposait bien d'un document unique d'évaluation des risques à jour au 12 octobre 2017 ;
Attendu que la salariée, au vu des fonctions occupées au sein de l'entreprise figurant dans sa fiche de poste, devait assurer le suivi des dossiers du personnel et mettre en 'uvre une veille réglementaire relative à la législation du travail ;
Que les fonctions occupées par la salariée la rendaient obligatoirement destinataire du document unique d'évaluation des risques qu'elle produit d'ailleurs au dossier de la cour ;
Attendu que la salariée sera donc déboutée de sa demande de ce chef, faute de manquement de l'employeur sur ce point et de préjudice caractérisé ;
Que le jugement déféré sera confirmé sur ce point ;
Sur la demande dommages et intérêts pour violation de l'obligation de formation professionnelle continue d'adaptation, et à défaut d'organisation de l'entretien professionnel d'un salarié reprenant son activité à l'issue d'un long arrêt de travail sur le fondement de l'article L.6321-1 et 6315-1 du code du travail
Attendu que l'employeur justifie au dossier que la salariée à bénéficié, depuis 2014, de plusieurs formations, notamment en matière de stratégie de contenu, de connaissance du PRL de la vallée d'Ossau, de la promotion des Pyrénées béarnaises et de mise en place du plan de communication et de la démarche qualité ;
Attendu que contrairement aux allégations de la salariée, celle-ci n'a nullement fait l'objet d'un arrêt de travail longue maladie, à l'article L.324-1 du code de la sécurité sociale nécessitant un entretien Professionnel consacré aux perspectives d'évolution professionnelle en termes de qualification et d'emploi ;
Que les différents arrêts de travail produit au dossier démontrent que la salariée de se situer pas dans ce cadre légal ;
Attendu en conséquence que Mme [U]-[E] sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts de ce chef, le jugement déféré devant être confirmé sur ce point ;
Sur la demande de dommages et intérêts pour perte des droits à la retraite de base et complémentaire
Attendu que Mme [U]-[E] ne rapporte pas la preuve d'un préjudice distinct de celui déjà indemnisé dans le cadre des dommages et intérêts sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail ;
Attendu au surplus que les allégations selon lesquelles la salariée désirait travailler jusqu'au mois d'octobre 2019 ne sont pas corroborées par les pièces du dossier démontrant qu'elle a souhaité rompre le contrat de travail avec son employeur dès le mois de mars 2017 ;
Attendu qu'elle sera donc déboutée de sa demande de ce chef ;
Sur la demande au titre des congés acquis pendant les périodes d'arrêt de travail
Attendu que la cour n'est aucunement saisie dans le dispositif des conclusions de l'intimé de la question de l'irrecevabilité de cette demande nouvelle devant la cour, ce point n'étant évoqué que dans le corps des écritures ;
Attendu qu' en cas de rupture du contrat de travail, le salarié a droit à une indemnité compensatrice de congés acquis non pris alors qu'il a été dans l'impossibilité de prendre ses congés au cours de la période prévue du fait de son arrêt de travail ;
Que les dispositions prévues au 5° de l'article L.3141-5 ne concernent que le calcul de la durée du congé et ne concernent pas le droit à congé en cas de suspension du contrat de travail pour accident ou maladie non professionnelle ;
Attendu que compte tenu des pièces salariales et médicales du dossier Mme[U]-[E] a droit à ce titre la somme de 2 542,51 euros au titre des congés acquis pendant les périodes d'arrêt maladie ;
Sur les intérêts
Attendu que les sommes dues au titre des créances salariales et l'indemnité conventionnelle de licenciement portent intérêts au taux légal à compter de la notification de la saisine du conseil des prud'hommes à l'employeur, les sommes dues au titre des dommages et intérêts portent intérêts au taux légal à compter de la décision qui les fixe, et ce avec capitalisation conformément à l'article 1343-2 du code civil ;
Sur les demandes accessoires
Attendu que l'employeur qui succombe sur le licenciement de la salariée doit supporter les entiers dépens y compris ceux de première instance ;
Attendu que l'équité commande de faire application en l'espèce des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner l'employeur à verser la somme de 2 000 euros à ce titre ;
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort
INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Pau en date du 3septembre 2019 sauf en ce qui concerne les dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité, au document unique d'évaluation et à l'obligation de formation professionnelle ;
Et statuant à nouveau sur les autres points et y ajoutant,
DIT que le licenciement de Mme [C] [U]-[E] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
CONDAMNE la Commune de Laruns, venant aux droits de l'EPIC Office du tourisme de Laruns à payer à Mme [C] [U]-[E] les sommes suivantes :
. 5 085,02 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;
. 508,50 euros au titre des congés payés sur indemnité compensatrice de préavis ;
. 40 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
. 2 000 euros de dommages et intérêts pour violation des dispositions relatives à la représentation du personnel ;
. 2 542,51 euros au titre des congés acquis durant les périodes d'arrêt de travail ;
DEBOUTE Mme [C] [U]-[E] de ses demandes au titre des dommages et intérêts pour violation de la durée maximale du travail et du droit au repos, perte des droits à la retraite ;
DIT que les sommes dues au titre des créances salariales et l'indemnité conventionnelle de licenciement portent intérêts au taux légal à compter de la notification de la saisine du conseil des prud'hommes à l'employeur, les sommes dues au titre des dommages et intérêts portent intérêts au taux légal à compter de la décision qui les fixe, et ce avec capitalisation conformément à l'article 1343-2 du code civil ;
CONDAMNE la Commune de Laruns, venant aux droits de l'EPIC Office du tourisme de Laruns aux entiers dépens et à payer à Mme [C] [E] la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Madame CAUTRES, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,