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13/06/2022 | FRANCE | N°20/00619

France | France, Cour d'appel de Pau, 2ème ch - section 1, 13 juin 2022, 20/00619


MM/ND



Numéro 22/2337





COUR D'APPEL DE PAU

2ème CH - Section 1







ARRÊT DU 13/06/2022







Dossier : N° RG 20/00619 - N° Portalis DBVV-V-B7E-HQGS





Nature affaire :



Autres demandes relatives au prêt







Affaire :



SA CREDIT LYONNAIS



C/



[X] [G] [V]

































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Grosse délivrée le :

à :







RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 13 Juin 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Pro...

MM/ND

Numéro 22/2337

COUR D'APPEL DE PAU

2ème CH - Section 1

ARRÊT DU 13/06/2022

Dossier : N° RG 20/00619 - N° Portalis DBVV-V-B7E-HQGS

Nature affaire :

Autres demandes relatives au prêt

Affaire :

SA CREDIT LYONNAIS

C/

[X] [G] [V]

Grosse délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 13 Juin 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 07 Avril 2022, devant :

Monsieur Marc MAGNON, magistrat chargé du rapport,

assisté de Madame Nathalène DENIS, greffière présente à l'appel des causes,

[R] [B], en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente

Monsieur Marc MAGNON, Conseiller

Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

SA CREDIT LYONNAIS

représentée par son directeur général en exercice,

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Martine DE BRISIS de la SCP CABINET DE BRISIS & DEL ALAMO, avocat au barreau de PAU

Assistée de Me Pierre BUISSON, avocat au barreau de LYON

INTIMEE :

Madame [X] [G] [V]

née le [Date naissance 1] 1980 à [Localité 6]

de nationalité française

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Lydia LECLAIR de la SCP MOUTET-LECLAIR, avocat au barreau de BAYONNE

sur appel de la décision

en date du 11 FEVRIER 2020

rendue par le TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE PAU

Exposé des faits et procédure :

Selon offre préalable acceptée le 8 mars 2015, la SA Crédit Lyonnais a consenti à Madame [X] [V] un prêt immobilier d'un montant de 103.102 euros destiné au rachat d'un précédent emprunt souscrit pour l'acquisition de sa résidence principale sise à [Adresse 7], se décomposant en deux prêts, le premier d'un montant de 56.106 euros remboursable au taux annuel de 1,90 %, en 144 échéances de 447,26 euros et le second d'un montant de 46.996 euros remboursable au taux annuel de 2,25%, en144 échéances de 98,69 euros et 96 échéances de 545,95 euros.

Considérant que des irrégularités affectaient ces deux prêts et notamment le calcul du TEG, Madame [V] a demandé des explications au prêteur par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 1er décembre 2016. L'établissement bancaire lui a indiqué que les offres délivrées respectaient l'intégralité des dispositions légales et réglementaires, et notamment la méthode de calcul des intérêts conventionnels et du TEG.

Par acte d'huissier de justice en date du 4 octobre 2017, [X] [V] a fait assigner la SA Crédit Lyonnais devant le Tribunal de grande instance de Pau aux fins de :

- constater que le prêteur n'a pas calculé les intérêts sur la base de 365 jours dans les offres de prêts litigieuses,

- constater que la clause portant sur les intérêts conventionnels insérée dans les offres de prêt est irrégulière,

- dire et juger que la banque n'a pas calculé les intérêts sur une base de 365 jours dans les offres de prêt litigieuses ;

- constater que la perte des intérêts pour le prêteur doit être significative pour que la sanction prononcée soit effective et dissuasive et ce, conformément à l'esprit de la Directive 2014/17UE du 4 février 20l4 relative au crédit immobilier et à 1'arrêt de la CJUE du 27 mars 2014,

- constater que si ces sommes ne sont pas significativement inférieures, la sanction ne présente pas de caractère dissuasif et ce, en violation des dispositions de la directive,

- constater que l'inexactitude affectant le taux effectif global dont la mention dans l'écrit constatant un prêt d'argent est une condition de validité de la stipulation d'intérêt, équivaut à une absence de mention ;

- constater que la sanction du taux effectif global erroné est la substitution du taux d'intérêt légal au taux conventionnel prévu ;

- constater que la sanction appliquée au prêteur reste proportionnée dès lors que celui ci continue à percevoir des intérêts et donc à être rémunéré sur le prêt consenti aux emprunteurs ;

- constater que 1'application du taux d'intérêt légal ne relève pas du régime de la responsabilité (il n'y a donc pas de préjudice à justi'er) mais des conséquences de la nullité de la stipulation écrite d'intérêts, elle-même régie pas des dispositions d'ordre public dont le prêteur ne peut s'affranchir ;

- constater qu'en matière de calcul en année bancaire, la sanction applicable est celle d'un taux d'intérêt erroné avec application de l'article 1907 du Code Civil et substitution du taux conventionnel par le taux légal ;

- constater que la subdivision du prêt en plusieurs périodes avec application du mois normalisé sur la phase d'amortissement et application de l'année bancaire sur la phase intermédiaire ne saurait permettre au prêteur de s'affranchir du respect des règles d'ordre public ni justifier, en cas de violation, le cantonnement de la sanction à une seule phase, la nullité affectant la stipulation de l'intérêt conventionnel et non le seul taux d'intérêt ;

S'agissant du prêt de 56.106 euros,

- prononcer la nullité de la stipulation relative aux intérêts conventionnels du prêt ;

- prononcer la substitution du taux légal de l'année du prêt soit 0,93 % en 2015 au taux d'intérêt conventionnel (1,90%) dans le prêt litigieux ab initio jusqu'à la 'n du prêt ;

- homologuer le tableau d'amortissement produit aux débats avec substitution du taux d'intérêt conventionnel par l'intérêt au taux légal de 0,93 % avec remboursement du trop d'intérêt perçu d'un montant de 1.150,34 euros (2.229,65 -1.079,31) arrêté provisoirement au 1er juillet 2017,

- subsidiairement, prononcer la déchéance totale des intérêts conventionnels ;

S 'agissant du prêt de 46. 996 euros,

- prononcer la nullité de la stipulation relative aux intérêts conventionnels du prêt ;

- prononcer la substitution du taux légal de l'année du prêt soit 0,93 % en 2015 au taux d'intérêt conventionnel (2,25%) dans le prêt litigieux ab initio jusqu'à la fin du prêt ;

- homologuer le tableau d'amortissement produit aux débats avec substitution du taux d'intérêt conventionnel par l'intérêt au taux légal de 0,93 % avec remboursement du trop d'intérêt perçu d'un montant de 1.425,76 euros (2.405,6l - 979,85) arrêté provisoirement au 1er juillet 2017,

- subsidiairement, prononcer la déchéance totale des intérêts conventionnels ;

En tout état de cause

- débouter le LCL crédit lyonnais de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- condamner le LCL CREDIT LYONNAIS à payer à la concluante la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

- condamner la même aux entiers dépens ;

- ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir nonobstant appel et sans constitution de garantie.

Par jugement du 11 février 2020, le tribunal judiciaire de Pau a :

- dit que la clause d'intérêts des prêts de 53.106 euros et 46.996 euros souscrits par Madame [X] [V] auprès de la SA CREDIT LYONNAIS le 8 mars 2015 est nulle,

- ordonné la substitution du taux légal de 0,93% l'an au taux conventionnel desdits prêts immobiliers n°4003536BTPFD11AH et n°4003536BTPFD12AH conclus le 8 mars 2015,

- condamné la SA crédit lyonnais à verser à Madame [X] [V] la somme correspondant à la différence entre les intérêts conventionnels perçus à ce jour au titre du prêt susvisé et les intérêts calculés sur la base d'un taux de 0,93% par an,

- dit que la SA crédit lyonnais devra établir un nouveau tableau d'amortissement conforme au nouveau taux légal de 0,93% applicable à chacun de ces deux emprunts immobiliers,

- condamné la SA crédit lyonnais à verser à Madame [X] [V] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,

- condamné la SA crédit lyonnais à supporter la charge des dépens.

Par déclaration en date du 26 février 2020, la SA Crédit Lyonnais a relevé appel de ce jugement.

La clôture est intervenue le 08 septembre 2021, l'affaire étant fixée au 21 octobre 2021 puis renvoyée au 07 avril 2022.

Au-delà de ce qui sera repris pour les besoins de la discussion et faisant application en l'espèce des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour entend se référer pour l'exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières de leurs écritures visées ci-dessous.

Prétentions et moyens des parties :

Vu les conclusions notifiées le 3 novembre 2020 par la société SA Crédit Lyonnais qui demande de :

Vu notamment les articles 1907 du Code civil, L. 312-8, L. 312-33, L. 313-1, L. 313-2 et R. 313-1 anciens du Code de la consommation,

- Débouter Mademoiselle [V] de toutes ses demandes ;

- La condamner à payer au Crédit Lyonnais 4 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et les dépens avec application de l'article 699 du même code au bénéfice de la SCP de Brisis - Esposito, avocat ;

- Subsidiairement, limiter la restitution d'intérêts mise à la charge du Crédit Lyonnais à 3,15 euros ou à une somme forfaitaire symbolique ;

- Plus subsidiairement, dire que le taux d'intérêt légal substitué aux taux conventionnels subira les variations périodiques auxquelles la loi le soumet.

*

Vu les conclusions notifiées le 14 août 2020 par Mme [X] [V] qui demande de :

- Confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la nullité des stipulations d'intérêts des offres de prêt litigieuses.

- Confirmer le jugement en ce qu'il a prononcé la substitution du taux légal de l'année des prêts soit 0,93 % en 2015 aux taux d'intérêt conventionnels dans les prêts litigieux ab initio jusqu'à la fin des prêts ;

- Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la banque à lui verser la somme correspondant à la différence entre les intérêts conventionnels perçus au jour de la décision à venir et les intérêts calculés sur la base d'un taux de 0,93 % par an.

- Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la banque à établir un nouveau tableau d'amortissement conforme au nouveau taux légal de 0,93 % applicable à chacun de ces deux emprunts immobiliers.

Subsidiairement,

- Dire que le prêteur sera déchu de la totalité des intérêts.

A défaut ,

- Dire non écrites les stipulations d'intérêts des offres de prêt litigieuses.

- Dire que le taux légal doit s'appliquer depuis la conclusion des prêts.

- Condamner la banque à verser à Mme [V] la somme correspondant à la différence entre les intérêts conventionnels perçus au jour de la décision à venir et les intérêts calculés sur la base du taux légal

En tout état de cause,

- Réformer le jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à la demande de paiement de Madame [V] du coût de l'analyse financière.

- En conséquence, Condamner la banque à lui payer une somme de 6.300 euros à ce titre ;

- Confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la banque au paiement d'une somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Y ajoutant,

- Condamner la banque au paiement d'une somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

MOTIVATION :

A l'appui de son appel tendant à l'infirmation du jugement critiqué et au débouté de l'intimée de l'ensemble de ses demandes, le Crédit Lyonnais soutient notamment que :

' est régulier le calcul des intérêts pour une période mensuelle, par fraction du taux annuel égale au rapport de durée entre la période et l'année, ce qui donne le même résultat que le rapport soit 1/12 ou 30/360 ou encore 30,41666, correspondant au mois normalisé, sur 365 ;

' le tribunal, dans sa démonstration a commis une erreur de calcul en appliquant le mois normalisé de 30,41666 jours à une année bissextile de 366 jours, alors que selon l'article R. 313-1 ancien du code de la consommation un mois normalisé compte 30,41666 jours que l'année soit bissextile ou non ;

' l'application d'un taux d'intérêts quotidien égal au taux d'intérêt annuel divisé par 360 n'a d'incidence que sur les périodes rompues, calculées sur le nombre de jours exact écoulé entre le déblocage des fonds et la première échéance de chaque prêt, soit une période de 39 jours, ce qui a eu une incidence en tout et pour tout de 3,15 euros ;

' l'incidence de la clause 30/360 sur l'expression des taux d'intérêt est inférieure à 0,1%, inférieure donc au seuil de précision réglementaire appliqué par la cour de cassation en dessous duquel l'annulation de la stipulation conventionnelle d'intérêts n'est pas appliquée ;

' si la clause de calcul des intérêts quotidiens sur la base de 360 jours était jugée illicite, elle seule devrait être annulée, entrainant pour le crédit lyonnais l'obligation de rembourser ;

' la clause litigieuse n'est nullement abusive; en tout état de cause, la demande est irrecevable ;

' en application des articles L. 341-48-1 alinéa 1er du code de la consommation issu de l'ordonnance n° 2019-740 du 17 juillet 2019 et des articles L. 312-8 et L. 312-33 du code de la consommation , dans sa rédaction applicable à la date des offres de prêt, la sanction d'un TEG erroné mentionné dans l'offre de prêt est la déchéance des intérêts dans la proportion fixée par le juge.

Madame [V] réplique notamment :

' que les offres de prêt font expressément référence au calcul des intérêts sur la base d'une année de 360 jours, ce qui est contraire aux dispositions combinées des articles L. 313-1, L. 313-2, R. 313-1 et R. 313-2 du code de la consommation, dans leur rédaction applicable au litige, l'intérêt conventionnel devant, comme le TEG, être fixé par écrit sur la base d'une année civile de 365 jours ou 366 jours pour les années bissextiles;

' le recours à l'année bancaire de 360 jours ressort des clauses des offres de prêts et de l'analyse financière qu'elle verse aux débats ; le TEG mentionné dans la seconde offre procédant en outre d'un calcul erroné, indépendamment du recours à l'année bancaire ;

' la banque a usé d'une base de calcul de 360 jours qui lui a porté préjudice ;

' la sanction applicable est la nullité de la stipulation conventionnelle des intérêts avec substitution du taux d'intérêt légal au taux conventionnel; à défaut la déchéance totale du droit aux intérêts des prêts ;

' à défaut, elle considère que la clause prévoyant le recours à l'année bancaire est abusive et doit être réputée non écrite, car elle l'a privée de la possibilité de calculer le coût réel de son crédit.

En droit :

Il résulte des articles L. 313-1, L. 313-2 et R. 313-1 du code de la consommation, les deux premiers textes dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, le dernier dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret no 2016-884 du 29 juin 2016, que le taux effectif global doit être mentionné dans tout écrit constatant un contrat de prêt et que l'inexactitude de ce taux n'est sanctionnée que si elle est supérieure à la décimale.

En effet, le taux effectif global est calculé selon la formule figurant en annexe à l'article R. 313-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au litige, soit celle issue du décret n° 2011-135 du 1er février 2011, une telle annexe étant rédigée comme suit en son d) :

' Le résultat du calcul est exprimé avec une exactitude d'au moins une décimale. Lorsque le chiffre est arrondi à une décimale particulière, la règle suivante est d'application : si le chiffre de la décimale suivant cette décimale particulière est supérieur ou égal à 5, le chiffre de cette décimale particulière sera augmenté de 1 '.

Selon une jurisprudence constante de la cour de cassation, l'exigence d'exactitude du taux effectif global et plus généralement du taux d'intérêt stipulé dans le contrat de prêt se limite à la première décimale après la virgule, de sorte qu'une erreur inférieure à celle-ci n'entraîne pas la nullité de la clause stipulant l'intérêt conventionnel (Cassation 1re Civ., 12 novembre 2020, pourvoi n° 19-10.313 ; Com., 9 décembre 2020, pourvoi n° 19-12.531, 1ère Civ 20 avril 2022 pourvoi n° 20-16 962).

Les juges du fond sont tenus de rechercher si l'écart entre le taux réel et le taux mentionné dans le contrat n'est pas inférieur à la décimale (1re Civ., 11 janvier 2017, pourvoi no 15-24.914; 1re Civ., 28 novembre 2018, pourvoi no 17-20.106).

Et il a été jugé que le recours à l'année lombarde ou bancaire de 360 jours n'est sanctionné que s'il entraine un écart du taux d'intérêt égal ou supérieur à la décimale prévue par l'article R. 313-1 (cassation 1ère civile du 27 mars 2019 pourvoi n° W 17-23.363).

Par ailleurs, l'article L. 312-8, 3° du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au litige, soit celle issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, dispose que l'offre de prêt immobilier « indique, outre le montant du crédit susceptible d'être consenti, et le cas échéant celui de ses fractions périodiquement disponibles, son coût total, son taux défini conformément à l'article L. 313-1 ainsi que, s'il y a lieu, les modalités de l'indexation. »

L'offre de prêt immobilier doit donc mentionner le taux effectif global du prêt. Le défaut d'une telle mention, auquel est assimilée une mention erronée, expose le prêteur à la déchéance du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge, conformément à l'article L. 312-33 du code de la consommation (1re Civ., 25 février 2016, pourvoi n° 14-29.838, inédit ; 1re Civ., 6 juin 2018, pourvoi n° 17-16.300, inédit ; 1re Civ., 26 septembre 2018, pourvoi n° 17-15.352, inédit ; 1re Civ., 23 janvier 2019, pourvoi n° 17-22.420, inédit ; 1re Civ., 13 mars 2019, pourvoi n° 17-26.456, inédit ; 1re Civ., 21 octobre 2020, pourvoi n° 18-25.159, inédit).

L'erreur affectant le taux effectif global mentionné dans l'acte de prêt était autrefois sanctionnée par la nullité de la clause de stipulation des intérêts avec substitution du taux d'intérêt légal au taux conventionnel, en application des articles 1907 du code civil et L. 313-1 et L. 313-2 du code de la consommation.

La sanction de l'erreur du TEG contenu dans l'acte de prêt et celle de l'erreur affectant l'offre de prêt acceptée ont depuis été unifiées par l'article L. 341-48-1 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2019-740 du 17 juillet 2019. En effet, seule la déchéance du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment du préjudice pour l'emprunteur, est encourue.

Si, conformément au droit commun, les dispositions de cette ordonnance ne sont applicables qu'aux contrats souscrits postérieurement à son entrée en vigueur, la cour de cassation chambre commerciale a jugé nécessaire, compte tenu de l'évolution de ce contentieux et du droit du crédit, de modifier sa jurisprudence pour juger, désormais, à l'instar de la première chambre civile (Cassation 1ère Civile, 10 juin 2020, n° 18-24.287) qu'en cas d'omission du taux effectif global dans l'écrit constatant un contrat de crédit conclu avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 17 juillet 2019, comme en cas d'erreur affectant la mention de ce taux dans un tel écrit, le prêteur peut être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment du préjudice subi par l'emprunteur (Cassation chambre commerciale, 24 mars 2021, pourvois numéros 19-14.307 et 19-14.404).

En l'espèce, il ne ressort pas de l'analyse financière versée aux débats par Madame [V] que le recours à l'année lombarde, qui n'impacte le calcul des intérêts du prêt que pour les périodes rompues, à savoir les périodes qui ne correspondent pas à l'intervalle constant entre deux échéances mensuelles, ait entrainé un écart entre le TEG annoncé dans l'acte et le TEG réel, égal ou supérieur à la décimale prévue par l'article R. 313-1 du code de la consommation applicable à la date du prêt.

En effet, l'analyste financier se contente de constater que le contrat de prêt indique en page 6 que les échéances seront calculées sur la base de 360 jours, chaque mois étant compté pour 30 jours, sans calculer l'écart du taux nominal et du TEG qui résulterait de l'application de cette clause aux intérêts calculés par le prêteur, tels qu'ils figurent sur le tableau d'amortissement de chacun des prêts.

En l'état des calculs présentés, par les parties, qui obtiennent le même résultat, force est de constater que l'écart des intérêts qui résulte du recours à l'année lombarde appliquée aux périodes rompues a généré un trop perçu d'intérêts par la banque de 3,15 euros (1,58 euros + 1,57 euros ).

Pour le second prêt, l'analyste financier relève en outre que la multiplication du taux de période indiqué dans l'offre de prêt (0,23%), par le rapport entre la durée de l'année civile et celle de la période unitaire donne un taux effectif global de 2,76 % et non de 2,72 %.

Sur ce point, la SA Crédit Lyonnais réplique que cette différence procède du fait que le taux de période mentionné dans l'offre a été arrondi à 0,23 % alors que le TEG indiqué procède de la multiplication du taux de période exact.

Quoi qu'il en soit de cette explication, la cour ne peut que constater que l'écart qui sépare le TEG calculé par l'analyste financier mandaté par Madame [V] du TEG mentionné dans l'offre, pour ce second prêt, est inférieur à la décimale prévue par l'article R. 313-1 précité, cet écart étant de 0,04%.

Enfin, Madame [V] fait valoir que l'échéance du 1er février 2016, année bissextile est de 83,86 euros selon le tableau d'amortissement, alors qu'elle devrait être de 83,62 euros en appliquant le mois normalisé à une année de 366 jours.

Là encore, Madame [V] n'établit pas cependant que cet écart de 24 centimes d'euro, ajouté à l'écart de 3,15 euros sur les périodes rompues, a entrainé un écart du taux nominal et du TEG, à son détriment, supérieur à la décimale prévue par l'article R. 313-1 du code de la consommation.

Madame [V] est en conséquence déboutée de ses prétentions tendant à voir prononcer la nullité des stipulations d'intérêts des offres de prêt litigieuses et à voir substituer le taux d'intérêt légal de l'année des prêts aux taux d'intérêt conventionnels.

Pour les motifs qui précèdent, Madame [V] est également déboutée de ses demandes subsidiaires tendant à voir prononcer la déchéance du prêteur de la totalité des intérêts ou à voir déclarer non écrites les stipulations d'intérêts des offres de prêt litigieuses, en raison de leur caractère abusif, ainsi que de ses demandes subséquentes.

Le jugement est en conséquence infirmé en ce qu'il a condamné le prêteur à verser à Madame [V] la somme correspondant à la différence entre les intérêts conventionnels et les intérêts calculés sur la base du taux de 0,93 % l'an, et à fournir un nouveau tableau d'amortissement.

Il s'ensuit que la banque ne peut être tenue de rembourser à Madame [V] le coût de l'analyse financière qu'elle a fait effectuer et qui n'a pas permis d'asseoir sa démonstration.

Sur les demandes annexes :

Madame [V] qui succombe en totalité supportera la charge des dépens de l'entière procédure, dont distraction en application de l'article 699 du code de procédure civile au bénéfice de la SCP De Brisis-Del Alamo, avocats, de ceux des dépens dont elle a fait l'avance.

Au regard des circonstances de la cause et de la position respective des parties, l'équité justifie de condamner Madame [V] à payer au Crédit Lyonnais une somme de 2.500,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement en totalité,

Statuant à nouveau,

Déboute Madame [X] [V] de l'ensemble de ses moyens et prétentions,

Condamne Madame [X] [V] aux dépens de l'entière procédure, dont distraction en application de l'article 699 du code de procédure civile, au bénéfice de la SCP d'avocats De Brisis-Del Alamo, de ceux des dépens dont elle a fait l'avance,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Madame [X] [V] à payer au Crédit Lyonnais une somme de 2.500,00 euros, au titre des frais non compris dans les dépens de l'entière procédure.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Marc MAGNON, conseiller, suite à l'empêchement de Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente, et par Madame Nathalène DENIS, greffière suivant les dispositions de l'article 456 du Code de Procédure Civile.

La GreffièreLe Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : 2ème ch - section 1
Numéro d'arrêt : 20/00619
Date de la décision : 13/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-13;20.00619 ?
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