MM/ND
Numéro 22/2322
COUR D'APPEL DE PAU
2ème CH - Section 1
ARRET DU 13/06/2022
Dossier : N° RG 20/03085 - N° Portalis DBVV-V-B7E-HW5B
Nature affaire :
Cautionnement - Demande en paiement formée contre la caution seule
Affaire :
[L] [U]
C/
Ste Coopérative banque Pop. BANQUE POPULAIRE OCCITANE
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 13 juin 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 28 Mars 2022, devant :
Monsieur Marc MAGNON, magistrat chargé du rapport,
assisté de Madame Nathalène DENIS, Greffière présente à l'appel des causes,
Marc MAGNON, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Jeanne PELLEFIGUES et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente
Monsieur Marc MAGNON, Conseiller
Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
Madame [L] [U]
née le [Date naissance 1] 1986 à [Localité 4] (11)
de nationalité française
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Sonia BERNES-CABANNE de la SCP CAILLE BERNES-CABANNE, avocat au barreau de TARBES
INTIMEE :
SACB BANQUE POPULAIRE OCCITANE
immatriculée au RCS d'Albi sous le n° 085 420 172, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège
Service Contentieux
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Me Jessica FOURALI de la SCP AMEILHAUD A.A/ARIES A.A/BERNARD-BROUCARET/FOURALI/LANGLA/SEN MARTIN A.A, avocat au barreau de TARBES
sur appel de la décision
en date du 28 SEPTEMBRE 2020
rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE TARBES
EXPOSÉ DES FAITS ET PROCÉDURE :
Suivant acte sous seing privé en date du 14 mai 2009, M [G] [H]-[Y] et Madame [L] [U] ont constitué une société à responsabilité limitée, « JB-LIE », située à [Localité 5] et ayant pour objet l'activité de boulangerie.
Aux termes d'un contrat de prêt daté du 10 août 2009, la Banque Populaire Occitane ( BPO) a consenti à la société JB-LIE un prêt de 240.000 euros remboursable en 84 mensualités, ayant pour objet l'achat et l'aménagement d'un fonds de commerce de boulangerie.
[G] [H] [Y] s'est porté caution solidaire de l'emprunteur à hauteur de 168 000,00 euros.
[L] [U] s'est portée caution solidaire de l'emprunteur à hauteur de 72 000,00 euros.
Suite à une cession de parts sociales au profit de Mme [L] [U], les conditions du prêt ont été modifiées par l'avenant du 4 février 2013. Au terme d'un acte sous seing privé, du même jour [L] [U] s'est portée caution personnelle, solidaire et indivisible en faveur de la société JB-LlE à hauteur de 130.000 euros.
Il restait à rembourser sur le prêt initial 127 176,90 euros sur 43 mois.
La Banque Populaire Occitane a renoncé aux cautionnements initiaux.
La SARL JB-LIE a changé de dénomination sociale au 1er mars 2013 pour devenir la SARL PIERRE LIE et son siège social a été transféré Galerie marchande de l'Ormeau à [Localité 5].
La Sarl PIERRE-LIE a été déclarée en liquidation judiciaire par jugement du Tribunal de Commerce de Tarbes du 15 décembre 2014 et Maître [T] a été, désigné comme liquidateur.
La banque a déclaré sa créance auprès de Maître [T], en date du 21 janvier 2015.
Des accords de règlements ont été passés avec Mme [U], qui n'ont pas été respectés.
La banque a adressé à la caution une lettre de mise en demeure en date du 5 décembre 2017 et a assigné [L] [U] suivant acte délivré par Me [V], Huissier de justice, le 25 juin 2018.
Postérieurement à cette assignation, de nouveaux accords de règlement ont été mis en place, non respectés par Mme [U].
Par acte du 7 novembre 2019, la Banque Populaire Occitane a fait délivrer assignation à comparaître à Mme [L] [U] devant le Tribunal de Commerce de Tarbes pour voir :
- Condamner Mme [L] [U], en sa qualité de caution de la SARL Pierre-Lie, à lui payer la somme principale de 45.336,93 euros, outre les intérêts au taux de 1.474% à compter du 16 octobre 2019 et jusqu'à parfait règlement, avec capitalisation des intérêts au terme d'un délai d'un an renouvelable tous les ans.
- Condamner Mme [L] [U] à lui payer la somme de 2.000 Euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et dilatoire.
- Condamner Mme [L] [U] à lui payer la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Pour s'opposer aux demandes du prêteur, [L] [U] a fait valoir que :
' le cautionnement qu'elle a consenti à la Banque Populaire Occitane est manifestement disproportionné.
' et sollicité la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, outre la condamnation du demandeur aux dépens.
A titre subsidiaire :
Elle a sollicité un délai de grâce de deux ans aux fins de règlement des sommes dues
La banque a conclu au rejet du moyen tiré de la disproportion au motif que la fiche patrimoniale datée du 10 janvier 2013 et signée par Mme [U] déclare les éléments suivants : un enfant à charge, situation de gérante non salariée, revenus professionnels annuels de 31.781 euros, 100% des parts de la SARL JB-LIE, évaluées à la somme de 150.000 euros ; qu'au moment où l'acte de cautionnement a été régularisé, les revenus et le patrimoine de Mme [U] lui permettaient parfaitement de faire face à son engagement.
Par jugement du 28 septembre 2020, le tribunal de commerce de Tarbes a :
Jugé que le cautionnement n'est pas disproportionné par rapport aux revenus et au patrimoine de Madame [L] [U].
Condamné Madame [L] [U] à payer à la Banque Populaire Occitane la somme principale de quarante cinq mille trois cent trente six euros et quatre vingt treize centimes - 45.336,93 euros -, outre les intérêts au taux de 1.474% a compter du 16 octobre 2019 et jusqu'à parfait règlement, avec capitalisation des intérêts au terme d'un délai d'un an renouvelable tous les ans.
Condamné Madame [L] [U] à payer à la Banque Populaire Occitane la somme de neuf cents euros - 900 euros - en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration en date du 22 décembre 2020, [L] [U] a relevé appel de cette décision.
La clôture est intervenue le 9 février 2022.
L'affaire a été fixée au 28 mars 2022.
Au-delà de ce qui sera repris pour les besoins de la discussion et faisant application en l'espèce des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la cour entend se référer pour l'exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières de leurs écritures visées ci-dessous.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Vu les conclusions notifiées le 22 mars 2021 par [L] [U] qui demande à la Cour de :
Vu l'article L. 341-4 du Code de la Consommation, devenu l'article L. 332-1 du Code de la Consommation.
Vu l'article L. 343-5 du Code de la consommation.
Vu l'article 1343-5 du Code Civil,
Vu l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Dire et juger Mme [L] [U] recevable en son appel.
Infirmer le jugement entrepris
Faisant droit a ses demandes,
Dire et juger que l'engagement de Madame [U] en qualité de caution était manifestement disproportionné.
Dire et juger que Mme [L] [U] doit être déchargée de son engagement de caution à l'égard de la Banque Populaire Occitane avec toutes conséquences de droit.
Ordonner la mise en jeu de la responsabilité civile délictuelle de la Banque Populaire Occitane pour manquement à son devoir d'information et de mise en garde de la caution.
Ordonner la déchéance des pénalités ou intérêts de retard échus entre la date de ce premier incident et celle à laquelle elle en a été informée.
Condamner la Banque Populaire occitane à payer à Mme [L] [U] la somme de 45.336,93 € outre les intérêts de 1,474% à compter du 16 octobre 2019 et jusqu'à parfait règlement, avec capitalisation des intérêts au terme d'un délai d'un an renouvelable tous les ans, à titre de dommages et intérêts.
Débouter la Banque Populaire Occitane de l'ensemble de ses demandes, 'ns et conclusions.
Condamner la Banque Populaire Occitane à payer à Mme [L] [U] la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, avec distraction au pro't de la SCP Caille Bernes-Cabanne conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile.
Condamner la Banque Populaire Occitane aux entiers dépens de première instance et en cause d'appel.
A TITRE SUBSIDIAIRE :
Accorder à Mme [L] [U] la possibilité de se libérer de la somme de 45.336,93 € au principal en 24 mensualités de 1.889,03€ avec la possibilité accordée à la Banque Populaire Occitane de reprendre l'exécution pour le tout, pour le cas ou le paiement d'une seule mensualité ne serait pas honoré.
Débouter la Banque Populaire Occitane de toute demande formulée sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile et des dépens.
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Vu les conclusions notifiées le 18 juin 2021, par la Banque Populaire Occitane qui demande la Cour de :
Vu les articles 1103, 1104 et 1231-1 du Code Civil,
Vu l'article 2288 du Code Civil,
A titre principal :
Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de TARBES en date du 28 septembre 2019.
A titre subsidiaire, sur les demandes de réformation de Madame [U] :
- Sur sa demande principale :
Juger que l'engagement de caution souscrit par Madame [U] le 4 février 2013 n'était pas disproportionné à ses revenus et biens tels qu'elle les a déclarés dans sa fiche d'information patrimoniale,
- Sur sa demande subsidiaire :
Juger que son action en responsabilité de la banque pour non-respect de son obligation de mise en garde est prescrite,
A défaut, juger que l'endettement de Madame [U] n'était pas excessif de sorte que la banque n'avait pas d'obligation particulière de mise en garde à son profit.
Débouter Madame [U] de l'ensemble de ses autres demandes concernant le devoir d'information de la caution.
- Sur sa demande infiniment subsidiaire :
Débouter Madame [U] de sa demande au titre des délais de paiement.
Débouter Madame [U] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
En toutes hypothèses,
Condamner Madame [L] [U] à payer à la Banque Populaire Occitane la somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Condamner Madame [L] [U] aux entiers dépens de l'instance en cause d'appel.
MOTIVATION :
A l'appui de son appel, [L] [U] soulève trois moyens principaux :
' La disproportion manifeste de ses engagements de caution successifs, tant en ce qui concerne celui du 10 février 2009 d'un montant de 72 000,00 euros que celui du 4 février 2013 d'un montant de 130 000,00 euros, et l'impossibilité de faire face à ses obligations à l'aide de son patrimoine au moment où elle a été appelée ;
' Le manquement de la Banque Populaire Occitane à l'obligation de mise en garde de la caution, au regard de ses capacités financières et des risques de l'opération garantie;
' Le manquement du prêteur à l'obligation d'information de la caution :
- lors du contrat, sur les risques encourus, l'absence de communication de l'offre de crédit, l'absence d'information en matière d'assurance ;
- et au cours de l'exécution du contrat, en raison du défaut d'information annuelle de la caution sur l'évolution de la dette garantie et le défaut d'information en cas de défaillance du débiteur principal.
Elle fait notamment valoir que :
' La Banque se contente de fournir une 'che patrimoniale datée de 2013 qui n'est pas une 'che de renseignements. Aucune fiche n'a été établie en 2009.
' Les parts sociales ont été évaluées sans étude comptable préalable.
' Mathématiquement, il est évident qu'avec les seuls revenus de 2.146 € par mois, et en l'absence de tout patrimoine, elle ne pouvait pas faire face ni au remboursement des mensualités du prêt principal de 3.l37,95 €, ni a son engagement de caution.
La Banque Populaire Occitane réplique notamment que l'avenant au contrat principal, suite à la cession de parts sociales intervenue entre Monsieur [H]-[Y] et Madame [U], a mis un terme au cautionnement initial de Madame [U] d'un montant de 72.000 €, remplacé par un cautionnement personnel, solidaire et indivisible de Madame [U] à hauteur de 130.000 €.
Elle ajoute que la fiche patrimoniale de 2013 a été remplie par Mme [U]. Si des renseignements erronés ont été fournis, elle en supporte la responsabilité.
Elle fait valoir qu' au moment de cet avenant [L] [U] était seule détentrice de 100 % des parts sociales de la SCI JB-LIE, propriétaire d'un fonds de commerce de boulangerie acheté 240.000 € en 2009 et dont la valeur des parts était alors évaluée à la somme de 150.000 €.
Enfin elle rappelle que la disproportion de l'engagement de caution suppose que lorsque la caution souscrit cet engagement, elle se trouve dans l'impossibilité manifeste d'y faire face avec ses biens et revenus (Cassation, Commerciale, 28 février 2018, Pourvoi n° 16-24841)
Sur la disproportion manifeste du cautionnement :
En droit :
Aux termes des dispositions de l'article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance 2016-301 du 14/03/2016, devenu L. 332-1 et L. 343-4 du même code, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
Au sens de ces dispositions, la disproportion manifeste du cautionnement aux biens et revenus de la caution, au jour où il a été souscrit, suppose que la caution soit à cette date dans l'impossibilité manifeste de faire face à un tel engagement avec ses biens et revenus.
La disproportion du cautionnement s'apprécie pour chaque acte de cautionnement successif à la date de l'engagement de la caution en prenant en compte son endettement global, y compris les cautionnements antérieurs, au moment où cet engagement est consenti, à l'exclusion toutefois de ceux qui ont été annulés.
Ces dispositions s'appliquent à toute caution personne physique qui s'est engagée au profit d'un créancier professionnel. Il importe peu qu'elle soit caution profane ou avertie ni qu'elle ait la qualité de dirigeant social.
Sauf anomalie apparente, le créancier professionnel n'est pas tenu de vérifier les renseignements communiqués par la caution, sur ses revenus et sa situation patrimoniale, lors de son engagement, celle-ci supportant, lorsqu'elle l'invoque, la charge de la preuve de démontrer que son engagement de caution était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus.
La proportionnalité de l'engagement de la caution ne peut être appréciée au regard des revenus escomptés de l'opération garantie.
La sanction du caractère manifestement disproportionné de l'engagement de la caution est l'impossibilité pour le créancier de se prévaloir de cet engagement.
Enfin, il résulte de la combinaison des articles 1315 ancien du code civil, devenu 1353, et L. 341-4 du code de la consommation, devenu L. 332-1 et L. 343-4 du même code, qu'il incombe au créancier professionnel qui entend se prévaloir d'un contrat de cautionnement manifestement disproportionné lors de sa conclusion aux biens et revenus de la caution, personne physique, d'établir qu'au moment où il l'appelle, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation.
En l'espèce :
Le cautionnement donné le 10 février 2009, d'un montant de 72 000,00 euros n'a pas à être pris en compte dans l'appréciation de la proportionnalité de l'engagement souscrit le 4 février 2013 qui seul fonde l'action de la Banque Populaire Occitane.
En effet ce premier cautionnement a cessé de produire ses effets à la date de l'avenant des 30 janvier et 4 février 2013, au contrat de prêt initial, le désengagement de [L] [U], au titre de ce premier cautionnement, étant acté et accepté par le prêteur.
S'agissant du cautionnement en date du 4 février 2013, d'un montant de 130 000,00euros, il est constant que la banque a demandé à [L] [U] de remplir une fiche patrimoniale afin d'évaluer sa capacité à faire face à son engagement.
Sur cette fiche signée de sa main le 10 janvier 2013, [L] [U] a indiqué qu'elle était gérante non salariée et percevait un revenu professionnel de 31.781,00 euros ; qu'elle détenait 100 % des parts sociales de la SARL JB LIE, évaluées à 150 000,00 euros, ce qui était cohérent avec un fonds acheté à l'aide d'un prêt de 240.000,00 euros et d'un apport personnel de 84.500,00 euros en 2009 et dans lequel des travaux avaient été exécutés, l'investissement initial de la SARL JB LIE s'établissant à 324.500,00 euros, selon l'acte de prêt.
Au demeurant, Madame [L] [U], sur qui pèse la charge de la preuve de la disproportion manifeste de son engagement ne prétend pas établir que les parts sociales de la SARL JB LIE avaient en 2013 une valeur moindre que celle qu'elle a déclarée.
En l'absence d'anomalie apparente de la fiche patrimoniale, la banque n'avait pas à vérifier la valeur des parts sociales déclarée, ni le montant des revenus indiqués par la caution.
Ainsi, ces renseignements étant opposables à la caution, il convient de constater que la seule valeur des parts sociales de la SARL JB LIE permettait de couvrir le montant du cautionnement donné le 4 février 2013.
Le moyen tiré de la disproportion manifeste du cautionnement, doit ainsi être rejeté, sans qu'il y ait lieu de s'interroger sur la capacité de la caution à faire face à son obligation avec son patrimoine, au moment où elle est appelée.
Sur le manquement du prêteur au devoir de mise en garde de la caution :
En droit, la banque est tenue à un devoir de mise en garde à l'égard d'une caution non avertie lorsque, au jour de son engagement, celui-ci n'est pas adapté aux capacités financières de la caution ou s'il existe un risque d'endettement né de l'octroi du prêt garanti, lequel résulte de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur.
Le risque d'endettement né de l'octroi du prêt ne doit pas être confondu avec le risque d'endettement né de l'engagement de la caution.
Le devoir de mise en garde existe dès lors que le crédit consenti au débiteur principal est excessif. Le créancier doit alors alerter la caution du risque lié au caractère aléatoire du remboursement par le débiteur principal et des conséquences financières qui en résulteraient pour elle. Le devoir de mise en garde peut être dû alors que la caution ne réunit pas les conditions pour se prévaloir de la disproportion manifeste de son engagement.
La preuve du caractère averti de la caution incombe au dispensateur de crédit.
La caution avertie est celle qui est en mesure de prendre conscience du risque encouru en s'engageant.
La détermination du caractère averti de la caution, s'il relève du pouvoir souverain des juges du fond, fait l'objet d'un contrôle de motivation de la cour de cassation et relève d'une approche in concreto :
La personne avertie est celle qui dispose des compétences nécessaires pour apprécier le contenu, la portée et les risques liés aux concours consentis.
La profession de l'emprunteur est un critère essentiel, mais pas nécessairement suffisant; il doit être conforté par d'autres éléments tels que l'expérience, l'implication dans l'entreprise financée ou la connaissance du domaine financier.
La seule qualité de gérant ou de gérant-associé, ou d'associé fondateur et plus généralement la qualité de « professionnel» ne suffit pas pour rendre la caution avertie.
Plus généralement, le profane, le non averti, se reconnaît dans son inaptitude à évaluer lui-même les risques de l'opération financée par l'emprunt prétendument excessif. Cette qualité s'apprécie non seulement au regard de son niveau de qualification et de son expérience des affaires, mais aussi de la complexité de l'opération envisagée et de son implication personnelle dans l'affaire.
En application de l'article 1315 alinéa 1er du code civil , devenu 1353 alinéa 1er du code civil, il incombe à la caution de rapporter la preuve de l'existence de l'obligation de mise en garde en démontrant que son engagement n'était pas adapté à ses capacités financières ou qu'il existait un risque d'endettement né de l'octroi du crédit garanti, inadapté aux capacités financières de l'emprunteur.
En application du second alinéa de ces mêmes textes, la preuve de l'existence de l'obligation de mise en garde étant rapportée, il incombe au dispensateur de crédit de démontrer avoir exécuté son obligation de mise en garde.
En l'espèce, les capacités financières de [L] [U], telles qu'elles ressortent des renseignements qu'elle a fournis à l'époque de son engagement, lui permettaient de faire face au montant du cautionnement donné au prêteur et elle ne démontre pas qu'il existait un risque d'endettement né de l'octroi du crédit, lequel aurait été inadapté aux capacités financières de la société JB LIE, alors que le prêt avait été jusque là remboursé sans incident de paiement allégué.
A cet égard, le fait que la société JB LIE ait été placée en liquidation judiciaire le 15 décembre 2014, en raison d'une situation économique sur laquelle l'appelante ne fournit aucun renseignement, ne saurait établir que cette situation était compromise à la date du 4 février 2013.
Ce second moyen est lui aussi infondé.
Sur le manquement de la banque au devoir d'information de la caution :
En droit, la banque dispensatrice de crédit, qui n'a pas à s'immiscer dans les affaires de son client pour apprécier l'opportunité des opérations auxquelles il procède, n'est tenue, en cette seule qualité, non d'une obligation de conseil envers la caution, sauf si elle en a pris l'engagement, mais seulement d'une obligation d'information sur les caractéristiques du concours garanti, afin de lui permettre de s'engager en toute connaissance de cause.
Elle doit également informer la caution de la portée de son engagement et des obligations qui en découlent, en cas de défaillance du débiteur principal, et exercer, au besoin, son devoir de mise en garde si la situation de la caution ou de l'emprunteur le requiert.
En l'espèce, la cour peut vérifier que l'acte de cautionnement comporte le rappel des conditions du prêt accordé au débiteur principal : montant, nombre d'échéances, montant des échéances, objet du prêt, durée restante du prêt, renseignements dont Madame [U] avait parfaitement connaissance en sa qualité d'associée de la SARL JB LIE, puis de gérante à compter du rachat des parts sociales de M [H] [Y].
L'acte de cautionnement rappelle par ailleurs la portée de l'engagement de caution solidaire et ses conséquences en cas de défaillance de l'emprunteur, y compris dans les rapports de la caution personne physique avec la société de caution mutuelle SOCAMA.
L'acte de cautionnement comporte enfin la mention manuscrite rédigée de la main de Madame [U] et signée par elle, fixant le montant et la durée de son engagement conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la date du contrat.
Le prêteur a donc satisfait à son obligation d'information de la caution sur les conséquences de son engagement.
Il convient d'ajouter que contrairement à ce que soutient Madame [U], le crédit n'étant pas un crédit à la consommation, ni un crédit immobilier, mais un prêt professionnel, le prêteur n'était pas soumis à l'obligation prévue par les articles L. 311-11 et L 312-7du code de la consommation dans leur rédaction applicable à la date du contrat, devenus les articles L. 312-18 et L. 313-24, issus de l'ordonnance 2016-301 du 14 mars 2016, de remettre à la caution un exemplaire de l'offre de crédit.
Au demeurant, Madame [U] était partie à l'avenant du 4 février 2013 qui rappelait les conditions du prêt initial et le capital restant dû à la date de l'acte modificatif, la durée d'amortissement restant à courir, le montant des échéances et le TEG.
Elle était donc parfaitement informée du montant et des conditions de l'obligation garantie.
S'agissant de la non remise à la caution de la notice d'assurance par le prêteur, il ressort de l'acte de prêt et de son avenant que l'assurance de groupe à laquelle les cautions ont adhéré était une assurance décès-perte totale et irréversible d'autonomie, sans lien par conséquent avec le risque de liquidation judiciaire du débiteur principal qui est à l'origine de l'action dirigée contre la caution.
[L] [U] ne démontre pas en conséquence en quoi la non remise de la notice d'assurance, qu'elle allègue, serait à l'origine pour elle d'un préjudice. En effet, elle ne soutient nullement que la défaillance de la SARL PIERRE LIE serait la conséquence d'une perte d'autonomie de l'assurée.
Ces moyens, infondés, sont également écartés.
Sur le manquement du prêteur à son obligation d'information de la caution au cours de l'exécution du contrat de prêt :
L'article L. 313-22 du code monétaire et financier dispose que :
'Les établissements de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée.
Le défaut d'accomplissement de la formalité prévue à l'alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette.'
Il résulte par ailleurs des articles L. 333-2 et L. 343-6 du code de la consommation, anciennement L. 341-6 que lorsque le créancier ne respecte pas cette obligation d'information annuelle la caution n'est pas tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retard échus depuis la précédente information jusqu'à communication de la nouvelle.
Par ailleurs, l'article L. 341-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la date du contrat devenu les articles L. 333-1 et L. 343-5 nouveaux du même code, prévoit que 'sans préjudice des dispositions particulières, toute personne physique qui s'est portée caution est informée par le créancier professionnel de la défaillance du débiteur principal dès le premier incident de paiement non régularisé dans le mois de l'exigibilité de ce paiement. Si le créancier ne se conforme pas à cette obligation, la caution ne saurait être tenue au paiement des pénalités ou intérêts de retard échus entre la date de ce premier incident et celle à laquelle elle en a été informée.'
S'il est exact que la loi n'impose pas l'envoi de l'information annuelle par la voie d'un courrier recommandé, il n'en demeure pas moins qu'il appartient à la banque de justifier par tous moyens qu'elle a adressé cette information, la simple communication d'une copie de la lettre étant insuffisante pour établir la preuve de cet envoi.
En l'espèce, la banque ne communique aucune lettre d'information annuelle adressée à la caution, avant le 31 mars 2014, puis avant le 31 mars 2015. En revanche, elle a bien informé la caution de la défaillance de l'emprunteur, par lettre recommandée avec accusé de réception du 21 janvier 2015, reçue le 23 janvier 2015, au-delà du délai d'un mois de l'exigibilité de l'échéance impayée. A cette lettre était joint un décompte qui n'est pas communiqué. Par la suite, la banque a fait connaître à la caution l'évolution de sa créance par courriers recommandés des 11 février 2015, 3 février 2017 et 5 décembre 2017.
Toutefois, la cour n'étant liée que par les prétentions des parties telles que formulées dans le dispositif de leurs conclusions, conformément aux dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, force est de constater que Madame [U] ne demande que la déchéance des pénalités ou intérêts de retard échus entre la date du premier incident de paiement et la date à laquelle elle en a été informée. Cette déchéance porte sur la période comprise entre le 13 décembre 2014, date d'exigibilité de l'échéance impayée, et le 23 janvier 2015, date à laquelle la caution a été officiellement informée de cet incident.
Le jugement sera en conséquence confirmé sur la condamnation prononcée, sauf à ajouter que les pénalités ou intérêts de retard échus sur la période du 13 décembre 2014 au 23 janvier 2015 seront déduits du montant de la créance
Sur la demande de dommages et intérêts de Madame [U] :
Compte tenu du rejet des moyens tirés du manquement du prêteur à ses obligations de mise en garde et d'information de la caution lors de la conclusion du contrat, Madame [U] est déboutée de sa demande de dommages et intérêts.
Sur la demande de délais de paiement :
Madame [L] [U] sollicite en application de l'article 1343-5 du code civil, soit un report de paiement de sa dette, de deux ans, soit un échelonnement à raison de 24 mensualités de 1.889,03 euros , avec la possibilité pour la banque de reprendre l'exécution pour le tout, au cas où une seule mensualité ne serait pas honorée.
Compte tenu des ressources dont justifie Madame [U] et de l'absence de patrimoine mobilisable, il convient de lui accorder un délai de 24 mois pour s'acquitter de sa dette en 23 mensualités de 1.889,03 euros et une 4ème du solde, selon les modalités prévues au dispositif du présent.
Sur les demandes annexes :
[L] [U], partie succombante, supportera la charge des dépens de l'entière procédure.
Au regard des circonstances de la cause et de la position respective des parties, l'équité ne justifie pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement en ce qu'il a :
' rejeté le moyen tiré de la disproportion manifeste du cautionnement de [L] [U] ;
' condamné [L] [U] aux dépens de première instance
L'infirme pour le surplus,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Dit que le prêteur est déchu des pénalités ou intérêts de retard échus entre le 13 décembre 2014 et le 23 janvier 2015, et qu'en conséquence les sommes correspondantes devront être déduites du montant de sa créance
Condamne [L] [U] à payer à la Banque Populaire Occitane la somme de quarante cinq mille trois cent trente six euros et quatre vingt treize centimes - 45.336,93 Euros -, outre les intérêts au taux de 1.474%, sur le principal, à compter du 16 octobre 2019 et jusqu'à parfait règlement, avec capitalisation des intérêts au terme d'un délai d'un an renouvelable tous les ans, sauf à déduire du montant de la créance les pénalités ou intérêts de retard échus entre le 13 décembre 2014 et le 23 janvier 2015,
Déboute [L] [U] de sa demande indemnitaire pour manquement du prêteur à ses obligations d'information et de mise en garde de la caution,
Accorde à [L] [U] des délais de paiement et dit qu'elle s'acquittera de sa dette en 23 mensualités de 1.889,03 euros chacune et une 4ème du solde, en principal, intérêts, indemnité forfaitaire et frais, la première échéance intervenant avant le 10 du mois suivant la signification du présent arrêt,
Dit qu'en cas de défaillance de [L] [U] dans le respect de cet échéancier, la banque pourra, après l'avoir mise en demeure, poursuivre le recouvrement de la totalité de sa créance, les délais accordés devenant caducs,
Déboute les parties du surplus de leurs prétentions contraires ou plus amples,
Condamne [L] [U] aux dépens d'appel,
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Déboute les parties de leur demande respective, s'agissant des frais non compris dans les dépens de l'entière procédure .
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Marc MAGNON, conseiller, suite à l'empêchement de Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente, et par Madame Nathalène DENIS, greffière suivant les dispositions de l'article 456 du Code de Procédure Civile.
La GreffièreLe Président