AC/DD
Numéro 22/3860
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 03/11/2022
Dossier : N° RG 19/02940 - N°Portalis DBVV-V-B7D-HLQM
Nature affaire :
Demande de paiement de créances salariales sans contestation du motif de la rupture du contrat de travail
Affaire :
SASU CAMERON FRANCE
C/
[V] [I]
Grosse délivrée le
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 03 Novembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 07 Septembre 2022, devant :
Madame CAUTRES, Présidente
Madame ESARTE, Conseiller
Madame PACTEAU, Conseiller
assistées de Madame LAUBIE, Greffière.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
SASU CAMERON FRANCE
Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Maître HAMTAT de la SELARL DALEAS-HAMTAT-GABET, avocat au barreau de PAU, et Maître AXELROUDE de la SELARL WILLWAY AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉ :
Monsieur [V] [I]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Maître SANTI de la SELARL DARMENDRAIL/SANTI, avocat au barreau de PAU
sur appel de la décision
en date du 03 SEPTEMBRE 2019
rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE PAU
RG numéro : F19/00070
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [V] [I] a été embauché le 5 septembre 2005 par la société Cameron France en qualité de Technicien Service Après-Vente, coefficient 240, niveau III, échelon 3, suivant contrat à durée déterminée d'une durée de 8 mois régi par la convention collective de la métallurgie de l'Hérault, Aude et Pyrénées-Orientales.
Le 31 janvier 2007, la société Cameron France a « transformé » le contrat de travail dont l'exécution s'était poursuivie en un contrat à durée indéterminée.
M. [V] [I] a travaillé selon un rythme alternant des semaines de travail sur des chantiers pétroliers et des semaines de repos.
Du 19 juillet au 22 octobre 2017, il a été placé en arrêt de travail.
Le 23 août 2017, M. [V] [I] a été pris en charge au titre d'une maladie professionnelle dans le cadre du tableau n° 57.
Le 20 mars 2019, il a saisi la juridiction prud'homale.
Par jugement du 3 septembre 2019, le conseil de prud'hommes de Pau a notamment :
- condamné la société Cameron France à verser a M. [V] [I] les sommes suivantes :
* au titre du rappel d'heures supplémentaires impayées : 64 546,96 €, outre 6 454,69 € au titre des congés payés y afférents,
* au titre de la violation par 1'employeur des dispositions légales relatives aux astreintes : 42 132,21 €, outre 4 213,22 € au titre des congés payés y afférents,
* au titre du rappel de salaire relatif à la majoration de 100 % des dimanches travaillés : 15 946,47 €, outre 1 594,64 € au titre des congés payés afférents,
* au titre du rappel de salaire au titre de la majoration de 50 % des jours fériés travaillés : 5 812,21 €, outre 581,22 € au titre des congés payés y afférents,
* au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé de six mois de salaire : 42 429,24 €,
* au titre d'indemnité compensatrice de congés payés non pris du fait de l'employeur : 24 478,41 €,
* au titre de la violation de l'obligation de protection de la santé, de la durée maximale de travail et pour non-respect des règles relatives au repos : 35 000 €,
- confirmé l'ordonnance du bureau de conciliation et d'orientation en date du 24 avril 2019, laquelle a été notifiée le 26 avril 2019 à la société Cameron France, en ce qu'elle a ordonné la production des documents intitulés 'Field Service Ticket et Service Report' sur la période du 1er janvier 2016 au 31 mars 2019, sous astreinte de 150 € par jour à compter du 8éme jour suivant la réception de la notification de ladite ordonnance,
- condamné la société Cameron France à s'acquitter de 14 550 € au titre de la liquidation de l'astreinte prononcée dans1'ordonnance du BCO du 24/05/2019,
- ordonné à la société Cameron France de produire les documents précédemment demandés dans l'ordonnance du BCO du 24/05/2019, sous astreinte de 500 € par jour à compter du 8éme jour suivant la réception de la notification du présent jugement,
- condamné la société Cameron France à verser a M. [V] [I] la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code procédure civile,
- débouté M. [V] [I] de ses demandes plus amples ou contraires,
- condamné la société Cameron France aux entiers dépens.
Le 9 septembre 2019, la société Cameron France a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.
Par ordonnance du 29 octobre 2020, le magistrat de la mise en état a :
- déclaré recevables les conclusions d'incident transmises par M. [V] [I],
- débouté M. [V] [I] de ses demandes,
- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [V] [I] aux dépens de l'incident,
- rappelé que la présente ordonnance peut faire l'objet d'un déféré à la cour dans les 15 jours de sa date.
Le 9 novembre 2020, M. [V] [I] a déféré cette ordonnance devant la cour.
Par arrêt du 6 mai 2021, la cour a :
- confirmé la décision déférée du 29 octobre 2020 rendue par le conseiller de la mise en état,
- y ajoutant,
- vu l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [V] [I] à payer à la SASU Cameron France la somme de 1 000 €, et rejeté le surplus des demandes à ce titre,
- condamné M. [V] [I] aux dépens.
Par ordonnance du 21 octobre 2021, le magistrat de la mise en état a :
- déclaré irrecevables les conclusions de M. [V] [I] transmises au greffe de la cour d'appel de Pau le 12 mai 2021 ;
- dit que les dépens de l'incident suivront ceux de l'instance au fond ;
- dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le 26 octobre 2021, M. [V] [I] a déféré cette ordonnance devant la cour.
Par arrêt du 17 mars 2022, la cour a :
- confirmé la décision déférée du 21 octobre 2021 rendue par le conseiller de la mise en état,
- y ajoutant,
- vu l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné M. [V] [I] à payer à la SASU Cameron France la somme de 1 000 €, et rejeté le surplus des demandes à ce titre,
- condamné M. [V] [I] aux dépens exposés à l'occasion de la procédure d'incident et de déféré.
Par ordonnance du 21 juillet 2022, le magistrat de la mise en état a :
- déclaré irrecevables les conclusions de M. [V] [I] transmises au greffe de la cour le 9 novembre 2021,
- dit que les dépens de l'incident suivront ceux de l'instance au fond,
- dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- rappelé que la présente ordonnance peut faire l'objet d'un déféré à la cour dans les 15 jours de sa date.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 7 août 2021, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, la société Cameron France demande à la cour de :
- confirmer le jugement rendu entrepris, en ce qu'il a débouté M. [V] [I] de ses demandes pour travail dissimulé et/ou marchandage,
- infirmer et à défaut réformer le jugement entrepris, en ce qu'il :
* l'a condamnée à verser à M. [V] [I] les sommes suivantes :
o au titre du rappel d'heures supplémentaires impayées : 64 546.96 € outre 6 454.69 € au titre des congés payés y afférents,
o au titre de la violation par l'employeur des dispositions légales relatives aux astreintes : 42 132.21 €, outre 4 213.22 € au titre des congés payés y afférents,
o au titre du rappel de salaire relatif à la majoration à 100 % des dimanches travaillés : 15 946.47 €, outre 1 594.64 € au titre des congés payés y afférents,
o au titre du rappel de salaire au titre de la majoration de 50 % des jours fériés travaillés de 5 812.21 €, outre 581.22 € au titre des congés payés y afférents,
o au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé de six mois de salaire de 42 429.24 €,
o au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés non pris du fait de l'employeur de 24 478.41 €,
o au titre de la violation de l'obligation de protection de la santé, de la durée maximale du travail et pour non-respect des règles relatives au repos : 35 000 €,
* a confirmé l'ordonnance du Bureau de Conciliation et d'orientation en date du 24 avril 2019 en ce qu'elle ordonnait la production des documents intitulés « Field Service Ticket et Service Report » pour la période du 1er janvier 2016 au 31 mars 2019, sous astreinte de 150 € par jour à compter du 8ème jour suivant la réception de la notification de l'ordonnance,
* l'a condamnée à s'acquitter des 14 550 € au titre de la liquidation de l'astreinte prononcée dans l'ordonnance du BCO,
* lui a ordonné de produire les documents précédemment demandés dans l'ordonnance du BCO sous astreinte de 500 € par jour à compter du 8ème jour suivant la réception de la notification du présent jugement,
* l'a condamnée à verser à M. [V] [I] la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
* l'a condamnée aux entiers dépens,
- débouter M. [V] [I] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner M. [V] [I] à lui verser une somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner M. [V] [I] aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 8 août 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Attendu que conformément à l'article 954 du code de procédure civile la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement, est réputée s'en approprier les motifs ;
Que les conclusions au fond de l'intimé ayant été déclarées irrecevables, la cour est saisie des seuls moyens de l'appelante tendant à la réformation ou à l'annulation du jugement entrepris ;
Sur la production de documents sous astreinte
Attendu que par ordonnance en date du 24 avril 2019 le bureau de conciliation a ordonné la production des documents intitulés « Field Service Ticket » et « Service Report » sur la période du premier janvier 2016 au 31 mars 2019 ;
Attendu qu'il convient de constater, au vu de l'examen des pièces produites par l'employeur au dossier de la cour, que celui-ci produit au dossier les documents sollicités ;
Qu'en conséquence il y a lieu d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a ordonné à la société Cameron France de produire les documents précédemment demandés dans l'ordonnance du BCO du 24/04/2019, sous astreinte de 500 € par jour à compter du 8éme jour suivant la réception de la notification du présent jugement ;
Sur la liquidation de l'astreinte
Attendu qu'en application de l'article L.131-4 du code des procédures civiles d'exécution, le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter ;
Que le taux de l'astreinte définitive ne peut jamais être modifié lors de sa liquidation.
Que l'astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère ;
Attendu que par ordonnance du 24 avril 2019, le bureau de conciliation et d'orientation du conseil de prud'hommes de Pau a ordonné à la société de remettre au salarié les documents intitulés « Field Service Ticket » et « Service Report » sur la période du premier janvier 2016 au 31 mars 2019 sous astreinte de 150 euros par jour à compter du 8ème jour de la réception de la notification de la présente ordonnance ;
Que par jugement en date du 3 septembre 2019 le conseil de prud'hommes de Pau a condamné la SAS Cameron France à s'acquitter des 14 550 € au titre de la liquidation de l'astreinte prononcée dans l'ordonnance du BCO ;
Attendu qu'en l'espèce, il est établi que la société ne s'est pas acquittée de son obligation durant l'instance devant le conseil de prud'hommes, aucun élément ne permettant d'établir que la non production des documents visés est due à une cause étrangère ;
Qu'elle n'a rempli son obligation que durant l'instance d'appel ;
Attendu que dans ces conditions il y a lieu de confirmer le jugement déféré quant à la liquidation de l'astreinte à hauteur de la somme de 14 550 euros ;
Sur les heures supplémentaires
Attendu qu'aux termes de l'article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ;
Que le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ;
Attendu que si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ;
Lorsqu'il retient l'existence d'heures supplémentaires, le juge évalue souverainement, sans être tenu de détail de son calcul, l'importance de celles-ci et les créances salariales s'y rapportant ;
Attendu que conformément à l'article L.3245-1 du code du travail, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par 3 ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ;
Que la demande peut porter sur les sommes dues au titre des 3 dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois dernières années précédant la rupture du contrat ;
Attendu que le jugement du conseil de prud'hommes a spécifiquement mentionné dans ses motifs que le salarié avait produit des tableaux récapitulatifs des heures accomplies, des courriels échangés durant les heures supplémentaires, une partie des « Field Service Ticket » et « Service Report » ;
Attendu qu'il résulte des éléments listés que le conseil de prud'hommes a, à juste titre, dit que M. [I] produit des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ;
Attendu que la SAS Cameron France fait valoir que le salarié a réalisé des calculs erronés et qu'il ne peut prétendre au paiement des heures supplémentaires réclamées ;
Attendu que l'employeur produit notamment au dossier les éléments suivants :
le contrat de travail de M. [I] prévoyant « votre fonction implique de nombreux déplacements en France et à l'étranger en fonction de la demande de nos clients. Vous pourrez également participer à certains travaux sur le site Biterrois de Cameron France. Pour chaque jour passé en mission il sera généré 0,8 jours de récupération en France. Ces jours de récupération seront pris en accord avec votre responsable. Ces récupérations incluent les congés payés annuels. Chaque semaine en mission implique une activité 7 jours sur 7 avec disponibilité 24 heures sur 24. Sauf situation exceptionnelle la durée d'une mission n'excédera pas 5 semaines » ;
les bulletins de salaire de M. [I] de 2016 à 2019 ne faisant état d'aucun repos compensateur ;
l'intégralité des « Field ServiceTticket » de la période de mars 2016 à octobre 2019, rédigés en anglais et non traduits dans le dossier de l'appelante. Certains de ces documents ne mentionnent pas le décompte des jours travaillés et aucun ne comptabilise la durée de travail quotidienne de sorte que ceux-ci ne permettent pas de calculer les horaires travaillées sur la base de calcul de l'employeur, soit 10 heures par jour ;
Attendu qu'au vu des éléments produits par les deux parties, la cour a la conviction, sans qu'il n'y ait besoin de mesure d'instruction, que le salarié a effectué des heures supplémentaires non rémunérées et non récupérées ;
Attendu qu'il y a donc lieu d'allouer au salarié les sommes suivantes :
43 031,30 euros, outre celle de 4 303,13 euros de congés payés afférents au titre des heures supplémentaires ;
Que le jugement déféré sera infirmé sur les quantum des sommes versées à ce titre ;
Sur les demandes au titre de rappel de salaire pour travail le dimanche et les jours fériés
Attendu que les premiers juges font état que l'employeur n'a pas remis en cause le tableau fourni récapitulant les jours fériés et les dimanches travaillés ;
Que l'employeur ne soumet aucun document venant en contradiction avec le tableau produit par le salarié, ce d'autant que les « Field Service Ticket » produits par l'appelante confirment le fait que M. [I] a travaillé durant les dimanches et jours fériés allégués ;
Attendu que les dispositions conventionnelles, soit la convention collective des industries métallurgiques, électroniques et connexes de l'Hérault, de l'Aude et des Pyrénées Orientales, prévoient une majoration de 100 % pour le travail un jour férié et de 50 % à l'occasion d'un jour de repos hebdomadaire, les durées correspondant à un travail effectif, au vu des considérations qui précèdent conduisent à fixer à :
15 946,64 euros le montant du rappel de salaire pour travail le dimanche, outre 1 594,64 euros au titre des congés payés afférents ;
5 812,21 euros le montant de rappel de salaire pour travail les jours fériés, outre 581,22 euros au titre des congés payés afférents ;
Que le jugement déféré sera confirmé sur ce point ;
Sur la demande de rappel de paiement d'astreintes
Attendu que les premiers juges ont souligné, à juste titre, l'employeur n'a pu produire au dossier aucun accord d'entreprise prévoyant la mise en place et le paiement des astreintes ;
Que par ailleurs l'examen de la convention collective applicable susvisée ne contient aucune disposition spécifique concernant les astreintes ;
Attendu que conformément à l'article L.3121-9 du code du travail une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, doit être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise ;
Que la durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif ;
Attendu que la période d'astreinte fait l'objet d'une contrepartie, soit sous forme financière, soit sous forme de repos ;
Attendu qu'au vu des pièces déjà exposées dans le cadre de la demande au titre des heures supplémentaires, il est démontré que M. [I] pouvait, lors de ces temps de repos accomplir des interventions pour le compte de l'employeur ;
Que l'organisation du travail prévue dans le contrat de travail démontre que M. [I] ne se trouvait pas à la disposition permanente de l'employeur mais devait répondre, ponctuellement, aux demandes formulées d'accomplir un travail au service de l'entreprise ;
Attendu que le système de travail mis en 'uvre par les parties et détaillé dans le contrat de travail a nécessité pour M. [I] de réaliser des temps d'astreinte, ce qui n'est pas réellement contesté par l'employeur ;
Attendu que l'examen attentif des bulletins de salaire démontre que M. [I] percevait une prime intitulée « 1370 foreign service premium » correspondant au paiement des services extérieurs dans sa traduction littérale ;
Qu'il convient de constater au vu des bulletins de salaire :
qu'elle est calculée selon un taux horaire de 125 euros ;
qu'elle varie selon les mois selon un nombre mentionné correspondant au nombre de jours de présence à l'étranger et non au nombre d'astreintes réalisées ;
Attendu que l'employeur ne produit au dossier aucun élément permettant de comprendre le mode de calcul de cette prime et son objectif, de telle sorte qu'il ne peut être considéré que la prime susvisée constitue la contrepartie financière des astreintes réalisées par M. [I] ;
Attendu que l'examen de l'ensemble des « Field Service Ticket » fait apparaître de nombreuses interventions sur des alarmes durant la nuit, des tests durant des périodes nocturnes sur l'ensemble de la période considérée ;
Que l'employeur ne soumet au dossier aucun élément concernant la comptabilisation des astreintes réalisées par M. [I] alors même que le salarié produit des éléments permettant à la SAS Cameron France de justifier des heures d'astreintes effectivement accomplies ;
Attendu que l'analyse des pièces produites et de celles examinées par le conseil de prud'hommes il y a lieu d'allouer au salarié la somme de 42 132,21 euros, outre celle de 4 213,22 euros de congés payés afférents au titre du rappel de rémunération sur astreinte ;
Que le jugement déféré sera confirmé sur ce point ;
Sur la demande au titre du travail dissimulé
Attendu que l'article L 8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l'article L 8221-3 du même code relatif à la dissimulation d'activité ou exercé dans les conditions de l'article L 8221-5 du même code relatif à la dissimulation d'emploi salarié ;
Que l'article L 8221-5 dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli ;
Que toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle ;
Attendu que ni les circonstances dans lesquelles les heures supplémentaires ont été accomplies, ni le défaut de paiement d'heures supplémentaires et astreintes ne suffisent à caractériser l'intention frauduleuse de dissimuler l'activité du salarié par la SAS Cameron France ;
Que le salarié sera donc débouté de sa demande de ce chef, le jugement déféré devant être infirmé sur ce point ;
Sur la demande au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés
Attendu que le contrat de travail signé entre les parties stipule « votre fonction implique de nombreux déplacements en France et à l'étranger en fonction de la demande de nos clients. Vous pourrez également participer à certains travaux sur le site Biterrois de Cameron France. Pour chaque jour passé en mission il sera généré 0,8 jours de récupération en France. Ces jours de récupération seront pris en accord avec votre responsable. Ces récupérations incluent les congés payés annuels. Chaque semaine en mission implique une activité 7 jours sur 7 avec disponibilité 24 heures sur 24.Sauf situation exceptionnelle la durée d'une mission n'excédera pas 5 semaines » ;
Attendu que les stipulations contractuelles prévoient que les jours de récupération passés en France et générés à l'occasion des missions incluent les congés payés ;
Attendu qu'aucune comptabilisation effective de la proportion entre les congés annuels et les jours de récupération n'est produite au dossier par l'employeur dans la mesure où le contrat de travail prévoit explicitement que « ces récupérations incluent les congés payés annuels », les bulletins de salaire produits au dossier étant totalement muets sur ce point ;
Que pourtant l'employeur se devait d'assurer une comptabilisation des congés annuels pris et non pris par le salarié sur une période annuelle, la preuve du respect au droit à congés payés lui incombant ;
Attendu au vu des pièces salariales du dossier le montant de l'indemnité compensatrice de congés payés à laquelle M. [I] peut prétendre doit être évaluée à la somme de 24 478,41 euros ;
Que le jugement déféré sera confirmé sur ce point ;
Sur la demande de dommages et intérêts pour violation par l'employeur de la protection de la santé, de la durée maximale du travail et du non respect relatif au temps de repos
Attendu qu'il convient de constater, au vu des écritures de l'employeur que M. [I] a développé une maladie professionnelle du tableau 57 correspondant aux affections péri-articulaires provoquées par certains gestes et postures de travail prise en charge au titre de la législation professionnelle ;
Que cependant la demande de dommages et intérêts pour manquement par l'employeur à son obligation de sécurité prévue à l'article L.4121-1 du code du travail ayant conduit à la reconnaissance d'une maladie professionnelle ne relève pas de la compétence du conseil de prud'hommes ;
Attendu cependant que le salarié fonde également sa demande de dommages et intérêts sur le préjudice subi du fait de la violation par l'employeur de la durée maximale du travail et des règles relatives au repos ;
Attendu que s'il est démontré que l'employeur a commis des manquements relatifs au travail du dimanche et des jours fériés, aux astreintes et aux heures supplémentaires, aucun élément ne permet de caractériser le préjudice subi par le salarié sur ce point ;
Que M. [I] sera donc débouté de sa demande de ce chef, le jugement déféré devant être infirmé sur ce point ;
Sur les demandes accessoires
Attendu que chacune des parties supportera ses propres dépens d'appel ;
Attendu qu'il apparaît équitable en l'espèce de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles non compris dans les dépens en cause d'appel ;
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant, publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Pau en date du 3 septembre 2019 sauf en ce qui concerne les heures supplémentaires, le travail dissimulé, les dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation à la santé, à la durée maximale du travail et aux règles relatives au repos ainsi qu'à la remise de documents sous astreinte ;
Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant ;
DIT n'y avoir lieu à remise sous astreinte des documents intitulés « Field Service Ticket » et « Service Report » sur la période du premier janvier 2016 au 31 mars 2019 ;
CONDAMNE la SAS Cameron France à payer à M. [V] [I] la somme de 43 031,30 euros, outre celle de 4 303,13 euros de congés payés afférents au titre des heures supplémentaires ;
DEBOUTE M. [V] [I] de ses demandes au titre du travail dissimulé et des dommages et intérêts pour violation par l'employeur de la protection de la santé, de la durée maximale du travail et du non respect relatif au temps de repos ;
DIT que chacune des parties supportera la charge de ses propres dépens d'appel et dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
Arrêt signé par Madame CAUTRES, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,