JN/JD
Numéro 22/3847
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 03/11/2022
Dossier : N° RG 20/01330 - N° Portalis DBVV-V-B7E-HSHB
Nature affaire :
A.T.M.P. : demande d'un employeur contestant une décision d'une caisse
Affaire :
S.A.S. [6]
C/
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES LANDES
Grosse délivrée le
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 03 Novembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 22 Septembre 2022, devant :
Madame NICOLAS, magistrat chargé du rapport,
assistée de Madame BARRERE, faisant fonction de greffière.
Madame NICOLAS, en application de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame NICOLAS, Présidente
Madame SORONDO, Conseiller
Madame PACTEAU, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
S.A.S. [6]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Maître LASSERI de la SELEURL LL Avocats, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE :
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES LANDES
[Adresse 1]
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentée par Maître MOLINIER loco Maître BARNABA, avocat au barreau de PAU
sur appel de la décision
en date du 06 AVRIL 2020
rendue par le POLE SOCIAL DU TJ DE PAU
RG numéro : 18/00181
FAITS ET PROCÉDURE
Le 4 décembre 2017, la société [6] (l'employeur) a adressé à la caisse primaire d'assurance maladie des Landes (la caisse ou l'organisme social) une déclaration d'accident de travail, concernant un de ses salariés, M. [K] [B] (le salarié), embauché en qualité d'ouvrier.
Cette déclaration, relative à l'accident daté du 4 décembre 2017 à 10h05, précisait que le salarié « déclare avoir été surpris par la fermeture d'une porte automatique et avoir fait un mouvement de recul alors qu'un collègue était juste derrière lui. Son bras ayant été bloqué dans son mouvement. Il a entendu un craquement et a ressenti une vive douleur à l'épaule gauche ».
Le certificat médical initial du 4 décembre 2017, établi par le Docteur [P] [L], fait état de « contusion de l'épaule gauche au travail ».
À cette déclaration était joint un courrier de réserves de même date, soit du 4 décembre 2017, par lequel l'employeur formulait les plus expresses réserves, quant à une éventuelle reconnaissance du caractère professionnel de cet accident.
Par un courrier du 19 décembre 2017, la caisse informait l'employeur, de ce qu'elle estimait les réserves émises, non motivées, et en conséquence irrecevables, tout en précisant que le dossier était en cours d'instruction.
Le 22 décembre 2017, la caisse a notifié à l'employeur sa décision de prise en charge de l'accident au titre de la législation sur les risques professionnels.
L'employeur a contesté l'opposabilité à son égard, de la décision de prise en charge, ainsi qu'il suit :
- le 20 février 2018, devant la commission de recours amiable (CRA), laquelle n'a pas répondu,
- le 9 mai 2018, devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Pau, devenu le pôle social du tribunal judiciaire de Pau, saisi d'un recours contre la décision implicite de rejet de la CRA.
Par jugement du 6 avril 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Pau a :
- débouté l'employeur de ses demandes,
- déclaré opposable à l'employeur, la décision de la caisse du 22 décembre 2017 tendant à la prise en charge au titre de l'accident de travail du 4 décembre 2017 survenu au salarié.
Cette décision a été notifiée aux parties, par lettre recommandée avec avis de réception, reçue de l'employeur le 3 juin 2020.
Le 23 juin 2020, par lettre recommandée avec accusé de réception adressée au greffe de la cour, l'employeur, par son conseil, en a interjeté appel dans des conditions de régularité qui ne font l'objet d'aucune contestation.
Selon avis de convocation du 22 mars 2022, contenant calendrier de procédure, les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 22 septembre 2022, à laquelle elles ont comparu.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Selon ses dernières conclusions, transmises par RPVA le 20 mai 2022, reprises oralement à l'audience de plaidoirie, et auxquelles il est expressément renvoyé, l'employeur, la société [6], conclut à l'infirmation du jugement déféré, et statuant à nouveau, appelante, demande à la cour de :
- constater que Ia caisse n'a pas respecté Ies obligations mises à sa charge par Ies dispositions des articles R 441-11 et suivants du code de Ia sécurité sociale à son égard,
- prononcer I'inopposabiIité à son égard de Ia décision de prise en charge du sinistre du 4 décembre 2017 déclaré par le salarié.
Selon ses conclusions transmises par RPVA le 13 juin 2022, reprises oralement à l'audience de plaidoirie, et auxquelles il est expressément renvoyé, l'organisme social, la CPAM des Landes, conclut à la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions, et y ajoutant, à la condamnation de l'employeur, à lui payer la somme de 800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les entiers dépens.
SUR QUOI LA COUR
Sur la régularité de la procédure
Selon l'article R441-11 III du code de la sécurité sociale, en sa version applicable à la cause (en vigueur du 1er janvier 2010 au 1er décembre 2019) :
« En cas de réserves motivées de la part de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l'employeur et à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés. Une enquête est obligatoire en cas de décès ».
Constituent des réserves motivées de la part de l'employeur, au sens des dispositions de l'article R 441-11 du code de la sécurité sociale, toute contestation du caractère professionnel de l'accident portant sur les circonstances de temps et de lieu de celui-ci ou sur l'existence d'une cause totalement étrangère au travail.
L'employeur, au visa des articles R441-10 à L441-16, et particulièrement R 441-11, ainsi qu'au visa de nombreuses décisions de jurisprudence, rappelle le caractère contradictoire de la procédure de reconnaissance du caractère professionnel d'un accident, d'une maladie ou d'une rechute, et estime qu'au cas particulier, la caisse avait l'obligation, au vu des réserves émises par l'employeur, de procéder à une enquête, faute de quoi il estime que l'organisme social n'a pas respecté le caractère contradictoire de la procédure, cette inobservation étant sanctionnée par l'inopposabilité à l'employeur, de la décision de prise en charge.
L'organisme social, estime au contraire, au visa des dispositions de l'article R441-11 III rappelé ci-dessus, (mais également de celles de l'article R441-14 alinéa 3, ce qui n'est pas contesté), qu'il a parfaitement rempli son obligation d'information, dès lors que son obligation de diligenter une enquête, suppose que les réserves de l'employeur soient motivées, c'est-à-dire portent sur les circonstances de temps et de lieux de l'accident ou sur l'existence d'une cause totalement étrangère au travail.
Or, au cas particulier, la caisse estime que les réserves exprimées par l'employeur, dont elle rappelle les éléments, n'étaient pas motivées, rendant le grief de l'employeur inopérant.
Sur ce,
Il ressort des éléments du dossier, que l'employeur a exprimé ses réserves en ces termes :
« (')
Sans préjudice de l'exercice ultérieur de nos droits, nous formulons dès à présent les plus expresses réserves quant à une éventuelle reconnaissance du caractère professionnel de cet accident.
Tout d'abord concernant les circonstances de l'accident' M. (le salarié) a déclaré avoir été surpris par la fermeture d'une porte et que son bras a été bloqué lors d'un mouvement de recul. En conséquence il apparaît que l'accident du travail' n'a pas de lien avec son activité professionnelle.
De plus il nous semble que la lésion constatée par le service médical soit disproportionnée au regard de l'accident décrit.
Enfin M. (le salarié), a reconnu avoir déjà eu des problèmes d'épaule. Il apparaît que cet accident est donc sans rapport avec le travail et doit être mis en relation avec un état pathologique préexistant et indépendant.
(') ».
Au cas particulier, et contrairement à la position de l'employeur, c'est à juste titre que le premier juge a estimé que les réserves émises par l'employeur, ne portaient ni sur les circonstances de temps et de lieu de l'accident, ni sur l'existence d'une cause totalement étrangère au travail, l'évocation de l'hypothèse d'une possible pathologie préexistante, dont il n'est en outre nullement invoqué qu'elle aurait occasionné une quelconque incapacité, ne pouvant s'analyser comme une cause totalement étrangère au travail.
Il s'en déduit que les réserves émises n'étant pas motivées au sens de l'article R441-11 III du code de la sécurité sociale, elles n'imposaient pas à la caisse de diligenter une enquête.
Le grief n'est pas fondé, et le premier juge doit être confirmé pour l'avoir rejeté.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
L'employeur, qui succombe, supportera les dépens.
L'équité commande d'allouer à l'organisme social, la somme de 800 €
sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour, après en avoir délibéré, statuant, publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Pau en date du 6 avril 2020,
Condamne la société [6] aux dépens,
Condamne la société [6] à payer à la caisse primaire d'assurance-maladie des Landes, la somme de 800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Madame NICOLAS, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,