JN/DD
Numéro 22/3854
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 03/11/2022
Dossier : N° RG 20/01507 - N°Portalis DBVV-V-B7E-HSWM
Nature affaire :
Demande en paiement de cotisations, majorations de retard et/ou pénalités
Affaire :
[X] [I]
C/
L'URSSAF D'AQUITAINE
Grosse délivrée le
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 03 Novembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 22 Septembre 2022, devant :
Madame NICOLAS, magistrat chargé du rapport,
assistée de Madame BARRERE, faisant fonction de greffière.
Madame NICOLAS, en application de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame NICOLAS, Présidente
Madame SORONDO, Conseiller
Madame PACTEAU, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [X] [I]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représenté par Maître CAZALET de la SCP MENDIBOURE-CAZALET-GUILLOT, avocat au barreau de BAYONNE dispensé de comparaître à l'audience
INTIMÉE :
L'URSSAF D'AQUITAINE
Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette audit siège
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Maître NOBLE de la SCP NOBLE-GUEROULT, avocat au barreau de BAYONNE
sur appel de la décision
en date du 31 JANVIER 2020
rendue par le PÔLE SOCIAL DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BAYONNE
RG numéro : 16/00414
FAITS ET PROCÉDURE
Le 22 juin 2016, après mise en demeure infructueuse du 24 octobre 2014, notifiée le 27 octobre 2014, la caisse du RSI Aquitaine (la caisse ou l'organisme social) aux droits de laquelle se présente l'URSSAF d'Aquitaine, a émis à l'encontre de M. [X] [I] (le cotisant) une contrainte, signifiée à étude le 4 juillet 2016, lui réclamant paiement de la somme globale de 30 008 €, selon le détail suivant :
- 31 875 € en principal au titre des cotisations dues au titre des régularisations des années 2011, 2012 et 2013,
- 1 749 € à titre de majorations de retard,
- déduction faite des sommes de 1 629 € et 1987 €.
Le 19 juillet 2016, le cotisant a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bayonne, devenu le Pôle Social du Tribunal Judiciaire de Bayonne, d'une opposition à cette contrainte.
Par jugement du 31 janvier 2020, le Pôle Social du Tribunal Judiciaire de Bayonne a :
- déclaré recevable l'opposition à contrainte formée par le cotisant,
- validé la contrainte en date du 22 juin 2016 émise par le RSI pour un montant ramené à la somme de 12 496 € concernant les régularisations 2011, 2012 et 2013,
- condamné en conséquence le cotisant à régler à l'URSSAF-ASSI la somme de 12 496 € outre les majorations complémentaires à parfaire jusqu'au complet règlement,
- dit que les frais de signification et les autres frais de justice subséquents sont à la charge du cotisant,
- rappelé les modalités de notification de la décision.
Cette décision a été notifiée aux parties par lettre recommandée avec accusé de réception. Le courrier de notification ayant été adressé au cotisant ayant été retourné avec la mention « destinataire inconnu à l'adresse », l'Urssaf d'Aquitaine a fait signifier le jugement au cotisant par acte d'huissier du 18 juin 2020, remis à personne.
Le 15 juillet 2020, par message RPVA adressé au greffe de la cour, le cotisant, par son conseil, en a régulièrement interjeté appel.
Selon avis de convocation des 22 mars 2022 et 19 avril 2022, contenant calendrier de procédure, les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience de plaidoiries du 22 septembre 2022, à laquelle elles ont comparu.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Selon ses conclusions responsives transmises par RPVA le 14 septembre 2022, reprises oralement à l'audience de plaidoirie, et auxquelles il est expressément renvoyé, le cotisant, M. [X] [I], appelant, conclut à la réformation du jugement déféré, et statuant à nouveau, demande à la cour de :
- à titre principal, de juger la contrainte nulle,
- à titre subsidiaire, de juger n'y avoir lieu à condamnation du cotisant dès lors que les causes de la contrainte sont totalement soldées et qu'il n'est plus formé aucune demande actuelle à l'encontre du cotisant au titre des régularisations 2011/2012 et 2013,
- en tout état de cause, de condamner l'URSSAF à lui régler la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les entiers dépens.
Selon ses conclusions transmises par RPVA le 9 septembre 2022, reprises oralement à l'audience de plaidoirie, et auxquelles il est expressément renvoyé, l'organisme social, l'URSSAF d'Aquitaine, intimée, conclut à l'infirmation du jugement déféré, mais seulement en ce qu'il a condamné le cotisant à paiement, et statuant à nouveau du seul chef infirmé, demande à la cour de :
- dire n'y avoir lieu à condamnation du cotisant dès lors que les causes de la contrainte du 22 juin 2016 sont totalement soldées, et qu'il n'est plus formé aucune demande actuelle à l'encontre du cotisant au titre des régularisations 2011, régularisation 2012 et régularisation 2013,
- confirmer le jugement déféré pour le surplus,
- condamner chacune des parties à supporter les dépens exposés par elle en cause d'appel.
- débouter le cotisant de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR QUOI LA COUR
I/ Sur la nullité de la contrainte
Le cotisant, qui s'est abstenu de comparaître en première instance, conteste devant la cour, à titre principal, la validité de la contrainte, et fonde sa position sur différents moyens qui vont être examinés successivement.
1-1 L'absence de mise en demeure
L'appelant reconnaît dans ses dernières conclusions, que l'URSSAF d'Aquitaine a justifié lui avoir adressé une mise en demeure par « pli avisé et non réclamé », si bien qu'il ne soutient plus le moyen selon lequel, au visa des dispositions de l'article L244-2 du code de la sécurité sociale, il se prévalait de l'absence de mise en demeure, pour estimer la contrainte nulle.
1-2 L'absence de précision suffisante de la contrainte
Il résulte des articles L.244-2, L244-9 et R.244-1 du code de la sécurité sociale, que la mise en demeure, qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, et la contrainte délivrée à la suite de cette mise en demeure restée sans effet, doivent permettre à l'intéressé d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation ; à cette fin, elles doivent préciser, à peine de nullité, la nature, le montant des cotisations réclamées, et la période à laquelle elles se rapportent, ainsi que, depuis le 1er janvier 2017, les majorations et pénalités qui s'y appliquent.
La motivation de la contrainte peut être opérée par référence à la mise en demeure.
En revanche, n'est pas exigée la mention du mode de calcul et du taux des cotisations.
Au cas particulier, ces précisions sont contenues par la contrainte, dès lors que celle-ci fait référence expressément, à la mise en demeure en date du 24 octobre 2014, et que la mise en demeure, ce qui n'est pas contesté, comporte l'intégralité de ces précisions, en ce qu'elle rappelle la nature des sommes dues en cotisations, contributions, majorations ou pénalités, poste de cotisations par poste de cotisations (maladie maternité ; indemnités journalières ; invalidité ; décès ; retraite de base ; retraite complémentaire ; allocations familiales ; CSG CRDS ; formation professionnelle ; majorations et pénalités de retard), leur montant, et la période à laquelle elles se rapportent.
Ce moyen de nullité n'est pas fondé.
1-3 Le défaut de pouvoir du signataire de la contrainte
Au visa de l'article R 122-3 (alinéa 8) du code de la sécurité sociale, l'appelant soutient que si le directeur d'une URSSAF d'Aquitaine peut déléguer sous sa responsabilité, une partie de ses pouvoirs à certains agents de l'organisme, en ce compris le pouvoir de signer une contrainte, le signataire doit justifier d'une délégation de pouvoir antérieure à la délivrance de la contrainte, ce qui ne serait pas le cas.
La seule affirmation que le signataire de la contrainte, n'aurait pas eu qualité pour procéder, ne permet pas de retenir que son signataire était dépourvu de la qualité requise pour décerner cet acte, et ce d'autant que l'URSSAF d'Aquitaine fait valoir que la contrainte a été signée par M. [C] [M], lequel était le directeur de la caisse RSI Aquitaine lors de l'émission de la contrainte, et avait donc toute qualité pour ce faire.
Ce moyen de nullité n'est pas fondé.
II/ Sur le caractère infondé de la créance
L'appelant fait valoir que les sommes litigieuses, ayant été entièrement réglées à l'URSSAF d'Aquitaine, il n'a pas compris l'objet des réclamations, et a le 24 novembre 2015, demandé à son cabinet d'expertise comptable, dont il soutient qu'il les avait déjà transmises « en temps voulu », de transmettre à l'organisme de recouvrement, les déclarations communes des revenus des années 2011 et 2012.
Ces affirmations, sur la transmission en temps et en heure, des déclarations de revenus à l'URSSAF, sont confirmés par les courriers que lui a adressés l'URSSAF d'Aquitaine, les 8 octobre 2012, et 20 juin 2013, (produits sous sa pièce n°6), et par lesquels l'URSSAF d'Aquitaine reconnaît, dès avant l'émission de la mise en demeure et de la contrainte litigieuse, avoir reçu les revenus déclarés par le cotisant pour les années 2011 et 2012.
L'appelant justifie de même, pour la période litigieuse, du règlement régulier des appels de cotisations, par son cabinet d'expertise comptable, qui le confirme.
Ces éléments sont de nature à contredire la position de L'URSSAF d'Aquitaine, laquelle, si elle reconnaît que les cotisations appelées par la contrainte litigieuse, sont à ce jour soldées, fait valoir que les réclamations portées dans la contrainte, résultaient d'une taxation d'office, effectuée au vu de la carence de l'appelant, à avoir procédé à ses déclarations de revenus des années 2011et 2012.
Il se déduit de ces éléments, ainsi que le reconnaît l'URSSAF d'Aquitaine, que sa créance se trouve éteinte.
En revanche, les éléments du dossier ne permettent pas d'établir que les réclamations contenues dans la mise en demeure et dans la contrainte litigieuse, étaient fondées, puisque ne sont établis, à la délivrance de la mise en demeure et de la contrainte, et pour les périodes litigieuses, ni l'existence d'une créance de l'URSSAF d'Aquitaine à l'égard du cotisant, ni le recours justifié au système de taxation d'office.
Il s'en déduit que la contrainte sera annulée.
Le premier juge sera infirmé.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
L'équité commande d'allouer à l'appelant la somme de 500 €, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
L'URSSAF d'Aquitaine, qui succombe, supportera les dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant, publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement du Pôle Social du Tribunal Judiciaire de Bayonne, en date du 31 janvier 2020,
Et statuant à nouveau,
Annule la contrainte litigieuse, établie par l'URSSAF d'Aquitaine le 22 juin 2016, et signifiée le 4 juillet 2016 à étude, à M. [X] [I],
Condamne l'URSSAF d'Aquitaine à payer à M. [X] [I] la somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne l'URSSAF d'Aquitaine aux dépens.
Arrêt signé par Madame NICOLAS, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,