JN/SB
Numéro 22/4258
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 01/12/2022
Dossier : N° RG 20/02774 - N° Portalis DBVV-V-B7E-HWDC
Nature affaire :
Majeur handicapé - Contestation d'une décision relative à une allocation
Affaire :
[Z] [G]
C/
CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DES LANDES
Grosse délivrée le
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 01 Décembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 20 Octobre 2022, devant :
Madame NICOLAS, magistrat chargé du rapport,
assistée de Madame BARRERE, faisant fonction de greffière.
Madame NICOLAS, en application de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame NICOLAS, Présidente
Madame SORONDO, Conseiller
Madame PACTEAU, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [Z] [G]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représenté par Maître MOLINIER loco Maître LATRY, avocat au barreau de MONT-DE-MARSAN
INTIMEE :
CAISSE D'ALLOCATIONS FAMILIALES DES LANDES
[Adresse 1]
[Localité 2]
Dispensée de comparaître à l'audience
sur appel de la décision
en date du 09 NOVEMBRE 2020
rendue par le POLE SOCIAL DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MONT DE MARSAN
RG numéro : 19/00291
FAITS ET PROCÉDURE
Le 23 mars 2018, M. [Z] [G] (l'allocataire) a saisi la Maison landaise des personnes handicapées (MLPH) d'une demande d'allocation adulte handicapé (AAH), dont le bénéfice lui a été accordé du 1er avril 2018 au 31 juillet 2021, selon décision de la CDAPH (commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées), du 19 juillet 2018, notifiée le 24 juillet 2018.
Le 6 août 2018, l'allocataire recevait un courrier de la caisse d'allocations familiales des Landes (la caisse ou l'organisme social), l'informant de ce que :
-il devait impérativement faire valoir ses droits à une pension d'invalidité et à l'allocation supplémentaire d'invalidité, ces prestations sociales étant prioritaires sur le versement de L'AAH,
- sans réponse dans un délai de trois mois, le versement de l'allocation serait suspendu.
Le 9 janvier 2019, l'allocataire a sollicité le bénéfice d'une pension d'invalidité, que la caisse d'allocations familiales lui a refusé par courrier du 18 janvier 2019.
Les droits de l'allocataire à l'AAH ont été suspendus pendant 3 mois et du 1er novembre 2018 au 31 janvier 2019.
L'allocataire a contesté cette suspension ainsi qu'il suit :
- par courrier du 7 février 2019, reçu le 12 février, devant la commission de recours amiable (CRA) de l'organisme social, laquelle, par décision du 10 mai 2019, a rejeté le recours,
- le 22 mai 2019 devant le pôle social du tribunal de grande instance de Mont de Marsan, devenu le pôle social du tribunal judiciaire de Mont de Marsan.
Par jugement du 9 novembre 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Mont de Marsan a :
- débouté l'allocataire de sa demande tendant au versement de l'AAH pour la période du 1er novembre 2018 au 31 janvier 2019,
- condamné l'allocataire aux entiers dépens.
Cette décision a été notifiée aux parties, par lettre recommandée avec avis de réception, reçue de l'allocataire le 13 novembre 2020.
Le 24 novembre 2020, par lettre recommandée avec avis de réception adressée au greffe de la cour, l'allocataire, par son conseil, en a régulièrement interjeté appel.
Selon avis de convocation du 16 mai 2022, contenant calendrier de procédure, les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 20 octobre 2022, à laquelle l'appelant a comparu.
L'intimée a été, à sa demande et de l'accord de l'appelant, dispensée de comparution à l'audience de plaidoirie, la cour s'étant par ailleurs assurée du respect du principe du contradictoire.
La présente décision sera contradictoire, en application des dispositions des articles 946 et 446-1 du code de procédure civile.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Selon ses conclusions transmises par RPVA le 13 juillet 2022, reprises oralement à l'audience de plaidoirie, et auxquelles il est expressément renvoyé, l'allocataire, M. [Z] [G], appelant, conclut à l'infirmation du jugement déféré, et statuant à nouveau, demande à la cour de condamner la caisse à :
-lui verser l'allocation adulte handicapé pour les 3 mois de novembre 2018 à janvier 2019,
- lui verser la somme de 2 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- supporter les entiers dépens.
Par conclusions visées par le greffe de la cour le 13 octobre 2022, et auxquelles il est expressément renvoyé, l'organisme social, la CAF des Landes, intimé, dispensé de comparution, conclut à la confirmation du jugement déféré.
SUR QUOI LA COUR
Observation préalable :
Le premier juge a sans contestation statué en premier ressort, sans que cette analyse ne soit critiquée ou critiquable, la question dont il était saisi, étant de savoir si la caisse d'allocations familiales, était fondée à suspendre le versement de l'allocation adulte handicapé pendant 3 mois (novembre 2018 à janvier 2019), s'agissant d'une demande dont le montant est indéterminé.
Sur le fond
L'appelant, après avoir exposé qu'il a dû, à compter du mois d'août 2018, gérer la fin de vie de son père, décédé le 9 décembre 2018, et rappelé les diverses contraintes personnelles, familiales et de santé, qu'il a à cette occasion traversées, et au vu desquelles, il n'a sollicité le bénéfice d'une pension d'invalidité, que le 9 janvier 2019, conteste l'interprétation donnée par la caisse, aux dispositions de l'article L821-1 du code de la sécurité sociale, au motif que la caisse, y ajouterait une condition (réponse dans les 3 mois), que le texte ne prévoit pas.
La caisse, au visa d'une circulaire CNAF du 17 novembre 2010, dont elle produit un extrait sous sa pièce n° 1, et des dispositions de l'article L821-1 alinéa 5 du code de la sécurité sociale, conclut à la confirmation du jugement déféré.
Sur ce,
L'article L821-1 du code de la sécurité sociale, alinéa 5 en sa version applicable à la cause (en vigueur du 1er janvier 2017 au 19 juin 2020), dispose :
«Le droit à l'allocation aux adultes handicapés est ouvert lorsque la personne ne peut prétendre, au titre d'un régime de sécurité sociale, d'un régime de pension de retraite ou d'une législation particulière, à un avantage de vieillesse, à l'exclusion de l'allocation de solidarité aux personnes âgées mentionnée à l'article L. 815-1, ou d'invalidité, à l'exclusion de la prestation complémentaire pour recours à constante d'une tierce personne visée à l'article L. 355-1, ou à une rente d'accident du travail, à l'exclusion de la prestation complémentaire pour recours à tierce personne mentionnée à l'article L. 434-2, d'un montant au moins égal à cette allocation. ».
Par ailleurs, l'alinéa 8 de ce même texte, prévoit que :
« Lorsqu'une personne bénéficiaire de l'allocation aux adultes handicapés fait valoir son droit à un avantage de vieillesse, d'invalidité ou à une rente d'accident du travail, l'allocation aux adultes handicapés continue de lui être servie jusqu'à ce qu'elle perçoive effectivement l'avantage auquel elle a droit. Pour la récupération des sommes trop perçues à ce titre, les organismes visés à l'article L. 821-7 sont subrogés dans les droits des bénéficiaires vis-à-vis des organismes payeurs des avantages de vieillesse, d'invalidité ou de rentes d'accident du travail. »
Au cas particulier, il n'est pas contesté qu'en application de ces dispositions, l'allocation adulte handicapé, a un caractère subsidiaire.
Mais pour que ce caractère subsidiaire soit mis en 'uvre, encore faut-il que la personne bénéficiaire de l'allocation aux adultes handicapés, se soit vue reconnaître un droit à un avantage vieillesse, invalidité, rente accident du travail.
Or au cas particulier, l'appelant ne s'est pas vu reconnaître un tel droit, si bien qu'aucun motif ne justifie la suspension de son droit à allocation adulte handicapé, pendant 3 mois.
En effet, certes, la circulaire invoquée par la caisse, prévoit expressément que :
« Un délai de 3 mois est laissé au bénéficiaire pour faire valoir son droit éventuel à pension d'invalidité plus ASI (note de la cour : allocation supplémentaire d'invalidité). Le versement del'AAH est ouvert ou maintenu même si la personne refuse de faire valoir ses droits pendant cette période de 3 mois. Si le bénéficiaire justifie des démarches entreprises, l'AAH continue à être versée à titre d'avance.
Si le bénéficiaire justifie des démarches entreprises, l'AAH continue à être versée à titre d'avance, et la Caf est subrogée dans les droits du bénéficiaire aux avantages invalidité ou rente accident du travail
(1'
2. à l'issue du délai de 3 mois, la CAF n'est pas en possession du récépissé de dépôt de demande : suspension du droit AAH le 4e mois
'
4.Si réception ultérieure du récépissé avec demande de pension déposée après le délai de 3 mois : reprise du droit à l'AAH à compter du mois suivant la demande de pension.
' ».
Cependant, si les prescriptions de cette circulaire, ont été effectivement appliquées par la caisse, elles n'ont aucune valeur normative, et la suspension appliquée par la caisse, en vertu de cette circulaire, est contraire aux dispositions de l'article L821-1 du code de la sécurité sociale, selon lesquelles « l'allocation aux adultes handicapés continue de lui être servie jusqu'à ce qu'elle perçoive effectivement l'avantage auquel elle a droit. ».
Il sera fait droit à la demande de l'appelant, par infirmation du jugement déféré.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
L'équité commande d'allouer à l'appelant, la somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et de rejeter le surplus des demandes à ce titre.
La caisse, qui succombe, supportera les dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant, publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort :
Infirme le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Mont-de-Marsan en date du 9 novembre 2020,
Et statuant à nouveau,
Condamne la caisse d'allocations familiales des Landes, à payer à M. [Z] [G] :
- l'allocation adulte handicapé pour les 3 mois de novembre 2018, décembre 2018, janvier 2019,
- 1 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette le surplus des demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la caisse d'allocations familiales des Landes aux entiers dépens.
Arrêt signé par Madame NICOLAS, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,