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15/12/2022 | FRANCE | N°20/02927

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 15 décembre 2022, 20/02927


PS/SB



Numéro 22/4517





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 15/12/2022









Dossier : N° RG 20/02927 - N° Portalis DBVV-V-B7E-HWRK





Nature affaire :



Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail















Affaire :



[M] [X]



C/



S.A. GAN PREVOYANCE















Gr

osse délivrée le

à :













RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 15 Décembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de ...

PS/SB

Numéro 22/4517

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 15/12/2022

Dossier : N° RG 20/02927 - N° Portalis DBVV-V-B7E-HWRK

Nature affaire :

Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail

Affaire :

[M] [X]

C/

S.A. GAN PREVOYANCE

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 15 Décembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 12 Octobre 2022, devant :

Madame CAUTRES-LACHAUD, Président

Madame SORONDO, Conseiller

Madame ESARTE, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

assistées de Madame LAUBIE, Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANT :

Monsieur [M] [X]

[Adresse 1]

[Localité 11]

Représenté par Maître MARCHESSEAU LUCAS de la SELARL AVOCADOUR, avocat au barreau de PAU et Maître ESPLAS, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE :

S.A. GAN PREVOYANCE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Maître CREPIN de la SELARL LEXAVOUE, avocat au barreau de PAU, et Maître MORICEAU de la SELARL MAJORELLE AVOCATS, avocat au barreau de NANTES

sur appel de la décision

en date du 19 NOVEMBRE 2020

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE BAYONNE

RG numéro : F18/00089

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [M] [X] a été embauché le 1er décembre 2007 par la société Gan prévoyance en qualité de conseiller en prévoyance, suivant contrat à durée indéterminée conclu le 3 décembre 2017 et régi par la convention collective nationale des échelons intermédiaires des services extérieurs de production des sociétés d'assurances.

Entre décembre 2015 et décembre 2016, il a suivi une formation en gestion de patrimoine en alternance et a passé des examens.

En avril 2016, il est devenu conseiller en prévoyance expert.

Il a été placé en arrêt de travail du 5 au 7 janvier 2017 puis à compter du 31 janvier 2017.

Le 3 février 2017, il a imputé son arrêt de travail à des manquements de la société Gan prévoyance.

Le 6 avril 2017, la société Gan prévoyance a contesté l'existence de manquements lui étant imputables.

Le 26 septembre 2017, le médecin du travail a déclaré M. [M] [X] «'inapte à tous les postes dans l'entreprise Gan Prévoyance'» et a précisé «'pas de reclassement à proposer'». Ses conclusions étaient «'inapte au poste, l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi'»

À l'issue de plusieurs échanges de mail, M. [M] [X] a refusé les postes de reclassement qui lui étaient proposés.

Le 8 février 2018, il a été convoqué à un entretien préalable fixé le 5 mars 2018.

Le 14 mars 2018, il a été licencié pour inaptitude médicalement constatée avec impossibilité de reclassement.

Le 2 mai 2018, il a saisi la juridiction prud'homale.

Par jugement du 19 novembre 2020, le conseil de prud'hommes de Bayonne a :

- débouté M. [X] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté la société Gan prévoyance de sa demande sur le fondement l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé les dépens à la charge de M. [M] [X].

Le 10 décembre 2020, M. [X] a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 5 mars 2021, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, M. [X] demande à la cour de :

- réformer le jugement dont appel,

- en conséquence,

- sur la demande de rappel sur rémunération variable,

- condamner la société Gan prévoyance à un rappel sur rémunération variable à hauteur de 11.344,12 € outre les congés payés y afférents soit la somme de 1.134,41'€,

- dans l'hypothèse où la cour estimerait qu'un doute subsiste sur l'exactitude des calculs qu'il présente, ordonner avant dire droit une mesure d'expertise confiée à tel expert qu'il plaira à la cour de désigner dans la spécialité « expertise comptable » avec mission suivante :

. après avoir convoqué les parties, recueillir leurs observations, consulter tous documents utiles, et interroger tous sachants qu'il estimerait utile à l'accomplissement de sa mission,

. calculer le rappel sur rémunération variable qui lui est dû pour la période comprise entre le mois de septembre 2016 (bulletin de paye du mois de septembre 2016) et le mois de janvier 2017 (bulletin de paye du mois de janvier 2017) en prenant en compte :

o le système de pondération trimestriel applicable sur la période considérée (de septembre à décembre 2016),

o les dispositions sur les reprises de commissions contenues dans la version 3 du 1er décembre 2017 de la note d'application de l'annexe 8 des accords de rémunération des conseillers en prévoyance du 15 mars 2016 (pièce 37),

. dire et juger qu'il fera l'avance des frais d'expertise,

. dire et juger que de ses investigations, l'expert judiciaire devra dresser un pré-rapport qu'il communique à l'ensemble des parties en leur impartissant un délai durant lequel elles pourront faire toutes observations utiles,

. dire et juger que l'expert devra déposer son rapport définitif dans le délai qui sera fixé par la cour,

. réserver les dépens ainsi que l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- sur le licenciement,

. lui donner acte de ce qu'il est fait sommation au travers des présentes à la société Gan prévoyance de communiquer l'ensemble des registres d'entrée et de sortie du personnel des entités composant le groupe Groupama Gan sur la période comprise entre le 26 septembre 2017 (avis d'inaptitude ' pièce 11) et le 14 mars 2018 (licenciement ' pièce 24),

- tirer toutes les conséquences du défaut de communication des pièces demandées en retenant que la société Gan prévoyance a manqué à son obligation de reclassement,

- au principal,

- dire et juger que la société Gan prévoyance n'a pas exécuté loyalement son obligation de reclassement,

- en conséquence,

- la condamner au paiement des sommes suivantes :

. 20.349,20 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis (2 mois) outre les congés payés y afférents soit la somme de 2.034,92 €,

. 101.746 € nets (10 mois de rémunération brute) à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- à titre subsidiaire,

- dire et juger que la société Gan prévoyance porte la responsabilité de ses arrêts de travail qui ont conduit à un avis d'inaptitude avec à la clé son licenciement,

- en conséquence,

- condamner la société Gan prévoyance au paiement de la somme de 101.746 € nets (10 mois de rémunération brute) au titre de son préjudice subi,

- condamner la société Gan prévoyance aux entiers dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 3.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 2 juin 2021, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, la société Gan prévoyance demande à la cour de':

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

- juger qu'aucune rémunération variable n'était due à M. [X] ;

- rejeter en conséquence la demande d'expertise formulée par M. [X] ;

- constater que le licenciement de M. [X] était parfaitement justifié et repose sur une cause réelle et sérieuse ;

- rejeter en conséquence les demandes formulées par M. [M] [X], avec toutes conséquences de droit ;

- débouter M. [X] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner M. [X] à lui payer 3.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [X] aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 12 septembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les demandes de rappel sur rémunération variable et d'expertise

M.. [X] demande le paiement de la somme de 11.344,42 € à titre de rappel sur rémunération variable de septembre à décembre 2016 et renvoie dans ses conclusions à des conclusions de première instance qu'il ne produit pas alors qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, les conclusions doivent formuler expressément les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée. Dès lors, cette demande n'est pas fondée et doit être rejetée, ainsi que la demande subsidiaire d'expertise. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur le licenciement

A) Sur la cause du licenciement et l'obligation de reclassement

L'article L.1226-2 du code du travail dispose': «'Lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'un accident non professionnel est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L.4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L.233-1, aux I et II de l'article L.233-3 et à l'article L.233-16 du code de commerce.

Cette proposition prend en compte, après avis du comité social et économique lorsqu'il existe, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.'»

Suivant l'article L.1226-2-1 du code du travail, l'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L.1226-2, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

Il résulte de ces textes que la méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte consécutivement à un accident ou une maladie non professionnel prive le licenciement de cause réelle et sérieuse. La recherche de reclassement doit être sérieuse et loyale, et il appartient à l'employeur, débiteur de cette obligation, de démontrer qu'il y a satisfait et que le reclassement du salarié s'est avéré impossible, soit en raison de son refus d'accepter un poste adapté à ses capacités et conforme aux prescriptions du médecin du travail, soit en considération de l'impossibilité de reclassement à laquelle il s'est trouvé confronté.

En l'espèce, suite à la déclaration d'inaptitude, l'employeur a pris attache avec M. [X] par téléphone et par mail le 6 novembre 2017 et lui a demandé de lui communiquer un CV actualisé et de lui indiquer ses régions ou secteurs de mobilité. Il a précisé qu'il allait solliciter du médecin du travail des précisions quant au type de poste qui pourrait être proposé, mais il est à constater qu'il n'en a manifestement rien fait puisqu'il ne produit ni courrier adressé au médecin du travail ni courrier de ce dernier.

Après avoir été informé par M. [X] de sa mobilité sur tout le territoire national et avoir sollicité le 23 novembre 2017 l'avis des délégués du personnel relativement à 11 offres d'emploi, il les a adressées le 1er décembre 2017 à M. [X]. Il s'agissait des offres suivantes':

- animateur commercial à [Localité 6] auprès de GGVIE

- chargé de clientèle gestion de patrimoine à [Localité 7] auprès de Groupama Nord Est

- chargé de clientèle marché professionnel [Localité 4] auprès de Groupama d'Oc

- chargé de développement commercial - marché des professionnels à [Localité 8] auprès de Groupama Rhône Alpes Auvergne

- chargé de produits multirisque professionnelle à La Défense auprès de Gan Assurances

- conseiller commercial particulier en Martinique auprès de Groupama Antilles Guyane

- conseiller en gestion de patrimoine dans le Loiret auprès de Groupama Paris Val de Loire,

- conseiller patrimonial à [Localité 6] auprès de Gan Patrimoine

- directeur commercial réseau agents à [Localité 13] auprès de Gan Assurances

- directeur réseau à [Localité 9] auprès de Gan Assurances

- responsable commercial marché particuliers à [Localité 12] auprès de Groupama d'Oc.

Ces offres étaient constituées de fiches collectées sur un site internet ou intranet «'[010]'». Elles ne comportaient aucune indication relativement à la rémunération des postes en question, de sorte que par mail du 7 décembre 2017, M. [X] a interrogé l'employeur sur ce point.

Par mail du 29 décembre 2017, l'employeur a communiqué à M. [X] le niveau de rémunération annuel minimum des postes, qui s'échelonnait de 19.470 € à 41.150 €, en précisant que «'les éléments de la rémunération sont à négocier avec l'entité concernée'». Il est à noter qu'au vu des informations alors communiquées, le poste de conseiller patrimonial à [Localité 6] auprès de Gan Patrimoine ne correspond manifestement pas à un emploi salarié puisqu'il est mentionné «'statut de libéral'».

M. [X] a répondu qu'il existait un différentiel très important entre sa rémunération actuelle, de 122.000 brut annuel en 2016, et celle des postes proposés, et a sollicité la communication d'offres d'emploi lui permettant de se rapprocher significativement de celle-ci. Au vu du bulletin de paie de décembre 2016, la rémunération de M. [X] a effectivement été de 122.095,74 € brut en 2016, donc commissions comprises, et sa rémunération fixe était alors de 2.112,27 € brut par mois (fixe de 1.480,27 € + prime d'ancienneté de 132 € + grade de CEPE 500 €), soit 25.347,24 € l'an.

Par mail du 19 janvier 2018, l'employeur a indiqué à M. [X] qu'il ne pouvait, eu égard à son niveau de rémunération actuel, lui être garanti un niveau de rémunération équivalent, et lui a communiqué les 9 nouvelles offres suivantes, en mentionnant communiquer pour chacune le niveau de rémunération minimum annuel, et en précisant de nouveau que «'les éléments de la rémunération sont à négocier avec l'entité concernée'»:

- responsable secteur commercial Groupama Méditerranée, 33.022 €

- responsable commercial Territorial Groupama Méditerranée, 43.340 €

- responsable domaine sinistre Groupama Méditerranée, 57.456 €

- chargé d'affaires d'entreprise confirmé secteur Rhône Groupama Rhône Alpes Auvergne, 33.022 €

- conseiller patrimonial Les Landes Gan Patrimoine, statut de libéral

- conseiller patrimonial Hérault Gan Patrimoine, statut de libéral,

- responsable service prestations AT/DC réseau agents [Localité 6], 43.340 €

- manager de proximité souscription Gan Assurances 43.340 €

- responsable assurances Groupama Antilles Guyane 57.456 €

Il résulte de ce mail que les deux postes de conseiller patrimonial dans les Landes et dans l'Hérault ne correspondent pas à des emplois salariés.

Par courrier du 23 janvier 2018, M. [X] a de nouveau relevé un différentiel entre sa rémunération actuelle et les offres proposées et a sollicité la communication «'d'offres de reclassement plus conformes à mon profil'».

Par mail du 31 janvier 2018, l'employeur a indiqué à M. [X] lui avoir communiqué 20 offres, a maintenu qu'eu égard à son niveau de rémunération actuel, il n'était pas en mesure de lui garantir un niveau de rémunération équivalent, «'d'autant que les éléments liés à la rémunération restent à négocier avec l'entité concernée'», et qu'aucun reclassement au sein du groupe n'est envisageable.

M. [X] produit (pièces 26 et 27) 53 offres de poste parues sur un site internet ou intranet du groupe Groupama, entre le 26 septembre 2017 et le 17 novembre 2017, qu'il dit avoir obtenues postérieurement à son licenciement par le biais d'un syndicat, dont 12 en Pyrénées Atlantiques, Haute Garonne, Tarn et Garonne, Tarn, Auvergne, Corrèze, Landes et Gironde et 41 autres dans des départements plus éloignés de son domicile alors situé à [Localité 11].

La société Gan Prévoyance fait valoir que M. [X] n'a pas manifesté son intérêt pour aucun des 53 postes ci-dessus, que nombre de ces postes n'étaient plus disponibles puisque la date limite de dépôt des candidatures était antérieure à la date de la réunion des délégués du personnel, et que M. [X] avait décidé de quitter l'entreprise dès la fin de l'année 2016 durant laquelle il avait bénéficié d'une formation en alternance de gestion en patrimoine puisqu'il avait sollicité en novembre 2016 une rupture conventionnelle qui lui a été refusée en janvier 2017.

Il est cependant à observer':

- que la société Gan Prévoyance n'établit pas que M. [X] avait accès aux offres diffusées sur le site internet ou intranet du groupe Groupama et, quand bien même tel était le cas, aucune information ne figure sur ces offres relativement à la rémunération tant fixe que variable';

- que l'obligation de reclassement n'a pas pris fin à la date de la consultation des délégués du personnel le 23 novembre 2017';

- que les offres parues sur le site internet ou intranet du groupe Groupama mentionnent systématiquement une période durant laquelle il est possible de candidater, mais que d'une part, la disponibilité de l'emploi ne se limite d'évidence pas à la période ouverte pour candidater, et que d'autre part, que la société Gan Prévoyance ne fournit aucun élément de nature à caractériser que les emplois correspondants n'étaient plus disponibles,

- que relativement à l'intention attribuée à M. [X] de quitter l'entreprise, la société Gan Prévoyance ne produit qu'un mail du 1er décembre 2016 du délégué commercial régional Grand Sud Ouest suivant lequel M. [X] aurait indiqué souhaiter une rupture conventionnelle à l'issue de sa formation, à l'exclusion de toute demande et refus effectifs, et que les échanges entre l'employeur et le salarié ne permettent pas de déterminer ni une opposition préexistante de ce dernier à un éventuel reclassement ni un quelconque fait préjudiciable à un éventuel reclassement.

Enfin, M. [X] a sollicité la communication par la société Gan Prévoyance des registres d'entrée et de sortie du personnel des sociétés du groupe Groupama entre le 26 septembre 2017 et le 14 mars 2018, que celle-ci indique à raison ne pas être en mesure de produire, nonobstant l'existence d'une direction des ressources humaines du groupe Groupama, au motif que ces pièces sont détenues par des tiers, à savoir chacune des sociétés en cause du groupe Groupama.

Il résulte de ces éléments que l'employeur':

- alors qu'il a estimé cela nécessaire au vu du premier mail adressé au salarié, n'a pas sollicité de précisions du médecin du travail relativement aux capacités de M. [X],

- n'a pas sollicité ni aucune des sociétés du groupe Groupama ni la direction des ressources humaines du groupe Groupama relativement au reclassement de M. [X],

- s'est contentée de recueillir et transmettre à M. [X] vingt offres diffusées sur le site internet ou intranet du groupe Groupama, dont trois ne constituent pas des offres de reclassement puisqu'elles ne correspondent pas à un emploi salarié, en indiquant, sur demande de M. [X] et non spontanément, la rémunération annuelle minimale, et en précisant «'que les éléments liés à la rémunération restent à négocier avec l'entité concernée'», donc sans lui faire connaître les éléments de rémunération tant fixe que variable de chacun des 17 postes disponibles, alors que pour nombre de ces postes, la connaissance des éléments de rémunération variable était indispensable à M. [X] à l'effet d'apprécier la rémunération qu'il pouvait en espérer eu égard à son expérience commerciale,

- ne fournit aucun élément propre à déterminer quels ont été les postes disponibles au sein du groupe Groupama hors la société Gan Prévoyance durant la période de son obligation de reclassement.

Au vu de ces éléments, il est à considérer que la société Gan Prévoyance n'a pas procédé à des recherches sérieuses de reclassement. Dès lors, elle n'a pas satisfait à son obligation de reclassement et le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Le jugement sera infirmé sur ce point.

B) Sur les conséquences du licenciement

Le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, M. [X] peut prétendre à une indemnité compensatrice d'un préavis de deux mois. Sur la base d'un salaire de référence de 9.470,03 €, la société Gan Prévoyance sera condamnée à lui payer une indemnité compensatrice de préavis de 18.940,02 € outre 1.894 € au titre des congés payés afférents.

En application de l'article L.1235-3 du code du travail dans sa rédaction en vigueur jusqu'au 31 mars 2018, M. [X], qui avait dix ans d'ancienneté dans une entreprise employant habituellement plus de 10 salariés, peut prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réel et sérieuse comprise entre 3 et 10 mois de salaire brut. Il ne fournit aucun élément relativement à sa situation professionnelle et financière postérieurement au licenciement, mais il est constant qu'il a bénéficié durant l'année 2016 d'une formation en gestion de patrimoine, et justifié par la société Gan Prévoyance (documents du site société.com et présentation de la société CAPL Conseils sur son site internet) que l'expérience au sein de cette société et la formation qu'elle lui a permis de mener en 2016 lui ont été particulièrement utiles puisqu'il a créé postérieurement à son licenciement la Sasu CAPL Conseils, immatriculée le 26 mars 2018 à [Localité 5] qu'il préside désormais. Au vu de ces éléments, il est raisonnable d'évaluer son préjudice à 5 mois de salaire, soit 47.350,15 €, somme que la société Gan Prévoyance sera condamnée à lui payer.

En application de l'article L. 1235-4, il doit être ordonné d'office le remboursement par la société Gan Prévoyance aux organismes intéressés des indemnités de chômage éventuellement versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités.

Sur les autres demandes

La société Gan Prévoyance sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, condamnée à payer à M. [X] une somme de 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et déboutée de sa demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt mis à disposition au greffe, publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement rendu le 19 novembre 2020 par le conseil de prud'hommes de Bayonne hormis sur les demandes de rappel sur rémunération variable et d'expertise,

Statuant de nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

Dit le licenciement de M. [M] [X] dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Gan Prévoyance à payer à M. [M] [X] les sommes de :

- 18.940,02 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 1.894 € au titre des congés payés afférents,

- 47.350,15 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et rejette sa demande présentée sur ce même fondement,

Ordonne d'office le remboursement par la société Gan Prévoyance aux organismes intéressés des éventuelles indemnités de chômage versées à M. [M] [X], du jour de son licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de six mois d'indemnités,

Condamne la société Gan Prévoyance aux dépens de première instance et d'appel.

Arrêt signé par Madame CAUTRES-LACHAUD, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/02927
Date de la décision : 15/12/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-12-15;20.02927 ?
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