La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/02/2023 | FRANCE | N°20/02373

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 09 février 2023, 20/02373


AC/SB



Numéro 23/520





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 09/02/2023







Dossier : N° RG 20/02373 - N° Portalis DBVV-V-B7E-HVBL





Nature affaire :



Demande présentée par un employeur liée à la rupture du contrat de travail ou à des créances salariales









Affaire :



S.A.S. WURTH FRANCE



C/



[Z] [E]









Grosse délivrée le>
à :





















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 09 Février 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues...

AC/SB

Numéro 23/520

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 09/02/2023

Dossier : N° RG 20/02373 - N° Portalis DBVV-V-B7E-HVBL

Nature affaire :

Demande présentée par un employeur liée à la rupture du contrat de travail ou à des créances salariales

Affaire :

S.A.S. WURTH FRANCE

C/

[Z] [E]

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 09 Février 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 13 Octobre 2022, devant :

Madame CAUTRES, magistrat chargé du rapport,

assistée de Madame LAUBIE, greffière.

Madame CAUTRES, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame CAUTRES, Présidente

Madame SORONDO, Conseiller

Madame PACTEAU,Conseiller

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

S.A.S. WURTH FRANCE prise en la personne de son représentant légal, en exercice audit siège

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Maître LARTIGAU, avocat au barreau de MONT-DE-MARSAN et Maître EDER, avocat au barreau de STRASBOURG

INTIME :

Monsieur [Z] [E]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Maître PIAULT, avocat au barreau de PAU et Maître HAZERA, avocat au barreau de DAX,

sur appel de la décision

en date du 15 SEPTEMBRE 2020

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE DAX

RG numéro : 19/00134

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [Z] [E] a été embauché le 18 septembre 2006 par la société Wurth France en qualité de VRP exclusif, suivant contrat à durée indéterminée.

La représentation et la vente en clientèle des produits et articles commercialisés par la société Wurth France, division « VL » lui ont été confiées sur le secteur géographique du département des Landes.

Le 24 juillet 2018, il a démissionné et demandé à être dispensé d'exécuter son préavis, ce que la société Wurth France a refusé en indiquant qu'il restait redevable d'une créance d'un montant évalué provisoirement à 9.951,88 € et correspondant à la contre-valeur des marchandises non-restituées dont il avait assuré la reprise.

Le 21 septembre 2018, la société Wurth France a accepté de dispenser M. [Z] [E] de l'exécution de la fin de son préavis et lui a rappelé qu'il restait redevable de la créance correspondant à la contre-valeur des marchandises non-restituées dont il avait assuré la reprise.

Le 15 mars 2019, la société Wurth France a saisi la juridiction prud'homale.

Par jugement du 15 septembre 2020, le conseil de prud'hommes de Dax a notamment':

- débouté la société Wurth France de l'ensemble de ses demandes,

- condamné la société Wurth France à payer à M. [Z] [E] le salaire de la période du 1er septembre 20l8 au 21 septembre 20l8, soit 1 120,80 € dans un délai de 30 jours suivant la notification de ce jugement,

- débouté M. [Z] [E] de sa demande du paiement du solde de l'épargne salariale par la société Wurth France,

- débouté la société Wurth France de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

- laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens.

Le 15 octobre 2020, la société Wurth France a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 12 septembre 2022, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, la société Wurth France demande à la cour de :

- I - sur appel principal,

- déclarer son appel recevable, régulier et bien fondé,

- en conséquence :

- réformer le jugement entrepris en tant qu'il l'a déboutée de ses revendications financières,

- en conséquence, statuant à nouveau

- condamner M. [Z] [E] à lui payer la somme globale de 11'554,69 € correspondant à la contre-valeur des marchandises conservées par-devers lui et dont il n'a pas assuré le retour auprès d'elle à concurrence d'un montant de 11'549,53 € retranché de la somme de 75,67'€ correspondant à la retenue d'ores et déjà opérée par l'employeur sur son bulletin de paie au titre du mois de mai 2018, ainsi qu'à la somme de 81,83'€ correspondant à la prise de carburant illicite effectuée en date du 14 août 2018,

- condamner, en outre, M. [Z] [E] aux entiers frais et dépens afférents aux deux instances,

- condamner, enfin, M. [Z] [E] à lui payer une somme de 2'500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- II - sur appel incident :

- rejeter l'appel incident de M. [Z] [E],

- débouter M. [Z] [E] de toutes ses revendications et autres prétentions.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 10 août 2022, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, M. [Z] [E] demande à la cour de':

sur la demande de condamnation à la somme de 11.554,69 €,

- à titre principal,

- confirmer le jugement entrepris en tant qu'il a débouté la société Wurth France de sa demande de condamnation à la somme de 11'554,69 €,

- dire nulle la clause 10.8 du contrat de travail,

- dire inopposable la clause 10.8 du contrat de travail,

- dire mal fondée la demande de paiement, [en '] ce qu'une demande de paiement de paiement est formulée par la société Wurth France et pas de compensation,

- rejeter la demande de paiement, la société Wurth France ne rapportant pas la preuve qu'elle est fondée,

- à titre subsidiaire,

- ramener la condamnation à la somme de 6 002,07 € TTC déduction faite des sommes suivantes':

- 785,30 € (avoir après la rupture du contrat de travail),

- 451,68 € (avoir après la rupture du contrat de travail),

- 4 280 € (marchandises retournées avec bons de transporteur),

- 35,64 € (frais de gestion et TVA facture carburant),

sur la demande de paiement de 315,83 € au titre de la participation,

- réformer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de condamnation au titre de l'épargne salariale,

- en conséquence statuant à nouveau,

- condamner la société Wurth France au versement de la somme de 315,83 €,

- y rajoutant

- condamner la société Wurth France aux intérêts de retard égal à 1,33 fois le taux moyen de rendement des obligations des sociétés privées publié par le ministre chargé de l'économie depuis la demande faite le 29 octobre 2019 et ce, sur le fondement de l'article D. 3324-21-2 du code du travail,

- y rajoutant,

- ordonner le versement de la somme principale et des intérêts sous astreinte de 50 € par jour de retard et ce, sur le fondement de l'article 131-1 du code de procédure civile d'exécution,

sur le versement du salaire couvrant la période du 1er au 21 septembre 2018,

- l'employeur s'étant exécuté au jour de la plaidoirie devant le conseil de prud'hommes, dire qu'il n'y a plus lieu de l'ordonner,

- reconventionnellement,

- condamner, la société Wurth France [à verser] une somme de 1 000 € à son profit et 500 € d'amende au profit de l'État.

- condamner, la société Wurth France, une somme de 3 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Wurth France aux dépens de 1ère instance et d'appel.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Attendu que conformément aux articles L.3251-1 et 2 du code du travail l'employeur ne peut opérer une retenue de salaire pour compenser des sommes qui lui seraient dues par un salarié pour fournitures diverses, quelle qu'en soit la nature';

Que par dérogation une compensation entre le montant des salaires et les sommes qui seraient dues à l'employeur peut être opérée dans les cas suivants':

outils et instruments nécessaires au travail,

matières ou matériaux dont le salarié a la charge et l'usage,

sommes avancées pour l'acquisition de ces mêmes objets';

Attendu que cependant la responsabilité pécuniaire du salarié à l'égard de son employeur ne peut résulter que de sa faute lourde, même en ce qui concerne le droit à compensation prévu à l'article susvisé';

Attendu que le contrat de travail signé entre les parties mentionne en son article 10.8 «'le représentant suivra pour le compte de la société Wurth France l'exécution des ordres passés par les clients et s'engage à contribuer à l'aplanissement de toutes les difficultés commerciales et de tous litiges pouvant survenir avec la clientèle de son secteur. En cas de retard dans les paiements, il entreprendra toutes démarches auprès des clients défaillants et fournira tous renseignements utiles sur leur situation, la société Wurth France se réservant toutefois le droit de régler directement tout litige en cas de défaillance du représentant. Comme indiqué ci-dessus, le représentant devra veiller à ne pas mettre la société Wurth France en rapport avec des clients notoirement ou manifestement insolvables. De convention expresse, les litiges déclarés imputables à la négligence du représentant sont constitutifs de faute professionnelle grave. Les retours de marchandises occasionnés par ces litiges ou contestations de la clientèle doivent être effectués par le représentant dans les plus brefs délais. A défaut, le représentant sera considéré comme ayant conservé la garde et l'usage des marchandises non retournées donnant lieu à facturation directe par la société Wurth France'»';

Attendu qu'il est reproché au salarié de ne pas avoir fait retour d'un certain nombre de marchandises à la société alors même que des avoirs ont été payés aux différents clients';

Attendu qu'il résulte de la lecture attentive de la clause susvisée que le salarié est considéré, du fait du non retour des marchandises par le client en cas de contestation ou litige, comme ayant conservé la garde et l'usage des marchandises non retournées';

Qu'en indiquant spécifiquement que le prix des marchandises non retournées doit être payé par le représentant, cette clause prévoit explicitement une responsabilité pécuniaire du salarié à l'égard de son employeur';

Qu'en effet l'article 10.8 susvisé fait peser sur le salarié les conséquences d'un litige entre le client et l'employeur sans exiger que la réalité du non retour par le client soit avérée';

Attendu que cette clause, insérée au contrat de travail, entraîne sans contestation possible une sanction financière à l'encontre du salarié';

Attendu que l'employeur a adressé un courrier au salarié en date du 21 septembre 2018 mettant un terme au délai-congé au 21 septembre et, concernant non retour de certaines marchandises précisant les éléments suivants «'nous vous prions également de restituer en notre siège à [Localité 3], dès réception de la présente ou au plus tard le 28 septembre au service retours les marchandises reprises en clientèle, les échantillons, le matériel de démonstration, les mises à disposition. Par ailleurs vous voudrez bien contact avec Mme [G], gestion des avoirs, afin de convenir avec elle du règlement de la créance de 9551,88 euros qui est en souffrance sur votre compte personnel, constitutif d'une faute personnelle lourde qui donnera lieu à poursuites judiciaires. Si, au 30 septembre 2018 votre situation personnelle n'est pas soldée, nous nous verrions contraints de déduire la valeur de ces marchandises des éléments de rémunération restant à vous devoir'»';

Attendu que les écritures de l'employeur devant la cour n'évoquent nullement dans les motifs ou le dispositif l'existence d'une faute lourde permettant une sanction financière du salarié';

Qu'il est seulement indiqué que le salarié «'s'est singularisé au sein de la société en adoptant un comportement incompatible avec l'éthique commerciale par des pratiques singulières et inhabituelles dans leur répétition et leur fréquence'» ou '«'il s'est délibérément affranchi de la procédure de retour qu'il connaissait parfaitement dès lors que dès mars 2012 il méconnaissait et s'affranchissait du process de retour comme le confirme le courriel de la société du 23 octobre 2018'»';

Attendu que l'employeur, à l'appui des manquements allégués du salarié, produit au dossier concernant les opérations dites litigieuses les factures correspondant aux commandes passées ainsi que les avoirs équivalents à la marchandise reprise';

Aucun élément ne permet de cerner si ces absences de retour de marchandises sont imputables aux clients ou au salarié ;

Que la seule production du tableau récapitulatif du droit à créance de la société est totalement insuffisant pour caractériser le manquement de Monsieur [E] concernant le retour des marchandises ayant fait l'objet d'un avoir ;

Attendu que concernant la prise de carburant alléguée comme illicite selon facture du mois d'octobre 2018, celle-ci à, même possiblement caractérisée en sa matérialité ne peut révéler une intention de nuire du salarié';

Attendu que compte tenu de ces éléments c'est à juste titre que le conseil de prud'hommes a débouté l'employeur de sa demande de ce chef';

Que le jugement déféré sera confirmé par substitution motifs en ce qu'il a débouté l'employeur de sa demande de paiement de la somme de 11'549,53 €';

Sur la demande au titre de l'amende civile

Attendu que conformément à l'article 32-1 du code de procédure civile celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10'000 €, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés';

Attendu que l'employeur n'a fait qu'user de son droit d'agir en justice en cause d'appel sans que soit caractérisé un quelconque abus';

Que le salarié sera donc débouté de cette demande';

Sur les mesures accessoires

Attendu que la SAS Wurth France qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel';

Attendu qu'il apparaît équitable en l'espèce d'allouer au salarié la somme de 1800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel';

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement contradictoirement par arrêt mis à disposition rendu en dernier ressort,

CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Dax en date du 15 septembre 2020 sauf en ce qui concerne les dépens';

Et statuant à nouveau et y ajoutant,

DEBOUTE Monsieur [Z] [E] de sa demande sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile';

CONDAMNE la SAS Wurth France aux entiers dépens et à payer à Monsieur [Z] [E] la somme de 1800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel

Arrêt signé par Madame CAUTRES, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/02373
Date de la décision : 09/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-09;20.02373 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award