AC/SB
Numéro 23/519
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 09/02/2023
Dossier : N° RG 21/00401 - N° Portalis DBVV-V-B7F-HYQU
Nature affaire :
Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail
Affaire :
[K] [O]
C/
E.U.R.L. L'OCEAN 40
Grosse délivrée le
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 09 Février 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 09 Novembre 2022, devant :
Madame CAUTRES-LACHAUD, Président
Madame SORONDO, Conseiller
Madame ESARTE, Magsitrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
assistées de Madame LAUBIE, Greffière.
Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
Madame [K] [O]
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Maître RODOLPHE de la SELARL MAGELLAN AVOCATS, avocat au barreau de DAX
INTIMEE :
E.U.R.L. L'OCEAN 40
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Maître CANLORBE de la SELARL HEUTY LONNE CANLORBE, avocat au barreau de MONT-DE-MARSAN
sur appel de la décision
en date du 21 JANVIER 2021
rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE DAX
RG numéro : 19/00111
EXPOSÉ DU LITIGE
Après un contrat à durée déterminée du 18 janvier 2014 au 9 mars 2014, Mme [K] [O] a été embauchée le 10 avril 2014 par la société l'Océan 40 en qualité d'employée libre-service, statut employé, niveau 1A, suivant contrat à durée indéterminée à temps partiel régi par la convention collective nationale du commerce de détail de fruits et légumes, épicerie et produits laitiers.
À compter de juin 2018, elle a été placée en arrêt de travail.
Le 1er octobre 2018, le médecin du travail l'a déclarée inapte au poste et a indiqué que son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.
Le 26 octobre 2018, elle a été licenciée pour inaptitude.
Le 9 octobre 2019, elle a saisi la juridiction prud'homale.
Par jugement du 21 janvier 2021, le conseil de prud'hommes de Dax a notamment':
- dit qu'il n'ordonne pas la fourniture de l'ensemble des plannings à compter du 7 novembre 2016,
- débouté Mme [K] [O]':
* du rappel d'heures supplémentaires,
* du rappel de congés payés,
* de l'indemnité de travail dissimulé,
* des dommages et intérêts pour manquement à la sécurité et à la santé,
* des dommages et intérêts pour non-respect de la législation relative à la durée du travail et au temps de repos et des congés payés,
* des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* de l'indemnité compensatrice de préavis,
* du versement de l'article 700 du code de procédure civile,
* des sommes à intérêt au taux légal,
* de l'exécution provisoire,
* de la remise sous astreinte des documents de fin de contrat,
- condamné Mme [K] [O] à verser à la société l'Océan 40 la somme de 350 € au titre de l'article de 700 du code de procédure civile,
- condamné Mme [K] [O] aux entiers dépens de la procédure.
Le 9 février 2021, Mme [K] [O] a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 7 mai 2021, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, Mme [K] [O] demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- en conséquence,
- ordonner à la société l'Océan 40 de fournir l'ensemble des plannings sur la période non couverte par la prescription, soit à compter du 7 novembre 2016,
- condamner la société l'Océan 40 à lui verser les sommes suivantes':
* rappels d'heures supplémentaires et congés payés afférents pour mémoire': rappels d'heures supplémentaires réalisées avant l'ouverture ou après la fermeture du magasin : 2'466,75 € bruts et congés payés afférents : 246,67 €,
* congés payés non pris et pourtant déduits des bulletins de paie : 2'526,83 € bruts,
* indemnité pour travail dissimulé': 9'218,52 €,
* dommages et intérêts pour manquement à la sécurité et à la santé': 3'000 €,
* dommages et intérêts pour non-respect de la législation relative à la durée du travail et au temps de repos et de congés payés': 3'000 €,
* dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse': 7682,10 €,
* indemnité compensatrice de préavis': 3'072,84 €,
* congés payés sur indemnité compensatrice de préavis': 307,28 €,
* article 700 du code de procédure civile': 2'000 €,
- dire que ces sommes porteront intérêt au taux légal,
- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir,
- ordonner la remise sous astreinte de 50 € par jour de retard des documents de fin de contrat rectifiés.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 28 juillet 2021, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, la société l'Océan 40 demande à la cour de':
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- y ajoutant,
- condamner Mme [K] [O] au paiement de la somme de 2'000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 10 octobre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande au titre des heures supplémentaires
Attendu qu'il convient de constater que Mme [O] sollicite des rappels de salaire à compter du 7 novembre 2016, soit une période pendant laquelle elle a fait l'objet d'un contrat à durée indéterminée à temps partiel ensuite porté ';
Attendu que le contrat de travail à temps partiel a été signé par les parties le 4 avril 2014 et a fait l'objet de plusieurs avenants modifiant la durée de travail';
Attendu qu'au vu de la période couverte par la demande de la salariée, soit du 7 novembre 2016 à la rupture de son contrat de travail le 26 octobre 2018, Mme [O] bénéficiait des dispositions contractuelles suivantes sur le temps de travail':
une durée hebdomadaire de travail de 30 heures par semaine répartie du lundi au dimanche';
la possibilité de réaliser des heures complémentaires dans la limite de 3 heures par semaine';
Attendu qu'aux termes de l'article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié';
Que le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles';
Attendu que si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments';
Que lorsqu'il retient l'existence d'heures supplémentaires, le juge évalue souverainement, sans être tenu de détail de son calcul, l'importance de celles-ci et les créances salariales s'y rapportant';
Attendu que Mme [O] expose qu'elle a accompli de nombreuses heures supplémentaires non rémunérées';
Attendu qu'elle produit notamment':
ses bulletins de salaire ;
un courrier adressé à l'employeur en date du 28 juin 2018 aux termes duquel elle se plaint de ses conditions de travail et notamment quant au nombre d'heures réalisées par semaine différent selon chaque semaine, son travail le dimanche, le non respect des temps de repos';
un certain nombre d'autres courriers de plainte de la salariée concernant ses conditions de travail';
une attestation de Mme [P] qui indique «'atteste avoir vu Mme [O] au Spar de [Localité 2] du lundi au dimanche, année entière, jours fériés inclus'»;
une attestation de Mme [L] qui indique «'étant cliente du magasin Spar atteste que l'employée [O] était présente à chacun de mes passages (tous les jours) de l'année. Avec une telle présence j'ai pensé qu'elle était la patronne du magasin'»';
une attestation de Mme [T] qui fait état «'atteste avoir travaillé avec Mme [O] au Spar de [Localité 2]. J'ai vu une employée collègue consciencieuse, formant les apprentis avec toute sa patience, n'hésitant pas à travailler les week-ends et les jours fériés. ...En tant qu'ancienne cliente j'ai toujours vu Mme [O] à son poste, me demandant parfois si cette femme prenait parfois des congés'»';
une attestation de M. [S] qui indique «'atteste être un client du Spar et j'ai pu constater que Mme [O] était bien présente sur son poste de travail très souvent les jours fériés ainsi que les dimanches tout au long de l'année toute la journée'»';
des bordereaux chronospost faisant état de la réception par Mme [O] les 14 et 15 septembre 2017';
un certain nombre de SMS';
le listing des jours fériés travaillés';
Attendu qu'il résulte de tous ces éléments que cette dernière ne produit aucun décompte des heures supplémentaires non rémunérées ni d'autres éléments pertinent sur les dépassements d'horaires avant l'ouverture et après la fermeture du magasin';
Qu'elle ne peut se contenter de solliciter la communication des planning conservés par l'employeur';
Qu'elle ne produit donc pas d' éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'elle prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments et sera donc déboutée de sa demande de ce chef';
Que le jugement déféré sera confirmé sur ce point';
Sur la demande au titre des dommages et intérêts pour non respect du temps de repos
Attendu qu'il convient de rappeler que la preuve du respect par l'employeur des seuils et plafonds concernant les durées minimales de repos incombe à l'employeur';
Attendu que l'employeur ne produit au dossier aucun planning de travail de la salariée mais seulement en pièce 12 un courrier de l'inspecteur du travail en date du 10 octobre 2017';
Que ce courrier constitue les suites d'une visite de l'inspecteur du travail sur site réalisée le 25 septembre 2017 et indique expressément «'j'ai souhaité m'informer avec précision du respect des durées maximales quotidiennes ou hebdomadaires de travail, de l'attribution des repos hebdomadaires, du repos quotidien, de la réglementation spécifique relative aux jeunes travailleurs, de la réglementation relative aux heures supplémentaires. Or lors de mon contrôle vous n'avez pu me présenter que les 4 derniers plannings de décompte des heures de travail. Vous m'avez déclaré de ne pas les garder au delà d'un mois'»';
Attendu que ce courrier ne mentionne nullement un irrespect, au vu des plannings fournis, des dispositions légales quant aux temps de repos';
Attendu que l'inspecteur du travail relève, dans le corps du courrier susvisé que «'le magasin est ouvert 7 jours sur 7 de 8 heures à 21 heures'» et non de 7 heures à 21 heures comme spécifié par la salariée';
Que le planning produit par la salariée mentionne d'ailleurs un début de service à 8 heures';
Attendu que l'inspecteur du travail relève enfin dans son courrier que «' tous les salariés sont appelés à travailler par roulement une fois par mois le dimanche après-midi'»';
Que cependant ce point ne permet pas de caractériser le fait que la salariée n'a pas bénéficié du temps de repos légal';
Attendu que le manquement de l'employeur sur ce point n'est donc pas suffisamment caractérisé';
Que Mme [O] sera donc débouté de sa demande de ce chef, le jugement déféré devant être confirmé sur ce point';
Sur la demande au titre du travail dissimulé
Attendu que l'article L 8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l'article L 8221-3 du même code relatif à la dissimulation d'activité ou exercé dans les conditions de l'article L 8221-5 du même code relatif à la dissimulation d'emploi salarié';
Que l'article L 8221-5 dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli';
Que toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle';
Attendu qu'aucun élément pertinent ne permet d'établir que l'employeur a intentionnellement dissimulé des heures de travail réalisées par Mme [O]';
Attendu que c'est donc par une très exacte appréciation du droit applicable aux éléments de l'espèce que les premiers juges ont débouté la salariée de cette demande de ce chef';
Que le jugement déféré sera confirmé sur ce point';
Sur le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité et l'exécution déloyale du contrat de travail
Attendu que Mme [O] a été déboutée se ses demandes concernant les heures supplémentaires, le non respect des temps de repos et le travail dissimulé comme il a été dit plus haut';
Qu'aucune déloyauté ni manquement à l'obligation de sécurité ne peut donc être retenu, Mme [O] se contentant de soutenir les mêmes moyens que ceux développés à l'appui des demandes déjà analysées';
Attendu que même si les pièces médicales produites au dossier permettent de relever que Mme [O] a été traitée pour un syndrome dépressif, elle sera donc déboutée de sa demande de ce chef, le jugement déféré devant être confirmé sur ce point';
Sur le licenciement
Attendu que le moyen au soutien d'un licenciement abusif par la salariée est le manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur';
Que Mme [O] ayant été déboutée de sa demande au titre du manquement de l'employeur sur ce point, son licenciement est bien fondé, le jugement déféré devant être confirmé quant au débouté de la salariée des demandes de ce chef';
Sur les demandes accessoires
Attendu que la salariée qui succombe, devra supporter les dépens de première instance et d'appel';
Attendu qu'il apparaît équitable en l'espèce de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles non compris dans les dépens d'appel';
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement contradictoirement par arrêt mis à disposition rendu en dernier ressort,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de Dax en date du 21 janvier 2021';
Et y ajoutant,
CONDAMNE Mme [K] [O] aux dépens d'appel et DIT n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
Arrêt signé par Madame CAUTRES-LACHAUD, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,