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09/02/2023 | FRANCE | N°21/00699

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 09 février 2023, 21/00699


TP/SB



Numéro 23/518





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 09/02/2023







Dossier : N° RG 21/00699 - N° Portalis DBVV-V-B7F-HZNC





Nature affaire :



Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail









Affaire :



[O] [Z]



C/



S.A.R.L. AMBULANCES DES ETOILES









Grosse délivrée le

à :


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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 09 Février 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa...

TP/SB

Numéro 23/518

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 09/02/2023

Dossier : N° RG 21/00699 - N° Portalis DBVV-V-B7F-HZNC

Nature affaire :

Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail

Affaire :

[O] [Z]

C/

S.A.R.L. AMBULANCES DES ETOILES

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 09 Février 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 07 Décembre 2022, devant :

Madame PACTEAU, magistrat chargé du rapport,

assistée de Madame LAUBIE, greffière.

Madame [Y], en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :

Madame CAUTRES, Présidente

Madame PACTEAU, Conseiller

Madame ESARTE, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

Madame [O] [Z]

née le 04 Octobre 1993 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 4]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2021/3026 du 28/05/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PAU)

Représentée par Maître LIPSOS-LAFAURIE de la SCP TANDONNET - LIPSOS LAFAURIE, avocat au barreau de TARBES

INTIMEE :

S.A.R.L. AMBULANCES DES ETOILES

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Maître CHAUMONT de la SELARL JUDICONSEIL AVOCATS, avocat au barreau de TARBES

sur appel de la décision

en date du 22 FEVRIER 2021

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE TARBES

RG numéro : 18/00181

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [O] [Z] a été embauchée le 3 novembre 2017 par la société Ambulances des étoiles en qualité d'auxiliaire d'ambulancier, suivant contrat à durée déterminée pour une durée de 3 mois.

Le contrat de travail a été renouvelé pour une durée de 6 mois, jusqu'au 1er août 2018 et finalement transformé en contrat à durée indéterminée par avenant du 1er mars 2018.

À compter du 11 juillet 2018, Mme [O] [Z] a été placée en arrêt de travail.

Le 12 octobre 2018, le médecin du travail l'a déclarée inapte à tout poste dans l'entreprise et a indiqué que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé.

La société Ambulances des étoiles a demandé au médecin du travail de reconsidérer sa décision compte tenu de l'arrêt de travail toujours en cours.

Le 14 novembre 2018, le médecin du travail a maintenu sa décision d'inaptitude.

Mme [O] [Z] a été licenciée pour inaptitude par courrier en date du 27 décembre 2018 envoyé le lendemain.

Estimant avoir subi du harcèlement moral de la part de son employeur, elle a saisi la juridiction prud'homale par requête déposée le 17 octobre 2018 aux fins d'obtenir des dommages et intérêts ainsi que le paiement d'heures supplémentaires.

Par jugement du 22 février 2021, le conseil de prud'hommes de Tarbes a notamment':

- dit que le licenciement de Mme [O] [Z] pour inaptitude prononcé à son encontre est fondé,

- débouté Mme [O] [Z] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions,

- débouté la société Ambulances des étoiles de sa demande de paiement de 5 000 € pour procédure abusive ainsi qu'au paiement de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné en tant que de besoin la remise par la société Ambulances des étoiles du bulletin de salaire du mois de mai 2018 à Mme [O] [Z] sans astreinte,

- dit que les dépens seront à la charge du demandeur.

Le 4 mars 2021, Mme [O] [Z] a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 15 novembre 2021, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, Mme [O] [Z] demande à la cour de :

- déclarer Mme [O] [Z] recevable et bien fondée en ses demandes.

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que son licenciement pour inaptitude est fondé et l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- statuant à nouveau,

- dire que son licenciement pour inaptitude par la société Ambulances des étoiles est sans cause réelle et sérieuse,

- en conséquence,

- condamner la société Ambulances des étoiles à lui payer la somme de 5'000 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Ambulances des étoiles à lui payer la somme de 2'000 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral,

- condamner la société Ambulances des étoiles à lui payer la somme de 2'000 € de dommages et intérêts au titre du manquement à l'obligation de sécurité de résultat,

- condamner la société Ambulances des étoiles à lui payerles sommes suivantes :

* 1'622,85 € au titre des heures supplémentaires,

* 162,28 € au titre des congés payés sur les heures supplémentaires,

* 1'762,38 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 176,23 € de congés payés sur préavis,

* 1'116,17 € au titre du salaire de novembre 2018,

* 111,61 € au titre des congés payés sur salaires,

- ordonner la remise par la société Ambulances des étoiles des documents de fins de contrat [suivant] rectifiés, sous astreinte de 200 € par jour de retard :

* attestation Pôle Emploi,

* certificat de travail,

* reçu pour solde de tout compte,

* bulletins de paie,

- ordonner la remise par la société Ambulances des étoiles du bulletin de paie de mai 2018, sous astreinte de 200 € par jour de retard.

- débouter la société Ambulances des étoiles de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à son encontre,

- débouter la société Ambulances des étoiles de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- condamner la société Ambulances des étoiles à lui payer la somme de 3'000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la même aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 16 août 2021 auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, la société Ambulances des étoiles demande à la cour de':

- débouter Mme [O] [Z] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêt et de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- statuant de nouveau :

- condamner Mme [O] [Z] au paiement de la somme de 5 000 € à titre de juste dommages et intérêts,

- condamner Mme [O] [Z] au paiement de la somme de 6 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure devant le conseil de prud'hommes et l'instance d'appel,

- confirmer le jugement en toutes ses autres dispositions,

- condamner Mme [O] [Z] aux entiers frais et dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 7 novembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les heures supplémentaires

Mme [Z] a été engagée pour travailler à temps complet selon l'horaire légal de 35 heures hebdomadaires, soit 151,67 heures par mois. A compter du 1er janvier 2018, elle travaillait et était rémunérée pour une durée de 169 heures de travail par mois, soit 39 heures par semaine.

Elle affirme ne pas avoir été payée de toutes les heures supplémentaires réalisées.

Il résulte, en la matière, des dispositions de l'article L.3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Au soutien de sa demande, Mme [Z] produit un décompte des heures réalisées semaine par semaine, entre le 3 novembre 2017 et le 8 juillet 2018, ainsi que les bulletins de salaire relatifs à cette période et les feuilles de route hebdomadaires. Elle verse également aux débats les procès-verbaux de la procédure pénale diligentée après sa plainte du 12 septembre 2018 pour faux et harcèlement moral à l'encontre de la société Ambulances des étoiles, au cours de laquelle plusieurs salariés ont été entendus et affirment qu'ils faisaient des heures supplémentaires non payées.

Ces éléments sont suffisamment précis pour que l'employeur puisse répondre utilement à la demande présentée par Mme [Z].

Ce dernier affirme avoir payé toutes les heures supplémentaires réalisées par Mme [Z], telles qu'elles résultent des feuilles de route signées par lui-même et sa salariée.

L'examen des pièces versées montre que les feuilles de route produites par Mme [Z] ne sont contresignées de l'employeur qu'à compter de la semaine 5 de 2018.

Les heures relevées à partir de cette semaine 5, et le cas échéant rectifiées par l'employeur pour prendre en compte les temps de pause, ont fait l'objet de règlements au titre des heures supplémentaires conformément aux mentions qui y étaient apposées.

Pour les mois précédents, Mme [Z] a également perçu des règlements au titre des heures supplémentaires, notamment en janvier et février 2018, pour un quantum similaire aux mois suivants.

Mme [Z] affirme que sa signature a été imitée sur plusieurs feuilles de route ce que la procédure pénale mise en 'uvre à ce sujet n'a pas permis d'établir. Au contraire, il est apparu que les signatures portées sur les originaux étaient bien faites de sa main.

A l'examen des pièces produites, la cour a acquis la conviction que Mme [Z] avait réalisé des heures supplémentaires au cours de la relation de travail mais que celles-ci lui ont été régulièrement payées.

Sa demande en paiement d'un complément d'heures supplémentaires sera en conséquence rejetée.

La décision déférée sera confirmée de ce chef.

Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

En vertu de l'article L.1152-3 du même code, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions ci-dessus, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Il incombe alors à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, Mme [Z] se plaint de propos déplacés et humiliants de la part de son employeur, de messages téléphoniques et sms sollicitant des interventions en dehors des horaires de travail prévus et à des horaires indus, de la contrainte de son employeur d'attester contre deux de ses collègues, du paiement irrégulier de ses salaires la plaçant dans une grande angoisse et de la réalisation de nombreuses heures supplémentaires sans aucun respect ni des horaires de travail, ni des jours de repos.

Elle verse les pièces suivantes ':

le relevé d'heures supplémentaires et les feuilles de route évoqués ci-dessus,

un état manuscrit des dates de paiement des salaires qui fait état du paiement des salaires de décembre 2017, janvier, mars, avril et mai 2018 le mois suivants, en plusieurs versements, dont l'auteur n'est pas identifié

un certificat médical en date du 1er août 2018 établi par le Dr [T] [E], médecin du travail rencontré à l'initiative de Mme [Z], qui indique que cette dernière présente un syndrome anxio dépressif sévère en lien avec une surcharge de travail, dans un contexte relationnel délétère. Le médecin précise qu'elle ne pourra pas reprendre son poste et qu'elle s'oriente vers une inaptitude.

un certificat médical en date du 11 septembre 2018 établi par le Dr [D] [L], psychiatre rédigé comme suit': «'souffrance psychique majeure avec réaction anxio-dépressive en cours de (illisible). La patiente explique cet état par le contexte professionnel dans lequel elle évolue...'»

l'acte de décès de son père le 10 février 2018,

l'attestation de [I] [R], non accompagnée de la pièce d'identité et dont il n'est pas précisé la fonction, qui témoigne ainsi': «'un vendredi du mois de mars 2018, nous avions ordre de prendre le véhicule Renault Trafic surnommé (mulet) (') Nous n'avions pas un sous ni de télépéage. Nous avons donc (') pris la nationale avec accord du régulateur. Sur le retour en charge avec la patiente, la patronne nous a appelé énervée comme quoi il était inadmissible de ne pas avoir d'argent. Hors les salaires étant toujours en retard et pas encore virés nos comptes en négatifs ne nous permettaient pas d'avancer les frais. Cette dernière étant en furie nous à hurler que nous étions virés et à raccrochée.'»

un relevé manuscrit de sms, messages vocaux et appels entre mai et juillet 2018, provenant d'un numéro attribué à «'[H]'», document dont l'auteur n'est pas identifié

le courrier en date du 23 juillet 2018 qu'elle a envoyé à son employeur, avec une copie pour l'inspection du travail, pour demander à celui-ci de lui fournir les feuilles de route qu'il ne lui avait plus communiquées depuis le mois de mars 2018, de lui payer les heures supplémentaires conformément à la loi et de lui recréditer deux jours de congés annuels à remplacer par des congés pour événement familial à la suite du décès de son père. Elle y indique que depuis le début du contrat son salaire ne lui est pas payé le 5 du mois comme prévu mais fractionné en plusieurs paiements après cette date. Elle ajoute qu'à chaque intervention où elle doit appeler son employeur, elle est constamment menacée de perdre son travail et que lui sont confiés des véhicules qui ne sont plus agréés par l'ARS, ce qui la met en infraction alors même qu'elle avait avisé son employeur de ce problème. Elle précise à son employeur': «'vous m'avez obligé à conduire ces véhicules me disant que c'était comme ça et que je n'avais pas le choix de refuser'».

la réponse de son employeur en date du 2 août 2018 qui débute par le fait que les termes du courrier de sa salariée l'ont «'heurté profondément'» et lui objecte que':

les relations entre eux ont toujours été de qualité, qu'ils avaient passé un week-end ensemble au [Localité 6],

il met son courrier en relation avec la subite démission d'un collègue, M. [C], qui travaillait pour lui alors qu'il était lié contractuellement à un concurrent,

l'absence d'agrément des véhicules et les prétendues menaces subies sont des affirmations fallacieuses et que tous les véhicules sont agréés,

les heures supplémentaires sont annualisées et que toutes les feuilles de route pour la période d'octobre à mars ont disparu de l'entreprise. Il l'invite à les lui retourner pour vérification et éventuel remboursement d'un reliquat qui lui serait dû.

pour le décès de son père, c'est par erreur que lui ont été imputés deux jours de congés annuels et que cela a été régularisé sur la paie du mois de juillet,

elle a reçu les feuilles de route depuis mars 2018 mais qu'elle en trouvera une copie jointe au courrier de réponse.

des justificatifs d'incidents de paiement pour des chèques émis en mars et avril 2018,

un récépissé de dépôt de plainte en date du 12 septembre 2018 pour faux et harcèlement moral à l'encontre de la société Ambulances des étoiles et une main courante du 16 août 2018 contre X pour harcèlement moral et dégradations sur son véhicule ainsi que sur sa boîte aux lettres, où elle précise qu'elle subissait une pression verbale de la part de [H] [X] à la suite du décès de son père en février 2018, qu'elle est en arrêt de travail depuis le 10 juillet 2018. Elle conclut qu'elle a des soupçons envers un employé des Ambulances des étoiles ou la fille de Mme [X] pour les dégradations.

une attestation de [J] [S] qui témoigne de ce que la SARL Ambulances des étoiles lui verse les salaires en deux fois sans demande de sa part depuis plus de trois ans et dans laquelle il certifie que d'autres employés de la société subissent les mêmes faits

l'attestation qu'elle a établie le 3 août 2018 pour indiquer que la lettre envers Messieurs [K] et [A] était un faux qu'elle avait rédigée à son domicile, un soir de week-end, à la demande de [P] [X], fille de ses employeurs, venue chez elle pour lui demander de l'écrire pour «'assurer leurs arrières en cas de procès au tribunal des prud'hommes'» concernant le licenciement des deux salariés. Elle y indique qu'elle n'était pas d'accord, qu'elle était manipulée pour la faire car [P] [X] lui disait qu'elle risquait de perdre son travail et que c'était risqué pour elle-même et l'entreprise. Elle précise qu'elle a recopié ce qu'avait écrit [P] [X] qui était en même temps au téléphone avec sa mère et que sa compagne était témoin de ceci.

l'avis d'inaptitude en date du 12 octobre 2018 avec dispense de l'obligation de reclassement en raison du fait que «'tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé'».

la lettre de licenciement en date du 27 décembre 2018 pour inaptitude et impossibilité de reclassement et les documents de fin de contrat

la procédure pénale intégrale à la suite de la plainte qu'elle a déposée le 12 septembre 2018 et qui a donné lieu à un classement sans suite au motif «'infraction insuffisamment caractérisée'», comportant les auditions de la plaignante, de M. et Mme [X] mis en cause et de salariés.

Il importe de relever que, précédemment, il a été mis en avant l'absence d'heures supplémentaires non rémunérées au préjudice de Mme [Z]. Cet élément ne peut donc être retenu comme laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral.

Concernant le document manuscrit intitulé relevé de messages téléphoniques et sms, dont l'auteur n'est pas identifié, il ne saurait être retenu à défaut d'être corroboré par d'autres éléments extérieurs à la salariée.

Mme [Z] ne produit pas d'autres éléments laissant supposer l'existence de propos déplacés et humiliants de son employeur à son égard': les seules déclarations d'autres salariés mettant en cause la personnalité de Mme [X] sont insuffisantes à caractériser une attitude désobligeante de cette dernière envers Mme [Z] personnellement.

Il subsiste les éléments médicaux et factuels relatifs à la contrainte de son employeur d'attester contre deux de ses collègues ainsi qu'au paiement irrégulier de ses salaires la plaçant dans une grande angoisse. Ce dernier point ne saurait constituer un fait de harcèlement moral, d'autant que les témoignages des autres salariés démontrent qu'il s'agissait d'une pratique courante au sein de la société Ambulances des étoiles.

Concernant la contrainte d'attester contre deux de ses collègues, Mme [Z] produit un seul document, une attestation qu'elle a elle-même produite alors qu'elle était en arrêt de travail et en désaccord avec son employeur auquel elle avait réclamé le paiement d'heures supplémentaires.

Si les éléments médicaux attestent de difficultés anxio-dépressives et qu'elle a été déclarée inapte avec impossibilité de reclassement puisque tout maintien dans l'entreprise serait préjudiciable à sa santé, Mme [Z] ne produit pas suffisamment d'éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement qui serait à l'origine de ses problèmes de santé.

De surcroît, il échet de constater que l'employeur démontre que Mme [X], à laquelle Mme [Z] impute des faits de harcèlement moral, était en arrêt de travail du 1er septembre 2017 au 30 septembre 2018, soit pendant la relation de travail ayant uni l'appelante à la société Ambulances des étoiles.

De plus, elle était hospitalisée en hospitalisation complète du 27 février 2018 au 31 mars 2018 ainsi qu'en témoigne le bulletin de situation établi par le centre hospitalier de [Localité 5], corroboré par le courrier du Dr JF Lareynie en date du 20 avril 2018. Les faits dénoncés pour le mois de mars 2018 ne peuvent donc être retenus à son encontre.

En conséquence de tous ces éléments, pris dans leur ensemble, la cour a la conviction qu'aucun fait de harcèlement moral ne peut être imputé à l'employeur de Mme [Z] qui sera donc déboutée de toutes ses demandes à ce titre, à savoir sa demande en dommage et intérêts pour harcèlement moral, de même que sa demande indemnitaire pour manquement à l'obligation de sécurité par l'employeur, auquel elle reproche de ne pas avoir mis un terme aux agissements de harcèlement moral qu'il ne pouvait ignorer.

Il importe à ce sujet de rappeler qu'à la suite des accusations de harcèlement moral imputé par Mme [Z] à l'encontre de deux collègues, Messieurs [K] et [A], et dénoncés précisément dans son courrier du 1er mai 2018, l'employeur justifie avoir procédé à leurs licenciements, par un courrier du 13 juin 2018, notamment pour ce motif de dénigrement d'autres salariés de l'entreprise.

Le jugement déféré sera en conséquence confirmé de ce chef

Sur le licenciement

Mme [Z] a fait l'objet d'un licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Elle a demandé que ce licenciement soit déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse en faisant valoir que son inaptitude est consécutive au harcèlement moral dont elle se disait victime.

Outre le fait que la sanction invoquée n'est pas fondée juridiquement puisqu'un licenciement consécutif à des faits de harcèlement moral encourt la nullité et non une absence de cause réelle et sérieuse ainsi que le prévoit l'article L.1152-3 du code du travail précité, il appert d'observer que Mme [Z] n'invoque aucun autre élément au soutien de la contestation de son licenciement.

Elle sera donc déboutée de sa demande que son licenciement soit déclaré sans cause réelle et sérieuse et des demandes en paiement subséquentes, à savoir l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents.

La décision querellée sera confirmée sur ces points.

Sur les autres demandes en paiement du salaire du mois de novembre 2018

L'article L.1226-4 du code du travail dispose que lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail.

Il est constant que lorsque le salarié a fait l'objet d'une déclaration d'inaptitude physique régulière par le médecin du travail, celle-ci met fin à la suspension du contrat, peu important la délivrance d'un nouvel arrêt de travail du médecin traitant.

En effet, quelle que soit l'origine de l'inaptitude et quelle que soit la nature du contrat de travail, l'employeur qui n'a ni reclassé ni licencié le salarié à l'issue d'un délai d'un mois après l'examen médical de reprise doit reprendre le versement du salaire correspondant à l'emploi qu'occupait le salarié avant la suspension de son contrat de travail jusqu'à la date de la rupture du contrat de travail. Ce délai d'un mois n'est pas suspendu par un nouvel arrêt de travail, postérieur à la déclaration d'inaptitude.

En l'espèce, après une visite de pré-reprise le 24 septembre 2018, le médecin du travail, après avoir pris contact avec l'employeur et revu la salariée, a rendu, le 12 octobre 2018, un avis d'inaptitude avec dispense de l'obligation de reclassement au motif que tout maintien de la salariée dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé.

C'est cette date qui doit être retenue de manière incontestable comme étant la déclaration d'inaptitude physique de Mme [Z], et non la réponse du médecin du travail à l'employeur dans un courrier du 14 novembre 2018 qu'il conclut en maintenant la décision notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 12 octobre 2018, ni même le nouvel avis d'inaptitude en date du 30 novembre 2018, à la suite de la cessation du dernier arêt de travail du 12 octobre 2018.

En effet, en application des règles ci-dessus, cet arrêt de travail n'a pas suspendu le délai d'un mois pour que l'employeur procède au licenciement de sa salariée déclarée inapte à tout poste.

Or, Mme [Z] n'a été ni reclassée, ni licenciée avant le 12 novembre 2018, de sorte que la société Ambulances des étoiles lui est redevable de son salaire à compter du 13 novembre 2018 et jusqu'à la rupture du contrat de travail, par courrier envoyé le 28 décembre 2018.

Il lui sera donc attribué, dans les limites de sa demande, la somme sollicitée de 1116,17 euros, outre 111,61 euros pour les congés payés y afférents.

La société Ambulances des étoiles sera donc condamnée à lui payer cette somme.

La décision des premiers juges sera infirmée sur ce point.

Sur les autres demandes

La société Ambulances des étoiles sollicite la somme de 5000 euros pour procédure abusive.

Il importe de rappeler que l'exercice d'une action en justice constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol.

En l'espèce, aucune de ces man'uvres n'est démontrée par la société Ambulances des étoiles à l'encontre de Mme [Z] dont la présente décision admet de surcroît le bien fondé d'une des demandes.

Les objections avancées par l'intimée au sujet des investigations dont elle a fait l'objet à la suite de la plainte de Mme [Z] ne sauraient être retenues alors même que, concernant l'irrégularité du paiement des salaires, l'appelante n'est pas la seule salariée à avoir dénoncé son employeur, ce qui entraînait de légitimes questions concernant la gestion de l'entreprise.

Il convient donc de débouter la société Ambulances des étoiles de sa demande et de confirmer le jugement déféré de ce chef.

Il convient par ailleurs d'enjoindre à la société Ambulances des étoiles de remettre à Mme [Z] les documents de fin de contrat et bulletins de salaires rectifiés conformément à la présente décision.

Il n'y a pas lieu en revanche d'ordonner une astreinte.

Mme [Z], qui succombe principalement à l'instance, devra en supporter les dépens.

Il serait en outre inéquitable de laisser à la charge de la société Ambulances des étoiles l'intégralité des frais irrépétibles qu'elle a dû engager pour sa défense. Il lui sera alloué la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile que Mme [Z] sera condamnée à lui payer.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Tarbes en date du 22 février 2021 sauf en ce qu'il a débouté Mme [O] [Z] d'une demande de rappel de salaire pour novembre 2018';

Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant':

CONDAMNE la société Ambulances des étoiles à payer à Mme [O] [Z] la somme de 1116,17 euros au titre du salaire de novembre 2018, outre 111,61 euros pour les congés payés y afférents';

ENJOINT à la société Ambulances des étoiles de remettre à Mme [O] [Z] les documents de fin de contrat et bulletins de salaire rectifiés conformément à la présente décision';

DIT n'y avoir lieu à astreinte';

CONDAMNE Mme [O] [Z] aux entiers dépens de l'instance';

CONDAMNE Mme [O] [Z] à payer à la société Ambulances des étoiles la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt signé par Madame CAUTRES, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00699
Date de la décision : 09/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-09;21.00699 ?
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