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27/04/2023 | FRANCE | N°21/01739

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 27 avril 2023, 21/01739


PS/EL



Numéro 23/01464





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 27/04/2023









Dossier : N° RG 21/01739 - N° Portalis DBVV-V-B7F-H4DI





Nature affaire :



Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail















Affaire :



[X] [A]



C/



S.A.S. LE FOURNIL DE [C]















Grosse délivrée le

à :













RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 27 Avril 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa ...

PS/EL

Numéro 23/01464

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 27/04/2023

Dossier : N° RG 21/01739 - N° Portalis DBVV-V-B7F-H4DI

Nature affaire :

Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail

Affaire :

[X] [A]

C/

S.A.S. LE FOURNIL DE [C]

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 27 Avril 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 18 Janvier 2023, devant :

Madame CAUTRES, Présidente

Madame SORONDO, Conseiller

Mme PACTEAU, Conseiller

assistées de Madame LAUBIE, Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

Madame [X] [A]

née le 30 Novembre 1987 à [Localité 4]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/3435 du 11/06/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PAU)

Représentée par Me BEDOURET, avocat au barreau de PAU

INTIMEE :

S.A.S. LE FOURNIL DE [C]

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me BARNECHE de la SELARL FABIENNE BARNECHE, avocat au barreau de PAU

sur appel de la décision

en date du 29 AVRIL 2021

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE PAU

RG numéro : 19/00171

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [X] [A] a été embauchée le 2 octobre 2017 par la société par actions simplifiée Le Fournil de [C] en qualité d'employée de terminal de cuisson, classification OE3, coefficient 155, suivant contrat à durée indéterminée régi par la convention collective nationale des activités industrielles de boulangerie et pâtisserie.

Le 14 décembre 2018, elle a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 26 décembre suivant et mise à pied à titre conservatoire.

Le 28 décembre 2018, elle a été convoquée à un entretien préalable à une éventuelle rupture conventionnelle et la mise à pied conservatoire a été levée.

Le 5 janvier 2019, les parties ont conclu une rupture conventionnelle.

Le 11 janvier 2019, Mme [X] [A] s'est rétractée.

Le 11 janvier 2019, elle a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 19 janvier suivant.

Le 23 ou le 24 janvier 2019, elle a été licenciée pour faute lourde.

Le 17 juin 2019, elle a saisi la juridiction prud'homale.

Par jugement du 29 avril 2021, le conseil de prud'hommes de Pau a :

- dit que Mme [X] [A] a commis une faute grave rendant impossible la poursuite de la relation de travail,

- dit que le licenciement pour faute grave du 23 janvier 2019 est bien fondé et valide,

- débouté Mme [X] [A] de l'intégralité de ses demandes,

- condamné Mme [X] [A] à payer 800 € à la société Le Fournil de [C] en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [X] [A] aux dépens.

Le 26 mai 2021, Mme [X] [A] a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 3 août 2021, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, Mme [A] demande à la cour de :

- infirmer le jugement de première instance en ce qu'il :

. a dit qu'elle a commis une faute grave rendant impossible la poursuite de la relation de travail,

. a dit que le licenciement pour faute grave du 23 janvier 2019 est bien fondé et valide,

. l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes,

. l'a condamnée à payer 800 € à la société Le Fournil de [C] en application de l'article 700 du code de procédure civile,

. l'a condamnée aux dépens,

- statuant à nouveau,

- juger que son licenciement est nul, et en tout état de cause dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- en conséquence,

- condamner la société Le Fournil de [C] à lui verser les sommes suivantes :

. indemnité de licenciement': 400,43 €,

. indemnité pour licenciement nul (6 mois de salaire)': 7.706,40 €,

. à titre subsidiaire, indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (2 mois)': 2.568,80 €,

. rappel de salaire sur préavis (1 mois)': 1.284,40 €,

. congés payés afférents': 128,44 €,

. rappel de salaire mise à pied du 15 au 30/12/2018': 642,20 €,

. rappel de salaire accident de travail du 10 au 12/12/2018': 148,20 €,

- ordonner l'exécution provisoire de l'ensemble de la décision au-delà de l'exécution provisoire de droit de l'article R.516-37 du code du travail nonobstant toutes voies de recours et sans caution,

- rappeler que les intérêts au taux légal courent de plein droit à compter de la saisine du conseil de prud'hommes sur les créances de nature salariale, en vertu de l'article 1153 du code civil et les faire courir à compter de cette date sur les créances de nature indemnitaire par application de l'article 1153-1 du code civil,

- ordonner la remise de l'attestation pôle emploi, les bulletins de salaire et du certificat de travail rectifiés conformément à la décision à intervenir sous astreinte de 20 € par jour de retard dans les 15 jours de la notification de la décision à intervenir,

- condamner la société Le Fournil de [C] à lui verser la somme de 3.500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Le Fournil de [C] aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 13 décembre 2022, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, la société Le Fournil de [C] demande à la cour de':

- la recevoir en ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement entrepris dans l'intégralité de ses dispositions, objet de l'appel,

- débouter Mme [A] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner Mme [A] à lui payer la somme de 3.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'exécution.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 19 décembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le licenciement

Mme [A] soutient que le licenciement est nul comme portant atteinte à une liberté fondamentale au motif qu'elle a été licenciée en raison d'une alerte faite à l'inspection du travail, et subsidiairement qu'il est sans cause réelle et sérieuse. L'employeur objecte que le contrôle de l'inspection du travail du 6 décembre 2018 n'a pas été invoqué comme grief et que les faits fautifs invoqués sont établis et caractérisent une faute grave.

En application de l'article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse. La cause réelle est celle qui présente un caractère d'objectivité et d'exactitude. La cause sérieuse suppose une gravité suffisante.

Aux termes de l'article L.1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement, le cas échéant complétée dans les conditions fixées par l'article R.1232-13 du même code, comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur.

Suivant l'article L.1232-5 du code du travail, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Il incombe à l'employeur d'en rapporter la preuve.

Suivant l'article L.1232-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

Dès lors que les faits sanctionnés ont été commis plus de deux mois avant l'engagement des poursuites disciplinaires, il appartient à l'employeur d'apporter la preuve qu'il n'en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l'engagement des poursuites. La prise en compte d'un fait antérieur à deux mois peut cependant intervenir s'il s'est poursuivi ou réitéré dans ce délai.

En application de l'article L.1121-1 du code du travail, nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché, et, suivant l'article L.1235-3-1 du même code, est nul le licenciement prononcé en violation d'une liberté fondamentale.

La lettre de licenciement est rédigée comme suit':

«'Nous avons eu à déplorer de votre part de nombreux agissements fautifs.

En effet':

Vous demandez à changer de plannings toutes les semaines, vous faites vos courses pendant vos heures de travail sur votre lieu de travail, vous vous préparez à manger sur votre lieu de travail, vous nous mentez à répétition.

Lors de visites inopinées au magasin, nous trouvons le four éteint et les pâtisseries sur les grilles en milieu d'après-midi.

Lors de notre dernier contrôle au magasin, il n'y avait pas de numéro sous les desserts, la dinde était moisie et les tomates fraîches étaient positionnées au-dessus des tomates pourries dont la rotation n'avait pas été faite.

Le 13 décembre 2018, vous n'avez pas fait le prorata en paninis.

Les clients réclamaient des paninis poulet curry, des paninis chèvre miel, des paninis trois fromages, des paninis chorizo chèvre'; il n'y en avait d'aucune sorte. En revanche 10 paninis burger se trouvaient en rayon. Vous avez donc fait des paninis sans même regarder ce qu'il y avait en rayon.

Le 14 décembre 2018, nous avons constaté que vous ne faisiez pas de prorata': 8 éclairs vanille sortis et il n'y avait pas de numéro sous les emballages.

Vous terminez vos journées en laissant les plateaux sales et vos collègues appréhendent de passer derrière vous.

Le 13 décembre 2018, vous recevez devant votre employeur un vendeur à l'étalage dans le magasin et faites vos cadeaux de Noël dans le magasin pendant votre temps de travail.

Vous insultez vos collègues et les associés de la société. Vous avez notamment envoyé un SMS à Mme [H] [V], associée de la société, la traitant de «'taré'».

Mme [F] [G], inspectrice du travail, est venue au magasin le 6 décembre 2019 [2018] dans l'après-midi pour s'assurer que les consignes qu'elle avait données lors de son premier passage étaient respectées. Lorsqu'elle vous demande si votre employeur vous a dit qu'il ne fallait pas toucher au tableau électrique, vous lui mentez en lui répondant que vous n'êtes pas au courant.

Le 3 janvier 2019, vous devez travailler de 6 h 30 à 13 h. Vous avez envoyé un message à votre employeur à 7 h 29 soit une heure après votre heure d'embauche en disant que vous ne pouviez pas venir travailler. Le magasin est donc resté fermé jusqu'à 9 h'!

Il vous est arrivé, plusieurs fois de m'appeler à 5 h 30 du matin pour m'avertir afin que nous puissions nous organiser'! Le magasin est resté fermé jusqu'à 9 heures'!

Vous ne vous êtes pas présentée à l'entretien auquel nous vous avions convié le 19 janvier 2019. Vous n'avez donc pas pu justifier les agissements fautifs les agissements d'une gravité exceptionnelle vous vous êtes rendue coupable et par lesquels vous avez volontairement tenté de nuire à l'entreprise. Nous vous informons que nous avons, en conséquence, décidé de vous licencier pour faute lourde.

Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien, même temporaire, dans l'entreprise s'avère impossible'; le licenciement prend donc effet immédiatement à la date du 24 janvier 2019, sans indemnité de préavis ni de licenciement.'»

Par ailleurs, Mme [A] justifie de la saisine de l'inspection du travail par la production d'un courrier que Mme [G], inspectrice du travail, lui a adressé le 21 décembre 2018 d'où il résulte :

- que, par courrier en date du 2 octobre 2018, elle a informé l'inspection du travail de conditions de travail dégradées au sein de l'entreprise, de l'ingérence de M. [U], se présentant comme «'le patron'» et se permettant de tenir des propos injurieux, de problèmes de durée du travail, de pressions de la part de la direction sur les salariés';

- que par communication téléphonique du 5 décembre 2018, elle a informé l'inspection du travail de dysfonctionnements concernant l'hygiène et la sécurité (installation électrique, extincteurs non vérifiés, absence de vestiaires, pas de sièges, tenues de travail non entretenues par l'employeur, utilisation de produits sans formation ni information et sans équipement de protection individuels...)';

- que Mme [G] a procédé à un contrôle le 6 décembre 2018 et a constaté l'absence de vérification des installations électriques, l'absence de vérification des moyens de lutte contre les incendies, l'absence de vestiaires et de sièges, le fait que les tabliers n'étaient pas entretenus par l'employeur, l'absence de données sur les produits utilisés et l'absence de fourniture d'équipements de protection individuelle adaptés, ainsi que, concernant la durée de travail, notamment l'absence de décompte de la durée du travail';

- que par mail du 6 décembre 2018, Mme [G] a indiqué à l'employeur que M. [U], qui n'était pas salarié et n'apparaissait pas sur aucun document officiel, n'avait pas à entrer en contact avec les salariés.

La lettre de licenciement n'énonce pas de grief tenant à la saisine de l'inspection du travail par Mme [A], étant observé que ce grief, constitutif d'une atteinte à la liberté fondamentale de témoigner, entraînerait la nullité du licenciement sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs. Par ailleurs, les pièces versées aux débats ne permettent pas de caractériser qu'à la date du licenciement, l'employeur savait que le contrôle de l'inspection du travail faisait suite aux démarches ci-dessus exposées de Mme [A]. Dès lors, il ne peut être déterminé que le licenciement est une mesure de rétorsion à la saisine de l'inspection du travail. Le licenciement n'est donc pas nul.

Il reste à examiner si le licenciement est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Mme [A] admet qu'elle a adressé à Mme [H] [V], directrice de la société, en septembre 2018, un SMS par lequel elle la désignait sous le terme «'taré'», ce par erreur, ce SMS ne lui étant pas destiné. Mme [V] atteste qu'elle a reçu ce SMS. Cette attestation est imprécise quant à la date de l'envoi, de sorte qu'il n'est pas permis de déterminer que ce grief n'est pas prescrit, ni quant au contenu exact et aux circonstances du SMS, dont le caractère involontaire ne peut dès lors être écarté. Il n'est par ailleurs produit aucun élément relativement à d'autres insultes envers des salariés. Le grief consistant en des insultes ne peut donc être retenu.

Il est constant que Mme [G], inspectrice du travail, a procédé à un contrôle le matin du 6 décembre 2018, en présence de Mme [C] [E], présidente de la société, à laquelle elle a indiqué que les salariés ne devaient pas intervenir sur le compteur électrique, puis est revenue aux alentours de 17 h, alors que Mme [A] était seule. Invoquant un mail adressé par Mme [G] à Mme [E] le 6 décembre 2018 dans lequel elle écrit «'Je me suis rendue à nouveau à 17 heures 15 au niveau du magasin Kennedy pour valider que mon observation a été prise en compte [relative au compteur électrique]. Il s'avère que la salariée présente n'avait reçu aucune consigne de votre part... J'ai regardé l'extrait K-Bis de votre entreprise': M. [U] n'apparaît pas dans les organes directeurs. Aussi, il vous appartient de l'informer qu'il ne peut entrer en contact, de quelque manière que ce soit, avec vos salariés.'», l'employeur reproche à Mme [A] d'avoir menti à l'inspectrice du travail en disant n'avoir pas reçu de consigne particulière concernant le compteur électrique. Mme [A] indique qu'elle avait reçu pour consigne d'appeler immédiatement l'employeur en cas de visite de l'inspection du travail, ce qu'il est constant qu'elle a fait, de ne pas parler à celle-ci, et que, questionnée relativement au compteur, elle a déclaré ne pas y toucher. Le mail invoqué de Mme [G] est insuffisant à s'assurer du contenu exact de l'échange intervenu avec Mme [A] et donc à imputer une faute à cette dernière, d'autant qu'il est à douter de la réelle prise en considération par la société Le Fournil de [C] des informations reçues de l'inspectrice du travail, étant observé qu'il est avéré que M. [R] [U] qui n'était pas salarié ni dirigeant de la société, mais associé et compagnon de Mme [V], a continué postérieurement au contrôle à intervenir auprès des salariés puisqu'il atteste de faits qui seraient survenus postérieurement.

Le fait de demander à changer de planning n'est pas constitutif d'une faute.

L'employeur fait grief à Mme [A] de l'avoir avisé à 7 h29 de son absence le 3 janvier 2019 alors qu'elle devait travailler de 6 h 30 à 13 h 30. Mme [A] justifie d'une consultation aux urgences de l'hôpital de Pau le 29 décembre 2018 pour une douleur épigastrique apparue deux jours plus tôt, et surtout, il ressort de son bulletin de paie de janvier 2019 qu'elle a été en congés payés du 1er au 13 janvier 2019. Il n'est pas caractérisé d'absence injustifiée dont l'employeur aurait été informé tardivement que ce soit le 3 janvier 2019 ou un autre jour. Ce grief ne peut donc être retenu.

Concernant les autres griefs, tenant au non-respect des consignes et aux règles d'hygiène relativement à la préparation des produits, l'employeur ne produit que des attestations':

- il est à considérer que celles établies par Mme [E], présidente de la société, Mme [V], directrice de la société, et M. [R] [U], qui se dit «'sans lien de parenté, de subordination, de collaboration ou de communauté d'intérêts avec les parties'» alors qu'il est associé de la société et compagnon de Mme [V], ne l'ont été avec l'objectivité nécessaire';

- trois salariées attestent':

. Mme [I] [D], a établi deux attestations le 29 janvier 2020 qui n'étayent pas les griefs, étant observé qu'elle ne travaillait pas dans celui des deux établissements de la société Le Fournil de [C] dans lequel travaillait Mme [A]';

. Mme [Y] [O], vendeuse, le 29 janvier 2020, en ces termes': «'Elle demandait sans cesse de changer le planning à chaque fois, ce qui nous obligeait à revoir sans cesse nos agendas. Le 27 novembre, [X] est allée faire ses courses pendant son temps de travail et ce n'était pas la première fois. Le 20 novembre, elle s'est fait à déjeuner avec les produits du magasin (pattes, saumon, crème fraîche...). C'était râlant de travailler après elle, les plateaux étaient sales, les produits dans la saladette non remplacés, et la mise en place était douteuse. Les consignes n'étaient jamais suivies': pas de dates sous les produits. J'avais même envoyé à la direction des photos dans ce sens "tomates, dinde...". Le 11 décembre, un vendeur à l'étalage est venu à sa demande au magasin, elle a acheté des bijoux sur le comptoir du magasin, pendant ses heures de travail'»';

Mme [O] a également attesté dans le cadre du licenciement pour faute grave intervenu le 24 décembre 2018 de Mme [K] [M], mais il ressort d'une seconde attestation qu'elle a rédigée le 1er décembre 2022, alors qu'elle n'était plus salariée de la société Le Fournil de [C], qu'elle ne l'a pas fait sincèrement. Elle y indique en effet que par peur de perdre de son emploi, elle a accepté de rédiger une attestation en recopiant un document établi par M. [U], qu'elle a conservé'; est joint à la seconde attestation ledit document dont la comparaison avec l'attestation établie par M. [U] permet de vérifier qu'il en est effectivement l'auteur.

Le fait que Mme [O] a ainsi, sous la pression de M. [U], associé de la société Le Fournil de [C] et compagnon de la directrice de cette société, établi une attestation mensongère dans le cadre d'un licenciement pour faute grave d'une autre salariée intervenu concomitamment à celui de Mme [A], ne permet pas d'accorder de crédit à l'attestation du 29 janvier 2020.

. Mme [B] [T], vendeuse, le 30 décembre 2020, en ces termes': «'Elle demandait sans cesse de changer les plannings, c'était difficile de gérer notre temps. Le mardi 20 novembre, elle s'est préparée à manger avec les produits du magasin devant les clients pendant son temps de travail. Le 6 décembre, j'étais présente quand [C] [E] est venue nous interdire de toucher aux interrupteurs du tableau électrique, [X] était là et a reçu les consignes comme moi et toutes les autres. Il était difficile de travailler derrière [X], la saladette et les plateaux étaient sales, les boissons pas remplies...'»';

Le fait que M. [U], associé de la société Le Fournil de [C] et compagnon de la directrice de cette société, s'est permis de demander à Mme [O] d'établir une attestation mensongère et y est parvenu, conduit à craindre qu'il ait fait de même avec Mme [T] ou à tout le moins que cette dernière n'ait pas été en mesure d'attester avec sincérité.

Ainsi, les griefs tenant au non-respect des consignes et aux règles d'hygiène relativement à la préparation des produits ne peuvent être retenus.

Il résulte de ces éléments que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse. Le jugement sera infirmé.

Sur les conséquences du licenciement abusif

Mme [A] est fondée à obtenir un rappel de salaire au titre de la période de mise à pied subie du 14 décembre au 30 décembre 2018 (et non jusqu'au 28 décembre 2018 comme annoncé par l'employeur dans son courrier de convocation à entretien préalable à une éventuelle rupture conventionnelle), soit la somme de 642,20 €, ce, avec intérêts au taux légal à compter du 29 août 2019, étant observé l'accusé de réception de la convocation par la société Le Fournil de [C] devant le conseil de prud'hommes de Pau n'est pas au dossier et qu'il est permis de retenir qu'elle en était informée à tout le moins au 29 août 2019, date d'un courrier adressé par son avocat à la juridiction.

En application de l'article L.1234-1 du code du travail, Mme [A], qui avait une ancienneté de 1 an et 3 mois, a droit à une indemnité compensatrice d'un préavis d'un mois. La société Le Fournil de [C] sera condamnée à lui payer la somme de 1.284,40 €, outre 128,44 € au titre des congés payés afférents, ce avec intérêts au taux légal à compter du 29 août 2019.

En application des articles L.1234-9 et R.1234-1 à R.1234-5 du code du travail, Mme [A] a droit à une indemnité de licenciement égale à un quart de mois de salaire par année d'ancienneté et calculée proportionnellement au nombre de mois complets s'agissant de l'année incomplète, soit 401,38 € [(1.284,40 / 4) + (1.284,40 / 4 / 12 X 3)].

La société Le Fournil de [C] sera condamnée à lui payer cette somme, avec intérêts au taux légal à compter du 29 août 2019.

Suivant l'article L.1235-3 du code du travail, lorsque le licenciement survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans un tableau. S'agissant d'une salariée d'un an d'ancienneté d'une entreprise employant habituellement moins de onze salariés, cette indemnité est comprise entre 0,5 mois et 2 mois de salaire brut. Eu égard aux circonstances du licenciement et au fait que Mme [A] n'a pas retrouvé d'emploi stable puisqu'elle justifie d'une indemnisation chômage en août 2020, il lui sera alloué une somme représentative de deux mois de salaire brut, soit 2.568,80 €, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Sur la demande de rappel de salaire du 10 au 12 décembre 2018

Le premier juge a omis de statuer sur cette demande.

Mme [A] relate qu'elle a subi un accident de travail le 10 décembre 2018 lorsqu'une étagère sur laquelle était entreposée une centaine de canettes s'est décrochée et lui est tombée dessus. Elle justifie qu'elle a été examinée aux urgences l'hôpital de Pau le 10 décembre 2018 où il a été constaté des contusions et hématomes à la pommette droite, au thorax et au genou droit, et il est établi que l'employeur a été informé de la survenance de cet accident du travail puisque le bulletin de salaire de décembre 2018 mentionne une retenue de 148,20 € pour «'absence accident du travail du 10 au 12 décembre 2018'». Mme [A] fait valoir qu'elle n'a pas été indemnisée par la caisse primaire d'assurance maladie car l'employeur n'a pas établi de déclaration d'accident du travail. La société Le Fournil de [C] ne conclut pas sur ce point.

L'employeur, qui ne justifie pas qu'il a satisfait à l'obligation lui incombant en application des articles L441-2 et R.441-2 du code de la sécurité sociale de déclarer l'accident du travail, ce dans la journée de sa survenance et au plus tard dans les 24 heures, est tenue d'indemniser Mme [A] du préjudice résultant du défaut de déclaration, à savoir le défaut de prise en charge par la CPAM et, par suite, l'absence de paiement par lui-même de l'indemnisation complémentaire due en application de l'article L.1226-1 du code du travail. Mme [A] aurait dû percevoir au total 90 % de sa rémunération. La société Le Fournil de [C] sera donc condamnée à lui payer la somme de 133,38 € à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Sur la remise de documents rectifiés

Il doit être ordonné à la société Le Fournil de [C] de remettre à Mme [A] des bulletins de salaire et des documents de fin de contrat rectifiés en conformité avec le présent arrêt. Il n'est pas, en l'état, justifié d'assortir cette obligation d'une astreinte.

Sur les autres demandes

Le présent arrêt n'est pas susceptible de recours suspensif d'exécution de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur l'exécution provisoire.

La société Le Fournil de [C], qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, et condamnée à payer la somme de 3.500 € à Mme [A] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et déboutée de sa demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Pau du 29 avril 2021 hormis sur les demandes relatives à la nullité du licenciement,

Statuant de nouveau et y ajoutant,

Dit le licenciement de Mme [X] [A] sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la société Le Fournil de [C] à payer à Mme [X] [A] les sommes de':

- 642,20 € à titre de rappel de salaire pendant la mise à pied, avec intérêts au taux légal à compter du 29 août 2019,

- 1.284,40 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 128,44 € au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter du 29 août 2019,

- 401,38 € à titre d'indemnité de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter du 29 août 2019,

- 2.568,80 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

- 133,38 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du défaut de déclaration de l'accident du travail du 10 décembre 2018, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Ordonne à la société Le Fournil de [C] de remettre à Mme [X] [A] des bulletins de salaire et des documents de fin de contrat rectifiés en conformité avec le présent arrêt,

Condamne la société Le Fournil de [C] aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés en la forme prévue en matière d'aide juridictionnelle,

Condamne la société Le Fournil de [C] à payer à Mme [X] [A] une somme de 3.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et la déboute de sa demande de ce chef.

Arrêt signé par Madame CAUTRES, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/01739
Date de la décision : 27/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-27;21.01739 ?
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