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27/04/2023 | FRANCE | N°21/01740

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 27 avril 2023, 21/01740


PS/EL



Numéro 23/01462





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 27/04/2023









Dossier : N° RG 21/01740 - N° Portalis DBVV-V-B7F-H4DK





Nature affaire :



Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail















Affaire :



[J] [T]



C/



S.A.S. LE FOURNIL DE MARIE













r>
Grosse délivrée le

à :













RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 27 Avril 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième aliné...

PS/EL

Numéro 23/01462

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 27/04/2023

Dossier : N° RG 21/01740 - N° Portalis DBVV-V-B7F-H4DK

Nature affaire :

Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail

Affaire :

[J] [T]

C/

S.A.S. LE FOURNIL DE MARIE

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 27 Avril 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 18 Janvier 2023, devant :

Madame CAUTRES-LACHAUD, Présidente

Madame SORONDO, Conseiller

Mme PACTEAU, Conseiller

assistées de Madame LAUBIE, Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

Madame [J] [T]

née le 15 Juillet 1994 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Elodie BEDOURET, avocat au barreau de PAU

INTIMEE :

S.A.S. LE FOURNIL DE MARIE

[Adresse 5]

[Localité 2]

représentée par Me Fabienne BARNECHE de la SELARL FABIENNE BARNECHE, avocat au barreau de PAU

sur appel de la décision

en date du 29 AVRIL 2021

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE PAU

RG numéro : 19/00170

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [J] [T] a été embauchée par la société Pain Brioché Fantaisie en qualité d'employée de terminal de cuisson, classification OE3 de la convention collective des activités industrielles de boulangerie et pâtisserie suivant quatre contrats à durée déterminée du 5 au 27 novembre 2014, du 12 décembre 2014 au 28 février 2015, du 6 au 19 avril 2015, et du 5 septembre au 30 novembre 2015.

Elle a été embauchée aux mêmes fonctions par contrat à durée indéterminée le 1er décembre 2015.

Son contrat de travail a été transféré à la société Baguipain le 1er avril 2016 puis à la société par actions simplifiée Le Fournil de Marie.

Par avenant du 28 mars 2017, elle a été nommée responsable de magasin.

Par avenant du 11 juin 2018, elle a été nommée employée de boulangerie.

Le 14 décembre 2018, elle a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 26 décembre suivant.

Le 28 décembre 2018, elle a été licenciée pour faute grave.

Le 17 juin 2019, elle a saisi la juridiction prud'homale.

Par jugement du 29 avril 2021, le conseil de prud'hommes de Pau a :

- dit que Mme [T] a commis une faute grave rendant impossible la poursuite de la relation de travail,

- dit que le licenciement pour faute grave du 28 décembre 2018 est bien fondé et valide,

- débouté Mme [T] de l'intégralité de ses demandes,

- condamné Mme [T] à payer 800 € à la société Le Fournil de Marie en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [T] aux dépens.

Le 26 mai 2021, Mme [T] a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 3 août 2021, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, Mme [J] [T] demande à la cour de :

- infirmer le jugement de première instance en ce qu'il :

. a dit qu'elle a commis une faute grave rendant impossible la poursuite de la relation de travail,

. a dit que le licenciement pour faute grave du 28 décembre 2018 est bon fondé et valide

. l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes,

. l'a condamnée à payer 800 € à la société Le Fournil de Marie en application de l'article 700 du code de procédure civile,

. l'a condamnée aux dépens,

- statuant à nouveau,

- juger que son licenciement est nul, et, en tout état de cause dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- en conséquence,

- condamner la société Le Fournil de Marie à lui verser les sommes suivantes :

. indemnité de licenciement': 1.678,08 €,

. indemnité pour licenciement nul (12 mois de salaire)': 19.726,08 €,

. et à titre subsidiaire, indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (5 mois)': 8.219,20 €,

. rappel de salaire sur préavis (2 mois)': 3.287,68 €,

. congés payés afférents': 328,76 €,

- ordonner l'exécution provisoire de l'ensemble de la décision au-delà de l'exécution provisoire de droit de l'article R.516-37 du code du travail nonobstant toutes voies de recours et sans caution,

- rappeler que les intérêts au taux légal courent de plein droit à compter de la saisine du conseil de prud'hommes sur les créances de nature salariale, en vertu de l'article 1153 du code civil et les faire courir à compter de cette date sur les créances de nature indemnitaire par application de l'article 1153-1 du code civil,

- ordonner la remise de l'attestation pôle emploi, les bulletins de salaire et du certificat de travail rectifiés conformément à la décision à intervenir sous astreinte de 20 € par jour de retard dans les 15

jours de la notification de la décision à intervenir,

- condamner la société Le Fournil de Marie à lui verser la somme de 3.500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Le Fournil de Marie aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 13 décembre 2022, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, la société Le Fournil de Marie demande à la cour de':

- la recevoir en ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement entrepris dans l'intégralité de ses dispositions, objet de l'appel,

- débouter Mme [T] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

- condamner Mme [T] à lui payer la somme de 3.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'exécution.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 19 décembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le licenciement

Mme [T] soutient que le licenciement est nul comme portant atteinte à une liberté fondamentale au motif qu'elle a été licenciée en raison d'une alerte faite à l'inspection du travail, et subsidiairement qu'il est sans cause réelle et sérieuse. L'employeur objecte que le contrôle de l'inspection du travail du 6 décembre 2018 n'a pas été invoqué comme grief et que les faits fautifs invoqués sont établis et caractérisent une faute grave.

En application de l'article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse. La cause réelle est celle qui présente un caractère d'objectivité et d'exactitude. La cause sérieuse suppose une gravité suffisante.

Aux termes de l'article L.1232-6 du code du travail, la lettre de licenciement, le cas échéant complétée dans les conditions fixées par l'article R.1232-13 du même code, comporte l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur.

Suivant l'article L.1232-5 du code du travail, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Il incombe à l'employeur d'en rapporter la preuve.

Suivant l'article L.1232-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

Dès lors que les faits sanctionnés ont été commis plus de deux mois avant l'engagement des poursuites disciplinaires, il appartient à l'employeur d'apporter la preuve qu'il n'en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l'engagement des poursuites. La prise en compte d'un fait antérieur à deux mois peut cependant intervenir s'il s'est poursuivi ou réitéré dans ce délai.

En application de l'article L.1121-1 du code du travail, nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché, et, suivant l'article L.1235-3-1 du même code, est nul le licenciement prononcé en violation d'une liberté fondamentale.

La lettre de licenciement est rédigée comme suit':

«'Nous avons eu à déplorer de votre part un agissement fautif.

En effet, le 6 décembre 2018, nous avons eu un contrôle de la part de Mme [O] [G], inspectrice du travail.

Vous étiez présente au magasin et vous ne m'avez pas avertie de ce contrôle, ce qui semble être une évidence et qui est stipulé en outre, à votre contrat de travail.

Vous vous êtes gaussée au magasin devant la tournure des événements et vous vous êtes vantée devant les clients d'être à l'origine en disant que vous espériez une nuisance sévère pour l'entreprise, et ce toujours devant les clients.

Vous refusez de mettre en application les directives de Mme [O] [G] concernant le bon entretien et la propreté du magasin.

Ce comportement ajouté aux nombreux manquements dont vous êtes à l'origine, comme nous imposer vos départs avant vos heures de fin de journée, vos changements de plannings à répétition, votre tenue vestimentaire qui n'est pas appropriée à votre poste de travail (de par le non port du tablier, polaire tee shirt), les moqueries sur l'âge d'une cliente qui a eu pour conséquence qu'elles ne reviennent plus au magasin, vos multiples pauses café-cigarette devant la devanture du magasin, et ce même pendant les livraisons et les multiples insultes à l'encontre de vos dirigeants.

Cela fait des mois que vous dites à qui veut bien l'entendre que vos supérieurs ne pensent qu'à une chose, vous exploiter.

Cette conduite met en cause la bonne marche de notre magasin.

Les explications recueillies auprès de vous au cours de notre entretien du 24 décembre 2018 ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet'; nous vous informons que nous avons, en conséquence, décidé de vous licencier pour faute grave.'»

Par ailleurs, Mme [T] justifie de la saisine de l'inspection du travail par la production d'un courrier que Mme [G], inspectrice du travail, lui a adressé le 21 décembre 2018 d'où il résulte :

- que, par courrier en date du 2 octobre 2018, elle a informé l'inspection du travail de conditions de travail dégradées au sein de l'entreprise, de l'ingérence de M. [X], se présentant comme «'le patron'» et se permettant de tenir des propos injurieux, de problèmes de durée du travail, de pressions de la part de la direction sur les salariés';

- que par communication téléphonique du 5 décembre 2018, elle a informé l'inspection du travail de dysfonctionnements concernant l'hygiène et la sécurité (installation électrique, extincteurs non vérifiés, absence de vestiaires, pas de sièges, tenues de travail non entretenues par l'employeur, utilisation de produits sans formation ni information et sans équipement de protection individuels...)';

- que Mme [G] a procédé à un contrôle le 6 décembre 2018 et a constaté l'absence de vérification des installations électriques, l'absence de vérification des moyens de lutte contre les incendies, l'absence de vestiaires et de sièges, le fait que les tabliers n'étaient pas entretenus par l'employeur, l'absence de données sur les produits utilisés et l'absence de fourniture d'équipements de protection individuelle adaptés, ainsi que, concernant la durée de travail, notamment l'absence de décompte de la durée du travail';

- que par mail du 6 décembre 2018, Mme [G] a indiqué à l'employeur que M. [X], qui n'était pas salarié et n'apparaissait pas sur aucun document officiel, n'avait pas à entrer en contact avec les salariés.

La lettre de licenciement n'énonce pas de grief tenant à la saisine de l'inspection du travail par Mme [T], étant observé que ce grief, constitutif d'une atteinte à la liberté fondamentale de témoigner, entraînerait la nullité du licenciement sans qu'il soit besoin d'examiner les autres griefs. Pour autant, il est certain qu'à la date du licenciement, l'employeur savait que Mme [T] avait alerté l'inspection du travail puisqu'il lui est fait grief, dans la lettre de licenciement, de s'en être vantée auprès de la clientèle, et, soit les griefs invoqués par l'employeur sont avérés et il appartient alors à la salariée de caractériser que la rupture de son contrat est une mesure de rétorsion à la saisine de l'inspection du travail, soit ils ne le sont pas et il appartient alors à l'employeur de prouver que la rupture ne trouve aucunement son origine dans la volonté de faire payer à la salariée le prix de cette saisine.

Concernant l'absence d'information immédiate de l'employeur du contrôle de l'inspection du travail le 6 décembre 2018, l'employeur invoque la mention figurant sur les avenants du 1er avril 2016 et 28 mars 2017, dans la description du poste, de ce que Mme [T] était chargée «'de contacter immédiatement votre Direction, en cas de présentations de personnes étrangères à la Société et de ne répondre à aucune question'». Le premier juge a retenu que le fait de ne pas avoir averti immédiatement l'employeur du contrôle effectué était une faute d'autant plus caractérisée que Mme [T] était la responsable du magasin, alors qu'elle ne l'était plus. Cette abstention, dont le caractère volontaire n'est pas établi, peut d'autant moins être considérée comme fautive qu'il est avéré par des SMS échangés par Mme [T] avec Mme [N] [H], présidente de la société, avec Mme [M] [S] née [R], directrice générale de la société, et avec M. [B] [X], que l'employeur imposait à ses salariés les interventions répétées auprès d'eux et la présence très régulière au sein de l'établissement de ce dernier alors qu'il n'était ni salarié, ni dirigeant de la société.

Mme [E] [F] née [W], cliente, atteste que le 23 novembre 2018, Mme [T] s'est moquée d'elle relativement à son âge, l'a invectivée et insultée, là où Mme [T] relate que cette cliente, vraisemblablement psychologiquement perturbée, disait paraître 23 ans alors qu'elle en avait 48 et a tenu des propos désobligeants à son égard. Mme [V] [C], ancienne vendeuse de la société, a attesté le 1er décembre 2022 que cette cliente a fait «'plusieurs réflexions'» à Mme [T] laquelle est «'restée professionnelle tout en la recadrant'», et deux autres clients attestent que Mme [T] était une vendeuse particulièrement agréable. Ainsi, s'il est certain qu'un incident est survenu le 23 novembre 2018 avec une cliente, les éléments sont discordants relativement aux propos tenus et à ses circonstances, et il est isolé puisque Mme [T] est par ailleurs décrite comme avenante avec la clientèle, de sorte que ce grief ne peut être considéré comme caractérisé.

S'agissant de l'information de la clientèle relativement au contrôle de l'inspection du travail et du dénigrement de la société, l'employeur produit':

- une attestation du 30 décembre 2020 de Mme [L] [P], vendeuse, rédigée en ces termes': «'Mme [T] dénigrait la direction, cela mettait en péril la bonne entente qui régnait au magasin'» ;

- une attestation du 29 janvier 2020 de Mme [A] [K], ancienne salariée de la société, rédigée en ces termes': «'Le 14 décembre, je suis passée au magasin de Kennedy, [J] travaillait, elle m'a expliqué que l'inspection du travail était passée à sa demande. Elle espérait': "J'espère qu'elles vont ramasser, comme ça je pourrai racheter la société'"... C'était choquant, j'avais travaillé au magasin et ça s'était toujours très bien passé, j'étais vraiment choquée de son attitude. Elle a passé son temps à dénigrer les responsables de la société, ouvertement devant les clients'»';

- une attestation du 29 janvier 2020 de Mme [D] [U], ancienne salariée, rédigée en ces termes': «'Le mardi 18 décembre, [J] et [Y] sont passées me voir au magasin de [Localité 4], elles ont dénigré la société et m'ont demandé de demander la prime de 13ème mois, m'affirmant que la direction voulait m'exploiter en ne me payant pas. En fait, légalement, je n'y avait pas droit. [J] s'est vantée d'avoir prévenu l'inspection du travail.'»';

- une attestation du 31 janvier 2020 de M. [I] [Z], rédigée en ces termes': «'Le lundi 10 décembre, [J] s'est vantée d'avoir prévenu l'inspection du travail. Elle disait "J'espère qu'elles vont (mot illisible) ramasser comme ça je vais pouvoir racheter la société pour rien". C'était choquant. Elle expliquait à tout le monde comment la direction ne pensait qu'à exploiter sans la payer'»';

- une attestation du 28 janvier 2020 de Mme Jade Ferreira'; Mme [T] produit une seconde attestation rédigée par celle-ci le 1er décembre 2022, alors qu'elle n'était plus salariée de la société Le Fournil de Marie, suivant laquelle par peur de perdre de son emploi, elle a accepté de rédiger l'attestation du 28 janvier 2020 en recopiant un document établi par M. [X], associé de la société Le Fournil de Marie, compagnon de Mme [M] [S], directrice de la société, et dont il est établi par des SMS produits par la salariée qu'il intervenait dans la direction de la société (Mme [N] [H], présidente de la société, le 3 octobre 2018 «'C'est lui qui gère les ressources humaines'»'; le 16 novembre 2018, relativement aux déplacements réalisés par Mme [T] au moyen de son véhicule personnel pour les besoins de la société lorsqu'elle était responsable de magasin, «'bien sûr [J], pour ce qui est des frais pour la voiture c'est prévu soit rassurée M. [X] a été très clair là-dessus et tu les auras'»)'; est joint à la seconde attestation le document imputé à M. [X], strictement identique dans ses termes avec l'attestation du 28 janvier 2020.

Les attestations de Mme [P], Mme [K], Mme [U] et M. [Z] sont toutes particulièrement brèves, rédigées en des termes similaires et il est surprenant que trois de ces personnes (Mme [K], Mme [U] et M. [Z]) ont été à même de dater exactement un échange verbal censé être intervenu avec Mme [T] plus d'un an auparavant. Le fait que Mme [C] admet avoir attesté mensongèrement sous la pression de M. [X], dirigeant de fait de la société Le Fournil de Marie, amène en outre à douter sérieusement de leur sincérité. En conséquence, les griefs consistant dans l'information de la clientèle relativement au contrôle de l'inspection du travail et le dénigrement de la société, qui reposent sur ces seuls éléments, ne sont pas caractérisés.

Les griefs tenant au non-respect des règles d'hygiène, à l'absence de port du tablier de travail, au refus de mettre en 'uvre des directives de l'inspectrice du travail concernant le bon entretien et la propreté du magasin, aux insultes envers les dirigeants de la société, à la prise de pause café-cigarette en excès, aux départs avant l'heure, et à des changements de planning imposés à l'employeur ne sont ni datés ni étayés par aucun élément de fait.

Ainsi, aucun des griefs n'est établi. L'employeur ne démontre par ailleurs pas que le licenciement ne trouve pas son origine dans la saisine par Mme [T] de l'inspection du travail. Au contraire, le fait que nonobstant la multiplicité des griefs qu'il imputait à Mme [T], et qu'alors qu'il invoquait une faute grave et indiquait dans la lettre de licenciement que la conduite de celle-ci «'met en cause la bonne marche de notre magasin'», elle a effectivement travaillé jusqu'au 28 décembre 2018, amène à considérer que le licenciement est strictement une mesure de rétorsion à la saisine de l'inspection du travail. Dès lors, le licenciement est nul. Le jugement sera donc infirmé.

Sur les conséquences du licenciement nul

Les bulletins de paie mentionnent tous une ancienneté au 5 novembre 2014, et cette date vaut présomption de reprise d'ancienneté sauf à l'employeur à rapporter la preuve contraire, ce qu'il ne fait pas. Il est donc à retenir que Mme [T] avait une ancienneté de quatre ans et un mois.

En application de l'article L.1234-1 du code du travail, Mme [T], qui avait une ancienneté de plus de deux ans, a droit à une indemnité compensatrice d'un préavis de deux mois. La société Le Fournil de Marie sera condamnée à lui payer la somme de 3.287,68 € outre 328,76 € au titre des congés payés afférents, ce avec intérêts au taux légal à compter du 29 août 2019, étant observé l'accusé de réception de sa convocation par la société Le Fournil de Marie devant le conseil de prud'hommes de Pau n'est pas au dossier et qu'il est permis de retenir qu'elle en était informée à tout le moins au 29 août 2019, date d'un courrier adressé par son avocat à la juridiction.

En application des articles L.1234-9 et R.1234-1 à R.1234-5 du code du travail, Mme [T] a droit à une indemnité de licenciement égale à un quart de mois de salaire par année d'ancienneté et calculée proportionnellement au nombre de mois complets s'agissant de l'année incomplète, soit 1.678,08 € [(1.643,84 / 4 X 4) + (1.643,84 / 4 / 12 X 1)]. La société Le Fournil de Marie sera condamnée à lui payer cette somme, avec intérêts au taux légal à compter du 29 août 2019.

En application de l'article L.1235-3-1 du code du travail, le préjudice lié à la nullité du licenciement est réparé par l'octroi d'une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Il sera alloué à Mme [T], qui justifie que postérieurement au licenciement, elle n'a pas retrouvé d'emploi stable, a été indemnisée d'une situation de chômage au mois jusqu'en août 2020, et, eu égard à la faiblesse de son revenu de remplacement (de l'ordre de 32 € net par jour), a été en précarité financière, une somme représentative de 9 mois de salaire, soit 14.794,56 €, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Sur la remise de documents rectifiés

Il doit être ordonné à la société Le Fournil de Marie de remettre à Mme [T] des documents de fin de contrat rectifiés en conformité avec le présent arrêt. Il n'est pas, en l'état, justifié d'assortir cette obligation d'une astreinte.

Sur les autres demandes

Le présent arrêt n'est pas susceptible de recours suspensif d'exécution de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur l'exécution provisoire.

La société Le Fournil de Marie, qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, condamnée à payer la somme de 3.500 € à Mme [T] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et déboutée de sa demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Infirme en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de Pau du 29 avril 2021,

Statuant de nouveau et y ajoutant,

Dit le licenciement de Mme [J] [T] nul,

Condamne la société Le Fournil de Marie à payer à Mme [J] [T] les sommes de':

- 3.287,68 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 328,76 € au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter du 29 août 2019,

- 1.678,08 € à titre d'indemnité de licenciement, avec intérêts au taux légal à compter du 29 août 2019,

- 14.794,56 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Ordonne à la société Le Fournil de Marie de remettre à Mme [J] [T] des documents de fin de contrat rectifiés en conformité avec le présent arrêt,

Condamne la société Le Fournil de Marie aux dépens de première instance et d'appel,

Condamne la société Le Fournil de Marie à payer à Mme [J] [T] une somme de 3.500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et la déboute de sa demande de ce chef.

Arrêt signé par Madame CAUTRES, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/01740
Date de la décision : 27/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-27;21.01740 ?
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