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17/05/2023 | FRANCE | N°21/00595

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 17 mai 2023, 21/00595


PS/SB



Numéro 23/1689





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 17/05/2023









Dossier : N° RG 21/00595 - N° Portalis DBVV-V-B7F-HZEF





Nature affaire :



Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail















Affaire :



S.A.R.L. AFBTP ETS ALAIN FAURE



C/



[E] [W]












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Grosse délivrée le

à :













RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 17 Mai 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alin...

PS/SB

Numéro 23/1689

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 17/05/2023

Dossier : N° RG 21/00595 - N° Portalis DBVV-V-B7F-HZEF

Nature affaire :

Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail

Affaire :

S.A.R.L. AFBTP ETS ALAIN FAURE

C/

[E] [W]

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 17 Mai 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 25 Janvier 2023, devant :

Madame CAUTRES-LACHAUD, Président

Madame SORONDO, Conseiller

Madame PACTEAU, Conseiller

assistées de Madame LAUBIE, Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

S.A.R.L. AFBTP ETS ALAIN FAURE

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Maître CASADEBAIG de la SELARL CASADEBAIG & ASSOCIES - ELIGE PAU, avocat au barreau de PAU

INTIME :

Monsieur [E] [W]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Maître IRIART, avocat au barreau de PAU et Maître CACHELOU, avocat au barreau de BORDEAUX

sur appel de la décision

en date du 01 FEVRIER 2021

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE PAU

RG numéro : F16/00111

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [E] [W] a été embauché le 5 janvier 2004 par la société Alain Faure BTP en qualité de technicien SAV, suivant contrat à durée indéterminée régi par la convention collective nationale de la maintenance, distribution et location de matériels agricoles, de travaux publics, de bâtiments, de manutention, de motoculture de plaisance et activités connexes.

À compter du 1er juin 2004, il est devenu responsable de service après vente.

En suite d'un accident de travail le 22 octobre 2013, il a été en arrêt de travail.

À l'issue d'une pré-visite de reprise organisée le 15 juin 2015, le médecin du travail a écrit à la société Alain Faure BTP qu'il convenait d'envisager une reprise sur un poste aménagé « sans manutention sur la main droite et sans gestes de préhension avec force de la main droite ».

Par courrier du 1er juillet 2015, la société Alain Faure BTP a indiqué au médecin du travail qu'elle ne disposait pas de poste n'impliquant pas de manutention de la main droite ou de gestes de préhension et que tous les postes présentant une certaine technicité, dont celui de M. [W], impliquent des manutentions.

Le 10 juillet 2015, le médecin du travail a déclaré M. [W] apte en ces termes : « apte, aménagement du poste (L. 4624-1) : apte à réaliser toutes les tâches administratives qu'il réalisait avant son accident 95 % de son temps ; inapte à réaliser les tâches de mécanique ».

La société Alain Faure BTP a dispensé M. [W] d'activité et a sollicité des précisions supplémentaires auprès du médecin du travail.

Le 4 août 2015, le médecin du travail a déclaré M. [W] « inapte temporaire à son poste (1ère visite art. R.4624-31 code du travail). Etude de poste à faire. A revoir dans 15 jours ».

Le 19 août 2015, le médecin du travail l'a déclaré inapte en ces termes : «Inapte au poste, apte à un autre : inapte au poste de Responsable SAV (2ème visite art. R. 4624-31 du code du travail). Apte à tout poste : sans gestes de préhension avec force de la main droite, sans manutention sur la main droite. »

Le 4 septembre 2015, il a été convoqué à un entretien préalable fixé le 15 septembre 2015.

Le 11 septembre 2015, il a saisi la direction régionale des entreprises de la concurrence de la consommation du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de la région Aquitaine afin de contester l'avis d'inaptitude prononcé le 19 août 2015.

Le 18 septembre 2015, il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Par décision du 9 novembre 2015, l'inspecteur du travail a déclaré M. [E] [W] apte à son poste avec des restrictions.

Le 7 mars 2016, M. [E] [W] a saisi la juridiction prud'homale en contestation du licenciement.

Par jugement du 27 février 2018, le tribunal administratif de Pau, saisi par la société Alain Faure BTP, a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 9 novembre 2015.

Par décision du 6 novembre 2018, l'inspecteur du travail a déclaré M. [W] « apte à occuper les fonctions de responsable SAV telles que décrites comme étant occupées à la date de l'examen médical du 19 août 2015 ». Cette décision n'a pas été contestée.

Par jugement du 1er février 2021, le conseil de prud'hommes de Pau a :

- dit que le licenciement de M. [W] est privé de cause réelle et sérieuse,

- condamné la société Alain Faure BTP à payer à M. [W] les sommes suivantes :

. 21.023,58 € à titre d'indemnité,

. 3.503,93 € brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

. 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties pour le surplus,

- condamné la société Alain Faure BTP aux entiers dépens d'instance.

Le 25 février 2021, la société Alain Faure BTP a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 17 septembre 2021 auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, la société Alain Faure BTP demande à la cour de :

- réformer le jugement dont appel en ce qu'il :

. a dit que le licenciement de M. [W] est privé de cause réelle et sérieuse,

. l'a condamnée à payer à M. [W] les sommes suivantes :

o 21.023,58 € à titre d'indemnité,

o 3.503,93 € brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

o 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

. l'a condamnée aux entiers dépens d'instance,

- en conséquence,

- débouter M. [W] de l'ensemble de ses demandes présentées dans le cadre de la présente instance,

- débouter M. [W] de son appel incident,

- condamner M. [W] à lui verser la somme de 4.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en ce compris les entiers dépens de l'instance.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 24 mars 2022 auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, M. [W] demande à la cour de :

- confirmer en son principe le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré sans cause réelle et sérieuse, son licenciement,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Alain Faure BTP au paiement de la somme de 3.503,93 € brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- émender le jugement entrepris sur le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et, statuant à nouveau,

- condamner la société Alain Faure BTP à lui payer la somme de 63.070,74 € au titre des dommages-intérêts,

- à titre subsidiaire et en tout état de cause,

- condamner la société Alain Faure BTP à lui payer la somme de 42.047,16 € correspondant à douze mois de salaire,

- condamner la société Alain Faure BTP à lui payer la somme de 6.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 24 octobre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le licenciement

La société Alain Faure BTP soutient que la décision du 6 novembre 2018 de l'inspecteur du travail n'a pas d'effet rétroactif et, faisant valoir que celui-ci a retenu l'aptitude du salarié en considérant que la teneur du poste de travail était celle décrite par l'employeur et que, suivant un examen médical réalisé le 29 mai 2018 par le médecin du travail, l'état de santé de M. [W] s'est amélioré, en conclut qu'il a été décidé de l'aptitude du salarié à la date du 6 novembre 2018, mais que pour autant, l'inspecteur du travail n'a pas remis en cause l'avis d'inaptitude émis le 19 août 2015. Elle en conclut que l'inspecteur du travail a confirmé implicitement qu'à la date du 19 août 2015, M. [W] n'était pas apte à son poste.

M. [W] fait valoir qu'un avis d'inaptitude du médecin du travail est censé n'avoir jamais existé lorsqu'il est infirmé par l'inspecteur du travail, et que lorsque le salarié a été licencié pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement en considération de cet avis, l'infirmation de l'avis d'inaptitude rend le licenciement privé de cause réelle et sérieuse.

En application des articles L.1226-10 et L.1226-12 du code du travail dans leur rédaction applicables à l'espèce :

Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.

Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation destinée à lui proposer un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en 'uvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail.

Lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement.

L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions. Il peut également rompre le contrat de travail si l'avis du médecin du travail mentionne expressément que tout maintien du salarié dans l'entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé.

S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III.

Dans sa rédaction applicable au litige, l'article L.4624-1 du code du travail organisait, en cas de désaccord ou de difficulté sur l'avis du médecin du travail, un recours préalable obligatoire devant l'inspecteur du travail, et la décision de celui-ci était susceptible d'un recours devant le juge administratif.

Par arrêt du 16 avril 2010 (Sté Presta Service Cuir Color, n°326553), le conseil d'Etat a précisé que la décision de l'inspecteur du travail, qui se substitue à celle du médecin du travail, doit être regardée comme prise à la date de l'avis médical contesté. Lorsque l'inspecteur du travail, saisi en application de l'article L. 241-10-1, devenu L. 4624-1 du code du travail, décide de ne pas reconnaître l'inaptitude ou que, sur recours contentieux, sa décision la reconnaissant est annulée, le licenciement devient privé de cause (Cour de cassation chambre sociale 26 novembre 2008 07-43598).

En l'espèce, la décision d'aptitude de l'inspecteur du travail du 6 novembre 2018, non contestée et désormais définitive, se substitue à la date du 19 août 2015 à l'avis du médecin du travail. Il en résulte que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse. Le jugement doit être confirmé sur ce point.

En application de l'article L.1226-15 dans sa rédaction en vigueur jusqu'au 1er janvier 2017, en pareille hypothèse et en cas de refus de réintégration par l'une ou l'autre des parties, le tribunal octroie une indemnité au salarié, qui ne peut être inférieure à douze mois de salaires, laquelle se cumule avec l'indemnité compensatrice et, le cas échéant, l'indemnité spéciale de licenciement prévues à l'article L. 1226-14.

Lors du licenciement, M. [W] avait une ancienneté de 11 ans, était âgé de 53 ans et avait deux enfants à charge, âgés de 20 ans et 17 ans. D'après les pièces qu'il produit, il a créé une entreprise le 6 avril 2018 (Sas Atelier Tpagri), a perçu des revenus salariaux ou assimilés de 27.898 € en 2016 et de 27.898 € en 2018. Au vu de ces éléments, il est justifié de fixer l'indemnité qui lui est due à 12 mois de salaire, soit 42.047,16 €. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur l'indemnité compensatrice équivalente d'un montant égal à l'indemnité de préavis

L'article 6.50 de la convention collective nationale de la maintenance, distribution et location de matériels agricoles, de travaux publics, de bâtiments, de manutention, de motoculture de plaisance et activités connexes prévoit, s'agissant des cadres, que la durée du préavis est de trois mois. Or, il a été réglé à M. [W] une indemnité compensatrice d'un montant égal à une indemnité de préavis de deux mois, de sorte qu'il lui reste dû à ce titre une somme de 3.503,93 €. Le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les autres demandes

La société Alain Faure BTP, qui succombe, sera condamnée aux dépens exposés en appel, condamnée à payer à M. [W] la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et déboutée de sa demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Pau du 1er février 2021 hormis sur le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Statuant de nouveau sur ce point et y ajoutant,

Condamne la société AF BTP - Ets Alain Faure à payer à M. [E] [W] une somme de 42.047,16 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la société AF BTP - Ets Alain Faure aux dépens de première instance et d'appel,

Condamne la société AF BTP - Ets Alain Faure à payer à M. [E] [W] une somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et la déboute de sa demande de ce chef.

Arrêt signé par Madame CAUTRES-LACHAUD, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 21/00595
Date de la décision : 17/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-17;21.00595 ?
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