PS/SB
Numéro 23/1717
COUR D'APPEL DE PAU
Chambre sociale
ARRÊT DU 17/05/2023
Dossier : N° RG 21/00615 - N° Portalis DBVV-V-B7F-HZFO
Nature affaire :
A.T.M.P. : demande de prise en charge au titre des A.T.M.P. et/ou contestation relative au taux d'incapacité
Affaire :
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE [Localité 3]
C/
[C] [R]
Grosse délivrée le
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 17 Mai 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 26 Janvier 2023, devant :
Madame SORONDO, magistrat chargé du rapport,
assistée de Madame LAUBIE, greffière.
Madame SORONDO, en application de l'article 945-1 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame NICOLAS, Présidente
Madame SORONDO, Conseiller
Madame PACTEAU, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTE :
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE [Localité 3]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 3]
Comparante en la personne de Madame [X], responsable du service juridique de la CPAM de PAU, munie d'un pouvoir
INTIMEE :
Madame [C] [R]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Comparante
sur appel de la décision
en date du 29 JANVIER 2021
rendue par le POLE SOCIAL DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE BAYONNE
RG numéro : 20/00110
FAITS ET PROCEDURE
Le 27 octobre 2016, M. [T] [D] a adressé à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de [Localité 3] une déclaration d'accident du travail survenu le 17 octobre 2016 à Mme [C] [R], née le 13 avril 1954, sa salariée comme employée de maison.
Cette déclaration fait état d'une chute et était accompagnée d'un certificat médical initial du 17 octobre 2016 mentionnant «'fracture du tiers moyen de la clavicule gauche. Fracture de l'arc antérieur de la troisième côte gauche et de l'arc moyen de la quatrième côte gauche'»'.
Le 7 novembre 2016, la caisse a notifié à Mme [R] sa décision de prise en charge de l'accident au titre de la législation sur les risques professionnels.
Mme [R] a adressé à la caisse un certificat médical de prolongation du 3 avril 2017 mentionnant «'Fracture de la clavicule gauche ' algoneurodystrophie secondaire'», et, le 15 mai 2017, la caisse lui a notifié la prise en charge de ces lésions non décrites sur le certificat initial au titre de la législation sur les risques professionnels.
Le 20 septembre 2019, la caisse a notifié à Mme [R] qu'elle considérait son état de santé consolidé au 17 septembre 2019, puis, le 27 septembre 2019, elle lui a notifié un taux d'incapacité permanente partielle de 3 %.
Par courrier en date du 10 octobre 2019, Mme [R] a contesté la décision de fixation du taux d'incapacité permanente auprès de la commission médicale de recours amiable, laquelle, le 4 février 2020, a maintenu cette décision.
Par courrier expédié le 1er avril 2020 à l'adresse mentionnée sur le courrier de notification de la décision ci-dessus ([Adresse 7] à [Localité 6]), Mme [R] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Bayonne d'une contestation de la décision de la commission de recours amiable. Ce courrier lui a été retourné avec la mention «'destinataire inconnu à l'adresse'», et par courrier en date du 26 mai 2020 déposé le même jour au greffe du tribunal judiciaire de Bayonne, [Adresse 1], elle a réitéré cette saisine.
Par ordonnance du 9 septembre 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Bayonne a ordonné une consultation médicale confiée au docteur [W] [M] relativement au taux d'incapacité permanente partielle de Mme [R]. Le docteur [M] a conclu à un taux d'incapacité permanente partielle de 10 % majoré d'un coefficient professionnel de 2 %.
Par jugement du 29 janvier 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Bayonne a':
- infirmé la décision de la CPAM de [Localité 3] ayant fixé un taux d'IPP de 3 % des suites de l'accident du travail du 17 octobre 2016,
- fixé à 12 % dont 2 % au titre du coefficient professionnel le taux d'IPP de Mme [R] au titre de l'accident du travail dont elle a été victime le 17 octobre 2016,
- condamné la CPAM de [Localité 3] aux dépens,
- rappelé que les frais de l'expertise restent à la charge de la caisse nationale d'assurance maladie.
Ce jugement a été notifié aux parties par courriers recommandés avec demandes d'avis de réception. La CPAM de [Localité 3] en a accusé réception le 2 février 2021.
Par courrier recommandé expédié le 23 février 2021 et réceptionné le 25 février 2021 au greffe de la cour, la CPAM de [Localité 3] a interjeté appel de ce jugement.
Selon avis de convocation en date du 15 septembre 2022, contenant calendrier de procédure, les parties ont été convoquées à l'audience du 26 janvier 2023 à laquelle elles ont comparu.
PRETENTIONS DES PARTIES
Selon ses conclusions visées par le greffe le 6 décembre 2022, reprises oralement à l'audience de plaidoirie et auxquelles il est expressément renvoyé, la CPAM de [Localité 3], appelante, demande à la cour de':
- infirmer le jugement déféré,
Statuant de nouveau,
- débouter Mme [R] de sa demande,
- confirmer le taux d'incapacité permanente partielle de 3 % déterminé suite à l'accident de travail dont a été victime Mme [R] le 17 octobre 2016.
Selon ses conclusions visées par le greffe le 12 janvier 2023, reprises oralement à l'audience de plaidoirie et auxquelles il est expressément renvoyé, Mme [R] , intimée, demande à la cour de':
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré.
SUR QUOI LA COUR
Sur le taux médical d'incapacité permanente partielle
La CPAM de [Localité 3] fait valoir que le barème prévoit':
Pseudarthroses et déformations':
clavicule Dominant Non dominant
. cal difforme, sans compression 2 à 5 1 à 3
nerveuse, selon gêne fonctionnelle
. compressions nerveuses (voir séquelles
portant sur le système nerveux périphérique
. pseudarthrose 5 3
et que les séquelles (séquelles de fracture de la fracture gauche chez une droitière compliquée d'algoneurodystrophie chez une droitière. Douleur et petite limitation de mobilité dans tous les secteurs) ont été évaluées par le médecin conseil conformément à ce barème, et en considération de l'existence d'une affection intercurrente bilatérale non imputable à l'accident, que le docteur [M] n'a pas pris en compte puisque dans la partie intitulée «'état antérieur - antécédents'», il est indiqué «'néant'». En outre, le docteur [U], chef de l'échelon local du service médical, est d'avis que, dans le rapport du docteur [M], les séquelles décrites correspondent à l'évaluation clinique établie lors de son examen clinique le 24 septembre 2020, que seule les mobilités actives ont été étudiées alors que suivant le barème indicatif d'invalidité accidents du travail, l'étude de la mobilité doit s'effectuer en passif, et qu'il n'a pas été tenu compte de l'intrication d'une pathologie dégénérative non imputable à l'accident du travail.
Mme [R] objecte qu'elle ne peut plus soulever de poids ni nager, a des douleurs au niveau du sternum, et du côté gauche, de l'omoplate, du cou et des cervicales, et n'a pas retrouvé entièrement l'amplitude de mouvement de l'articulation.
Sur ce,
Aux termes de l'article L.434-2 alinéa 1 du code de la sécurité sociale, le taux de l'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.
Suivant l'article R.434-32 alinéas 1 et 2 du même code, au vu de tous les renseignements recueillis, la caisse primaire se prononce sur l'existence d'une incapacité permanente et, le cas échéant, sur le taux de celle-ci et sur le montant de la rente due à la victime ou à ses ayants droit. Les barèmes indicatifs d'invalidité dont il est tenu compte pour la détermination du taux d'incapacité permanente d'une part en matière d'accidents du travail et d'autre part en matière de maladies professionnelles sont annexés au livre IV de la partie réglementaire du code de la sécurité sociale (annexes 1 et 2 du code).
Suivant une jurisprudence constante, le taux d'incapacité permanente partielle doit être fixé en fonction de l'état séquellaire au jour de la consolidation de l'état de la victime sans que puissent être pris en considération des éléments postérieurs à ladite consolidation (Cass. Civ. 2e 15 mars 2018 pourvoi n° 17-15.400), et relève de l'appréciation souveraine et motivée des juges du fond (Cass. civ.2e 16 septembre 2010 pourvoi n° 09-15.935, 4 avril 2018 pourvoi n° 17-15.786).
Le barème indicatif d'invalidité accidents du travail figurant à l'annexe I à l'article R.434-32 du code de la sécurité sociale prévoit, s'agissant de l'atteinte des fonctions articulaires du membre supérieur':
Blocage et limitation des mouvements des articulations du membre supérieur, quelle qu'en soit la cause.
Epaule :
La mobilité de l'ensemble scapulo-huméro thoracique s'estime, le malade étant debout ou assis, en empaumant le bras d'une main, l'autre main palpant l'omoplate pour en apprécier la mobilité :
- Normalement, élévation latérale : 170° ;
- Adduction : 20° ;
- Antépulsion : 180° ;
- Rétropulsion : 40° ;
- Rotation interne : 80° ;
- Rotation externe : 60°.
La main doit se porter avec aisance au sommet de la tête et derrière les lombes, et la circumduction doit s'effectuer sans aucune gêne.
Les mouvements du côté blessé seront toujours estimés par comparaison avec ceux du côté sain. On notera d'éventuels ressauts au cours du relâchement brusque de la position d'adduction du membre supérieur, pouvant indiquer une lésion du sus-épineux, l'amyotrophie deltoïdienne (par mensuration des périmètres auxilaires vertical et horizontal), les craquements articulaires. Enfin, il sera tenu compte des examens radiologiques.
DOMINANT
NON DOMINANT
Blocage de l'épaule, omoplate bloquée
55
45
Blocage de l'épaule, avec omoplate mobile
40
30
Limitation moyenne de tous les mouvements
20
15
Limitation légère de tous les mouvements
10 à 15
8 à 10
Suivant le rapport du docteur [M], Mme [R] a présenté, suite à une chute de sa hauteur, une fracture en baïonnette du tiers moyen de la clavicule, ainsi que des fractures des arcs antérieurs et moyens des 3ème et 4ème côtes à gauche ainsi que des arcs moyens des 5ème et 6ème côtes à gauche. Une algoneurodystrophie de l'épaule a été diagnostiquée le 22 février 2017, qui a été reconnue imputable à l'accident. Des IRM de l'épaule, pratiquées le 24 février 2017 puis le 3 mars 2018, ont montré, la première, une discrète tendinopathie du supra-épineux sans signe de rupture, une arthropathie acromio-claviculaire modérée, et un cal osseux hypertrophique de l'union du tiers moyen tiers externe de la clavicule, et la seconde, une tendinopathie non compliquée du muscle supra-épineux et un discret épanchement autour du tendon du long biceps, isolé. La fracture a été traitée par immobilisation par un anneau en huit pendant quatre semaines et Mme [R] a bénéficié de nombreuses séances de rééducation.
Le docteur [M] a ensuite procédé à un recueil des doléances de Mme [R] et à un examen clinique de cette dernière et a consigné les observations ci-après':
Mobilités actives':
Epaule
Amplitude
Normale
Droite
Gauche
Antépulsion
180°
180°
130°
Rétropulsion
40°
40°
35°
Abduction
170°
180°
90°
Adduction
20°
20°
20°
Rotation externe
45°
0°
0°
Rotation interne RE1
T10
L3
Mouvements complexes
Main-oreille opposée
réalisé
Non réalisé
Main-nuque
réalisé
réalisé
Elle a indiqué qu'il n'existait pas d'état antérieur, a déterminé que les séquelles consistaient en une épaule gauche limitée dans l'élévation latérale, la rotation interne, et douloureuse lors de sollicitations répétées et le port de charges en secteurs fonctionnels, et a conclu à un «'taux de 10 % au regard de l'atteinte fonctionnelle légère de l'épaule gauche chez une droitière, majorée d'un coefficient professionnel de 2 %'».
Le médecin conseil de la caisse a pour sa part retenu des «'séquelles de fracture de la clavicule gauche compliquée d'algoneurodystrophie. Douleur et petite limitation de mobilité dans tous les secteurs. Le taux proposé tient compte d'une affection intercurrente bilatérale non imputable à l'accident du travail'».
Il résulte de ces éléments que le docteur [M] comme le médecin conseil de la caisse ont chacun conclu à une épaule douloureuse et à une atteinte fonctionnelle «'légère'» ou «'petite'». Il ne peut être considéré, comme l'a fait le docteur [U], médecin chef échelon local du service médical de la caisse, auquel cette dernière a soumis les deux rapports, au prétexte que le docteur [M] a procédé, comme prévu à sa mission, à un examen clinique de Mme [R], que c'est à la date de cet examen clinique qu'elle a apprécié les séquelles et non à celle de la consolidation. Le médecin conseil de la caisse a retenu l'existence d'une affection intercurrente sans la mentionner ni préciser son incidence sur les séquelles observées, et le docteur [U], a relevé l'existence d'une pathologie dégénérative touchant l'épaule contro-latérale, ce, en considération des compte-rendus d'IRM des 3 mai 2017 et 3 août 2018, sans s'expliquer non plus sur l'incidence de cette pathologie sur les séquelles. Outre que ces examens, qui ont révélé une tendinopathie du supra-épineux, sont postérieurs à l'accident, il s'agit là d'une pathologie de nature à participer des douleurs mais non de la limitation de la mobilité observée et appréciée de la même façon par le médecin conseil et par l'expert judiciaire puisque qualifiée par le premier de «'petite'» et par le second de «'légère'». Au vu du barème indicatif d'invalidité accidents du travail ci-dessus rappelé, une telle limitation légère de la mobilité de l'épaule gauche, chez une droitière, justifie le taux de 10 % retenu par le consultant judiciaire.
Sur le coefficient professionnel
La CPAM de [Localité 3] fait valoir':
- que Mme [R] ne rapporte aucune preuve d'un préjudice en relation directe et certaine avec l'accident du travail,
- qu'elle a repris son travail à temps complet le 3 mai 2017,
- que comme souligné par le docteur [U], le médecin conseil a tenu compte de l'intrication d'une pathologie dégénérative touchant l'épaule contro-latérale non traulmatisée, non imputable à l'accident et qui évolue pour son propre compte,
- que Mme [R] était âgée de 65 ans à la date de la consolidation.
Afin de déterminer le taux d'incapacité permanente, il est possible d'appliquer, à titre de correctif de la nature de l'infirmité, un coefficient professionnel tenant compte des risques de perte d'emploi ou de difficultés de reclassement, du caractère manuel de la profession exercée, du fait d'être victime d'un licenciement pour motif économique, de l'octroi d'une qualification inférieure, de la perte d'une rémunération supplémentaire, de la gène professionnelle imputable à la maladie professionnelle nécessitant de fournir de fréquents efforts, même s'il n'en résulte pas pour l'intéressé une perte de salaire effective.
En l'espèce, Mme [R], exerçait encore, au moins jusqu'à son examen le 23 septembre 2020 par le consultant judiciaire la profession d'aide à domicile, une profession dont la pénibilité a été accrue par les séquelles de l'accident. C'est donc à raison que le premier juge a retenu un coefficient professionnel à hauteur de 2 %.
En conséquence de ces éléments, le jugement sera confirmé relativement à la fixation d'un taux d'incapacité permanente partielle de 12 % dont 2 % au titre du coefficient professionnel.
Les dépens exposés en appel seront à la charge de la CPAM de [Localité 3], qui succombe.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré, statuant, publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu le 29 janvier 2021 par le pôle social du tribunal judiciaire de Bayonne,
Y ajoutant,
Condamne la CPAM de [Localité 3] aux dépens exposés en appel.
Arrêt signé par Madame SORONDO, Conseiller, par suite de l'empêchement de Madame NICOLAS, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, P/LA PRÉSIDENTE empêchée