SdF/ND
Numéro 24/2190
COUR D'APPEL DE PAU
3ème CH Spéciale
surendettement
ARRÊT DU 02/07/2024
Dossier : N° RG 24/01322 - N° Portalis DBVV-V-B7I-I2ZQ
Nature affaire :
Contestation des mesures imposées par la commission de surendettement des particuliers
Affaire :
[V] [B]
C/
[P] [Z], S.A. [9]
copie certifiée conforme délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 02 Juillet 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 11 Juin 2024, devant :
Madame Sylvie de FRAMOND, magistrat chargé du rapport,
assistée de Madame Nathalèn eDENIS, greffier présente à l'audience,
Sylvie de FRAMOND, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame Sylvie DE FRAMOND, Conseillère faisant fonction de Présidente
Madame Alexandra BLANCHARD, Conseillère
Monsieur Dominique ROSSIGNOL, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [V] [B]
né le 13 Juillet 1979 à [Localité 12] (30)
de nationalité française
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représenté par Me Joël PERES, avocat au barreau de Tarbes
INTIMEES :
Madame [P] [Z]
née le 16 mai 1973 à [Localité 6]
de nationalité française
[Adresse 10]
[Localité 4]
assistée de Me Julien SOULIE de la SELARL SOULIE MAUVEZIN, avocat au barreau de Tarbes
S.A. [9]
[Adresse 1]
[Localité 3]
non comparante, ni représentée, bien que régulièrement convoquée par lettre recommandée avec accusé de réception signé
sur appel de la décision
en date du 24 AVRIL 2024
rendue par le JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION DE [Localité 13]
RG : 23/1262
EXPOSE DU LITIGE
Le 24 février 2022, la Commission de surendettement des particuliers des Hautes-Pyrénées a déclaré Mme [P] [Z] inéligible à la procédure de traitement de sa situation de surendettement en raison de son statut d'entrepreneur individuel.
Mme [P] [Z] a contesté cette décision d'inéligibilité, ayant cessé son activité de créatrice de bijoux.
Par jugement réputé contradictoire du 18 janvier 2023, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Tarbes a déclaré Mme [Z] recevable en sa demande de traitement de sa situation de surendettement, son entreprise ayant été liquidée et clôturée pour insuffisance d'actifs par jugement du 16 mai 2018 et a renvoyé le dossier à la Commission.
La Commission retenait que Mme [P] [Z] était hébergée gracieusement, et recevait sa fille en droit de visite ; qu'elle disposait de ressources à hauteur de 1404 € par mois et avait des charges de 766,30 €, permettant de fixer des mesures d'échelonnement du remboursement des dettes par mensualités maximum de 211,50 € pendant 41 mois avec un taux d'intérêt réduit à 0%.
Mme [P] [Z] a contesté ces mesures.
Par jugement du 24 avril 2024, le juge des contentieux de la protection de [Localité 13], constatant que Mme [P] [Z] payait désormais un loyer personnel de 176 €, APL déduite, et avait des charges d'assurance, de cantine et frais d'essence pour son travail ne lui laissant aucune capacité de remboursement, considérait que sa situation était irrémédiablement compromise et prononçait un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire.
M. [V] [B] a interjeté appel de la décision par déclaration du 3 mai 2024, estimant que la situation de Mme [P] [Z] n'était pas irrémédiablement compromise et que le premier juge avait fait une mauvaise appréciation des charges réelles de la débitrice qui ne produisait pas de justificatifs ou dont les charges alléguées rentraient dans le forfait et avaient donc été comptées deux fois.
Les parties ont été convoquées à l'audience par lettre recommandée avec accusé de réception.
A l'audience, le conseil de M. [V] [B] s'en rapportant à ses écritures, fait valoir que devant le premier juge, il avait accepté un étalement des remboursements sur 54 mois par mensualité de 150 € et la dernière de 148 €, ce qu'il demande en appel, refusant l'effacement de sa créance s'élevant à la somme de 8248,66 €.
Il fait valoir que le juge n'a pas tenu compte de la pension alimentaire qu'elle doit percevoir et figurant sur le relevé de la CAF. La commission retient également un forfait enfant alors qu'il n'est pas justifié d'une charge d'enfant, que la charge de loyer ne doit pas comprendre la provision pour charges. La débitrice a fait assurer son mobilier et ses objets de valeur pour 4700 €, elle dispose donc d'un patrimoine mobilisable, ou alors sa prime est surévaluée.
M. [B] doute également de la réalité du bail souscrit compte tenu des incohérences du document produit, et questionne le choix d'un logement à [Localité 11] plutôt qu'à [Localité 13] où elle travaille.
A titre subsidiaire, il demande avant-dire droit que le Fichier National des comptes bancaires soit interrogé sur la liste de tous les comptes ouverts par Mme [Z].
Le conseil de Mme [Z] s'en rapportant à ses écritures fait valoir qu'elle perçoit des revenus mensuels de 1549,43 € et a des charges totales de 1823,22 € ne lui permettant pas d'effectuer des remboursements. Elle a produit des quittances de loyer et a justifié de frais de cantine qu'elle expose dans le cadre de son activité dans un établissement scolaire
Elle demande donc la confirmation du jugement, ou subsidiairement, de limiter ses remboursements à 50 € par mois.
Elle réclame une somme de 1500 € au titre de l'article 700 du cpc.
La société [9] n' a pas écrit ni comparu.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les mesures contestées :
En application des articles L. 733-10, L. 733-12 et L. 733-13 du code de la consommation la Cour d'Appel, saisie d'un recours contre un jugement statuant sur les mesures imposées par la Commission de surendettement, doit réexaminer l'ensemble de la situation du débiteur aux fins de prendre les mesures adaptées à sa situation actualisées au jour de l'arrêt (prévues aux articles L. 733-1, L. 733-4, L. 733-7 et L. 733-13 du code de la consommation).
En l'espèce,
Le total des ressources de Mme [Z] s'élèvait en 2024 selon attestation de la CAF:
salaire AESH : 995 €
prime d'activité : 438 €
Allocation logement : 326 €
Allocation éducation enfant handicapée : 149 €
Total = 1862 €
Sa fille [Y], agée de bientôt 16 ans est placée par le juge des enfants depuis 2019, Mme [Z] ne perçoit donc plus de pension alimentaire du père depuis cette date, la mention d'un paiement d'arriérés de pension de 20,39 € en octobre 2023 ne constitue pas un revenu supplémentaire mais le rattrapage d'un non paiement de la pension par le père.
Mme [Z] justifie par des quittances de loyer et une attestation d'assurance être bien locataire d'un appartement à [Localité 11] dont le loyer s'élève à 650 € pour un T3. Elle doit en effet disposer d'une chambre pour accueillir sa fille qu'elle reçoit un week-end sur 2, une semaines aux vacances scolaires et 15 jours en été, par conséquent ce loyer n'est pas excessif.
Son contrat de travail concerne les établissements de l'académie des Hautes-Pyrénées, le choix d'un domicile à [Localité 11] n'est donc pas critiquable.
Ses charges, selon le forfait 2024 de la [8] est de 866 € pour une personne seule prenant en compte pour 625 € les charges courantes (alimentation, transport vêtements, mutuelle) et pour 241 € les charges d'habitation (eau, électricité, téléphone, assurance).
Les frais de cantine sont inclus dans le forfait de base qui prend en compte l'alimentation. Les factures produites d'eau, d'électricité et d'assurance ne dépassent pas le forfait de la Commission au titre de ces charges. La nécessité de disposer de deux téléphones portables n'est pas justifiée, mais l'abonnement Internet comprenant un téléphone portable sera admis pour 70 €, la nécessité de cet équipement n'étant pas contestable. L'accueil de sa fille en droit de visite justifie de rajouter un forfait de 60 €.
Mme [Z] indique devoir aider son fils âgé de 20 ans qui était en résidence chez son père à [Localité 7] mais qui vient de commencer un BTS informatique à [Localité 13]. Il en sera tenu compte à hauteur de 70€ par mois.
Total des charges = 1716 €
Le minimum légal devant être laissé à la disposition de Mme [Z] s'élève donc à la somme de 1716 € .
Il en résulte une capacité de remboursement de 1862 - 1716 = 146 €.
La part maximum légale pouvant être consacrée au remboursement des dettes selon le barème de la quotité saisissable est de 321,88€.
L'endettement total de Mme [Z] s'élève à 8555,21'€ selon l'état des créances dressé par la Commmission de surendettement.
Il apparaît ainsi que la situation de Mme [Z] n'est pas irrémédiablement compromise, elle dispose d'une capacité de remboursement de 146 €, inférieure au montant de la quotité saisissable constituant le montant maximum des mensualités.
Il résulte de ces éléments que des mesures de traitement du surendettement sont de nature à assurer le redressement de la situation de Mme [Z], les créances ne porteront pas d'intérêt pendant la durée du plan afin de garantir le redressement de la débitrice.
En conséquence, il convient d'infirmer la décision critiquée et de fixer les modalités de remboursement comme dit au dispositif.
Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties le montant des frais exposés pour sa défense dans cette procédure. La demande d'indemnité au titre de l'article 700 du cpc de Mme [Z] sera donc rejetée.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par décision réputée contradictoire et en dernier ressort ;
Infirme le jugement rendu le 24 avril 2024 en ce qu'il prononce le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire de Mme [Z] ;
Dit que Mme [P] [Z] remboursera ses dettes par 58 mensualités de 146 €, et une 59e mensualité de 86,92 €, apurant la totalité de son passif.
Dit qu'un tableau récapitulatif des mensualités du plan restera annexé au présent arrêt,
Dit que, pendant la durée du plan, les créances ne porteront pas intérêt et que les paiements seront imputés sur le capital,
Dit que le plan entrera en vigueur le premier jour du mois suivant la notification du présent arrêt, et que les paiements devront être effectués aux créanciers avant le 10 de chaque mois.
Rappelle que la débitrice devra prendre directement et dans les meilleurs délais contact avec les créanciers figurant dans la procédure pour la mise en place des modalités de paiement des échéances du plan,
Suspend, pendant toute la durée du présent plan, les mesures d'exécution qui auraient pu être engagées à l'encontre de Mme [Z] et rappelle aux créanciers qu'ils ne peuvent exercer aucune voie d'exécution pendant ce délai,
Dit que Mme [Z] sera déchue du bénéfice de la présente procédure si elle aggrave son endettement sans l'accord des créanciers ou du juge chargé du surendettement, ou si elle ne respecte pas les modalités du présent arrêt, quinze jours après une mise en demeure restée infructueuse d'avoir à remplir ses obligations,
Rejette la demande de Mme [Z] d'indemnité au titre de l'article 700 du cpc ;
Dit que la présente décision sera notifiée à chacune des parties par le Greffe par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, une copie étant adressée par lettre simple à la Commission, conformément aux dispositions de l'article R.'713-11 du code de la consommation';
Laisse les dépens à la charge du Trésor Public.
Le présent arrêt a été signé par Madame Sylvie DE FRAMOND, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Madame Nathalène DENIS, greffière suivant les dispositions de l'article 456 du Code de Procédure Civile.
La Greffière La Présidente