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29/08/2024 | FRANCE | N°22/01636

France | France, Cour d'appel de Pau, Chambre sociale, 29 août 2024, 22/01636


TP/SB



Numéro 24/2603





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 29/08/2024









Dossier : N° RG 22/01636 - N° Portalis DBVV-V-B7G-IHQO





Nature affaire :



Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail















Affaire :



S.A.S. GESLOC [Localité 5]



C/



[L] [J],



S.E.L.A.R.L. MJPA,



CGEA [

Localité 3] - AGS















Grosse délivrée le

à :













RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 29 Août 2024, les parties en ayant été préalablement avis...

TP/SB

Numéro 24/2603

COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale

ARRÊT DU 29/08/2024

Dossier : N° RG 22/01636 - N° Portalis DBVV-V-B7G-IHQO

Nature affaire :

Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail

Affaire :

S.A.S. GESLOC [Localité 5]

C/

[L] [J],

S.E.L.A.R.L. MJPA,

CGEA [Localité 3] - AGS

Grosse délivrée le

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

A R R Ê T

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 29 Août 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * * * *

APRES DÉBATS

à l'audience publique tenue le 10 janvier 2024, devant :

Madame CAUTRES-LACHAUD, Président

Madame SORONDO, Conseiller

Madame PACTEAU, Conseiller

assistées de Madame BARRERE, faisant fonction de Greffière.

Les magistrats du siège ayant assisté aux débats ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

APPELANTE :

S.A.S. GESLOC [Localité 5] Prise en la personne de son représentant légal, domicilié es qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Maître MAILHOL, avocat au barreau de BAYONNE

INTIMES :

Madame [L] [J]

née le 23 Mai 1998 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 4]

[Localité 6]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/3687 du 16/09/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PAU)

Représentée par Maître LAGUNE loco Maître DEDIEU, avocat au barreau de BAYONNE

S.E.L.A.R.L. MJPA prise en la personne de Maître [P] ès qualités de mandataire liquidateur de la SAS GESLOC [Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 7]

Assignée

CGEA [Localité 3] - AGS

[Adresse 8]

[Localité 3]

Assigné

sur appel de la décision

en date du 12 MAI 2022

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE BAYONNE

RG numéro : 20/00253

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [L] [J] a été embauchée par la SAS Geslocbiarritz, selon contrat à durée déterminée du 19 avril 2018 au 30 août 2018, en qualité d'employée de ménage.

Estimant que la relation de travail a perduré au-delà de cette date, Mme [J] a saisi la juridiction prud'homale au fond aux fins d'obtenir notamment des rappels de salaire.

Par jugement du 12 mai 2022, le conseil de prud'hommes de Bayonne, statuant en formation de départage, a :

- Dit que le contrat est devenu un contrat de travail à durée indéterminée des suites de la poursuite de son exécution au-delà du délai prévu,

- Dit que la SAS Geslocbiarritz a été défaillante dans le paiement des salaires dus,

- Dit que la SAS Geslocbiarritz a dissimulé le travail de Mme [L] [J] pendant plusieurs mois,

- Condamné la société Geslocbiarritz à payer à Mme [L] [J] les sommes de :

$gt; 5.833,97 euros net au titre des impayés de salaires et des indemnités de congés payés des années 2018 et 2019,

$gt; 7.503 euros net au titre de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L 8233-1 du Code du travail pour travail dissimulé,

$gt; 1.500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

- Condamné la société Geslocbiarritz à remettre à Mme [L] [J] :

*le certificat de travail,

*l'attestation Pôle emploi,

*le solde de tout compte,

consécutifs à son départ de la société le 21/09/2019,

sous astreinte de 50,00 euros par jour de retard passé le délai de 20 jours à compter de la notification de cette décision,

- Condamné la société Geslocbiarritz aux dépens,

- Condamné la société Geslocbiarritz à payer à Mme [L] [J] une indemnité de 1.300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 12 juin 2022, la SAS Geslocbiarritz a interjeté appel du jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées.

Par jugement du 3 octobre 2022, le tribunal de commerce de Bayonne a prononcé la liquidation judiciaire de la société Geslocbiarritz avec date de cessation des paiements le 28 Décembre 2021 et désigné le liquidateur SELARL MJPA prise en la personne de Me [T] [P].

Par assignations des 23 novembre 2022 et 5 décembre 2022, Mme [J] a sollicité respectivement du CGEA [Localité 3] et de la Selarl MJPA intervenant en qualité de mandataire liquidateur qu'ils interviennent dans la procédure et que l'arrêt à intervenir leur soit déclaré commun et opposable, assignations enrôlées sous le numéro RG 22/3273.

Selon ordonnance du 16 décembre 2022, la présidente de la chambre sociale de la cour d'appel de Pau a ordonné la jonction des procédures RG 22/03273 et 22/01636 sous le numéro RG 22/01636.

Dans ses conclusions adressées au greffe par voie électronique le 12 septembre 2022, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, la société Geslocbiarritz demande à la cour de :

- Infirmer en son intégralité le jugement de départage rendu par le Conseil de Prud'hommes de Bayonne le 12 mai 2022,

Statuant de nouveau,

- Débouter Mme [J] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- Condamner Mme [J] au paiement de la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC, au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel.

Dans ses conclusions n°2 adressées au greffe par voie électronique le 22 mars 2023 auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, Mme [L] [J], formant appel incident, demande à la cour de :

- Infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Geslocbiarritz à :

* Payer à Mme [J] la somme de 5.833,97 euros net au titre des impayés de salaires et des indemnités de congés payés des années 2018 et 2019,

* Payer à Mme [J] la somme de 1.500,00 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral,

* Payer à Mme [J] la somme de 1.300,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance,

Et statuant à nouveau :

- Juger que le contrat liant la société Geslocbiarritz à Mme [J] est devenu un CDI des suites de la poursuite de son exécution au-delà du délai prévu,

- Juger que la société Geslocbiarritz a été défaillante dans le paiement des salaires dus à Mme [J],

En conséquence,

- Condamner la société Geslocbiarritz à payer à Mme [J] la somme de 13.633,97 euros net au titre des impayés de salaires et des indemnités de congés payés des années 2018 et 2019, sous 50 euros d'astreinte par jour de retard à compter de la décision à intervenir,

- Confirmer le jugement de départage rendu le 12 mai 2022 par le Conseil de Prud'hommes de Bayonne en ce qu'il a condamné la société Geslocbiarritz à remettre à Mme [J] l'attestation Pôle Emploi, le Certificat de travail et le solde de tout compte, sous 50 euros d'astreinte par jour de retard à compter de la décision à intervenir,

- Juger que la société Geslocbiarritz a dissimulé le travail de Mme [J] pendant de nombreux mois,

En conséquence,

- Confirmer le jugement de départage rendu le 12 mai 2022 par le Conseil de Prud'hommes de Bayonne en ce qu'il a condamné la société Geslocbiarritz à payer à Mme [J] la somme de 7.503,00 euros net au titre de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L 8223-1 du Code du Travail pour travail dissimulé,

- Juger que ce paiement devra intervenir sous 50 euros d'astreinte par jour de retard à compter de la décision à intervenir,

- Débouter la société Geslocbiarritz de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- Condamner la société Geslocbiarritz à verser à Mme [J] la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral, sous 50 euros d'astreinte par jour de retard à compter de la décision à intervenir,

- Condamner la société Geslocbiarritz à verser à Mme [J] la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure outre les entiers dépens de l'instance, sous 50 euros d'astreinte par jour de retard à compter de la décision à intervenir,

- Juger que l'arrêt à intervenir sera déclaré commun et opposable à la Selarl MJPA, prise en la personne de Maître [T] [P], ès-qualité de mandataire liquidateur de la société Geslocbiarritz selon jugement du Tribunal de Commerce de Bayonne du 03 octobre 2022,

- Fixer le montant de la créance de Mme [J] à l'égard de la société Geslocbiarritz au passif de la liquidation judiciaire ouverte à son encontre et confiée à la Selarl MJPA, prise en la personne de Maître [T] [P], ès-qualité de mandataire liquidateur selon jugement du Tribunal de Commerce de Bayonne du 03 octobre 2022,

- Juger que l'arrêt à intervenir sera déclaré commun et opposable au C.G.E.A. DE [Localité 3] ' AGS.

La SELATL MJPA intervenant es qualité de mandataire liquidateur de la société Geslocbiarritz et le CGEA de [Localité 3] n'ont pas constitué avocat, ni conclu.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 11 décembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la qualification du contrat de travail

L'article L.1243-11 du code du travail dispose que lorsque la relation contractuelle de travail se poursuit après l'échéance du terme du contrat à durée déterminée, celui-ci devient un contrat à durée indéterminée.

Le salarié conserve l'ancienneté qu'il avait acquise au terme du contrat de travail à durée déterminée.

La durée du contrat de travail à durée déterminée est déduite de la période d'essai éventuellement prévue dans le nouveau contrat de travail.

Il ressort des éléments du dossier que les parties ont été liées par un contrat à durée déterminée signé d'elles deux comme le démontre l'exemplaire produit par la société Geslocboarritz, pour la période du 19 avril au 30 août 2018, pour une durée de travail hebdomadaire de 20 heures, avec un préavis d'un mois qui n'avait pas lieu d'être car il s'agissait d'un contrat à durée déterminée.

L'erreur matérielle qui affecte la date de naissance de la salariée est indifférente : il s'agit seulement d'une erreur de plume avec la mention du 25 mars 1998 au lieu du 23 mai 1998, soit une inversion de chiffre (25/03 au lieu du 23/05).

Après le terme du contrat à durée déterminée qui les liait, soit après le 30 août 2018, Mme [J] a continué de réaliser des prestations de travail pour le compte de la société Geslocbiarritz. Les bulletins de paie qu'elle produit démontrent d'ailleurs qu'elle a été salariée jusqu'au 31 octobre 2018, date à laquelle le bulletin mentionne « fin de contrat ». Aucun avenant n'a pourtant été signé pour proroger le terme du contrat qui, pour ce seul motif, doit être requalifié de contrat à durée indéterminée. Il importe de relever que, malgré cette mention « fin de contrat », la relation de travail s'est poursuivie par la suite, comme en attestent les paiements qu'elle a perçus entre les mois de décembre 2018 et octobre 2019.

Les sms échangés entre Mme [J] et Mme [Z], employée de la société Geslocbiarritz laissent penser que l'intimée avait fait des démarches pour être déclarée en tant qu'autoentrepreneur : elle sollicitait Mme [Z] afin d'avoir de l'aide pour faire les déclarations auprès des organismes sociaux.

Or, Mme [J] ne disposait pas de l'indépendance du statut d'entrepreneur individuel. En effet, les pièces qu'elle verse aux débats, et qui ne sont pas contredites utilement, montrent qu'après l'échéance de son contrat à durée déterminée elle a continué de travailler selon le même planning, auprès des mêmes clients. L'examen de ces pièces, tableau, sms, permet d'établir que Mme [J] a travaillé chez les mêmes clients, successivement pour la société Esprit Conciergerie [Localité 5] d'octobre 2017 à début avril 2018, jusqu'à son placement en liquidation judiciaire, puis pour la société Geslocbiarritz, à compter de sa création.

Elle a transmis les horaires de travail qu'elle a faits de la même manière pendant l'exécution du contrat à durée déterminée que par la suite comme en témoignent ses sms entre septembre 2018 et juin 2019.

Tous ces éléments imposent de considérer que la relation de travail s'est poursuivie dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée.

Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

Sur la demande de rappel de salaires

Mme [J] demande le paiement des heures de travail qu'elle dit avoir réalisées et qui ne lui ont pas été payées pendant les années 2018 et 2019.

Il résulte des dispositions de l'article L.3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.

Au soutien de sa demande, Mme [J] produit ses bulletins de paie des mois d'avril à octobre 2018, un emploi du temps, un décompte des heures de travail qu'elle a effectuées jour après jour et client par client du 3 octobre 2017 au 21 septembre 2019, plus particulièrement du 14 avril 2018 au 21 septembre 2019 pour la société Geslocbiarritz, et le listing des mails qu'elle a adressés à son employeur avec le décompte des heures réalisées du 1er août 2018 au 24 juin 2019.

Les sms produits peuvent en outre être retenus car s'ils ne mentionnent pas l'année de leur envoi, force est de constater qu'ils sont nécessairement du 4octobre 2019 puisque le message du 1er octobre comporte les heures de travail que Mme [J] dit avoir faites d'octobre à décembre 2017 et de janvier à décembre 2018.

Ces éléments sont suffisamment précis pour que l'employeur y réponde.

Or, celui-ci ne verse aux débats aucun élément attestant du contrôle de la durée du travail de la salariée. Il ne fait que discuter les éléments produits par la salariée alors qu'il convient de rappeler que la charge de la preuve des heures de travail réalisées ne lui incombe pas et qu'elle étaye suffisamment sa demande de rappel de salaires.

Il doit dès lors être considéré que Mme [J] n'a pas été rémunérée de toutes les heures de travail accomplies.

Néanmoins, le tableau dont elle retire qu'elle est créancière de la somme de 13633,97 compare des données en salaire brut pour ce qu'elle estime lui être dû et en salaire net pour ce qu'elle a perçu et vise la période jusqu'au mois de septembre 2019 inclus.

A l'examen des pièces produites, il appert que Mme [J] aurait dû percevoir, entre avril 2018 et septembre 2019 la somme totale de 22508,89 euros bruts, à titre de rappel de salaires.

Or, elle a perçu 10 034,29 euros nets, étant observé que pour 20 heures de travail par semaine, son salaire net s'élevait à 800 euros par mois.

En conséquence, il convient de fixer à la somme de 9571,43 bruts la créance de Mme [J] à l'égard de la liquidation judiciaire de la société Geslobiarritz à titre de rappel de salaire pour la période d'avril 2018 à septembre 2019, outre 957,14 euros pour les congés payés y afférents.

Le jugement querellé sera infirmé sur ce point.

Sur le travail dissimulé

Selon les dispositions de l'article L.8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L'article L.8223-1 du code du travail dispose pour sa part qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

La dissimulation d'emploi salarié prévu par l'article L8221-5 du code du travail n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie, un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué.

Il appartient au salarié de démontrer que l'employeur a volontairement dissimulé une partie du temps de travail du salarié en ne lui payant pas ses heures supplémentaires. Cette intention ne peut pas se déduire de la seule absence de preuve, par l'employeur, des horaires effectués par son salarié.

En l'espèce, les pièces produites par Mme [J], à savoir les mails produits avec les horaires effectués et les versements sur son compte de sommes correspondant à des salaires nets, et l'absence de tout bulletin de paie postérieurement à partir du mois de novembre 2018 et de déclaration de la salariée auprès des organismes sociaux permettent de caractériser l'intention malicieuse de l'employeur qui a continué sciemment de faire travailler Mme [J], en lui faisant prendre le statut d'entrepreneur individuel pour échapper à ses obligations alors qu'il a conservé son pouvoir de direction et d'organisation du travail à son égard.

En conséquence, le travail dissimulé pour dissimulation de salarié est constitué.

La créance de Mme [J] à ce titre sera fixée au passif de la société Geslocbiarritz à hauteur de 7503 euros.

Le jugement déféré sera confirmé sur le quantum et complété en ce qui concerne la fixation au passif.

Sur les dommages et intérêts pour préjudice moral

Mme [J] fonde sa demande indemnitaire sur le retard de paiement des salaires par la société Geslocbiarritz.

Il appert au préalable de relever que le non-paiement des salaires dont Mme [J] se prévaut pour la période antérieure à avril 2018 concerne une autre société que la société Geslocbiarritz et ne saurait être retenue dans la présente procédure.

Concernant la relation de travail entre Mme [J] et la société Geslocbioarritz, c'est par une juste appréciation des faits de l'espèce que le conseil de prud'hommes lui a alloué la somme de 1500 euros à titre de dommages et intérêts en raison des tracas et de la situation de précarité causés par cette situation. En effet, si le préjudice résultant du retard de paiement des salaires devant, en principe, être réparé par les intérêts moratoires, ceux-ci ne courent pas en l'espèce en raison de la procédure collective en cours. De plus, la salariée a dû réclamer le paiement des sommes qui lui étaient dues comme en témoignent les échanges de sms versés aux débats.

Cette somme sera donc fixée au passif de la société Geslocbiarritz.

Le jugement sera complété sur ce point.

Sur les demandes accessoires

Mme [J] demande que les condamnations en paiement soient toutes assorties d'une astreinte qui n'a toutefois pas lieu d'être en l'espèce eu égard à la procédure collective en cours.

Il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a ordonné la remise des documents de fin de contrat rectifiés à la salariée, à savoir attestation France Travail, certificat de travail et solde de tout compte, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Les dépens de l'instance, y compris ceux exposés devant le conseil de prud'hommes, seront fixés au passif de la liquidation judiciaire de la société Geslocbiarritz.

La décision querellée sera confirmée en ce qu'elle a alloué la somme de 1300 euros à Mme [J] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Il sera précisé que cette somme sera fixée au passif de la société appelante.

En cause d'appel, il y a lieu de fixer la créance de Mme [J], sur ce même fondement, à la somme de 1500 euros.

Le présent arrêt est opposable à l'Unedic délégation AGS CGEA de [Localité 3], dans les conditions et limites légales.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par décision réputée contradictoire et en dernier ressort,

INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Bayonne en date du 12 mai 2022, sauf en ce qu'il a dit que le contrat de travail était devenu un contrat de travail à durée indéterminée et les montants alloués à la salariée au titre du travail dissimulé, des dommages et intérêts et des frais irrépétibles, de même qu'en ce qui concerne la remise des documents de fin de contrat, sauf l'astreinte ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant:

' FIXE les créances de Mme [L] [J] au passif de la liquidation judiciaire de la société Geslocbiarritz aux montants suivants :

9571,43 euros au titre du rappel de salaire pour la période d'avril 2018 à septembre 2019, outre 957,14 euros pour les congés payés y afférents ;

7503 euros au titre de l'indemnité pour travail dissimulé,

1500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,

1300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en première instance,

1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles exposés en appel ;

DIT n'y avoir lieu de prononcer une astreinte pour le paiement de ces sommes, ni pour la communication des documents de fin de contrat ;

DIT que le présent arrêt est opposable à l'Unedic délégation AGS CGEA de [Localité 3], dans les conditions et limites légales ;

RAPPELLE que :

- la garantie de l'AGS est subsidiaire et que le présent arrêt est opposable au CGEA de [Localité 3] dans la seule mesure d'une insuffisance de disponibilités entre les mains du liquidateur,

- l'AGS ne garantit pas l'indemnité fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L 3253-6 et suivants du code du travail que dans les limites et conditions posées par l'article L 3253-19 et suivants du même code,

FIXE les dépens de l'instance, y compris ceux exposés devant le conseil de prud'hommes, au passif de la procédure collective de la société Geslocbiarritz.

Arrêt signé par Madame PACTEAU, Conseiller, suite à l'empêchement de Madame CAUTRES-LACHAUD, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LA GREFFIÈRE, P/LA PRÉSIDENTE empêchée,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Pau
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 22/01636
Date de la décision : 29/08/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 07/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-08-29;22.01636 ?
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