COUR D'APPEL D'ORLÉANS
CHAMBRE CIVILE
GROSSES + EXPÉDITIONS
la SCP LAVAL-LUEGERla SCP DESPLANQUES - DEVAUCHELLE
ARRÊT du : 15 SEPTEMBRE 2008
N° RG : 07/01728
DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : Jugement du Tribunal d'Instance d'ORLÉANS en date du 7 Juin 2007
PARTIES EN CAUSE
APPELANTE :
FÉDÉRATION DÉPARTEMENTALE DES CHASSEURS DU LOIRET agissant poursuites et diligences de son Président en exercice, domicilié en cette qualité audit siègeRue Paul Langevin45100 ORLÉANS
Représentée par la S.C.P. LAVAL-LUEGER avoués à la CourAyant pour avocat la S.C.P. LEMAIGNEN-WLODYKA du barreau d'ORLÉANS
D'UNE PART
INTIMÉ :
Monsieur Michel X......45560 SAINT DENIS EN VAL
Représenté par la S.C.P. DESPLANQUES-DEVAUCHELLE avoués à la CourAyant pour avocat Maître Pierre GUILLAUMA du barreau d'ORLÉANS
D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL EN DATE DU 4 Juillet 2007
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 28 Mai 2008
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats, à l'audience publique du 3 JUIN 2008, Madame Marie-Brigitte NOLLET, Conseiller, a entendu les avocats des parties, avec leur accord, par application des articles 786 et 910 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.
Lors du délibéré :
Monsieur Bernard BUREAU, Président de Chambre,
Madame Marie-Brigitte NOLLET, Conseiller, Rapporteur, qui en a rendu compte à la collégialité,
Madame Elisabeth HOURS, Conseiller.
Greffier :
Mademoiselle Nathalie MAGNIER faisant fonction de greffier.
ARRÊT :
Prononcé publiquement le 15 SEPTEMBRE 2008 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
Sur la demande formée par Michel X..., tendant à obtenir la réparation des dommages causés par le gibier à ses récoltes, conformément aux dispositions de l'article R 226-22 du code rural, le tribunal d'instance d'ORLÉANS a, par jugement du 7 juin 2007, condamné, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, la FÉDÉRATION DÉPARTEMENTALE DES CHASSEURS DU LOIRET à lui payer la somme de 11.828 €, à titre de dommages et intérêts, ainsi que celle de 800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et a condamné la même aux dépens.
La FÉDÉRATION DÉPARTEMENTALE DES CHASSEURS DU LOIRET a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières écritures signifiées le 9 mai 2008, elle en poursuit l'infirmation et demande à la cour, statuant à nouveau, de :- déclarer Michel X... irrecevable en ses demandes,subsidiairement,- le débouter de ses prétentions,très subsidiairement,- lui allouer la somme de 5.914 €, à titre de réparation,- condamner Michel X... à lui payer la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, - condamner le même aux dépens.
La FÉDÉRATION DÉPARTEMENTALE DES CHASSEURS DU LOIRET allègue que les dégâts de grand gibier, en l'espèce des chevreuils, sont indemnisables, à la condition que les animaux proviennent d'un fonds où ils ont fait l'objet de reprise ou d'un fonds sur lequel a été exécuté un plan de chasse, ce dernier étant celui de la dernière campagne accomplie avant la demande d'indemnisation, et fait observer que l'indemnisation sollicitée en l'espèce l'est au titre de dégâts subis en 2005, alors qu'un plan de chasse sur le fonds de l'intimé, duquel provenaient les animaux en cause, a été déposé pour la première fois en mars 2005, pour la campagne 2005/2006, de sorte que Michel X... n'a pas droit à indemnisation pour les dommages dont s'agit.
Subsidiairement, elle fait valoir que Michel X..., qui est pépiniériste, bien qu'ayant subi précédemment des dégâts, n'a pris aucune précaution pour protéger ses cultures, alors que la mise en place d'une simple clôture électrique aurait suffi.
Elle soutient encore que l'intimé conserverait les plans de ses cultures partiellement détruits et qu'il les revendrait, de sorte qu'une indemnisation totale constituerait pour lui un enrichissement sans cause.
Suivant conclusions signifiées le 28 mai 2008, Michel X... sollicite la confirmation du jugement entrepris et la condamnation de la FÉDÉRATION DÉPARTEMENTALE DES CHASSEURS DU LOIRET à lui payer la somme de 2.000 €, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre sa condamnation aux dépens.
Il allègue que, selon l'article R. 426-10 du code de l'environnement, si la provenance des animaux ne peut être précisée de manière certaine, les indemnisations sont prises en charge par la Fédération, comme si les animaux provenaient d'un fonds où le plan de chasse a été réalisé, qu'en l'occurrence, la preuve n'est pas rapportée de ce que le gibier proviendrait de son propre fonds ou de tout autre fonds sur lequel il n'y aurait pas de plan de chasse et que sa demande a, dès lors, à bon droit été jugée recevable.
Il fait valoir qu'en tout état de cause, la population de chevreuils est beaucoup trop importante par rapport aux 4 animaux alloués au titre du plan de chasse, de sorte que celui-ci s'est révélé sans effet pour 2005, que l'appelante ne peut lui faire grief de n'avoir mis aucune mesure en oeuvre pour éviter les dommages, alors qu'elle-même n'a proposé aucune mesure de prévention et que le coût d'installation d'une clôture efficace était beaucoup trop onéreux pour lui, qu'il justifie, enfin, de ce que tous les plans endommagés ont bien été détruits, l'allégation selon laquelle il revendrait les plans partiellement détruits étant purement diffamatoire.
SUR CE, LA COUR :
Attendu que, si, en principe, celui qui a subi dans ses récoltes un dommage causé par le grand gibier peut réclamer l'indemnisation de son préjudice à la FÉDÉRATION DÉPARTEMENTALE DES CHASSEURS, à la condition que le gibier provienne d'une réserve où il fait l'objet de reprise ou d'un fonds sur lequel a été exécuté un plan de chasse, et si nul ne peut prétendre à une indemnité pour des dommages causés par des gibiers provenant de son propre fonds (articles L. 426-1 et L. 426-2 du code de l'environnement), il résulte des dispositions de l'article R. 226-10 du code rural que, lorsque la provenance des animaux ne peut être précisée de façon certaine, les indemnisations sont prises en charge comme si les animaux provenaient d'un fonds où le plan de chasse a été réalisé ;
Attendu qu'il résulte, en l'espèce, du rapport de l'expert judiciaire, commis à la suite d'un précédent dégât de gibier intervenu en 2004 au préjudice de Michel X..., que les dommages étaient causés par des chevreuils de plaine en surnombre ;
Que l'expert, qui a relevé qu'il y avait une population importante d'animaux du fait de l'absence de plan de chasse sur le secteur et des difficultés de chasse provoquées par l'environnement péri-urbain, a précisé que le chevreuil avait son habitat autant dans les pépinières X... que sur l'ensemble du territoire agricole de la petite région, sept chevreuils ayant été éliminés entre juillet 2004 et février 2005, dont 2 sur le territoire de la pépinière X... ;
Que l'expertise amiable diligentée à la suite des dégâts survenus au mois de mai 2005 a clairement démontré que ces derniers avaient les mêmes causes que précédemment, ce qui n'est pas contesté ;
Que, du fait de l'importance de la population de chevreuils aux alentours de la pépinière et de sa dispersion dans le secteur, l'origine exacte des animaux à l'origine des présents dommages ne peut être déterminée avec certitude ;
Que la preuve n'est, en tous cas, aucunement rapportée de ce qu'il s'agirait d'animaux provenant du fonds de Michel X... ;
Que, dès lors, par application des dispositions précitées de l'article R 226-10 du code rural, la demande d'indemnisation formée par ce dernier est parfaitement recevable ;
Attendu, encore, qu'il ne peut être fait grief à Michel X... de ne pas avoir pris de mesure pour protéger ses cultures, dès lors que, dès après les dégâts de 2004, il a sollicité la mise en place d'un plan de chasse au mois de mars 2005, lequel ne pouvait cependant avoir déjà produit son effet au mois de mai 2005, date à laquelle les présents dommages ont été commis ;
Que la FÉDÉRATION DÉPARTEMENTALE DES CHASSEURS DU LOIRET ne justifie, ni n'allègue même, avoir proposé à Michel X... la mise en oeuvre de mesures préventives ;
Que la pose d'une clôture entourant les cultures de l'intimé représente un coût que l'intéressé pouvait difficilement assumer seul ;
Qu'il n'est, en tout état de cause, fait état d'aucun acte positif de Michel X... qui aurait pu favoriser l'arrivée du gibier sur son fonds et qui serait de nature à entraîner la réduction de son indemnisation, en vertu des dispositions de l'article R. 426-3 du code rural ;
Attendu, enfin, que l'affirmation selon laquelle Michel X... conserverait les plants partiellement détériorés et qu'il les revendrait n'est que pure allégation de la part de la FÉDÉRATION DÉPARTEMENTALE DES CHASSEURS DU LOIRET ;
Que, non seulement, elle n'est étayée par aucun élément versé aux débats par cette dernière, mais que, bien plus, elle est démentie par le procès-verbal de constat d'huissier auquel l'intimé a fait procéder le 2 octobre 2007, dont il résulte que 502 arbres ont été détruits, ce qui correspond aux spécimens endommagés, tant en 2004 qu'en 2005 ;
Attendu, en conséquence, que c'est à bon droit que la FÉDÉRATION DÉPARTEMENTALE DES CHASSEURS DU LOIRET a été condamnée à indemniser l'intimé de son entier préjudice ;
Que le jugement sera purement et simplement confirmé ;
Attendu que la FÉDÉRATION DÉPARTEMENTALE DES CHASSEURS DU LOIRET, qui succombe, supportera les dépens, ainsi que le paiement d'une indemnité de procédure de 1.500 € ;
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
Y AJOUTANT,
CONDAMNE la FÉDÉRATION DÉPARTEMENTALE DES CHASSEURS DU LOIRET à payer à Michel X... la somme de MILLE CINQ CENTS EUROS (1.500 €), sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
REJETTE le surplus des demandes,
CONDAMNE la FÉDÉRATION DÉPARTEMENTALE DES CHASSEURS DU LOIRET aux dépens et accorde à la SCP DESPLANQUES-DEVAUCHELLE, avoués, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
Arrêt signé par Monsieur Bernard BUREAU, président et Mademoiselle Nathalie MAGNIER, faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.