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24/09/2009 | FRANCE | N°08/03094

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre sociale, 24 septembre 2009, 08/03094


C O U R D ' A P P E L D ' O R L É A N S

CHAMBRE SOCIALE

PRUD'HOMMES

GROSSES le 24 SEPTEMBRE 2009 à

Me Jean-François LE METAYER

Me Patrick LE NEZET

COPIES le 24 SEPTEMBRE 2009 à

[M] [H]

SOCIÉTÉ OCE BUSINESS SERVICES

ARRÊT du : 24 SEPTEMBRE 2009



N° : 494/09 - N° RG : 08/03094



DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : Conseil de Prud'hommes d'ORLÉANS en date du 10 Septembre 2008 - Section : ENCADREMENT



ENTRE



APPELANT :



Monsieur [M] [H], demeurant [Adresse

1]



comparant en personne, assisté de Maître Jean-François LE METAYER, avocat au barreau D'ORLÉANS





ET





INTIMÉE :



Société OCE BUSINESS SERVICES, sise [Adresse 2...

C O U R D ' A P P E L D ' O R L É A N S

CHAMBRE SOCIALE

PRUD'HOMMES

GROSSES le 24 SEPTEMBRE 2009 à

Me Jean-François LE METAYER

Me Patrick LE NEZET

COPIES le 24 SEPTEMBRE 2009 à

[M] [H]

SOCIÉTÉ OCE BUSINESS SERVICES

ARRÊT du : 24 SEPTEMBRE 2009

N° : 494/09 - N° RG : 08/03094

DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : Conseil de Prud'hommes d'ORLÉANS en date du 10 Septembre 2008 - Section : ENCADREMENT

ENTRE

APPELANT :

Monsieur [M] [H], demeurant [Adresse 1]

comparant en personne, assisté de Maître Jean-François LE METAYER, avocat au barreau D'ORLÉANS

ET

INTIMÉE :

Société OCE BUSINESS SERVICES, sise [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités au siège

représentée par Maître Patrick LE NEZET, avocat au barreau de PARIS

Après débats et audition des parties à l'audience publique du 18 Juin 2009

LA COUR COMPOSÉE DE :

Monsieur Daniel VELLY, Président de Chambre,

Monsieur Pierre LEBRUN, Conseiller,

Madame Catherine PAFFENHOFF, Conseiller

Assistés lors des débats de Madame Geneviève JAMAIN, Greffier,

Puis ces mêmes magistrats en ont délibéré dans la même formation et à l'audience publique du 10 septembre 2009 prorogé au 17 Septembre 2009 et prorogé au 24 Septembre 2009, Monsieur Daniel VELLY, Président de Chambre, assisté de Mademoiselle Valérie LATOUCHE, Greffier, a rendu l'arrêt dont la teneur suit :

RÉSUMÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Par contrat à durée indéterminée du 22 juillet 1996, Monsieur [M] [H] a été recruté par la société OCE BUSINESS SERVICES, de [Localité 7], en qualité de responsable de site itinérant, statut agent de maîtrise, puis par avenant d'octobre 1997, il a été nommé responsable du site de l'Université de [9] à [Localité 4].

Par la suite, par promotion du 1er avril 1998, il s'est vu muté en tant que responsable du site EDF de la Centrale de [Localité 5] .

Le 11 janvier 1999, il est nommé délégué syndical CFTC, puis le 29 janvier 2000, secrétaire du Comité d'Entreprise, mandat conservé jusqu'au 12 juin 2004.

Par avenant du 17 juillet 2003, il est promu responsable de site chez MONSIEUR BRICOLAGE à [Localité 6] et il passe du niveau '''' échelon 1 au niveau IV échelon 2, son salaire évoluant de 1.586 à 1.770 euros.

Mais l'employeur le convoque à un entretien préalable au licenciement, avec mise à pied conservatoire, pour le 26 septembre 2003.

Il saisit l'Inspecteur du travail d'une demande d'autorisation de licenciement pour faute grave qui est rejetée le 23 octobre 2003.

Puis, après quelques problèmes vécus entre les parties, la société OCE notifie sa rétrogradation à Monsieur [H] au poste d'opérateur de site et sa mutation au site du CEA de [Localité 3], à 90 kilomètres de son domicile avec abaissement d'échelon et diminution de salaire.

Le salarié a refusé cette mutation.

Le 10 décembre 2003, l'employeur saisit, à nouveau, l'inspecteur du travail d'une seconde demande d'autorisation de licenciement, qui est rejetée, le 19 décembre suivant, pour vice de procédure.

Le 26 décembre, Monsieur [H] est, à nouveau, convoqué à un entretien préalable pour le 5 janvier 2004, mais la société OCE ne poursuivra pas cette procédure.

Ce salarié n'a, cependant pas, été réintégré dans son emploi de responsable de site chez MONSIEUR BRICOLAGE.

Il saisit, alors, en référé, le Conseil de Prud'hommes de BOULOGNE BILLANCOURT qui, le 30 janvier 2004, fait droit à l'annulation de la sanction, lui restitue son coefficient hiérarchique, mais considère que, pour le surplus, il convient de se pourvoir sur le fond.

Par arrêt du 29 juin 2004, la cour d'appel de VERSAILLES a ordonné à la société de le réintégrer dans ses fonctions de chef de site MONSIEUR BRICOLAGE à [Localité 6], sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

La société a formé un pourvoi en cassation qui a été déclaré non admis par la Cour de Cassation.

La société OCE propose, alors, à Monsieur [H] de se présenter sur le site le 2 novembre 2004 à 9 h, après 17 jours de congés payés.

Le 2 novembre 2004, il est physiquement empêché de reprendre le travail sur ce site.

Par arrêt du 1er février 2005, la cour d'appel de VERSAILLES liquide l'astreinte et fixe une nouvelle astreinte définitive de 100 euros par jour pendant 3 mois.

Le pourvoi en cassation de la société OCE sera, une nouvelle fois, rejeté.

La société règle les astreintes et semble ne vouloir céder.

Elle tente une nouvelle tentative de licenciement, qui échoue comme les précédentes, tandis que l'inspecteur de travail relèvera un lien évident avec le mandat exercé par Monsieur [H].

Le 3 mai 2007, celui-ci saisit le Conseil de Prud'hommes d'ORLÉANS, section Encadrement, d'une action contre la société OCE pour :

- voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail, avec toutes ses conséquences de droit, alors qu'il n'avait jamais matérialisé sa volonté de prendre l'initiative de la rupture du contrat de travail,

- subsidiairement, constater que l'établissement d'un certificat de travail et d'une attestation destinée à L'ASSEDIC le 20 décembre 2007 constitue une rupture de fait dont l'employeur a pris l'initiative et qu'il lui est imputable, le tout devant produire les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

- condamne la société OCE à lui payer, avec intérêts au taux légal

4.443 euros d'indemnité de préavis

444,30 euros de congés payés afférents

6.931,08 euros d'indemnité conventionnelle de licenciement

26.658 euros de rappel de salaires

3.660 euros de partie variable de salaires

3.031,80 euros de congés payés sur salaires et préavis

2.571,70 de congés payés

75.000 euros de dommages et intérêts pour licenciement abusif

15.000 euros de dommages et intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail, harcèlement moral et violation du statut protecteur

26.000 euros subsidiairement, s'il était retenu une violation du statut protecteur, au 2 juin 2007, avec remise des documents de rupture habituels.

La société OCE, de son côté, a conclu à

- la suppression de l'astreinte prononcée par la cour d'appel de VERSAILLES dans son arrêt du 23 octobre 2007 et à la condamnation de Monsieur [H] de rembourser la somme de 65.250 euros allouée en référé, au titre de la liquidation de l'astreinte, avec intérêts au taux légal,

- à la condamnation supplémentaire du salarié à lui verser 5.000 euros, pour les frais de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 10 septembre 2008, le Conseil de Prud'hommes d'ORLÉANS a

débouté Monsieur [H] de toutes ses demandes,

et la société OCE de ses demandes reconventionnelles,

partagé les dépens par moitié.

Le 14 octobre 2008, Monsieur [H] a interjeté appel de cette décision.

DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES

1.) Ceux de Monsieur [H], appelant conclut ainsi :

À titre principal :

- juger qu' il n'a jamais matérialisé sa volonté de prendre l'initiative de la rupture de son contrat de travail, et que notamment sa lettre du 2 juin 2007 ne saurait être analysée comme une prise d'acte de rupture.

- prononcer aux torts et griefs exclusifs de la société OCE BUSINESS SERVICES, la résiliation judiciaire son contrat de travail liant, avec toutes conséquences de droit.

À titre subsidiaire :

- juger que la prise d'acte incriminée doit être requalifiée en licenciement nul et, par voie de conséquence, dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Plus subsidiairement encore :

- constater, et tant que de besoin, juger que l'établissement par la société OCE BUSINESS du certificat de travail et d'une attestation destinée à l'ASSEDIC, à la date du 20 décembre 2007, conforté par d'autres éléments de fait tels que la cessation de la mutuelle, constitue une rupture de fait, dont l'employeur a pris l'initiative, qui lui est imputable, et qui doit produire les effets d'un licenciement, nécessairement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En conséquence :

- condamner la société OCE BUSINESS SERVICES à lui payer avec intérêts au taux légal à compter de l'introduction de la demande en justice :

- 4.443 euros bruts à titre d'indemnité de préavis,

- 444,30 euros à titre de congés payés sur préavis,

- 6.931,08 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- les salaires échus pour la période du 1er juin 2007 à la date de la résiliation judiciaire, évalués provisionnellement à 45.000 euros, et subsidiairement 14.795 euros pour la période du 1er juin 2007 au 20 décembre 2007

- 3.660 euros à titre de partie variable de salaire,

- 1.845,50 euros bruts au titre des congés payés sur salaires et primes,

- 2.521,70 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

- 75.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

- 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail, harcèlement moral et violation du statut protecteur,

- 28.138 euros à titre indemnitaire et subsidiaire, pour le cas où la Cour retiendrait un constat de rupture au 2 juin 2007 imputable à l'employeur, pour violation du statut de protecteur,

- 13.329 euros sur le même fondement si la rupture produit effets au 20 décembre 2007,

- 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- liquider l'astreinte prononcée par l'arrêt du 7 décembre 2006 et condamner la société OCE BUSINESS SERVICES à payer la somme en résultant, sur la base de 300 euros par jour de retard à compter du 31 janvier 2007.

- condamner en outre la société OCE BUSINESS SERVICES à lui remettre :

- un certificat de travail modifié,

- une attestation ASSEDIC modifiée,

- les bulletins de salaire rectifiés pour la période du mois d'août 2007 au mois de juin 2008.

- assortir cette obligation d'une astreinte définitive, acquise jour après jour, d'un montant de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.

- réserver expressément à la Cour la faculté de liquider lui-même l'astreinte qu'il prononce.

- débouter la société OCE de sa demande reconventionnelle.

- condamner enfin la société OCE BUSINESS SERVICES aux dépens de l'instance.

Il considère que le courrier du 2 juin 2007 ne saurait s'analyser comme une prise d'acte, alors qu'il y évoquait l'efficacité de sa réintégration et relève que l'inspecteur du travail laissait au juge prud'homal de déterminer la nature de la rupture du contrat de travail occasionné et rejetait la demande d'autorisation de licencier.

Pour asseoir la résiliation judiciaire, il entend invoquer la modification de son statut, de ses responsabilités et de ses fonctions.

En effet, son remplaçant, Monsieur [E] est resté en place à son retour, qui a récupéré, à son détriment, les commandes de consommables, de tickets restaurants, le gestion des congés et RTT du personnel de reprographie, postérieurement au 12 février 2007, date où il était supposé réintégrer ses fonctions, Monsieur [E] faisait fonction de responsable de site.

Il relate aussi la modification des horaires, passés de 35 à 38 heures, la suppression du véhicule de service, alors que le contrat de travail initial du 11 juillet 1996 organisait à son profit cette mise à disposition.

Il souligne le non paiement des salaires, à partir de juillet 2007 et l'impossibilité où il s'est trouvé de percevoir un revenu de remplacement. La conjonction d'inactivité sans revenus lui a préjudicié gravement , à ses yeux.

Il critique l'absence de fixation d'objectifs dans la lettre de réintégration, la violation du statut de délégué syndical, qui constitue une entrave, délit pénal.

Il met en cause également la discrimination salariale : le challenge commercial dont il a été, de fait, exclu, le traitement discriminatoire dans l'évolution du salaire et de la classification (11 euros de moins par mois par rapport à la moyenne des employés de son niveau) .

Subsidiairement, il conclut à un licenciement de fait, alors que la société OCE a établi, à son intention, les documents de fin de contrat de travail, ce qui produit les effets d'un licenciement nul.

Au titre des demandes de sommes, il insiste sur sa créance de salaires, due à compter de juillet 2007 jusqu'à ce jour, et sur les dommages et intérêts devant tenir compte de 12 ans d'ancienneté, qu'il chiffre à 75.000 euros, eu égard au contexte très lourd qu'il a subi.

Il plaide aussi le harcèlement moral, alors qu'il a fait l'objet de quatre tentatives infructueuses de licenciement, d'une réintégration, d'une procédure de sanction disciplinaire et de trois mutations, était tenu à l'écart de ses tâches professionnelles, sans avoir pu exercer sa fonction de délégué syndical dans des conditions normales.

Il stigmatise, en particulier pour cette dernière mission, la violation, à deux reprises, de son statut de représentant syndical, puisque le société avait refusé qu'il siège, les 5 septembre et 20 décembre 2007 à des réunions auxquelles, en tant qu'élu, il devait siéger. Il évalue son indemnisation à 15.000 euros.

Enfin, il tend au rejet de la demande reconventionnelle et à la liquidation d'astreinte décidée dans l'arrêt de cette cour du 7 décembre 2006, qui commençait à courir à compter du 30 janvier 2007, dans la mesure où l'obligation mise à la charge de la société OCE n'avait pas été exécutée. Il retient trois éventualités à cet égard :

- 275.400 euros, au cas de résiliation judiciaire à la date d'audience des plaidoiries, 18 juin 2009, soit 918 jours x 300 euros,

- 96.000 euros, soit 320 x 300 euros, si la rupture est décidée au moment de l'établissement de certificat de travail et de l'attestation ASSEDIC, le 20 décembre 2007.

- 36.600 euros (122 x 300 euros) si la cour reconnaît l'existence d'une prise d'acte de rupture au 2 juin 2007.

2.) Ceux de la S.A. OCE BUSINESS SERVICES :

Elle demande à la cour de :

- constater que Monsieur [H] a pris Acte de la rupture de son contrat de travail par lettre du 2 juin 2007,

- constater que depuis le 2 juin 2007 il n'a fourni aucun travail, pas plus qu'il ne s'est présenté sur son lieu de travail depuis cette date,

- constater que les faits invoqués par lui au soutien de la prise d'acte de son contrat de travail ne sont pas justifiés et en tout cas pas sérieux.

En conséquence, confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a :

- dit et jugé que la prise d'acte de son contrat de travail par Monsieur [H] s'analyse en une démission,

- débouté Monsieur [H] de ses demandes visant à obtenir le paiement :

- d'un préavis,

- d'une indemnité conventionnelle de licenciement,

- de rappels de salaires et prime pour la période du 28 mai 2007 au 30 juin 2008, période au cours de laquelle il n'a fourni aucun travail,

- d'indemnité compensatrice de congés payés,

- de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- de dommages et intérêts pour harcèlement moral et violation du statut protcteur,

- de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

- et de le condamner à la somme de 4.443.00 euros pour non respect du préavis,

- et à la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile subsidiairement, au cas où la cour liquiderait l'astreinte, elle ne pourrait l'être qu'à compter du 31ème jour suivant la notification de l'arrêt du 15 février 2007, effectuée le 29 février 2007, soit à compter du 29 mars 2007.

Elle relève que cette cour a déjà recueilli la demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral à hauteur de 10.000 euros et qu'aucun fait de ce registre ne peut être caractérisé à son encontre, postérieurement au 12 février 2007 jusqu'au 2 juin 2007, date de sa prise d'acte de rupture, qui emporte nécessairement cessation immédiate du contrat de travail.

En l'absence de recours hiérarchique en contentieux, la décision de l'inspecteur du travail du 6 août 2007, s'impose au juge judiciaire, puisque ce fonctionnaire a rejeté la demande :

- sur la prétendue modification de son statut, elle souligne que Monsieur [E] détient la qualification de cadre, tandis que Monsieur [H] n'est que agent technique, puis tente de mettre à néant les pièces de son adversaire, en notant qu'il a travaillé 8, 5 jours entre février et 28 mai 2007, date où il a décidé de ne plus travailler,

- sur la prétendue modification des horaires, elle soutient que ce salarié a toujours été soumis à des horaires collectifs de travail, de 9 h à 18 h, avec une plage horaire pour le déjeuner d'une heure, et que cette cour avait rejeté sa demande, dans son arrêt du 7 décembre 2006, concernant les heures supplémentaires,

- des objectifs avaient bien été fixés, mais ses absences répétées n'ont pas permis qu'il en prenne connaissance, et elle lui a bien versé une avance mensuelle de 244 euros à ce titre entre décembre 2006 et le 31 mai 2007, soit 1.464 euros,

- sur la suppression du véhicule de service, elle met en valeur qu'il n'avait plus à se déplacer, en dehors du site de MONSIEUR BRICOLAGE, en sorte qu'un véhicule ne s'avérait plus indispensable. En outre, il avait signé « bon pour accord » sur une décision de la société du 17 juillet 2003, où il précisait que la direction se réservait le droit de modifier ou de faire évoluer la procédure d'attribution d'un véhicule de site.

- aucun salaire n'est dû à un salarié qui n'a plus fourni de travail à compter du 28 mai 2007, et qui a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 2 juin 2007.

- elle rejette la prétendue violation du statut protecteur, dès lors que ses fonctions avaient cessé au sein de la société.

- elle s'oppose à son moyen sur la discrimination salariale, puisque

les conditions pour le challenge commercial n'étaient pas réunies,

en étudiant systématiquement sa classification et son évolution, elle mesure qu'il a bénéficié d'une véritable promotion en juillet 2003, et d'augmentations générales régulières, de 16 % en 3 ans, entre 1999 et 2003, les dernières années travaillées.

Reconventionnellement, elle tend au paiement du préavis dû par Monsieur [H], soit 4.443 euros, et à la diminution du calcul de la liquidation d'astreinte.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La notification du jugement est intervenue le 10 octobre 2008, en sorte que l'appel, régularisé le 14 octobre suivant, au greffe de cette Cour, dans le délai légal d'un mois, est recevable en la forme.

1°) Sur l'interprétation de la lettre du 2 juin 2007 de Monsieur [H]

Dans un courrier d'une page et demie, Monsieur [H] écrit à la direction des ressources humaines de la société OCE, entre autres : « Vous vous interrogez sur mon absence à mon poste de travail depuis le 28 mai 2007...alors que ma réintégration dans mes fonctions de responsable de site ne correspondait pas à la décision de la cour d'appel d'ORLÉANS, ni à l'exécution de mon contrat de travail qui en découle...de ce fait, je ne pouvais poursuivre, en l'état, les relations contractuelles tant que mes conditions de travail actuelles ne seraient pas modifiées et que mes fonctions ne seraient celles que j'exerçais avant mon éviction du site le 23 septembre 2003...pendant qu'il est encore temps et souhaitable pour les deux parties, je vous demande encore une fois de modifier mes nouvelles conditions d'exécution de mon travail, et de prendre les mesures qui s'imposent pour que ma réintégration soit effective comme je l'ai exprimé dans mes précédents courriels...».

Par décision du 6 août 2007, l'inspecteur du travail confirmait à la société OCE :

« Considérant que Monsieur [H] a entamé devant le conseil de prud'hommes une procédure visant à obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail, qu'il a ensuite pris acte de cette rupture, ce qu'il a signalé à son employeur, que ces fait sont antérieurs à la demande d'autorisation de licenciement présentée par l'employeur,

Considérant que dans ce cas, il appartient au juge prud'homal de déterminer la nature de la rupture du contrat de travail occasionnée, sans que l'inspection du travail, saisie ultérieurement, ne puisse statuer, qu'il convient pour l'administration de rejeter la demande ».

Cette décision est conforme à la jurisprudence de la cour de cassation qui, par exemple, dans son arrêt du 12 juillet 2006 (n° de pourvoi 04.45578) a estimé que le refus de l'inspecteur du travail d'examiner la demande d'autorisation de licenciement, au motif que l'intéressé ne bénéficiait pas de la protection légale prévue pour les salariés mandatés par la loi du 19 janvier 2000, constituait une décision administrative qui s'imposait au juge judiciaire.

Faute de recours contre cette décision du 6 août 2007, elle est devenue définitive et s'impose aux juridictions prud'homales.

Aussi la cour doit-elle avaliser la prise d'acte de rupture du contrat de travail au 2 juin 2007, mais doit s'interroger sur les motifs contenus à la fois dans la lettre du 2 juin 2007 et dans les conclusions.

2°) Sur les moyens à l'appui de la prise d'acte de rupture

Il convient d'examiner, tour à tour, les griefs allégués, à cet égard.

a) Sur la modification du statut, des responsabilités et des fonctions

Avant son éviction d'octobre 2003, Monsieur [H] était responsable de site de Monsieur BRICOLAGE à [Localité 6], ayant sous ses ordres deux agents de reprographie. Lui-même était agent de maîtrise.

Le 12 février 2007, il a repris ces mêmes fonctions avec le même salaire, la même qualification, et les mêmes responsabilités.

En septembre 2003, Monsieur [E] était déjà coordinateur de sites, statut cadre, avec la charge des deux sites, Monsieur BRICOLAGE et John DEERE.

En effet, dès cette époque, c'était lui qui visait, par exemple, les notes de frais de Monsieur [H].

Cependant, en raison de la très longue absence de ce dernier, il a dû le remplacer, en plus de ses propres fonctions de coordinateur, et même pendant la période du 12 février au 27 mai 2007, puisque Monsieur [H] n'est resté présent que 8 jours et demi. En outre, en raison du déménagement du site et du laps de temps écoulé, il devait concourir à la formation de Monsieur [H] aux nouveaux éléments intervenus à tous égards dans la société, alors que celui-ci avait écrit le 14 février 2007 qu'il ne pouvait être opérationnel sur le site.

Il convient de mesurer les difficultés de la société, qui s'est vue priver de son salarié pendant plus de trois ans, avant de devoir le réintégrer : elle a dû mettre en place des systèmes de substitution pour satisfaire son co-contractant, Monsieur BRICOLAGE.

Au total, dans ces conditions, la Cour ne peut constater aucune modification de statut, des responsabilités ou de fonction de Monsieur [H].

b) Sur la modification d'horaires

L'avenant au contrat de travail du 17 juillet 2003, correspondant à son installation de responsable de site à [Localité 6] précise que « votre rémunération annuelle brute est portée à 2.234.472 euros payée sur 12 mois... pour un horaire de 35 heures de travail effectif, en moyenne, sur la période de référence... », ce qui avait été confirmé (base 35 heures) dans une lettre du 6 mai 2004.

La lettre du 9 février 2007 de la société OCE concernant sa réintégration comporte un paragraphe pour les horaires de travail rédigé ainsi : « votre horaire hebdomadaire sera de 38 h, réparties ainsi : lundi au jeudi de 9h à 12h30 et 14h à 18h30 et le vendredi de 9h à 12h30 et de 14h à 16h30 ».

Il est incontestable que l'horaire imposé par cette lettre constitue une modification des éléments du contrat de travail qui ne pouvait être imposée à Monsieur [H].

c) Sur la suppression du véhicule de service

Monsieur [H] avait signé « bon pour accord » une mention du 17 juillet 2003, selon laquelle la direction se réservait le droit de modifier ou de faire évoluer la procédure d'attribution d'un véhicule du site. De plus, Monsieur [H] présent seulement 8 jours et demi en 3 mois et demi ne pouvait se voir allouer le bénéfice d'un véhicule de service à son seul usage.

Ce moyen doit donc être écarté.

d) Sur le non paiement des salaires

Il a perçu ses salaires jusqu'à juin 2007 inclus, alors qu'il a arrêté de travailler le 28 mai 2007 : aucune contrepartie au salaire n'a existé à compter de cette date, ce qui justifiait pleinement cette suspension de paiement. Au besoin, Monsieur [H] aurait dû continuer, cantonné à 35 heures de travail hebdomadaire.

e) Sur l'absence de la fixation d'objectifs

Les objectifs avaient bien été fixés, comme cela résulte de la pièce 36 de la société, intitulée « rémunération variable 2007 du responsable de site de Monsieur [H] » qui n'a pu être signée par lui, en raison de ses absences répétées.

Comme les années précédentes, une avance mensuelle sur la partie variable de 244 euros lui était versée, tous les mois, preuve de la bonne foi de la société, à cet égard.

Ce moyen ne peut donc prospérer.

f) Violation du statut de délégué syndical

Jusqu'en août 2007, Monsieur [H], en sa qualité de délégué syndical CGT-FO était convoqué aux réunions de négociations.

Il a cessé de le faire, postérieurement à cette date, eu égard à la décision de l'inspecteur du travail qui considérait, le 6 août 2007, que « la rupture constatée de vos relations contractuelles met également un terme au mandat de l'intéressé. Celui-ci n'aura donc plus la capacité d'intervenir dans votre entreprise, hormis éventuellement en tant que membre d'une délégation de la CGT-FO, dans les conditions propres à ce type d'interventions ».

Aucune intention malicieuse ne le caractérisait, dès lors que l'inspecteur du travail avait considéré qu'il avait existé une prise d'acte de rupture et en avait tiré toutes les conséquences.

Et la cour a avalisé cette rupture du contrat de travail au 2 juin 2007.

Ce moyen sera donc rejeté, comme mal fondé.

g) Sur la discrimination salariale

Il a été invité à participer au challenge commercial par lettre du 5 avril 2007, et ne peut donc affirmer en avoir été écarté.

Il avait déjà sollicité sa requalification dans la procédure qui a donné lieu à l'arrêt de cette cour du 7 décembre 2006, et il en avait déjà été débouté, dans cette décision devenue définitive.

Il n'apparaît pas, par ailleurs, qu'il ait subi une discrimination salariale, postérieurement à cette date ; les exemples comparatifs qu'il a choisis, Monsieur [P] [X] et Madame [W] ne pouvant s'assimiler parfaitement à son cas puisque leurs salaires étaient liés à un élargissement de périmètres contrôlés, plus importants que ceux de Monsieur [H].

Par ailleurs, il ne peut comparer son salaire aux NAO 2008 (salaire de décembre 2007) alors qu'il avait quitté l'entreprise depuis le 28 mai 2007.

Ainsi la discrimination salariale n'est-elle pas caractérisée.

Au total, il ne reste que la modification d'horaire, passage de 35 heures à 38 heures hebdomadaires, imposé à Monsieur [H], salarié protégé, alors que la période de protection courait jusqu'au 24 juin 2008. Il s'agit incontestablement d'une modification de son contrat de travail.

Ces circonstances, à elles seules, s'analysent comme suffisamment graves pour justifier d'acte de rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur.

3°) Sur les demandes de sommes

La prise d'acte de rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur s'assimile, au titre de ses conséquences, à un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

a) L'indemnité de préavis

Monsieur [H], ayant plus de deux ans d'ancienneté, a droit à deux mois de salaires au titre de l'indemnité de préavis, soit 4.443 euros et 444,30 euros de congés payés afférents.

b) L'indemnité conventionnelle de licenciement

Une majoration de 30% existe pour les salariés âgés de plus de 50 ans, or Monsieur [H] est né en 1948 et avait 11 ans d'ancienneté.

2.221,50€x11x130=6.353,49 euros

5

c) L'indemnité de congés payés

Dans la mesure où Monsieur [H] est resté en absence non autorisée pendant ces trois et demi, excepté 8,5 jours, les congés payés seront réduits à ce temps de travail, soit 60 euros.

d) Les dommages et intérêts pour licenciement abusif

Monsieur [H] ne produit aucune pièce qui viendrait majorer les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, au delà de l'indemnisation minimum de 6 mois de salaires prévue par l'article L 122-14-4 du code du travail, en vigueur au moment des faits.

Ainsi lui est-il dû 2.221€x6=13.326 euros.

e) Les dommages et intérêts pour harcèlement moral et violation du statut de délégué syndical

Il a été précédemment spécifié qu'aucune violation du statut de délégué syndical n'est caractérisée. Les éléments du harcèlement moral ne sont pas plus constitués, tels qu'ils résultent de l'article L 122-49 du code du travail, en vigueur au moment des faits, alors que l'arrêt de cette cour du 7 décembre 2006 lui avait alloué 10.000 euros sur ce même fondement, pour le passé et que ce harcèlement doit être apprécié entre le 12 février et le 1er juin 2007.

La société avait tenu à faire constater sa réintégration par un constat d'huissier qui a relevé, le 12 février 2007, la mise à disposition de son poste de travail, mais aussi que ce salarié ne se consacrait pas à l'activité dévolue et qu'à 9h45 il partait en délégation syndicale.

Monsieur [H] ne produit aucune pièce concernant ce harcèlement moral de février à juin 2007, autres que celles sur lesquelles la cour s'est déjà expliquée.

La société ne devra pas lui fournir les documents de rupture conformes à cet arrêt, puisqu'elle les a déjà délivrés.

Enfin, il recevra 1.200 euros pour les frais exposés au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

4°) Sur la liquidation d'astreinte

Le 7 décembre 2006, cette cour a fixé une astreinte provisoire de 300 euros par jour de retard à partir du 31 jour après la notification de l'arrêt, la cour se réservant de liquider l'astreinte, en sorte qu'elle devrait courir à compter du 30 janvier 2007. L'effectivité de la réintégration date du 12 février suivant. La liquidation de l'astreinte doit se faire sur la base :

12x300€=3.600 euros.

5°) Sur la demande reconventionnelle de la société

Aucun préavis n'est dû par le salarié dès lors que la prise d'acte de rupture du contrat est confirmée par la cour aux torts de la société.

Elle devra être déboutée de sa demande de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, dans la mesure où elle succombe dans l'essentiel de ses demandes.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,

REÇOIT, en la forme, l'appel de Monsieur [M] [H],

AU FOND, INFIRME le jugement critiqué (CPH [Localité 8], section encadrement, 10 septembre 2008) sur les points suivants et, statuant à nouveau,

CONSTATE que la prise d'acte de rupture du 2 juin 2007, avalisée par l'inspecteur du travail s'impose au juge judiciaire et qu'elle a été motivée par les torts de la société,

EN CONSÉQUENCE, CONDAMNE la SA OCE BUSINESS SERVICES à lui régler

4.443 euros d'indemnité de préavis et 444,30 euros de congés payés afférents,

6.353,49 euros d'indemnité conventionnelle de licenciement,

60 euros de congés payés,

13.326 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

1.200 euros pour les frais de l'article 700 du code de procédure civile,

3.600 euros pour la liquidation de l'astreinte,

DÉBOUTE les parties de toutes leurs autres demandes,

CONDAMNE la société OCE BUSINESS SERVICES aux dépens de première instance et d'appel.

Et le présent arrêt a été signé par le Président de Chambre et par le Greffier

Valérie LATOUCHE Daniel VELLY


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 08/03094
Date de la décision : 24/09/2009

Références :

Cour d'appel d'Orléans, arrêt n°08/03094


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2009-09-24;08.03094 ?
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