La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/05/2022 | FRANCE | N°19/03736

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre sociale, 19 mai 2022, 19/03736


C O U R D ' A P P E L D ' O R L É A N S

CHAMBRE SOCIALE - A -

Section 2

PRUD'HOMMES

Exp +GROSSES le 19 MAI 2022 à

la SCP DERUBAY - KROVNIKOFF

Me Quentin ROUSSEL



-XA-







ARRÊT du : 19 MAI 2022



MINUTE N° : - 22



N° RG 19/03736 - N° Portalis DBVN-V-B7D-GCC6



DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'ORLEANS en date du 18 Novembre 2019 - Section : COMMERCE







APPELANTE :



Madame [W] [

V]

née le 07 Avril 1969 à ORLEANS (45000)

5 impasse Jean Honoré Fragonard

45650 SAINT JEAN LE BLANC





représentée par Me Helene KROVNIKOFF de la SCP DERUBAY - KROVNIKOFF, avocat au barreau D'OR...

C O U R D ' A P P E L D ' O R L É A N S

CHAMBRE SOCIALE - A -

Section 2

PRUD'HOMMES

Exp +GROSSES le 19 MAI 2022 à

la SCP DERUBAY - KROVNIKOFF

Me Quentin ROUSSEL

-XA-

ARRÊT du : 19 MAI 2022

MINUTE N° : - 22

N° RG 19/03736 - N° Portalis DBVN-V-B7D-GCC6

DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE D'ORLEANS en date du 18 Novembre 2019 - Section : COMMERCE

APPELANTE :

Madame [W] [V]

née le 07 Avril 1969 à ORLEANS (45000)

5 impasse Jean Honoré Fragonard

45650 SAINT JEAN LE BLANC

représentée par Me Helene KROVNIKOFF de la SCP DERUBAY - KROVNIKOFF, avocat au barreau D'ORLEANS

ET

INTIMÉE :

SAS DERET LOGISTIQUE La SAS DERET LOGISTIQUE prise en la personne de son représentant légal en cette qualité au siège.

580 Rue du Champ Rouge - ZAC des Vergers

45770 SARAN

représentée par Me Quentin ROUSSEL, avocat au barreau D'ORLEANS

Ordonnance de clôture : 15 MARD 2022

Audience publique du 31 Mars 2022 tenue par Monsieur Xavier AUGIRON, Conseiller, et ce, en l'absence d'opposition des parties, assisté lors des débats de Mme Fanny ANDREJEWSKI-PICARD, Greffier,

Après délibéré au cours duquel Monsieur Xavier AUGIRON, Conseiller a rendu compte des débats à la Cour composée de :

Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre, présidente de la collégialité,

Monsieur Alexandre DAVID, président de chambre,

Monsieur Xavier AUGIRON, conseiller.

Puis le 19 Mai 2022, Madame Laurence Duvallet, présidente de Chambre, présidente de la collégialité, assistée de Mme Fanny ANDREJEWSKI-PICARD, Greffier a rendu l'arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

Selon contrat de travail à durée déterminée, transformé en contrat à durée indéterminée, la société Deret Logistique a engagé Mme [V] le 17 juillet 2013 en qualité d'hôtesse d'accueil, avec reprise d'ancienneté au 17 juin 2013. Elle accomplissait également les tâches de standardiste.

Le 9 septembre 2014 le médecin du travail a établi une fiche d'aptitude mentionnant : " réduire l'exposition au téléphone au maximum, privilégier un changement de poste où l'exposition au téléphone ne serait que ponctuelle ".

Le médecin du travail a réitéré à plusieurs reprises les mêmes préconisations.

La société Deret Logistique affirme avoir proposé à Mme [V] des changements de poste compatibles avec son état de santé, que cette dernière aurait refusés.

Mme [V] a été convoqué à un entretien préalable à licenciement fixé au 5 juillet 2016.

Le 20 juillet 2016, Mme [V] s'est vu notifier son licenciement " pour cause réelle et sérieuse ", l'employeur indiquant qu'il y était " contraint " en raison de son " impossibilité de pourvoir au changement de poste de travail, changement imposé par (ses) restrictions médicales ".

Mme [V] a saisi le conseil des prud'hommes d'Orléans le 18 juillet 2018 d'une demande visant au prononcé de la nullité du licenciement, au visa des articles 1132-1 et suivants du code du travail énonçant le principe de non-discrimination, et sollicitant des dommages-intérêts à ce titre et des dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité " de résultat ".

Par jugement en date du 18 novembre 2019, le conseil de prud'hommes d'Orléans a:

-Confirmé le licenciement pour cause réelle et sérieuse de Mme [V],

-Débouté Mme [V] de toutes ses demandes,

-Débouté la société Deret Logistique de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile

-Condamné Mme [V] aux dépens.

Le conseil de prud'hommes a relevé que c'était à bon droit que l'employeur avait engagé une mesure de licenciement à l'encontre de la salariée en raison des refus de poste et que le licenciement pour cause réelle et sérieuse n'avait pas été prononcé en raison de l'état de santé de l'intéressée mais de l'impossibilité de pourvoir à des modifications du poste de travail imposées par les restrictions de la médecine du travail.

Mme [V] a relevé appel de cette décision par déclaration formée par voie électronique le 3 décembre 2019.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions remises au greffe par voie électronique le 26 février 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles Mme [V] demande à la cour de :

-Déclarer Mme [V] recevable en son appel

-Infirmer dans son intégralité le jugement du conseil de prud'hommes d'Orléans du 18 novembre 2019 et statuant à nouveau,

-prononcer la nullité du licenciement au visa des articles L.1132-1 et suivants du code du travail

-condamner la société Deret Logistique à lui verser la somme de 14 850 € à titre de dommages-intérêts

-déclarer que la société Deret Logistique a manqué à son obligation de sécurité pendant l'exécution du contrat de travail

-condamner cette société à lui verser à ce titre des dommages-intérêts à hauteur de 4950 €

-ordonner que les condamnations portent intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil

-condamner la société Deret Logistique à verser à Mme [V] la somme de 3500 € au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel et aux dépens

Vu les dernières conclusions remises au greffe par voie électronique le 27 mai 2020, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la société Deret Logistique demande à la cour de :

-déclarer Mme [V] irrecevable en son appel

-au fond, la déclarer mal fondée

-débouter Mme [V] de toutes ses demandes

-condamner Mme [V] à verser à la société Deret Logistique la somme de 3500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens

MOTIFS DE LA DÉCISION

-Sur la recevabilité de l'appel

La société Deret Logistique invoque la nullité de la déclaration d'appel et des conclusions d'appelant de Mme [V], au visa de l'article 901 du code de procédure civile, ni la déclaration d'appel, ni les conclusions produites depuis lors ne mentionnant sa profession. L'intimée estime que cette absence de mention lui cause un grief en ce qu'elle est privée d'une information en lien avec le litige soumis à la cour, puisque l'appelante sollicite une indemnisation d'un préjudice lié à sa perte d'emploi essentiellement constitué par une perte de chance professionnelle, ce qui nécessite que l'évolution de sa situation professionnelle soit connue.

L'article 901 du code de procédure civile, dans sa version antérieure à l'entrée en vigueur du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019, applicable à l'espèce, renvoie aux dispositions de l'article 58 du même code, qui, dans la même version, prévoit que la requête ou la déclaration contient, à peine de nullité, notamment l'indication de la profession de l'auteur de l'acte.

L'article 114 du code de procédure civile prévoit néanmoins que la nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qu'il invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité qu'il invoque, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle d'ordre public.

En l'espèce, la déclaration d'appel de Mme [V] mentionne sa qualité d'hôtesse d'accueil, de sorte que le moyen soulevé par la société Deret Logistique sera rejeté. L'appel sera déclaré recevable.

-Sur le licenciement

L'article L.1132-1 du code du travail prohibe le licenciement d'un salarié en raison de son état de santé.

L'article L.1235-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige, le juge, à qui il appartient d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Mme [V] rappelle le principe selon lequel aucune personne ne peut être licenciée en raison de son état de santé ou de son handicap, seules les dispositions prévues en cas d'inaptitude prononcée par le médecin du travail pouvant y déroger et soutient qu'un avis d'aptitude assorti de réserves ne peut être assimilé à un avis d'inaptitude. Elle affirme qu'elle n'a jamais fait l'objet d'un avis d'inaptitude, et n'avait pas à être reclassée, comme son employeur a tenté de le faire, d'autant que son poste d'hôtesse d'accueil, et non de standardiste, pouvait être aménagé en limitant, voire en excluant son exposition au téléphone. Elle considère donc que la société Deret Logistique a méconnu ses obligations d'aménagement de poste et ne justifie pas avoir fait connaître au médecin du travail les motifs qui s'y opposaient. Elle indique que la société Deret Logistique s'était montrée déloyale en lui faisant une proposition de poste d'employée de gestion logistique qu'elle a acceptée avant de se rétracter sans aucune légitimité, en lui proposant ensuite des postes qui ne correspondaient pas à son profil et en refusant qu'elle suive des formations Excel.

La société Deret Logistique réplique qu'elle était contrainte de tirer toutes les conséquences des préconisations du médecin du travail compte tenu de ce que le poste d'hôtesse d'accueil impliquait nécessairement une forte exposition au téléphone. Elle en a conclu en l'existence d'une inaptitude médicale à son emploi. Elle affirme avoir proposé de nombreux postes de remplacement compatibles avec son état de santé et avoir multiplié les démarches en ce sens, faisant valoir sa loyauté à cet égard.

Il résulte des éléments du dossier que le médecin du travail a émis un avis d'inaptitude avec des réserves liées à la nécessité d'un retrait d'exposition au téléphone, le 9 septembre 2014, le 17 mars 2015, le 4 août 2015 et le 29 avril 2016. Le médecin du travail préconisait que Mme [V] occupe un emploi " administratif et/ou commercial ", émettant par ailleurs des réserves le 4 août 2015 sur le port de charges de plus de 10 kgs.

Face à cette situation, la société Deret Logistique a diligenté un audit du poste de Mme [V] qui a conclu le 18 février 2015 que " le poste actuel de travail de Mme [V] est déconseillé pour une personne ayant des troubles de l'audition. Un changement de poste est nécessaire afin de minimiser les risques de dégradation progressive d'audition ".

Lors de l'entretien professionnel du 24 février 2015 il était noté : " reclassement en cours en raison du handicap de [W] ".

Le 2 avril 2015, un poste de préparateur de commande Séphora et un poste d'employé de gestion logistique Séphora lui étaient proposés.

Par courrier du 7 avril 2015, Mme [V] acceptait le poste d'employé de gestion logistique.

Par lettre du 16 avril 2015, la société indiquait : " concernant la proposition de poste que nous vous avons remise le 2 avril 2015 nous vous rappelons qu'elle ne concerne pas une procédure de reclassement. En effet, le médecin du travail vous a déclaré apte à occuper votre poste d'hôtesse d'accueil, soulignant uniquement que des aménagements étaient nécessaires ". Ce courrier poursuivait en indiquant que sa candidature pour ce poste ne pouvait être validée compte tenu de ce qu'elle n'en possédait pas les compétences.

Mme [V] était donc maintenue dans son poste d'hôtesse d'accueil dans les mêmes conditions qu'auparavant. En effet, il lui était indiqué dans un courriel du 10 juin 2015 qu'il n'existait alors qu'un seul poste à pourvoir, le " même poste que vous occupez actuellement, à savoir standardiste ".

Par courrier du 2 septembre 2015, il était proposé à Mme [V] deux autres postes de préparatrice de commandes Séphora et de contrôleuse qualité chaussures Hermès que celle-ci a déclinés, ne souhaitant pas réoccuper le poste de préparatrice de commandes qu'elle avait déjà occupé auparavant ni rejoindre un métier complètement nouveau pour elle dans un domaine " radicalement différent ".

Mme [V] était convoquée le 23 février 2016 à un entretien préalable à licenciement fixé au 4 mars 2016 en raison d'une " absence de changement poste ". Cette procédure n'a pas été menée à son terme.

Mme [V] a ensuite été conviée à une réunion du CHSCT en vue d'un " examen des postes pour proposition de changement de poste de [W] [V] ".

Mme [V] indiquait dans une lettre du 3 mai 2016 qu'elle constatait qu'il lui était à nouveau proposé des fonctions essentiellement axées sur la manutention la préparation des commandes, ce qui était contre-indiqué par le médecin du travail qui avait déconseillé le port de charges de plus de 10 kg.

C'est ainsi que la société Deret Logistique a finalement procédé au licenciement de Mme [V] en raison d'une impossibilité de pourvoir au changement de poste imposé par les restrictions médicales.

La cour rappelle qu'aucun avis d'inaptitude n'a été formulé par le médecin du travail, celui-ci ayant émis un avis d'aptitude avec des réserves de deux natures, l'un liée au handicap auditif de Mme [V] et l'autre à l'impossibilité de porter des charges lourdes.

L'employeur devait donc conserver Mme [V] à son service tout en respectant les préconisations du médecin du travail, qu'il n'a d'ailleurs pas remises en cause. Cela pouvait, comme l'avait également préconisé le médecin du travail, se traduire par la proposition d'autres postes que Mme [V] se devait d'accepter s'ils correspondaient à ces préconisations.

La société Deret Logistique a formé plusieurs propositions dont elle a reconnu qu'elles n'étaient pas adaptées à la situation, puisque d'une part, elle a retiré son offre du poste d'employée de gestion logistique, que Mme [V] avait pourtant acceptée, et puisque d'autre part le refus exprimé par celle-ci aux autres propositions ne lui a pas été reproché. En effet, l'employeur ne s'est pas placé en la licenciant sur le terrain de la faute disciplinaire et du refus fautif, mais a invoqué l'impossibilité pour lui de pourvoir aux modifications du poste préconisées par le médecin du travail. Au demeurant, ce refus ne présentait aucun caractère abusif compte tenu de la nature des postes offerts et de la restriction tenant à l'impossibilité du port de charges lourdes. Le conseil de prud'hommes, à cet égard, ne pouvait donc indiquer que c'était " à bon droit que la société Deret Logistique a engagé une mesure de licenciement en raison des refus de poste ", aucun reproche n'ayant été exprimé par l'employeur à ce titre.

Par contre, il appartenait au premier chef à la société Deret Logistique, au lieu de se focaliser sur le reclassement de Mme [V], alors qu'aucun avis d'inaptitude n'avait été émis, de procéder à l'aménagement de son poste d'hôtesse d'accueil, que la lettre de licenciement n'évoque pas. La société Deret Logistique se contente d'affirmer qu'il comportait nécessairement une part importante au standard, alors que ce n'est établi par aucun élément et qu'au contraire il apparaît au fil du dossier que Mme [V] accomplissait d'autres tâches administratives qu'elle aurait pu accomplir dans des proportions supérieures. D'ailleurs, par lettre du 21 septembre 2015, la société Deret Logistique indiquait à Mme [V] qu'à partir du 21 septembre 2015, elle n'aurait plus la charge du standard téléphonique et qu'elle assurerait la formation de l'intérimaire sur cette tâche pendant une durée d'environ deux semaines et enfin que son supérieur hiérarchique lui confierait d'autres tâches dans cet intervalle. Dans son courrier du 3 mai 2016, Mme [V] indique que depuis son retour de congés maladie, elle était affectée " à résorber tout le retard de classement du service RH ". Un aménagement du poste de Mme [V] était donc possible, et a même été effectif à compter du 21 septembre 2015, sans nécessairement que lui soit proposé un autre poste. L'inspection du travail a pourtant rappelé à l'employeur, dans un courrier du 11 juillet 2016, que " le salarié déclaré apte avec réserves doit être réintégré en priorité sur son poste d'origine, si besoin aménagé conformément aux préconisations du médecin du travail ou sur un emploi similaire ".

Dans ces conditions, le licenciement opéré par la société Deret Logistique au motif d'une " impossibilité de pourvoir au changement de poste de travail ", alors qu'il n'est pas établi qu'un aménagement de celui précédemment occupé par Mme [V] était impossible, les éléments portés à la connaissance de la cour démontrant le contraire, apparait discriminatoire, comme étant en rapport avec l'état de santé de la salariée. Ce licenciement est donc nul.

Le jugement entrepris sera infirmé dans ce sens.

-Sur la demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement nul

Mme [V] comptant plus de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise, et celle-ci comportant habituellement plus de 11 salariés, trouvent à s'appliquer les dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail, dans sa version antérieure à l'ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, selon laquelle, en cas de de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, le salarié peut prétendre à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des 6 derniers mois. Cette indemnité est due sans préjudice, le cas échéant, de l'indemnité de licenciement prévue à l'article L.1234-9.

Au regard des éléments soumis à la cour, compte tenu de l'âge du salarié, de son ancienneté, de ses perspectives de retrouver un emploi, il y a lieu d'évaluer à 10 000 euros le préjudice consécutif au licenciement nul.

-Sur la demande en paiement de dommages-intérêts pour manquement par l'employeur à son obligation de sécurité

Ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

En vertu des articles L.4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, l'employeur est tenu à l'égard de son salarié d'une obligation de sécurité. Il doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs (actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, actions d'information et de formation, mise en place d'une organisation et de moyens adaptés) en respectant les principes généraux de prévention suivants : éviter les risques, évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités, combattre les risques à la source, adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé, tenir compte de l'état d'évolution de la technique, remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux, planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle, donner les instructions appropriées aux travailleurs. Il lui appartient de justifier qu'il a satisfait à ses obligations.

Mme [V] excipe des recommandations du médecin du travail pour considérer que l'employeur ne les a pas respectées, tout au moins jusqu'au 21 septembre 2015, date à laquelle le standard lui a été retiré. Elle affirme que son exposition persistante au risque d'aggravation de son handicap auditif lui a causé une angoisse croissante.

La société Deret Logistique réplique qu'elle a procédé à la modification de l'organisation du service d'accueil dès le mois de novembre 2014 en réduisant l'exposition au téléphone de Mme [V] et mis en place une bonne pratique pour réduire les temps de communication téléphonique. Elle fait valoir les nombreuses démarches accomplies qui démontrent le soin apporté à son obligation de sécurité.

Cependant, le compte-rendu du 21 novembre 2014 fait état d'une simple modification des horaires de présence au standard et à l'accueil, dont l'amplitude demeurait importante (8h/18h et 8h/16h30 le vendredi), et Mme [V] est restée au standard plus d'un an après les restrictions émises par le médecin du travail.

En n'écartant pas immédiatement ou très rapidement Mme [V] du standard, la société Deret Logistique n'a pas respecté son obligation de sécurité, obligeant le médecin du travail à réitérer ses alertes le 4 août 2015.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a débouté Mme [V] de sa demande à ce titre.

La société Deret Logistique sera condamnée à lui payer la somme de 1500 euros à titre de dommages-intérêts à ce titre.

- Sur la demande au titre des intérêts légaux

Les sommes allouées à Mme [V] étant de nature indemnitaire, elles porteront intérêts au taux légal à compter du jour où elles ont été judiciairement fixées, soit le jour de l'arrêt.

- Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

La solution donnée au litige commande de condamner la société Deret Logistique à payer à Mme [V] la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Deret Logistique sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Déclare l'appel de Mme [W] [V] recevable ;

Infirme le jugement rendu entre Mme [W] [V] et la société Deret Logistique, le 18 novembre 2019, par le conseil de prud'hommes d'Orléans en toutes ses dispositions;

Statuant à nouveau et ajoutant,

Dit que le licenciement de Mme [W] [V] est nul ;

Condamne la société Deret Logistique à payer à Mme [W] [V] la somme de 10000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul ;

Condamne la société Deret Logistique à payer à Mme [W] [V] la somme de 1500 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de son obligation de sécurité;

Condamne la société Deret Logistique à payer à Mme [W] [V] la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et déboute celle-ci de sa propre demande au même titre ;

Dit que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de l'arrêt ;

Condamne la société Deret Logistique aux dépens de première instance et d'appel.

Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre et par le greffier.

Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre, président de la collégialité, et par le greffier

Fanny ANDREJEWSKI-PICARD Laurence DUVALLET


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19/03736
Date de la décision : 19/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-19;19.03736 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award