C O U R D ' A P P E L D ' O R L É A N S
CHAMBRE SOCIALE - A -
Section 1
PRUD'HOMMES
Exp +GROSSES le 29 NOVEMBRE 2022 à
la SAS ENVERGURE AVOCATS
la SCP LE METAYER ET ASSOCIES
FCG
ARRÊT du : 29 NOVEMBRE 2022
MINUTE N° : - 22
N° RG 20/00814 - N° Portalis DBVN-V-B7E-GEKJ
DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE D'ORLEANS en date du 10 Mars 2020 - Section : ENCADREMENT
APPELANTE :
S.A.S. HERVÉ THERMIQUE prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Me Pierre GEORGET de la SAS ENVERGURE AVOCATS, avocat au barreau de TOURS
ET
INTIMÉ :
Monsieur [O] [C]
né le 28 Octobre 1959 à [Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Agnès MENOUVRIER de la SCP LE METAYER ET ASSOCIES, avocat au barreau d'ORLEANS
Ordonnance de clôture : 26 juillet 2022
Audience publique du 06 Septembre 2022 tenue par M. Alexandre DAVID, Président de chambre, et par Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller, ce, en l'absence d'opposition des parties, assistés lors des débats de Mme Karine DUPONT, Greffier.
Après délibéré au cours duquel M. Alexandre DAVID, Président de chambre et Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller, ont rendu compte des débats à la Cour composée de :
Monsieur Alexandre DAVID, président de chambre, président de la collégialité
Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre
Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller
Puis le 29 Novembre 2022, Monsieur Alexandre DAVID, président de Chambre, assisté de Mme Karine DUPONT, Greffier a rendu l'arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
Selon contrat de travail à durée indéterminée, la SAS Hervé Thermique a engagé M. [O] [C] le 30 janvier 1984 en qualité de technicien.
M. [O] [C] a ensuite été promu chargé d'affaires.
Ayant le statut de salarié protégé, M. [O] [C] a été licencié en date du 3 novembre 1999 avec autorisation de l'inspection du travail.
Une transaction a été signée le 8 novembre 1999 entre les parties.
M. [O] [C] a été par la suite mis à la disposition de la SAS Hervé Thermique dans le cadre de missions d'intérim du 26 mars 2007 au 28 décembre 2007.
Le salarié a ensuite été engagé par la SAS Hervé Thermique dans le cadre d'un contrat à durée déterminée pour surcroît d'activité, du 7 janvier 2008 au 6 juillet 2008, en qualité de chargé de clients.
Ce contrat a fait l'objet d'un renouvellement du 7 juillet 2008 au 31 décembre 2008.
Le contrat de travail est devenu à durée indéterminée à compter du 1er janvier 2009.
Le 17 juin 2013, M. [O] [C] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement avec mise à pied à titre conservatoire.
Le 8 juillet 2013, M. [O] [C] a été licencié pour faute grave.
Par requête du 7 juillet 2015, M. [O] [C] a saisi le conseil de prud'hommes d'Orléans aux fins de contester le licenciement pour faute grave dont il a été l'objet, de voir reconnaître l'exécution déloyale du contrat de travail, et d'obtenir diverses sommes en conséquence.
Par ordonnance du 4 mai 2016, le conseil de prud'hommes d'Orléans a ordonné le retrait du rôle de l'affaire. La remise au rôle de l'affaire a été sollicitée par courrier reçu au greffe le 27 avril 2018.
Par jugement du 27 mars 2019, le conseil de prud'hommes d'Orléans a ordonné la réouverture des débats à l'audience du bureau de jugement du 11 septembre 2019 aux fins de connaître les différences entre les responsabilités de « chargé de clients » et de « chargé d'affaires», M. [C] ayant été licencié comme « chargé de clients » alors que les organigrammes, le certificat de travail et les bulletins de salaire font mention de « chargé d'affaires » et afin d'être éclairé précisément sur le chiffrage des préjudices financiers évoqués dans la lettre de licenciement.
Un procès-verbal de partage de voix a été rendu le 16 octobre 2019.
Le 10 mars 2020, le conseil de prud'hommes d'Orléans, statuant en sa formation de départage, a rendu le jugement suivant :
« Vu le jugement avant droit du 27 mars 2019;
- Dit le licenciement de M. [O] [C] par la SAS Hervé Thermique sans cause réelle et sérieuse;
- Dit que le licenciement de M. [O] [C] par la SAS Hervé Thermique n'est pas fondé sur une faute grave ;
Condamne la SAS Hervé Thermique à verser à M. [O] [C] les sommes de:
- 64 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;
- 2 377,58 euros brut au titre du salaire de la période de mise à pied conservatoire;
- 237,76 euros au titre des congés payés afférents;
- 12 010,29 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis;
- 1 201 euros au titre de l'indemnité de congés payés afférente;
- 6 605,65 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement.
- Ordonne à la SAS Hervé Thermique de remettre à M. [O] [C] des bulletins de salaire et une attestation Pôle Emploi conformes à la présente décision, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement ;
- Dit n'y avoir lieu à astreinte ;
- Condamne la SAS Hervé Thermique à rembourser à Pôle emploi les indemnités versées à M. [O] [C] dans la limite de six mois en vertu de l'article 1235-4 du code du travail ;
- Déboute M. [O] [C] de ses demandes au titre de l'indemnité de requalification et de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
- Déboute les parties du surplus de leurs prétentions;
- Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision;
- Condamne la SAS Hervé Thermique à payer à M. [O] [C] la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Laisse les dépens à la charge de la SAS Hervé Thermique.»
La SAS Hervé Thermique a interjeté appel de cette décision le 17 mars 2020.
Par ordonnance du 30 janvier 2020, le conseiller de la mise en état a débouté M. [O] [C] de sa demande tendant à voir déclarer caduque la déclaration d'appel, dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure et a condamné M. [O] [C] aux dépens.
Par arrêt du 13 janvier 2021, la chambre des déférés a confirmé en toutes ses dispositions l'ordonnance du 30 janvier 2020, a dit n'y avoir lieu application de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné M. [O] [C] aux dépens.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions remises au greffe par voie électronique le 23 novembre 2020 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la SAS Hervé Thermique demande à la cour de :
- Débouter M. [O] [C] de sa demande visant à voir déclarer caduque la déclaration d'appel de la société Hervé Thermique ;
- Recevoir la SAS Hervé Thermique en son appel principal et le juger bien fondé ;
- Infirmer partiellement le jugement en ce qu'il a condamné la SAS Hervé Thermique à payer à M. [O] [C] les sommes suivantes :
- 64 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 2 377,58 euros brut à titre de salaire pour la période de mise à pied à titre conservatoire ;
- 237,76 euros brut à titre de congés payés afférents ;
- 12 010, 29 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;
- 1 201 euros brut à titre de congés payés afférents ;
- 6 605,65 euros net à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;
- 2 000 euros à titre d'indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile.
En conséquence,
A titre principal,
- Dire et juger que le licenciement de M. [O] [C] repose sur une faute grave ;
En conséquence,
- Débouter M. [O] [C] de toutes ses demandes ;
A titre subsidiaire,
- Dire et juger que le licenciement de M. [O] [C] repose sur une cause réelle et sérieuse ;
En conséquence,
- Débouter M. [O] [C] de sa demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
A titre plus subsidiaire encore, dans l'hypothèse où la cour déciderait que le licenciement ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse,
- Limiter le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse devant revenir à M. [O] [C] à 6 mois de salaire, soit la somme de 24 020,58 euros ;
- Débouter M. [O] [C] de son appel incident ;
- Condamner M. [O] [C] à payer à la SAS Hervé Thermique une indemnité de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner, enfin, M. [O] [C] aux entiers dépens.
Vu les dernières conclusions remises au greffe par voie électronique le 28 janvier 2022 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [O] [C], relevant appel incident, demande à la cour de :
- Déclarer la SAS Hervé Thermique mal fondée en son appel et l'en débouter,
- Déclarer M. [O] [C] recevable et bien fondé en son appel incident et y faisant droit,
- Réformant partiellement le jugement rendu par le conseil de prud'hommes en date du 10 mars 2020,
Et statuant à nouveau,
- Condamner la société Hervé Thermique à verser à M. [O] [C] les sommes suivantes :
- 96 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,
- 40 834,98 euros à titre d'indemnité de licenciement,
- 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
- Confirmer pour le surplus le jugement entrepris,
- Condamner la société Hervé Thermique au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner la société Hervé Thermique aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 26 juillet 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le bien-fondé du licenciement pour faute grave
Il résulte des dispositions combinées des articles L. 1232-1, L. 1232-6, L. 1234-1 et L. 1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise.
La lettre de licenciement du 8 juillet 2013, qui fixe les limites du litige en ce qui concerne les motifs de licenciement, énonce :
« Pour les motifs qui vous ont été exposés lors de notre entretien du 28 juin 2013, ('). Nous vous rappelons que ces motifs se rapportent à:
1. Une perte totale de crédibilité envers notre client EIFFAGE concernant le non-respect de vos engagements sur la tenue des délais de remise et de gestion des documents techniques (notes de calcul, plans de réservation, plans d'exécution, fiches produits, etc.') et ce depuis le début de votre intervention sur l'opération [W].
À ce propos, nous vous rappelons que notre client nous a adressé plusieurs courriers et que nous avons été convoqués à diverses reprises pour recadrer vos plans d'action lesquels étaient régulièrement non tenus. Nous avons donc dû remédier à votre carence en faisant appel aux compétences de [P] [L], Responsable du Bureau d'Etudes, laquelle, depuis près de 6 semaines, 'uvre pour re-crédibiliser notre partenariat et rattraper vos manquements. Les conséquences de votre comportement constituent un préjudice qui s'estime à plus de 85'000 €.
Nous tenons à vous rappeler que ce manque de suivi et de rigueur entraînant une perte de crédibilité vis-à-vis des clients vous avait déjà été reproché pour notre client SFICA concernant votre mauvaise gestion du chantier France TÉLÉVISION et que cela vous avait valu une sanction disciplinaire notifiée le 4 mars 2013.
2. Une carence totale concernant le management des études d'exécution et en particulier la mauvaise gestion de notre prestataire AUXITEC qui s'est traduite par la régularisation à tort de 15 devis de travaux de reprise, l'absence de gestion du planning des ressources d'ingénierie en interne, l'absence totale d'anticipation sur les études et aucune animation de réunions d'études. À ce propos, nous vous rappelons que les commandes de matériel, notamment en LT sous-sol, ont été lancées tardivement du fait de votre retard dans les validations des fiches produits.
3. Un non-respect des règles de l'entreprise et de son organisation, concernant la gestion de vos tâches notamment au niveau du phasage et de leur avancement, mesurées à partir de notre outil ECMO (Etat Comparatif de main-d''uvre), ce qui génère une impossibilité à gérer l'avancement de vos études et en prévoir le coût (variation sur toute la durée du chantier avec amplitude du simple au triple, lisible sur l'outil de gestion de l'entreprise).
À ce propos nous tenons à vous rappeler que cette absence de phasage permettant l'anticipation de vos tâches et ce manquement aux règles de l'entreprise, vous avaient déjà été reprochés et notifiés par une sanction disciplinaire en date du 24 octobre 2012.
Au regard de la fonction de chargé de clients que vous occupez, vous comprendrez aisément que votre comportement est inadmissible et s'avère préjudiciable à l'entreprise, tant en termes financiers qu'en termes d'image de marque et de notoriété.
Ces graves carences de gestion et de manquement entraînent un préjudice de confiance et financier (direct ou indirect) pour l'entreprise d'environ 220'000 € (commande de matériel en retard, reprise de prestations déjà réalisées par le sous-traitant, mise en place d'ingénierie pour rattrapage), vous comprendrez aisément qu'il nous est impossible d'accepter une telle situation, laquelle génère de graves dysfonctionnements internes et s'avère préjudiciable à l'organisation et à l'image de marque de notre société.
Nous nous voyons dans cette situation contraints de mettre fin au contrat de travail vous liant à notre entreprise.
Les conséquences immédiates de votre comportement rendent impossible la poursuite de votre activité au service de l'entreprise même pendant un préavis.
En conséquence nous vous informons que nous avons décidé de prononcer votre licenciement pour faute grave. ('). »
L'ensemble des faits énoncés dans la lettre de licenciement sont invoqués au soutien de la faute grave reprochée au salarié.
L'employeur s'étant placé exclusivement sur le terrain disciplinaire, le licenciement du salarié ne peut intervenir que pour des faits présentant un caractère fautif résultant par exemple d'une inexécution volontaire de la prestation de travail ou d'une mauvaise volonté délibérée du salarié et non pas pour des faits constitutifs d'une insuffisance professionnelle.
M. [O] [C] soutient que les faits repris dans la lettre de licenciement ne sont ni datés ni précis, qu'ils sont antérieurs de plus de deux mois à la mise en 'uvre de la procédure, que l'employeur ne prouve pas qu'ils auraient perduré dans le temps, de sorte qu'étant prescrits, ils ne peuvent justifier un licenciement. Il ajoute que l'employeur ne justifie pas de l'existence des fautes qu'il allègue et de leur imputabilité.
Il est reproché au salarié trois fautes pour justifier la sanction disciplinaire prononcée soit un licenciement pour faute grave :
1. Le non-respect de ses engagements sur la tenue des délais de remise et de gestion des documents techniques sur le chantier [W] ;
2. Une carence totale concernant le management des études exécution et en particulier une mauvaise gestion d'un prestataire qui s'est traduite par la régularisation à tort de devis, une absence de gestion du planning, une absence d'anticipation sur les études, aucune animation de réunions d'études ;
3. Le non-respect des règles de l'entreprise et de son organisation concernant la gestion de ses tâches au niveau du phasage et de leur avancement, générant une impossibilité de gérer l'avancement de ses études et en prévoir le coût.
Il n'est pas énoncé dans la lettre de licenciement que les faits reprochés seraient la conséquence d'une mauvaise volonté délibérée du salarié.
Le fait de n'avoir pas tenu les délais sur le chantier [W], l'existence d'un retard dans les études, que le salarié impute à un manque de personnel, ne constituent pas une faute disciplinaire, en l'absence de démonstration d'un manquement délibéré du salarié.
Les carences pointées par l'employeur concernant le management des études exécution et en particulier la mauvaise gestion d'un prestataire sur le même chantier [W] ne constituent pas des fautes disciplinaires. Il est cité par exemple une erreur commise au niveau des études s'agissant du nombre de flexibles sur les ventilo-convecteurs qui a dû être corrigée, ce qui a engendré un retard ; un retard dans le choix du matériel pour les sous-sols ; une commande à un sous-traitant de prestations qui étaient censées comprises dans le marché de base' De surcroît, l'imputabilité de ces griefs à M. [C] n'est pas démontrée, compte tenu du nombre d'intervenants, et notamment de l'organigramme produit qui montre qu'il existe en matière de travaux de génie climatique sept chargés de clients dont M. [C] et M. [M]. S'il est produit un organigramme sur lequel M. [C] apparaît comme chargé d'affaires, celui-ci se trouve à un niveau inférieur à un chargé de clients, M. [M].
Il est également reproché au salarié d'avoir été « incapable de gérer le phasage et l'avancement des tâches » sur le chantier [W]. Outre qu'il n'est pas démontré que ces tâches étaient de la responsabilité de M. [O] [C] et que ce phasage et avancement ont été mal faits, cette incapacité caractériserait une insuffisance professionnelle si elle était avérée et non une faute disciplinaire.
La SAS Hervé Thermique ne démontre pas avoir alerté le salarié sur les griefs visés dans la lettre de licenciement concernant un chantier précis au cours de la relation contractuelle et que celui-ci volontairement se serait abstenu de réagir. Le 4 mars 2013, il a été reproché au salarié un retard dans les rendus d'informations au client sur un chantier France Télévisions, pour lequel un avertissement a été notifié. Il n'est justifié ni de ce retard ni de l'obligation faite au salarié de restituer des informations. Le retard imputé ne constitue pas un motif de sanction disciplinaire. En tout état de cause, cette seule alerte, trois mois avant la convocation à entretien en vue d'un éventuel licenciement, ne saurait établir une mauvaise volonté du salarié constitutive d'une faute disciplinaire.
Aucun élément ne permet de caractériser la nature et la cause précise du retard dont il est fait état dans les attestations d'un chargé d'affaires et du responsable méthode production au sein de l'entreprise, dans le courriel de M. [M], dans une note de M. [N] qui indique simplement avoir travaillé sur le chantier [W]. Ces pièces, vagues et imprécises et qui ne sont pas corroborées par d'autres éléments du dossier, n'emportent pas la conviction de la cour.
En l'absence de faute disciplinaire justifiée, le licenciement pour faute grave de M. [O] [C] est jugé sans cause réelle et sérieuse. Le jugement est confirmé de ce chef.
Sur les conséquences pécuniaires de licenciement
M. [O] [C] soutient qu'il bénéficie d'une ancienneté de 22 ans et 3 mois incluant la totalité de ses périodes d'activité au sein de la SAS Hervé Thermique depuis son embauche à compter du 30 janvier 1984. Il se fonde sur l'article 7.13. de la convention collective des cadres du bâtiment qui dispose que « on entend pas ancienneté du cadre le temps pendant lequel le cadre a été employé en une ou plusieurs fois dans l'entreprise ou dans le groupe (') quels qu'aient été ses emplois successifs. ». Cet article prévoit en outre que la durée des contrats dont la rupture est imputable aux cadres doit être déduite de la comptabilisation de l'ancienneté.
La SAS Hervé Thermique réplique que le salarié doit tenir compte de l'indemnité conventionnelle de licenciement qu'il a déjà perçu à hauteur de 113'851,72 francs lors de son premier licenciement en 1999. Il a en outre signé une transaction après son licenciement en 1999. Son ancienneté doit donc être décomptée à partir du 7 janvier 2008 date de son nouvel engagement en contrat à durée déterminée.
Il a été mis fin au contrat de travail conclu en 1984 de M. [O] [C] par une transaction le 8 novembre 1999 aux termes de laquelle les parties renonçaient expressément à toute action judiciaire directe ou indirecte devant quelque juridiction que ce soit se rapportant à tout chef de demande ayant pour origine le contrat de travail de M. [O] [C] .
En application des dispositions conventionnelles précitées, M. [O] [C] n'est pas fondé à revendiquer suite à la rupture en 2013 de son contrat de travail ayant pris effet au 1er janvier 2009 le bénéfice de l'ancienneté acquise entre 1984 et 1999 au titre de son premier contrat de travail.
En revanche, il convient de prendre en compte non seulement le contrat à durée déterminée ayant lié les parties entre le 7 janvier 2008 et le 31 décembre 2008 mais également les périodes au cours desquelles le salarié a travaillé au sein de l'entreprise selon plusieurs contrats de mission, soit du 26 mars au 28 décembre 2007.
M. [O] [C] bénéficie à ce titre d'une ancienneté de 6 ans et 3 mois.
Sa rémunération mensuelle de référence pour le calcul de l'indemnité de licenciement est de 4 003,43 € brut.
En application de l'article 7.13. de la convention collective des cadres du bâtiment, il y a lieu, par voie d'infirmation du jugement, de condamner la SAS Hervé Thermique conseil à verser à M. [O] [C] la somme de 7'506,43 euros net à titre d'indemnité de licenciement.
Il y a lieu de confirmer le jugement s'agissant de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, et du rappel de salaire au titre de la période de mise à pied conservatoire et des congés payés afférents, les premiers juges ayant fait une juste appréciation des sommes auxquelles le salarié pouvait prétendre à ce titre.
Le salarié comptant plus de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise au jour de son licenciement et celle-ci employant habituellement onze salariés au moins, trouvent à s'appliquer les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, selon lesquelles, en cas de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, le salarié peut prétendre à une indemnité qui ne peut être inférieure au salaire des six derniers mois.
En considération de sa situation particulière, notamment de son âge, de son ancienneté au moment de la rupture, des circonstances de celle-ci, de sa capacité à retrouver un emploi compte tenu de sa formation et en l'état des éléments soumis à l'appréciation de la cour, par voie d'infirmation du jugement entrepris, la SAS Hervé Thermique sera condamnée à payer à M. [O] [C] la somme de 32 000 euros net.
Sur la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
L'article L. 1222-1 du code du travail pose le principe de l'exécution de bonne foi du contrat de travail
M. [O] [C] sollicite la somme de 20'000 € à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail. Il fait valoir en substance que son employeur a tout mis en 'uvre pour le discréditer dans l'exécution de ses fonctions, le marginaliser et lui retirer au fil du temps les responsabilités qui lui avaient été confiées. L'employeur le conteste.
M. [O] [C] ne produit aucune pièce qui justifierait que son employeur a agi de manière déloyale dans l'exécution de son contrat de travail. Il sera débouté de sa demande de dommages-intérêts à ce titre. Le jugement du conseil de prud'hommes est confirmé de ce chef.
Sur l'article L. 1235-4 du code du travail
En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, dans sa version applicable à l'espèce, il convient d'ordonner le remboursement par la SAS Hervé Thermique à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à M. [O] [C] du jour de son licenciement au jour du présent arrêt dans la limite de 6 mois d'indemnités de chômage. Le jugement est confirmé de ce chef.
Sur les dépens et frais irrépétibles
Les dépens de première instance et d'appel sont à la charge de l'employeur, partie succombante.
Il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a alloué au salarié la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il paraît inéquitable de laisser à la charge du salarié l'intégralité des sommes avancées par lui et non comprises dans les dépens. Il lui sera alloué la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles de la procédure d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :
Infirme le jugement déféré mais seulement en ce qu'il a condamné la SAS Hervé Thermique à verser à M. [O] [C] les sommes de 64 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 6 605,65 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
Condamne la SAS Hervé Thermique à payer à M. [O] [C] la somme de 32.000 euros net à titre d'indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
Condamne la SAS Hervé Thermique à payer à M. [O] [C] la somme de 7'506,43 euros net à titre d'indemnité de licenciement ;
Condamne la SAS Hervé Thermique à payer à M. [O] [C] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la déboute de sa demande à ce titre ;
Condamne la SAS Hervé Thermique aux dépens d'appel.
Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre et par le greffier
Karine DUPONT Alexandre DAVID