C O U R D ' A P P E L D ' O R L É A N S
CHAMBRE SOCIALE - A -
Section 1
PRUD'HOMMES
Exp +GROSSES le 29 NOVEMBRE 2022 à
la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS
la SELARL ARGUMENTS
AD
ARRÊT du : 29 NOVEMBRE 2022
MINUTE N° : - 22
N° RG 20/01227 - N° Portalis DBVN-V-B7E-GFII
DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE TOURS en date du 24 Juin 2020 - Section : ENCADREMENT
APPELANTE :
S.A.R.L. NATURAL SANTÉ prise en la personne de son gérant, en exercice, et de tous autres représentants légaux domiciliés ès-qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Me Isabelle TURBAT de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau d'ORLEANS,
ayant pour avocat plaidant Me Cécile AUTHIER de la SELARL CAPSTAN SUD OUEST, avocat au barreau de BORDEAUX
ET
INTIMÉE :
Madame [P] [B]
née le 16 Mai 1980 à [Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Christophe GEORGES de la SELARL ARGUMENTS, avocat au barreau de TOURS
Ordonnance de clôture : 26 juillet 2022
Audience publique du 06 Septembre 2022 tenue par M. Alexandre DAVID, Président de chambre, et par Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller, ce, en l'absence d'opposition des parties, assistés lors des débats de Mme Karine DUPONT, Greffier.
Après délibéré au cours duquel M. Alexandre DAVID, Président de chambre et Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller, ont rendu compte des débats à la Cour composée de :
Monsieur Alexandre DAVID, président de chambre, président de la collégialité
Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre
Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller
Puis le 29 Novembre 2022, Monsieur Alexandre DAVID, président de Chambre, assisté de Mme Karine DUPONT, Greffier a rendu l'arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
Selon contrat de travail à durée indéterminée, la SARL Natural Santé a engagé Mme [P] [B] le 7 février 2014 en qualité de VRP exclusif. La relation de travail était régie par l'accord national interprofessionnel des voyageurs, représentants, placiers du 3 octobre 1975.
Le 8 septembre 2016, Mme [P] [B] a été promue manager d'équipe commerciale.
Le 2 novembre 2018, Mme [P] [B] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement et a fait l'objet d'une mise à pied conservatoire.
Le 16 novembre 2018, Mme [P] [B] s'est vu notifier son licenciement pour faute grave.
Par requête du 27 février 2019, Mme [P] [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Tours aux fins principalement de contester son licenciement, de le voir déclarer nul ou dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'obtenir diverses sommes en conséquence.
Par jugement du 24 juin 2020, le conseil de prud'hommes de Tours, section encadrement, a :
- Dit et jugé que le licenciement de Mme [P] [B] est sans cause réelle et sérieuse;
- Condamné la SARL Natural Santé à verser à Mme [P] [B] les sommes suivantes:
- 16 046,30 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- 16 046,30 euros bruts au titre du préavis ;
- 1 604,63 euros bruts de congés payés y afférents;
- 16 046,30 euros au titre de l'indemnité de commissionnement;
- 6 815,56 euros bruts au titre des commissions dues jusqu'au jour de la rupture;
- 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Ordonné à la SARL Natural Santé de remettre à Mme [P] [B] les documents suivants conformes au présent :
- Bulletin de salaire, attestation pôle emploi, certificat de travail rectifiés sous quinze jours après signification du présent jugement et avec 50 euros d'astreinte par jour de retard ;
- Ordonné en application de l'article L. 1235.4 du code du travail, le remboursement par la S.A.R.L Natural Santé à pôle emploi des indemnités de chômage payées à Mme [P] [B] à la suite de son licenciement, dans la limite de trois mois et sous déduction de la contribution prévue à l'article L.1233.69 du code du travail ;
- Débouté le demandeur de ses autres demandes ;
- Débouté la SARL Natural Santé de toutes ses demandes principales et demandes reconventionnelles au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné la SARL Natural Santé aux entiers dépens de la présente instance.
La SARL Natural Santé a interjeté appel de cette décision le 7 juillet 2020.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les dernières conclusions remises au greffe par voie électronique le 19 juillet 2022 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la SARL Natural Santé demande à la cour de :
- Dire recevable et bien fondé l'appel interjeté par la SARL Natural Santé à l'encontre du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Tours le 24 juin 2020;
- Réformer la décision déférée en ce qu'elle a :
- Dit et jugé que le licenciement de Mme [P] [B] est sans cause réelle et sérieuse,
- Condamné la SARL Natural Santé à verser à Mme [P] [B] les sommes suivantes :
- 16.046,30 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 16.046,30 euros bruts au titre du préavis,
- 1.604,63 euros bruts de congés payés y afférents,
- 16.046,30 euros au titre de l'indemnité de commissionnement,
- 6.815,56 euros bruts au titre des commissions dues jusqu'au jour de la rupture,
- 1.200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Ordonné à la SARL Natural Santé de remettre à Mme [P] [B] les documents suivants conformes au présent :
- Bulletin de salaire,
- Attestation de pôle emploi,
- Certificat de travail rectifié sous quinze jours après signification du présent jugement et avec 50 euros d'astreinte par jour de retard,
- Ordonné en application de l'article L.1235-4 du code du travail, le remboursement par la SARL Natural Santé à pôle emploi des indemnités de chômage payées à Mme [P] [B] à la suite de son licenciement, dans la limite de trois mois et sous déduction de la contribution prévue à l'article L.1233-69 du code du travail,
- Débouté la SARL Natural Santé de toutes ses demandes principales et demandes reconventionnelles au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné la SARL Natural Santé aux entiers dépens de la présente instance.
A titre principal,
- Juger que le licenciement notifié par la SARL Natural Santé à Mme [P] [B] le 21 novembre 2018 repose sur une faute grave,
- Débouter Mme [P] [B] de ses demandes au titre du préavis et congés payés sur préavis,
- Débouter Mme [P] [B] de sa demande de dommages et intérêt pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- Juger que le licenciement de Mme [P] [B] n'encourt aucune nullité,
- Débouter Mme [P] [B] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement nul,
- Débouter Mme [P] [B] de sa demande au titre des congés payés,
- Débouter Mme [P] [B] de sa demande au titre des commissions,
- Réduire le montant l'indemnité de commissionnement sur retour d'échantillonnage à la somme de 151,15 euros bruts,
- Condamner Mme [P] [B] à restituer à la SARL Natural Santé les sommes versées au titre de l'exécution provisoire de la décision de première instance, soit :
- 16.046,30 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 1.604,63 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
- 6.815,56 euros bruts au titre des commissions dues jusqu'au jour de la rupture,
- 16.046,30 euros bruts à titre d'indemnité de commissionnement.
- Condamner Mme [P] [B] à verser à la SARL Natural Santé la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
A titre subsidiaire,
- Juger que le licenciement de Mme [P] [B] repose à tout le moins sur une cause réelle et sérieuse,
- Débouter Mme [P] [B] de toute demande de dommages et intérêts afférente à la rupture,
- Réduire le montant de l'indemnité compensatrice de préavis à la somme de 15.673,20 euros bruts outre 1.567,32 euros bruts au titre des congés payés sur préavis,
- Débouter Mme [P] [B] de sa demande au titre des congés payés,
- Débouter Mme [P] [B] de sa demande au titre des commissions,
- Réduire le montant l'indemnité de commissionnement sur retour d'échantillonnage à la somme de 151,15 euros bruts,
- Condamner Mme [P] [B] à restituer à la SARL Natural Santé la somme de 410,41 euros bruts à titre de trop perçu d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés sur préavis,
A titre infiniment subsidiaire,
- Réduire le montant des dommages et intérêts compte tenu de la rupture à la somme de 15.673,20 euros,
- Débouter Mme [P] [B] de sa demande au titre des congés payés,
- Débouter Mme [P] [B] de sa demande au titre des commissions,
- Réduire le montant l'indemnité de commissionnement sur retour d'échantillonnage à la somme de 151,15 euros bruts,
En tout état de cause,
- Débouter Mme [P] [B] de sa demande de communication de pièces,
- Débouter Mme [P] [B] de sa demande de remise de documents rectifiés sous astreinte,
- Débouter Mme [P] [B] de toutes demandes, fins et conclusions.
Vu les dernières conclusions remises au greffe par voie électronique le 7 juillet 2022, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles Mme [P] [B], relevant appel incident, demande à la cour de :
- Débouter purement et simplement la SARL Natural Santé de l'intégralité de ses demandes fins et conclusions,
Y faisant droit,
- Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Tours le 24 juin 2020 en ce qu'il a :
- Condamné la SARL Natural Santé à verser à Mme [P] [B] la somme de 6.815,56 euros au titre des commissions dues jusqu'au jour de la rupture ;
- Condamné la SARL Natural Santé à verser à Mme [P] [B] la somme de 1.200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
- Ordonné à la SARL Natural Santé de remettre à Mme [P] [B] les documents suivants : Bulletin de salaire, attestation pôle emploi, certificat de travail, rectifiés, sous quinze jours après signification jugement, et avec 50 euros d'astreinte par jour;
- Ordonné le remboursement, en application de l'article L.1235-4 du code du travail, le remboursement par la SARL Natural Santé à pôle emploi des indemnités chômage dans la limite de trois mois et sous déduction de l'article L.1233-69 du code du travail;
En revanche, accueillant l'appel incident de Mme [P] [B],
- Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Tours le 24 juin 2020 en ce qu'il a :
- Dit et jugé que le licenciement de Mme [P] [B] devait être qualifié de licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Et condamné la SARL Natural Santé à verser à Mme [P] [B] :
- La somme de 16.046,30 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- La somme de 16.046,30 euros bruts au titre du préavis ,
- La somme de 1604,63 euros bruts de congés payés y afférents ,
- La somme de 16046,30 euros au titre de l'indemnité de commissionnement,
Y faisant droit,
- Juger que le licenciement de Mme [P] [B] est nul, en raison du harcèlement moral subi,
- Ainsi, condamner, la SARL Natural Santé à verser à Mme [P] [B] :
- Au titre du licenciement nul pour harcèlement moral : 36.349,98 euros si le mois de novembre 2018 est pris en compte pour le calcul du salaire de référence ou 34.436,50 euros si le mois de novembre 2018 n'est pas pris en compte pour le calcul du salaire de référence,
- Au titre de l'indemnité compensatrice de préavis : 18.175 euros si le mois de novembre 2018 est pris en compte pour le calcul du salaire de référence, ou 17.218,26 euros si le mois de novembre 2018 n'est pas pris en compte pour le calcul du salaire de référence,
- Au titre des congés payés sur préavis : 1.817,50 euros si le mois de novembre 2018 est pris en compte pour le calcul du salaire de référence ou 1.721,83 euros si le mois de novembre 2018 n'est pas pris en compte pour le calcul du salaire de référence,
- Au titre de l'indemnité de commissionnement : 18.175 euros si le mois de novembre 2018 est pris en compte pour le calcul du salaire de référence ou 17.218,26 euros si le mois de novembre 2018 n'est pas pris en compte pour le calcul du salaire de référence,
A titre subsidiaire,
- Débouter purement et simplement la SARL Natural Santé de l'intégralité de ses demandes fins et conclusions,
Y faisant droit,
- Confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Tours le 24 juin 2020 en ce qu'il a dit :
- Dit et jugé que le licenciement de Mme [P] [B] est sans cause réelle et sérieuse
- Condamné la SARL Natural Santé à verser à Mme [P] [B] la somme de 6.815,56 euros au titre des commissions dues jusqu'au jour de la rupture,
- Condamné la SARL Natural Santé à verser à Mme [P] [B] la somme de 1.200euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Ordonné à la SARL Natural Santé de remettre à Mme [P] [B] les documents suivants : Bulletin de salaire, attestation pôle emploi, certificat de travail, rectifiés, sous quinze jours après signification jugement, et avec 50 euros d'astreinte par jour.
- Ordonné le remboursement, en application de l'article L.1235-4 du code du travail, le remboursement par la SARL Natural Santé à pôle emploi des indemnités chômage dans la limite de trois mois et sous déduction de l'article L.1233-69 du code du travail.
En revanche, accueillant l'appel incident de Mme [P] [B],
- Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Tours le 24 juin 2020 en ce qu'il a :
- Condamné la SARL Natural Santé à verser à Mme [P] [B] :
- La somme de 16.046,30 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- La somme de 16.046,30 euros bruts au titre du préavis,
- La somme de 1604,63 euros bruts de congés payés y afférents ,
- 16046,30 euros au titre de l'indemnité de commissionnement,
Y faisant droit,
- Condamner la SARL Natural Santé à verser à Mme [P] [B] :
- Au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse : 24.233,32 euros si le mois de novembre 2018 est pris en compte pour le calcul du salaire de référence ou 22.957,68 euros si le mois de novembre 2018 n'est pas pris en compte pour le calcul du salaire de référence ,
- Au titre de l'indemnité compensatrice de préavis : 18.175 euros si le mois de novembre 2018 est pris en compte pour le calcul du salaire de référence, ou 17.218,26 euros si le mois de novembre 2018 n'est pas pris en compte pour le calcul du salaire de référence,
- Au titre des congés payés sur préavis : 1.817,50 euros si le mois de novembre 2018 est pris en compte pour le calcul du salaire de référence, ou 1.721,83 euros si le mois de novembre 2018 n'est pas pris en compte pour le calcul du salaire de référence,
- Au titre de l'indemnité de commissionnement : 18.175 euros si le mois de novembre 2018 est pris en compte pour le calcul du salaire de référence, ou 17.218,26 euros si le mois de novembre 2018 n'est pas pris en compte pour le calcul du salaire de référence
A titre infiniment subsidiaire,
- Débouter purement et simplement la SARL Natural Santé de l'intégralité de ses demandes fins et conclusions,
Y faisant droit,
- Confirmer purement et simplement le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Tours le 24 juin 2020 ;
A défaut, et si par impossible la cour venait à faire droit la demande de la SARL Natural Santé tendant à l'infirmation du jugement rendu ;
- Juger que la faute grave n'est pas fondée,
Ainsi,
- Débouter la SARL Natural Santé de sa demande sur ce point ;
En conséquence,
- Juger que le licenciement de Mme [P] [B] repose sur une faute simple,
Ainsi,
- Condamner la SARL Natural Santé à verser à Mme [P] [B] les sommes suivantes :
- 6.815,56 euros au titre des commissions dues jusqu'au jour de la rupture ;
- 18175 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, et 1817,50 euros au titre des congés payés afférents, ou respectivement 17.218,26 euros et 1.721,83 euros si le mois de novembre est exclu du calcul du salaire de référence ; ou a minima 16046,30 euros au titre du préavis et 1.604,63 euros au titre des congés payés y afférents,
- 18175 euros au titre de l'indemnité de commissionnement, ou 17.218,26 euros si le mois de novembre est exclu du calcul du salaire de référence ; ou a minima 16046,30 euros,
- Confirmer pour le surplus, notamment en ce qu'il a ordonné à la SARL Natural Santé de remettre à Mme [P] [B] les documents suivants conformes à sa décision :
- Bulletins de salaire,
- Attestation Pôle emploi,
- Certificat de travail rectifié sous quinze jours, après signification de la décision et avec 50 euros d'astreinte par jour de retard,
En tout état de cause,
- Débouter la SARL Natural Santé de toutes ses demandes plus amples et contraires ;
- Condamner la SARL Natural Santé à verser à Mme [P] [B] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 26 juillet 2022.
L'affaire, fixée à l'audience du 6 septembre 2022, y a été évoquée pour être mise en délibéré au 29 novembre 2022.
Le 24 septembre 2022, en application de l'article 442 du code de procédure civile, la cour a invité les parties à faire connaître leurs observations sur les points suivants :
« La Cour de cassation a affirmé :
- Soc., 16 février 2022, pourvoi n° 19-17.871, FS, B
« Vu l'article L. 1121-1 du code du travail et l'article 10, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
14. Il résulte de ces textes que sauf abus, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression , à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées.
15. Le licenciement prononcé par l'employeur pour un motif lié à l'exercice non abusif par le salarié de sa liberté d'expression est nul. »
- Soc., 29 juin 2022, pourvoi n° 20-16.060, FS, B
« 5. Sauf abus, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression.
6. Le caractère illicite du motif du licenciement prononcé, même en partie, en raison de l'exercice, par le salarié, de sa liberté d'expression , liberté fondamentale, entraîne à lui seul la nullité du licenciement. »
- Soc., 21 septembre 2022, pourvoi n° 21-13.045, FS, B
« Vu les articles L. 2281-1 et L. 2281-3 du code du travail, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 :
4. Il résulte de ces textes que les salariés bénéficient d'un droit à l'expression directe et collective sur le contenu, les conditions d'exercice et l'organisation de leur travail. Sauf abus, les opinions que le salarié émet dans l'exercice de ce droit, ne peuvent motiver une sanction ou un licenciement. »
1. Dans la lettre de licenciement, il est notamment reproché à la salariée d'avoir, à l'occasion d'une formation, critiqué ouvertement le choix de la direction d'inclure des fontaines à eau dans le catalogue de vente (lettre de licenciement, page 2, 2ème à 4ème §).
Y-a-t-il lieu de considérer que le licenciement est nul comme ayant été prononcé par l'employeur pour un motif lié à l'exercice non abusif par la salariée de sa liberté d'expression '
2. Dans cette hypothèse, y-a-t-il lieu de faire application des dispositions de l'article L.1235-2 du code du travail '
Article L.1235-2 du code du travail : « En cas de pluralité de motifs de licenciement, si l'un des griefs reprochés au salarié porte atteinte à une liberté fondamentale, la nullité encourue de la rupture ne dispense pas le juge d'examiner l'ensemble des griefs énoncés, pour en tenir compte, le cas échéant, dans l'évaluation qu'il fait de l'indemnité à allouer au salarié, sans préjudice des dispositions de L.1235-3-1 »
Par note en délibéré du 28 septembre 2022, Mme [P] [B] soutient que les trois arrêts prononcés par la Cour de cassation les 16 février, 29 juin et 21 septembre 2022, confirment que la liberté d'expression du salarié ne peut justifier une mesure de licenciement, sauf à ce qu'un abus de droit soit caractérisé.
Selon elle, aux termes de la lettre de licenciement, l'employeur lui reproche en réalité d'avoir partagé son opinion sur un produit, aux équipes, ce qui est qualifié de « critique ouverte ». Comme elle le rappelle dans ses conclusions, elle n'a pas critiqué ce produit en tant que tel et a simplement émis une inquiétude quant à l'installation complexe de ce nouveau produit chez le prospect, alliée à une faible commission proposée faisant craindre logiquement une démotivation de son équipe. Cette observation ne peut être analysée comme une critique motivée par une intention malveillante, ou être qualifiée d'abus de droit. La remarque formulée par elle relève de sa liberté d'expression. Le motif invoqué par l'employeur est illicite, ce qui justifie la nullité du licenciement.
S'agissant de l'application de l'article L.1235-2-1 du code du travail, Mme [P] [B] conteste les griefs invoqués à son encontre pour justifier son licenciement. Elle maintient sa demande de nullité du licenciement pour harcèlement moral. Elle expose que si la cour retenait la nullité du licenciement en raison du caractère illicite du motif du licenciement pour exercice par la salariée de sa liberté d'expression, elle devrait prendre en considération les autres motifs invoqués dans la lettre de licenciement qui ne sont pas justifiés, mais également la demande tendant à ce que la nullité du licenciement pour harcèlement moral soit retenue. Dans ces conditions, la cour ne saurait limiter le montant des dommages et intérêts.
Par note en délibéré du 4 octobre 2022, la SARL Natural Santé fait valoir qu'elle n'a pas sanctionné le fait pour Mme [P] [B] de s'être exprimée mais le fait d'avoir, par son positionnement critique et contraire à la bonne marche de la société, porté atteinte à l'organisation de l'entreprise. En effet, en raison du comportement de la salariée, le produit en question - les fontaines à eau - n'a pas pu être commercialisé par son équipe commerciale, qui se trouvait être à l'époque des faits, la plus importante équipe de VRP de la société.
L'employeur indique prendre note des décisions de la Cour de cassation visées dans la demande de note en délibéré du 22 septembre 2022. Il observe d'une part que ces décisions sont postérieures de près de quatre années au prononcé du licenciement. Se pose donc la question de la nécessaire articulation entre l'impératif de sécurité juridique et l'évolution jurisprudentielle. Il relève d'autre part qu'au jour du licenciement, la jurisprudence tant de la Cour de cassation que des juges du fond « validait » le licenciement d'un salarié ayant tenu des propos critiques à l'égard de l'employeur. La SARL Natural Santé estime ne s'être pas placée sur le terrain de l'abus du droit à la liberté d'expression mais de la critique par le salarié de la gestion de l'entreprise, en conformité avec la jurisprudence alors existante. Selon lui, le licenciement n'encourt aucune nullité pour avoir été prononcé pour un motif lié à l'exercice non abusif par la salariée de sa liberté d'expression.
La SARL Natural Santé fait également valoir qu'à aucun moment de la procédure, y compris lors de l'audience de plaidoirie du 6 septembre 2022, la salariée n'a invoqué une sanction injustifiée car liée à l'exercice non abusif de sa liberté d'expression. C'est par voie de note en délibéré que, pour la première fois, Mme [P] [B] invoque son droit à liberté d'expression.
La SARL Natural Santé soutient que Mme [P] [B] a fait le choix, en pleine conscience, d'attendre la réunion du 25 septembre 2018 pour critiquer ouvertement les choix stratégiques de la société devant l'ensemble de son équipe de VRP. Cette attitude caractérise non seulement sa mauvaise foi mais encore la volonté de nuire à son employeur dans ses nouveaux projets de développement commercial. Dans ces conditions, le licenciement intervenu n'encourt aucune nullité sur quelque fondement que ce soit. Par conséquent, les dispositions de l'article L.1235-2 du code du travail ne trouveront pas à s'appliquer.
MOTIFS
Sur la nullité du licenciement
La Cour de cassation a affirmé :
Soc., 16 février 2022, pourvoi n° 19-17.871, FS, B :
«'Vu l'article L. 1121-1 du code du travail et l'article 10, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
14. Il résulte de ces textes que sauf abus, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression, à laquelle seules des restrictions justifiées par la'nature'de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées.
15. Le licenciement prononcé par l'employeur pour un motif lié à l'exercice non abusif par le salarié de sa liberté d'expression est nul.'»
'
Soc., 29 juin 2022, pourvoi n° 20-16.060, FS, B :
«'Sauf abus, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression.
Le caractère illicite du motif du licenciement prononcé, même en partie, en raison de l'exercice, par le salarié, de sa liberté d'expression, liberté fondamentale, entraîne à lui seul la nullité du licenciement.'»
'
Dans la lettre de licenciement du 16 novembre 2018, la SARL Natural Santé reproche notamment à Mme [P] [B] d'avoir, à l'occasion d'une formation, critiqué ouvertement le choix de la direction d'inclure des fontaines à eau dans le catalogue de vente (lettre de licenciement, page 2, 2ème à 4ème'§).'
La lettre de licenciement énonce : « [...] Lors de cette de cette formation du 25 septembre 2018, Monsieur [K] [R], directeur commercial, a fait savoir que devaient entrer dorénavant dans le catalogue de vente des fontaines à eau. Vous avez alors critiqué ouvertement ce choix de la direction et la mise en place de ce produit. Cette critique ouverte a eu lieu devant l'ensemble de votre équipe de VRP devant qui vous avez fait savoir que la vente d'un tel produit n'était pas intéressante en termes de commissionnements.
Lors de notre entretien du 13 courant, vous avez reconnu les faits et expliqué ne pas trouver ce produit attrayant.
Il est bien évident que ce type de comportement et de manifestation de votre part, devant une équipe que vous êtes censée motiver pour la vente en votre qualité de manager, est parfaitement inadmissible et en tout état de cause contraire à vos obligations contractuelles ».
La salariée, en tant que coordinatrice de l'équipe et en tant que VRP a, lors d'une réunion d'équipe du 25 septembre 2018, déclaré que la vente de fontaines à eau n'était pas intéressante en termes de commissionnement. Ce faisant, elle a manifesté son opposition à la politique commerciale de l'entreprise et, en particulier au choix d'inclure un nouveau produit dans le catalogue de vente de la société.
Il ne résulte d'aucune élément du dossier que la salariée aurait exprimé son désaccord en des termes excessifs ou injurieux. A cet égard, si Mme [W] [X], manager au sein de la SARL Natural Santé, relate : « J'ai été témoin lors du déroulement de cette réunion de propos et de comportement de Madame [B] [P] envers Monsieur [R] [K] que personnellement je ne cautionne pas et qui peuvent mettre en état de nuire l'entité du groupe, et de l'entreprise NATURAL SANTE », il ne ressort pas de cette attestation peu circonstanciée que Mme [P] [B] aurait abusé de son droit à la liberté d'expression.
Le fait d'avoir attendu la réunion du 25 septembre 2018 pour émettre des critiques sur le choix de la direction de la société de commercialiser le produit litigieux n'est pas constitutif de mauvaise foi. L'intention de nuire à l'employeur n'est nullement caractérisée, la salariée s'étant bornée, lors d'une réunion interne, à exprimer son désaccord sur la vente d'un produit par son équipe de VRP, ce qui relevait de sa liberté d'expression.
Ainsi, il apparaît que le licenciement a été prononcé, même en partie, en raison de l'exercice, par la salariée, de sa liberté d'expression. Il y a lieu d'en déduire que le licenciement est nul comme portant atteinte à une liberté fondamentale.
Sur l'examen des autres griefs énoncés dans la lettre de licenciement'
Le 24 septembre 2022, la présente juridiction a invité les parties à faire connaître leurs observations sur les possibilités de faire application des dispositions de l'article'L.1235-2-1 du code du travail dans l'hypothèse où le licenciement serait considéré comme nul pour avoir été prononcé par l'employeur pour un motif lié à l'exercice non abusif par la salariée de sa liberté d'expression.
L'article'L.1235-2-1 du code du travail, dont le texte était reproduit dans l'écrit adressé aux avocats des parties, dispose :
«'En cas de pluralité de motifs de licenciement, si l'un des griefs reprochés au salarié porte atteinte à une liberté fondamentale, la nullité encourue de la rupture ne dispense pas le juge d'examiner l'ensemble des griefs énoncés, pour en tenir compte, le cas échéant, dans l'évaluation qu'il fait de l'indemnité à allouer au salarié, sans préjudice des dispositions de L.1235-3-1 ».
Les dispositions de ce texte offrent à l'employeur un moyen de défense au fond sur le montant de l'indemnité à laquelle il peut être condamné, devant être soumis au débat contradictoire. Ce n'est que lorsque l'employeur le lui demande que le juge examine si les autres motifs de licenciement invoqués sont fondés et peut, le cas échéant, en tenir compte pour fixer le montant de l'indemnité versée au salarié qui n'est pas réintégré, dans le respect du plancher de six mois prévu par l'article L. 1235-3-1 (Soc., 19 octobre 2022, pourvoi n° 21-15.533, FS, B).
En l'espèce, la SARL Natural Santé soutient que la nullité du licenciement n'est pas encourue. Elle ne fait pas valoir que le préjudice résultant pour Mme [P] [B] de son licenciement nul comme portant atteinte à une liberté fondamentale aurait pu être inférieur à celui qu'elle invoquait au regard des autres griefs énumérés dans la lettre de licenciement.
Il n'y a donc pas lieu de tenir compte des autres motifs invoqués dans la lettre de licenciement pour fixer le montant de l'indemnité pour licenciement nul.
Sur la demande au titre du harcèlement moral
Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Selon l'article L. 1154-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2018-1088 du 8 août 2016, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En application de l'article L. 1154-1 du même code, dans sa rédaction postérieure à la loi précitée, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer ou laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
A l'appui de ses allégations de harcèlement moral, la salariée invoque, en premier lieu, l'ensemble des griefs énoncés dans la lettre de licenciement.
La lettre de licenciement du 16 novembre 2018 énonce une série de griefs synthétisés comme suit dans les conclusions de Mme [P] [B] :
- être arrivée en retard d'une demi-heure à la réunion d'équipe du 25 septembre 2018 et avoir formulé des critiques sur la commercialisation d'un produit ;
- une attitude irrespectueuse et agressive lors d'échanges téléphoniques avec M. [R], directeur commercial et mari de la gérante de la SARL Natural Santé ;
- le non-respect de ses obligations et des processus internes de la société ;
- une insubordination caractérisée par l'opposition à une note de service et un dénigrement de la direction ;
- l'utilisation non-conforme du véhicule mis à sa disposition pour un usage professionnel.
Ces griefs ne permettent pas de fonder le licenciement, prononcé pour partie en raison de l'exercice par la salariée de sa liberté d'expression. En revanche, le fait pour l'employeur de fonder la rupture du contrat de travail sur les griefs ci-dessus énoncés est étranger à tout harcèlement moral.
En deuxième lieu, la salariée invoque également «'la mise en place d'une géolocalisation inadaptée dans le cadre d'une activité de VRP ». Cependant, il relève des pouvoirs de direction de l'employeur d'apprécier la nécessité d'équiper les véhicules de sa flotte d'un dispositif de géolocalisation. Aucun élément du dossier ne vient démontrer que l'employeur aurait fait un usage abusif de ce dispositif. La salariée n'établit aucune pression qui aurait résulté du contrôle dont elle prétend avoir été l'objet. En outre, la salariée a signé l'avenant à son contrat qui indiquait que les véhicules de l'entreprise étaient équipés de GPS (pièce n°19 de l'employeur). Elle ne justifie aucunement de son allégation selon laquelle elle ne souhaitait pas de dispositif de géolocalisation dans son véhicule et y aurait finalement consenti à la suite d'un chantage exercé sur elle par l'employeur. La géolocalisation du véhicule mis à disposition de la salariée pour ses besoins professionnels est étranger à tout harcèlement moral.
En troisième lieu, la salariée invoque, de manière plus générale, une pression exercée au quotidien, dans le contrôle de travail de ses horaires et de ses rendez-vous. Elle fait état de l'absence de maîtrise de ses rendez-vous qui étaient gérés directement par les téléprospecteurs de la société. Cependant, il relève du pouvoir de direction de l'employeur de donner des ordres aux salariés et d'exercer un contrôle sur leur activité et leur horaire de travail. La salariée n'établit aucun abus dans l'exercice de cette prérogative. A cet égard, à supposer que les rendez-vous de Mme [B] aient été gérés par une équipe de téléprospectrices, cette pratique est étrangère à tout harcèlement moral.
En quatrième lieu, Mme [B] se prévaut d'un SMS qui lui a été adressé le 31 octobre 2018 par le directeur commercial et mentionnant «'Très bon week-end, à lundi'» (pièce n°46 de la salariée). Elle lui fait également reproche de lui avoir demandé le 23 octobre 2018 «d'envoyer son stock à jour» alors que l'employeur s'apprêtait à mettre en oeuvre la formule de licenciement. La formule de politesse dans ce SMS, dénuée de toute ironie, est étrangère à tout harcèlement moral. Il en est de même de la demande adressée à la salariée d'adresser des éléments sur son activité.
Par conséquent, les éléments invoqués par Mme [B] ne permettent pas de supposer ou de présumer l'existence d'un harcèlement moral.
En tout état de cause, il n'existe pas de lien entre la rupture et les faits allégués par la salariée et constitutifs selon elle de harcèlement.
Il y a donc lieu de débouter la salariée de sa demande de nullité de licenciement sur ce fondement.
Sur l'indemnité pour licenciement nul
En application de l'article L. 1235-3-1 du code du travail, lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une nullité afférente à la violation d'une liberté fondamentale, et lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
Il n'y a donc pas lieu de se référer à la moyenne des trois derniers mois ou des douze derniers mois de salaire, cette disposition législative fixant le seuil de l'indemnité aux six derniers mois de salaire.
En application de ce texte, et en considération de la situation particulière de la salariée, notamment de son âge, de son ancienneté au moment de la rupture, des circonstances de celle-ci, de sa capacité à retrouver un emploi compte tenu de sa formation, il y a lieu de condamner la SARL Natural Santé à payer à Mme [P] [B] la somme de 36 349,98 euros à titre d'indemnités pour licenciement nul.
Il y a lieu de débouter l'employeur de sa demande de restitution des sommes versées au titre de l'exécution provisoire.
Le remboursement des indemnités de chômage ne peut être ordonné que dans les cas de nullité du licenciement visés à l'article L. 1235-4 du code du travail, lesquels n'incluent pas le licenciement entaché d'une nullité afférente à la violation d'une liberté fondamentale (Soc., 19 octobre 2022, pourvoi n° 21-15.533, FS, P)
ll y a donc lieu d'infirmer le jugement en ce qu'il a ordonné à l'employeur de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage payés à la salariée dans la limite de trois mois d'indemnités.
Sur les commissions dues jusqu'au jour de la rupture
Mme [P] [B] fait valoir que le reçu pour solde de tout compte établi par l'employeur ne mentionne le versement de commissions que jusqu'au mois d'août 2018 (pièce n°24 de la salariée). Elle réclame une somme de 6815,56 euros au titre des commissions dues jusqu'au 21 novembre 2018, date de la rupture.
L'employeur verse aux débats un listing du chiffre d'affaire réalisé mois par mois par la salariée pour la période du 21 juin au 20 novembre 2018 (pièce n°58 de l'employeur). Il procède à un calcul des commissions dues pour chaque vente réalisée en mentionnant le nom des prospects. Il opère un rapprochement entre les commissions dues et les commissions versées telles qu'elles apparaissent sur les bulletins de salaire. Il y a lieu d'en déduire que la salariée a été remplie de ses droits à commission dans la mesure où il n'est pas établi qu'il existait des ventes réalisées par elle et pour lesquelles elle n'aurait pas perçu la commission devant lui revenir.
En revanche, il apparaît à l'analyse de la pièce n°15 du dossier de l'employeur qui recense les ventes réalisées dans le secteur et auprès des clients confiés à l'équipe de Mme [P] [B] entre le 3 juillet 2018 et le 31 octobre 2018 que des ventes ont été réalisées pour lesquelles les salariés ont été commissionnés en décembre 2018 et janvier 2019. Mme [P] [B] est en droit de prétendre à la commission de management fixée à 4% du montant de la vente, soit à 151,15 euros brut.
Par voie d'infirmation du jugement, il y a lieu de condamner l'employeur à lui verser cette somme.
Sur l'indemnité compensatrice de préavis
En application des dispositions de l'article L.7313-9 du code du travail, la période de préavis est de trois mois.
Il y a lieu de fixer le montant de l'indemnité compensatrice de préavis non pas fonction de la moyenne des trois derniers mois de salaire mais en considération de la rémunération que la salariée aurait perçue si elle avait travaillé durant cette période, soit par voie de confirmation du jugement à la somme de 16 046,30 euros brut, outre 1 604,63 euros brut au titre des congés payés afférents.
Sur l'indemnité de commissionnement sur retour d'échantillonnage
Il est stipulé à l'article 12 du contrat de travail : «'à la rupture du présent contrat, Madame [P] [B] perdra tout droit à commission à l'exception de celles relatives aux affaires qui seront considérées comme la suite directe de son travail au sens de l'article L. 7313-11 du code du travail.
Seront ainsi considérées comme suite les affaires conclues directement ou indirectement avant l'interruption ou la cessation de son activité ainsi que les affaires réalisées par la société dans le secteur ou auprès des clients confiés à Madame [P] [B] au cours des trois mois suivant cette interruption ou cette cessation.'»
Contrairement à ce que soutient la salariée, cette indemnité de commissionnement ne peut être fixée à une somme équivalente à trois mois de salaire moyen.
Pour les raisons précédemment exposées, le document figurant en pièce n°15 du dossier de l'employeur ne saurait servir de base au calcul des commissions de retour sur échantillonnement. En effet, celui-ci ne fait état que de ventes réalisées avant le 31 octobre 2018, soit avant la rupture du contrat de travail.
Il appartient à l'employeur de fournir les justificatifs des ordres passés dans le secteur et auprès des clients confiés à Mme [P] [B] au cours des trois mois suivant la rupture du contrat de travail ordres ainsi que du chiffre d'affaires en résultant (Soc., 7 mars 2012, pourvoi n° 09-71.612). En l'absence d'élément produit par l'employeur, il y a lieu, au regard des éléments de la cause, de fixer à 10 000 euros brut le montant de l'indemnité de commissionnement sur retour d'échantillonnage et de condamner l'employeur au paiement de cette somme. Le jugement est infirmé de ce chef.
Sur la remise des documents de fin de contrat
Il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a ordonné à la SARL Natural Santé de remettre à Mme [P] [B] un bulletin de salaire, une attestation Pôle emploi et un certificat de travail conformes à la décision du conseil de prud'hommes.
Il y a lieu de l'infirmer en ce qu'il a assorti cette obligation d'une astreinte, aucune circonstance ne justifiant le prononcé de cette mesure.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Il y a lieu de confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
Il y a lieu de condamner la SARL Natural Santé, partie perdante, aux dépens de l'instance d'appel.
L'équité commande la condamnation de la SARL Natural Santé à verser à Mme [P] [B] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de l'instance d'appel. L'employeur est débouté de sa demande à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et prononcé par mise à disposition du greffe':
Infirme le jugement déféré mais seulement en ce qu'il a dit que le licenciement de Mme [P] [B] était sans cause réelle et sérieuse, en ce qu'il a condamné la SARL Natural Santé à verser à Mme [P] [B] les sommes de 16 046,30 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de 16 046,30 euros au titre de l'indemnité de commissionnement, de 6 815,56 euros brut au titre des commissions dues jusqu'au jour de la rupture, en ce qu'il a prononcé une astreinte, en ce qu'il a ordonné le remboursement par la S.A.R.L Natural Santé à Pôle emploi des indemnités de chômage payées à Mme [P] [B] dans la limite de trois mois d'indemnités ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :
Dit que le licenciement de Mme [P] [B] est nul';
Condamne la SARL Natural Santé à payer à Mme [P] [B] les sommes suivantes :
- 36 349,98 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul';
- 151,15 euros brut au titre des commissions dues jusqu'au jour de la rupture ;
- 10 000 euros brut au titre de l'indemnité de commissionnement sur retour d'échantillonnage';
Dit n'y avoir lieu à ordonner à la SARL Natural Santé de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées à Mme [P] [B] ;
Dit n'y avoir lieu à assortir d'une astreinte le chef de dispositif ordonnant à ordonné à la SARL Natural Santé de remettre à Mme [P] [B] un bulletin de salaire, une attestation Pôle emploi et un certificat de travail conformes à la décision du conseil de prud'hommes ;
Déboute la SARL Natural Santé de sa'demande de restitution des sommes versées au titre de l'exécution provisoire';
Condamne la société SARL Natural Santé à payer à Mme [P] [B] la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et la déboute de sa demande à ce titre ;
Condamne la SARL Natural Santé aux dépens de l'instance d'appel.
Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre et par le greffier
Karine DUPONT Alexandre DAVID