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29/11/2022 | FRANCE | N°20/01261

France | France, Cour d'appel d'Orléans, Chambre sociale, 29 novembre 2022, 20/01261


C O U R D ' A P P E L D ' O R L É A N S

CHAMBRE SOCIALE - A -

Section 1

PRUD'HOMMES

Exp +GROSSES le 29 NOVEMBRE 2022 à

Me Hyvette MOUSSAVOU-DJEMBI

la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS



AD







ARRÊT du : 29 NOVEMBRE 2022



MINUTE N° : - 22



N° RG 20/01261 - N° Portalis DBVN-V-B7E-GFKI



DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE TOURS en date du 19 Mai 2020 - Section : COMMERCE







APPELANT :

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Monsieur [Z] [C]

né le 06 Mai 1969 à [Localité 6]

[Adresse 1]

[Localité 2]



représenté par Me Hyvette MOUSSAVOU-DJEMBI, avocat au barreau de TOURS



ET



INTIMÉE :



S.A.R.L. ALDI [Loca...

C O U R D ' A P P E L D ' O R L É A N S

CHAMBRE SOCIALE - A -

Section 1

PRUD'HOMMES

Exp +GROSSES le 29 NOVEMBRE 2022 à

Me Hyvette MOUSSAVOU-DJEMBI

la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS

AD

ARRÊT du : 29 NOVEMBRE 2022

MINUTE N° : - 22

N° RG 20/01261 - N° Portalis DBVN-V-B7E-GFKI

DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE TOURS en date du 19 Mai 2020 - Section : COMMERCE

APPELANT :

Monsieur [Z] [C]

né le 06 Mai 1969 à [Localité 6]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Hyvette MOUSSAVOU-DJEMBI, avocat au barreau de TOURS

ET

INTIMÉE :

S.A.R.L. ALDI [Localité 5] prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège social

[Adresse 8]

[Localité 3]

représentée par Me Isabelle TURBAT de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau d'ORLEANS,

ayant pour avocat plaidant Me Nelly MORICE, de la SELARL CAPSTAN LMS, avocat au barreau de PARIS,

Ordonnance de clôture : 26 juillet 2022

Audience publique du 06 Septembre 2022 tenue par M. Alexandre DAVID, Président de chambre, et par Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller, ce, en l'absence d'opposition des parties, assistés lors des débats de Mme Karine DUPONT, Greffier.

Après délibéré au cours duquel M. Alexandre DAVID, Président de chambre et Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller, ont rendu compte des débats à la Cour composée de :

Monsieur Alexandre DAVID, président de chambre, président de la collégialité

Madame Laurence DUVALLET, présidente de chambre

Madame Florence CHOUVIN-GALLIARD, conseiller

Puis le 29 Novembre 2022, Monsieur Alexandre DAVID, président de Chambre, assisté de Mme Karine DUPONT, Greffier a rendu l'arrêt par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

Selon contrat de travail à durée indéterminée, la SARL Aldi [Localité 5] a engagé M. [Z] [C] le 28 novembre 1994 en qualité d'assistant chef de magasin en application de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001.

Depuis le 30 juin 1996, M. [Z] [C] occupe les fonctions de chef de magasin.

M. [Z] [C] est titulaire de plusieurs mandats représentatifs, dont celui de membre du CSE et de défenseur syndical.

Par courriel du 2 septembre 2019 puis par courrier du 3 septembre 2019, M. [Z] [C] a saisi l'employeur, sur le fondement des dispositions de l'article L. 2312-59 du code du travail, afin de l'informer de faits d'atteinte aux droits des personnes et de solliciter en conséquence l'organisation d'une enquête.

Par requête reçue au greffe le 5 septembre 2019, M. [Z] [C] a, en qualité de représentant du personnel, saisi le conseil de prud'hommes de Tours aux fins de demander une condamnation de son employeur à raison de manquements dans son obligation de répondre aux points évoqués dans sa saisine des 2 et 3 septembre 2019.

Par jugement du 19 mai 2020, le conseil de prud'hommes de Tours, section commerce, a :

- Dit que la SARL Aldi [Localité 5] n'avait pas à communiquer le téléphone de M. [Z] [C] et ordonné le retrait du numéro de téléphone personnel du demandeur de la liste des élus établis ;

- Débouté M. [Z] [C] de l'ensemble de ses demandes ;

- Débouté la SARL Aldi [Localité 5] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- Laissé à chacune des parties la charge de ses dépens d'instance.

M. [Z] [C] a interjeté appel de cette décision le 9 juillet 2020.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions remises au greffe par voie électronique le 9 octobre 2020 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles M. [Z] [C] demande à la cour de :

- Déclarer l'appel de M. [Z] [C] recevable et bien fondé ;

- Confirmer la décision du conseil de prud'hommes de Tours en qu'il a condamné la SARL Aldi [Localité 5] à retirer le numéro de téléphone portable privé de M. [Z] [C] de la liste établie des délégués du personnel ;

- Pour le surplus, infirmer la décision intervenue ;

Statuer à nouveau :

- Constater que le conseil n'avait pas respecté et fait respecter le principe du contradictoire ;

- Constater la défaillance de la SARL Aldi [Localité 5] qui n'a pas organisé immédiatement des enquêtes, suite aux différents droits d'alerte déposés, en violation des textes ;

- Assortir la condamnation de la SARL Aldi [Localité 5] de retirer le numéro de téléphone personnel de M. [Z] [C] d'une astreinte de 50 euros par jour de retard au profit du trésor. La cour se réservant de liquider sur simple requête ;

- Il sera fait injonction à la SARL Aldi [Localité 5] d'en justifier dans les trois mois suivant la signification de l'arrêt, par constat d'huissier dans les 74 établissements du périmètre de l'entreprise et au sein du siège suivant la liste ;

- Constater la violation des termes du contrat de travail de M. [Z] [C] par la SARL Aldi [Localité 5] ;

- Constater la non-conformité de l'accord d'entreprise mise en place le 29 mars 2019 et le déclarer inopposable à M. [Z] [C] ;

- Constater que la SARL Aldi [Localité 5] est responsables des faits de harcèlement moral envers M. [Z] [C] ;

- Il sera fait injonction à la SARL Aldi [Localité 5] d'organiser le suivi d'une formation auprès d'un organisme affilié à la Carsat sur la prévention et la lutte contre les risques psychosociaux dans les deux mois suivant la décision à intervenir au profit de :

- M. [I] [F] , gérant de la SARL Aldi [Localité 5] ;

- M. [J] [P], référent santé et sécurité de la SARL Aldi [Localité 5] ;

- Ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard au profit du Trésor, la cour se réservant le droit de liquider sur simple requête ;

- Rejeter les demandes de la SARL Aldi [Localité 5], plus amples et contraires;

- Enfin, il sera alloué à M. [Z] [C], la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions remises au greffe par voie électronique le 8 janvier 2021 auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile et aux termes desquelles la SARL Aldi [Localité 5], relevant appel incident, demande à la cour de :

- confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Tours en date du 19 mai 2020 sauf en ce qu'il a :

- Débouté la société Aldi [Localité 5] de sa demande visant à soulever l'irrecevabilité des demandes nouvelles de M. [Z] [C]

- Condamné la société à retirer le numéro de téléphone personnel de M. [Z] [C] de la liste des élus ;

- Débouté la société Aldi [Localité 5] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En conséquence, il est demandé à la cour de :

In limine litis :

- Se déclarer matériellement incompétente s'agissant de la demande relative à l'inopposabilité de l'accord du 29 mars 2019 au profit du Tribunal de grande instance de Versailles ;

Au fond,

- Déclarer M. [Z] [C] mal fondé en son appel ;

- Déclarer irrecevables comme constituant des demandes nouvelles les demandes suivantes :

- La non-conformité de l'accord du 29 mars 2019 aux dispositions de l'article L.2315-41 du Code du travail ;

- L'atteinte à sa vie privée ;

- Le non-respect des dispositions du contrat de travail de M. [Z] [C] et de la convention collective ;

- Les prétendues méthodes managériales dégradant les conditions de travail de M. [Z] [C] ;

- Le retrait du numéro de téléphone portable personnel de la liste mise en place par la société Aldi [Localité 5] ;

- Le suivi d'une formation auprès d'un organisme affilié à la Carsat sur la prévention et la lutte contre les risques psychosociaux du gérant de la société Aldi [Localité 5], M. [I] [F], et du référent santé et sécurité de ladite société, M. [J] [P] ;

- Considérer l'action de M. [Z] [C] prescrite ;

- Débouter M. [Z] [C] de l'ensemble de ses demandes ;

En tout état de cause,

- Condamner M. [Z] [C] à verser à la Société la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamner M. [Z] [C] aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 26 juillet 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, M. [Z] [C] demande à la cour d'appel de constater que le conseil de prud'hommes n'a pas respecté et fait respecter le principe de la contradiction, reprochant en substance aux premiers juges d'avoir décidé d'évoquer l'affaire à l'audience du 8 octobre 2019 alors qu'il avait sollicité un renvoi afin de répondre aux conclusions et pièces transmises la veille par la SARL Aldi [Localité 5]. Cependant, le salarié ne tire aucune conséquence de ce moyen. La présente juridiction n'est donc saisie d'aucune prétention de ce chef.

Sur la violation par l'employeur des dispositions de l'article L. 2312-59 du code du travail

Dans ses conclusions, M. [Z] [C] invoque le non-respect par l'employeur de l'article L. 1253-59 du code du travail. Il y a lieu de considérer que sa demande est en réalité fondée sur l'article L. 2312-59 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-738 du 17 juillet 2019, texte reproduit dans ses conclusions et qui prévoit :

« Si un membre de la délégation du personnel au comité social et économique constate, notamment par l'intermédiaire d'un travailleur, qu'il existe une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l'entreprise qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnée au but recherché, il en saisit immédiatement l'employeur. Cette atteinte peut notamment résulter de faits de harcèlement sexuel ou moral ou de toute mesure discriminatoire en matière d'embauche, de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de classification, de qualification, de promotion professionnelle, de mutation, de renouvellement de contrat, de sanction ou de licenciement.

L'employeur procède sans délai à une enquête avec le membre de la délégation du personnel du comité et prend les dispositions nécessaires pour remédier à cette situation.

En cas de carence de l'employeur ou de divergence sur la réalité de cette atteinte, et à défaut de solution trouvée avec l'employeur, le salarié, ou le membre de la délégation du personnel au comité social et économique si le salarié intéressé averti par écrit ne s'y oppose pas, saisit le bureau de jugement du conseil de prud'hommes qui statue selon la forme des référés.

Le juge peut ordonner toutes mesures propres à faire cesser cette atteinte et assortir sa décision d'une astreinte qui sera liquidée au profit du Trésor.»

Il y a lieu de constater que M. [Z] [C], qui exerce les fonctions de chef de magasin au sein du magasin de [Localité 4] (Indre-et-Loire), a adressé le 2 septembre 2016 à son employeur un courriel ayant pour objet « reprise de travail » aux termes duquel il se borne à indiquer « je souhaite procéder à une enquête dans le cadre des dispositions du L. 2312-59 du code du travail», sans expliciter l'atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l'entreprise qui justifierait l'organisation d'une enquête.

Par écrit du 3 septembre 2019, M. [Z] [C], en sa qualité de membre du CSE, a indiqué être saisi par « M. [C] » en application des dispositions de l'article L. 2312-59 du code du travail et a demandé à son employeur de procéder à une enquête sans délai. Cet écrit, rédigé sur un formulaire pré-imprimé, n'explicite ni les raisons pour lesquelles cette enquête est sollicitée, ni l'objet de celle-ci.

Par requête reçue au greffe le 5 septembre 2019, M. [Z] [C] a saisi le conseil de prud'hommes de Tours aux fins de faire constater la carence de la SARL Aldi [Localité 5] dans l'organisation d'une enquête et d'obtenir sa condamnation au paiement d'une astreinte au profit du Trésor Public. La requête n'explicite pas les droits auxquels il aurait été porté atteinte.

Dans ces conditions, il y a lieu de considérer qu'à la date de saisine de la juridiction prud'homale, aucune carence dans l'organisation d'une enquête ne pouvait être reprochée à la SARL Aldi [Localité 5], celle-ci n'étant matériellement pas en mesure de procéder à une enquête dans un délai aussi court sans avoir connaissance des éléments de fait sur lesquels cette mesure devait porter.

La SARL Aldi [Localité 5] n'a donc pas manqué à ses obligations en adressant le 9 septembre 2019 à M. [Z] [C] une lettre datée du 6 septembre 2019 lui demandant de lui communiquer des précisions sur l'atteinte qui aurait été portée à un salarié et en lui proposant de réaliser une enquête le vendredi 20 septembre 2019 dans le magasin de [Localité 4]. Le délai proposé pour effectuer cette enquête n'est nullement tardif. A cet égard, il convient de relever que, dans son courriel en réponse du 13 septembre 2019, M. [Z] [C] ne précise pas les atteintes aux droits qui justifieraient l'organisation d'une enquête.

Il apparaît que l'employeur a fait toute diligence pour procéder à cette enquête en convoquant pour le 20 septembre 2019 les salariés du magasin de [Localité 4] que M. [Z] [C] souhaitait voir auditionner. Le 19 septembre 2019, M. [Z] [C] a refusé de se rendre le lendemain au magasin de [Localité 4] (pièce n° 14 du dossier de l'employeur). La SARL Aldi [Localité 5] a alors proposé à M. [Z] [C] que les auditions se déroulent le 2 octobre 2019, ce que ce dernier a refusé.

En tout état de cause, le juge prononce l'astreinte prévue à l'article L. 2312-59 du code du travail non pas en raison de la carence de l'employeur à réaliser une enquête mais pour faire cesser une atteinte aux droits que l'enquête avait pour objet de faire constater.

Sur la recevabilité des demandes additionnelles de M. [Z] [C]

M. [Z] [C] a formé devant le conseil de prud'hommes des demandes additionnelles tendant à ce que la juridiction dise que la SARL Aldi [Localité 5] a mis en place un accord d'entreprise non conforme aux dispositions de l'article L. 2315-41 du code du travail, qu'elle a porté atteinte à sa vie privée, qu'elle ne respecte pas les conditions de son contrat de travail et de la convention collective, qu'elle emploie des méthodes managériales qui dégradent ses conditions de travail, que soit ordonné sous astreinte le retrait de son numéro de téléphone portable personnel de la liste mise en place par l'employeur ainsi que le suivi d'une formation auprès d'un organisme affilié à la CARSAT sur la prévention et la lutte contre les risques psychosociaux par le gérant de la société M. [I] [F] et le référent santé et sécurité de la société M. [J] [P].

Ces demandes additionnelles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant. Elles sont donc recevables en application de l'article 70 du code de procédure civile.

Par voie d'ajout au jugement, il y a lieu de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par la SARL Aldi [Localité 5] tirée de l'irrecevabilité des demandes additionnelles.

Sur l'atteinte à la vie privée de M. [Z] [C]

M. [Z] [C] verse aux débats un écrit intitulé « représentants du personnel » sur lequel figurent son nom et son numéro de téléphone portable personnel (pièce n° 10). Il y a lieu de considérer que ce document a été établi par l'employeur.

La SARL Aldi [Localité 5] ne justifie pas avoir sollicité au préalable l'accord du salarié pour diffuser un document contenant des données personnelles.

L'employeur a ainsi porté atteinte à la vie personnelle du salarié. Il importe peu à cet égard que des tracts de la CGT à destination des salariés comportent le numéro de téléphone de M. [Z] [C].

En application de l'article 9 du Code civil, il y a lieu, par voie de confirmation du jugement, d'ordonner à la SARL Aldi [Localité 5] de retirer le numéro de téléphone personnel de M. [Z] [C] la liste des représentants du personnel.

Il n'y a pas lieu d'assortir cette obligation d'une astreinte.

Sur le respect par l'employeur du contrat de travail

M. [Z] [C] fait grief à son employeur de n'avoir pas respecté le contrat de travail en lui fixant ses horaires de travail pour la période du 2 au 14 septembre 2019, à l'issue d'un arrêt de travail.

Le salarié invoque les dispositions de l'article 6 intitulé «rémunération» du contrat de travail conclu entre les parties le 30 juin 1996. Cet article prévoit que le salarié perçoit une rémunération forfaitaire correspondant à un horaire moyen de 182 heures par mois et précise que la rémunération forfaitaire convenue, qui inclut les majorations pour heures supplémentaires, travail le dimanche et jours fériés, « couvre toutes les nécessités de la fonction de chef de magasin ». Il ajoute : « La qualité de chef de magasin implique la maîtrise de ses horaires de travail ainsi que l'organisation de son travail. Il est ainsi seul responsable des horaires effectués sans que cela ait une incidence sur sa rémunération ». Cette stipulation explicite les raisons pour lesquelles une rémunération forfaitaire a été convenue et vise à prévenir toute contestation entre les parties sur le nombre d'heures de travail effectuées.

Toutefois, une convention individuelle de forfait en heures n'instaure pas au profit du salarié un droit à la libre fixation de ses horaires de travail indépendamment de toute contrainte liée à l'horaire collectif fixé par l'employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction (en ce sens, Soc., 2 juillet 2014, pourvoi n° 13-11.904, Bull. 2014, V, n° 171).

Il apparaît que par courriel du 29 août 2019, M. [Z] [C] a informé son employeur que son arrêt de travail prenait fin le 1er septembre et qu'il reprendrait le travail le lundi 2 septembre. En situation d'arrêt de travail, M. [Z] [C] n'avait pas été en mesure d'organiser son propre planning de travail et celui des autres salariés du magasin dont il avait la responsabilité. L'initiative de l'employeur consistant à fixer ses horaires de travail pour la période du 2 au 14 septembre 2019 n'est nullement fautive.

Sur la non-conformité de l'accord d'entreprise

M. [Z] [C] demande à la présente juridiction de constater la non-conformité de l'accord d'entreprise du 29 mars 2019 relatif au périmètre du Comité Social et Economique et de la Commission Santé, Sécurité et Condition de travail et de le déclarer inopposable à son égard.

Contrairement à ce que soutient la SARL Aldi [Localité 5], un salarié est fondé à solliciter de la juridiction prud'homale, dans un litige qui l'oppose à son employeur, qu'un accord collectif lui soit déclaré inopposable, sans que les dispositions de l'article L. 2262-14 du code du travail puissent y faire obstacle. Il y a donc lieu de rejeter l'exception d'incompétence et la fin de non-recevoir tirée de la prescription.

Il y a lieu de relever que l'employeur ne soulève aucune fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité ou d'intérêt à agir.

M. [Z] [C] n'articule aucun grief précis au soutien de son allégation selon laquelle l'accord d'entreprise ne serait pas conforme aux dispositions de l'article L. 2315-41 du code du travail. Surtout, il ne tire aucune conséquence de son moyen tendant à ce que l'accord lui soit déclaré inopposable. A cet égard, l'employeur n'a pas entendu se prévaloir de l'accord dans le cadre du présent litige et M. [Z] [C] ne formule aucune prétention en conséquence de l'inopposabilité qu'il revendique.

Il y a donc lieu de dire que les chefs de dispositif des conclusions demandant à la cour de « constater la non-conformité de l'accord d'entreprise mis en place le 29 mars 2019 et le déclarer inopposable à M. [Z] [C] » ne constituent pas des prétentions (2e Civ., 9 janvier 2020, pourvoi n° 18-18.778). En application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour n'en est pas saisie.

Sur le harcèlement moral

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L. 1154-1 du code du travail, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer ou laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

A l'appui de sa demande au titre du harcèlement moral, M. [Z] [C] invoque les faits suivants :

- la planification des horaires de travail alors que son contrat de travail ne le prévoit pas ;

- les manoeuvres dilatoires dont a usé l'employeur pour ne pas organiser les enquêtes sollicitées par lui et faire croire qu'il en a empêché l'organisation ;

- l'employeur n'a pas fait droit à sa demande de consultation du registre du droit d'alerte.

Pour les raisons précédemment exposées, l'allégation selon laquelle la planification des horaires de travail par l'employeur constituerait une violation des stipulations du contrat de travail n'est pas établie.

De même, l'existence de manoeuvres dilatoires de la part de l'employeur afin de ne pas organiser l'enquête sollicitée par M. [Z] [C] sur une atteinte à ses propres droits n'est pas établie.

Dans un courriel du 16 septembre 2019, M. [Z] [C] a demandé à l'employeur de mettre à sa disposition, dans le cadre de l'enquête, le registre du droit d'alerte. Cependant, par courriel du 25 septembre 2019, M. [Z] [C] a indiqué qu'il considérait sa «demande d'enquête comme refusée » (pièce n° 25 du dossier de l'employeur). Le représentant du personnel ayant pris l'initiative de ne pas laisser l'enquête se poursuivre, sa demande de mise à disposition du registre du droit d'alerte est devenue sans objet.

Les suites données par l'employeur à la demande d'enquête faite par M. [Z] [C] en sa qualité de membre du CSE sur une atteinte aux droits de salariés du magasin de [Localité 7] (Eure) ne sauraient laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral de nature à dégrader les conditions de travail de M. [Z] [C], salarié du magasin de [Localité 4] (Indre-et-Loire). En tout état de cause, il apparaît que l'employeur a procédé aux convocations des salariés concernés du magasin de [Localité 7], qu'il a effectué l'enquête et que M. [Z] [C] n'était présent ni dans ce magasin ni au siège social de la société le jour de l'enquête (pièces n° 12, 21 et 22 du dossier de la SARL Aldi [Localité 5]). Aucune manoeuvre dilatoire ne peut donc être reprochée à l'employeur.

Les éléments invoqués par M. [Z] [C] ne laissent pas supposer l'existence d'un harcèlement moral. Il y a lieu, par voie de confirmation du jugement, de débouter M. [Z] [C] de ce chef de demande.

Sur la demande tendant à enjoindre à l'employeur d'organiser une formation

M. [Z] [C] demande qu'il soit fait injonction à la SARL Aldi [Localité 5] d'organiser une formation sur la prévention et la lutte contre les risques psychosociaux auprès d'un organisme affilié à la Carsat au profit de M. [I] [F], gérant de la société Aldi [Localité 5] et de M. [J] [P], référent santé et sécurité de cette société.

Il ne résulte d'aucun élément du dossier que ces deux salariés auraient sollicité une formation que l'employeur aurait refusée.

Il apparaît au contraire que M. [Z] [C], en sa qualité de délégué du personnel et de membre du CSE, entend imposer à la société d'organiser cette formation pour ces deux cadres.

M. [I] [F] et M. [J] [P], salariés qui ne sont pas parties au litige prud'homal, ne sauraient être contraints par la présente juridiction à suivre une formation.

Il n'entre pas davantage dans les pouvoirs de la présente juridiction d'imposer à un employeur de mettre en place une action de formation, à destination de certains de ses salariés, sur la prévention et la lutte des risques psychosociaux.

Il y a lieu, par voie de confirmation du jugement, de débouter M. [Z] [C] de ce chef de demande.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Il y a lieu de confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

Il y a lieu de condamner M. [Z] [C] aux dépens de l'instance d'appel.

Il y a lieu de condamner M. [Z] [C] à payer à la SARL Aldi [Localité 5] la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de le débouter de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, en dernier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe :

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu entre les parties le 19 mai 2020 par le conseil de prud'hommes de Tours en sa section commerce ;

Y ajoutant :

Rejette l'exception d'incompétence et les fins de non-recevoir soulevées par la SARL Aldi [Localité 5] ;

Déboute M. [Z] [C] de ses prétentions autres que celle relative au retrait de son numéro de téléphone de la liste des représentants du personnel ;

Condamne M. [Z] [C] à payer à la SARL Aldi [Localité 5] la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et le déboute de sa demande à ce titre ;

Condamne M. [Z] [C] aux dépens de l'instance d'appel.

Et le présent arrêt a été signé par le président de chambre et par le greffier

Karine DUPONT Alexandre DAVID


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Orléans
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20/01261
Date de la décision : 29/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-29;20.01261 ?
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