Annulation, sur le pourvoi de la Direction générale de l'enregistrement, des domaines et du timbre, d'un jugement du Tribunal civil d'Arras du 23 décembre 1874, rendu au profit de X....
En exécution d'un jugement du 5 avril 1872, du tribunal civil d'Arras, Me X... a procédé, le 3 juin suivant, à l'adjudication publique d'une maison sise à Arras, et le sieur Y... a été déclaré adjudicataire moyennant le prix principal de 7800 francs. Inscription d'office a été prise, le 27 du même mois, contre l'adjudicataire au profit des héritiers Coint-Dubois, vendeurs. Mais le 29 juin, à la suite d'une surenchère, une seconde adjudication a eu lieu à la barre du tribunal, et l'immeuble a été adjugé au sieur Z..., surenchérisseur, moyennant un prix principal de 9110 francs. Une nouvelle inscription d'office a été prise, le 23 novembre 1872 contre le sieur Z....
En cet état, et le 6 décembre 1872, les héritiers Coint-Dubois, vendeurs, ont comparu devant Me X..., et ont déclaré, chacun en ce qui le concerne, donner mainlevée avec désistement de privilège et d'action résolutoire et consentir la radiation définitive de l'inscription d'office prise le 3 juin 1872 contre le sieur Y....
Cette mainlevée, présentée à l'enregistrement, a été assujettie par le receveur, conformément aux articles 1, par. 7, et 2 de la loi du 28 février 1872, à un droit gradué sur la somme de 7800 francs, lequel droit s'est élevé, en principal et en décimes, à 12 francs. Mais par exploit du 20 avril 1873, Me X..., rédacteur de l'acte, a assigné l'administration devant le tribunal civil d'Arras pour obtenir la réduction de la perception au droit fixe de 3 francs établi pour les consentements ordinaires, et le remboursement de la somme formant la différence.
La demande a été accueillie par le tribunal qui, par jugement du 23 décembre 1874, a dit qu'un droit simple est seul dû, et ordonné que le surplus, montant à 8 fr. 40 cent., serait restitué au demandeur.
L'administration s'est pourvue en cassation contre ce jugement pour violation des articles 1, par. 7, et 2 de la loi du 28 février 1872, par fausse application des articles 68, par. 1, n° 21, de la loi du 22 frimaire an VII, n° 7, de la loi du 28 avril 1816, et 3 de la loi du 28 février 1872.
La Cour,
Ouï le rapport de M. Paul Pont, conseiller ; les observations de Me Moutard-Martin, avocat de l'administration de l'enregistrement, et les conclusions de M. Charrins, avocat général ; après avoir immédiatement délibéré, donne défaut contre X..., défendeur, et pour le profit, vu les articles 1, par. 7, et 2 de la loi du 28 février 1872 ;
Attendu qu'aux termes de ces dispositions les consentements à mainlevée totale ou partielle d'hypothèque sont soumis au droit gradué sur le montant de la somme faisant l'objet de la mainlevée ; que ce droit a été substitué purement et simplement au droit fixe qui, d'après les lois des 22 frimaire an VII et 28 avril 1816, était établi sur les consentements de l'espèce, sans aucune modification aux conditions d'exigibilité du droit ou aux règles de la perception ;
Que, par suite, il doit être perçu, comme le droit fixe aurait dû l'être, d'après ces dernières lois, dès que l'acte soumis à la formalité contient, de la part du créancier, le désistement qui est l'élément constitutif de la mainlevée d'hypothèque ;
Que tel était, dans l'espèce, l'acte du 6 décembre 1872, présenté à l'enregistrement le 12 du même mois, les héritiers Coint-Dubois y ayant déclaré "chacun en ce qui le concerne, donner mainlevée avec désistement de privilège et d'action résolutoire, et consentir la radiation définitive de l'inscription d'office prise lors de la transcription du procès-verbal d'adjudication du 3 juin 1872 contre le sieur Y..." ;
Que la perception du droit gradué exigé par le receveur se trouvait par là justifiée ;
Que le jugement attaqué a néanmoins décidé le contraire en se fondant sur ce que l'inscription, dont mainlevée avait été donnée, se rapportait à une obligation annulée par l'effet du jugement du 29 juin, qui, sur une déclaration de surenchère, a prononcé l'adjudication en faveur du surenchérisseur, et qu'une créance inexistante ne saurait servir de base à un droit gradué ;
Mais que, d'une part, en fait, si la seconde adjudication a eu pour résultat de résoudre le droit de propriété du premier acquéreur et son obligation de payer le prix, cet acquéreur n'en avait pas moins été constitué débiteur de ce prix, lors de la première adjudication, en sorte que l'inscription prise d'office alors avait pour objet une créance réellement existante, et qui seulement a été éteinte ultérieurement par l'effet d'une condition résolutoire ;
Et, d'une autre part, que, d'ailleurs, en principe et en droit, l'inexistence ou l'invalidité d'une obligation ne fait nullement obstacle à l'application du tarif, les droits d'un acte étant acquis au Trésor par le seul fait de l'existence de cet acte revêtu de toutes les formes extérieures propres à constater la convention ;
Que, dans l'espèce ; l'acte du 6 décembre 1872, présentant les caractères et la forme extérieure du consentement à mainlevée d'hypothèque, le receveur, dès lors, n'avait eu à se préoccuper ni de la valeur juridique de l'acte ni des motifs qui avaient déterminé les parties à le rédiger, et avait été fondé à percevoir le droit gradué mis, par la loi du 28 février 1872, à la place du droit fixe dont les consentements de cette nature étaient passibles d'après les lois de l'an VII et de 1816 ;
D'où il suit qu'en décidant le contraire et en jugeant en conséquence que le droit fixe simple était seul dû, le jugement attaqué a expressément violé les dispositions de loi ci-dessus visées :
Par ces motifs, casse, ...