ANNULATION, sur le pourvoi de la nommée Gautié, épouse séparée du sieur Z..., d'un Arrêt rendu, le 26 février 1884, par la Cour d'appel d'Agen, au profit de la veuve Géraud-Forges et autres.
ARRET.
Du 19 Mai 1886.
LA COUR,
Ouï, en ses audiences publiques des 18 et 19 mai 1886, M. le conseiller Guérin, en son rapport ; Maître A..., successeur de Maître Y..., et Maître X..., en leurs observations respectives, ainsi que M. l'avocat général Desjardins, en ses conclusions, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur la première fin de non-recevoir, tirée du défaut de production par la demanderesse d'une autorisation à l'effet d'ester en justice devant la Cour de cassation :
Attendu qu'il résulte de l'expédition en due forme d'un jugement du tribunal civil d'Agen que la dame Z... a été judiciairement autorisée à se pourvoir en cassation contre l'arrêt de la cour d'appel d'Agen, du 26 février 1884 ;
Attendu que cette production pouvant avoir lieu en tout état de cause, l'exception proposée devient sans objet ;
Sur la deuxième fin de non-recevoir, prise de ce que la demanderesse aurait exécuté volontairement et sans réserves l'arrêt qu'elle attaque :
Attendu qu'il est justifié par un extrait authentique du procès-verbal de distribution, en date du 2 mai 1884, que la dame Z... a, par le ministère de Maître Fabre, son avoué, fait consigner dans ce procès-verbal les plus expresses réserves à l'effet de déférer à la Cour de cassation l'arrêt précité du 26 février 1884 ; que si, postérieurement à son pourvoi, elle a reçu deux bordereaux de collocation et en a touché le montant, elle n'a pu perdre ainsi le bénéfice des réserves qu'elle avait précédemment faites à cet égard et qu'elle a, d'ailleurs, renouvelées lors du payement des frais auquel elle a été contrainte,
Rejette les deux fins de non-recevoir proposées par les défendeurs, et statuant sur le premier moyen du pourvoi :
Vu les articles 883 et 2205 du Code civil, ainsi conçus :
Article 883. "Chaque cohéritier est censé avoir succédé seul et immédiatement à tous les effets compris dans son lot ou à lui échus sur licitation et n'avoir jamais eu la propriété des autres effets de la succession."
Article 2205. "Néanmoins la part indivise d'un cohéritier dans les immeubles d'une succession ne peut être mise en vente par ses créanciers personnels avant le partage ou la licitation qu'ils peuvent provoquer s'ils le jugent convenable, ou dans lesquels ils ont le droit d'intervenir conformément à l'article 882, au titre des successions" ;
Attendu que la cession de ses droits successifs, faite par un cohéritier à ses cohéritiers, n'ayant pas pour résultat de faire cesser l'indivision à l'égard de tous, ne constitue pas un partage dans le sens de l'article 883 du Code civil, et ne saurait, en conséquence, avoir l'effet déclaratif qui lui est attribué par la
loi ;
Que le créancier du cédant peut donc, nonobstant une telle convention, provoquer, aux termes de l'article 2205 du même code, le partage des biens restés indivis pour exercer son hypothèque sur les immeubles qui seraient revenus à son débiteur ;
D'où il suit qu'en jugeant le contraire, en décidant, par des raisons tirées uniquement de la fausse interprétation de l'article 883 précité, que l'acte du 10 décembre 1880 contenant cession à forfait par Antonin Z... au profit de ses cohéritiers
de tous ses droits dans la succession paternelle équivalait à un partage, et en déboutant, par voie de conséquence, la dame Antonin Z... de la demande en liquidation et partage intentée par elle contre les consorts Z... comme créancière hypothécaire de son mari, l'arrêt attaqué a formellement violé les articles de loi ci-dessus visés :
Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin de statuer sur le second moyen du pourvoi,
CASSE et ANNULE,
Ainsi jugé, Chambre civile.