REJET du pourvoi formé par les sieurs Z... et X..., agissant comme syndics de la faillite du sieur Y..., contre un Arrêt rendu, le 24 janvier 1884, par la Cour d'appel de Toulouse, au profit des époux Y....
ARRET.
Du 18 Janvier 1887. LA COUR,
Ouï, en l'audience publique de ce jour, M. le conseiller Manau, en son rapport ; Maîtres Dareste et Sabatier, avocats des parties, en leurs observations, et M. le premier avocat général Charrins, en ses conclusions, et après en avoir immédiatement délibéré conformément à la loi ;
Donne défaut contre le sieur Edouard Y..., non comparant ;
Et statuant sur le moyen unique du pourvoi :
Attendu, d'une part, que, soit par la nature des obligations auxquelles sont tenus ceux qui font des donations par contrat de mariage, soit par la destination de ces donations, elles constituent de véritables actes à titre onéreux ; que, pour qualifier de tels actes, on ne peut faire aucune différence entre la dot constituée à la femme et la donation faite au mari par ses père et mère ; en considération du mariage ; qu'il y a, en effet, même garantie de la part des constituants, même irrévocabilité et même destination des objets donnés ; d'où il suit que l'une et l'autre sont faites au même titre onéreux ;
Attendu, d'autre part, que le contrat de mariage est un pacte de famille immuable de sa nature, conclu en vue d'assurer les moyens d'existence de la famille nouvelle et l'accomplissement des obligations qui pèsent sur l'un et l'autre des époux ; que, par conséquent, l'acte qui constitue la dote est un acte à titre onéreux à l'égard de chacun des deux époux ;
Qu'il suit de là que, quel que soit l'époux bénéficiaire direct de la donation faite par contrat de mariage, cette donation ne peut être annulée sur la demande des créanciers, qu'autant qu'il est prouvé qu'un concert frauduleux a existé entre toutes les parties intéressées, c'est-à-dire entre le donateur, l'époux donataire et l'autre époux ;
Et attendu que, si l'arrêt attaqué constate que le sieur Edouard Y..., donateur, et le sieur Joseph Y..., donataire, ont coopéré à l'acte de donation frauduleuse dont les syndics ont demandé la nullité, le même arrêt constate souverainement la bonne foi complère de la dame Joseph Y..., qui n'a même pas été contestée ;
Qu'en repoussant, dans cette situation, l'action révocatoire intentée par les syndics et en déclarant, comme conséquence, que la restitution à l'épouse Joseph Y... des effets mobiliers à elle attribués par le jugement du 16 août 1883 ne serait pas subordonnée au remboursement par son mari de l'acompte reçu, cet arrêt, bien loin de violer les articles de la loi invoqués par le pourvoi, en a fait, au contraire, une juste application :
Par ces motifs, REJETTE,
Ainsi jugé, Chambre civile.