REJET du pourvoi formé par le sieur X... contre un Arrêt rendu le 11 décembre 1890, par la Cour d'appel d'Orléans, au profit du sieur Z....
ARRET.
Du 21 Juin 1892.
LA COUR,
Ouï, à l'audience du 30 juin, M. le conseiller de Larouverade en son rapport ; Maîtres Chaudé et Durnerin, avocats, en leurs observations, ainsi que M. le procureur général Ronjat, en ses conclusions, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Siégeant toutes chambres réunies et vidant le renvoi qui lui a été fait par arrêt de la chambre civile du 20 janvier 1892 ;
En ce qui concerne l'intervention de la dame Y...,
Reçoit cette intervention ;
Donne défaut contre Niclotte ès nom, et statuant sur le moyen unique du pourvoi :
Attendu que, si l'individu pourvu d'un conseil judiciaire, soit pour faiblesse d'esprit, par application de l'article 499 du Code civil, soit pour prodigalité, en vertu de l'article 513 du même Code, est habile à se marier sans l'assistance de son conseil, et si son mariage produit nécessairement les effets que la loi y attache, il ne s'ensuit pas que, par cela même, il soit habile à régler, sans l'assistance de ce même conseil, toutes les conventions civiles dont le mariage est susceptible, et, notamment, à consentir des donations au profit de son futur conjoint ;
Qu'en effet, il résulte expressément des articles 499 et 513 précités que le faible d'esprit ou le prodigue, pourvu d'un conseil judiciaire, est incapable d'aliéner sans l'assistance de son conseil et qu'on ne trouve aucune exception à cette règle en ce qui concerne les donations par contrat de mariage ;
Que vainement on essaie de fonder cette exception sur la disposition de l'article 1398 ter du Code civil ; que cet article est spécial au mineur et ne saurait, par suite, être étendu aux autres incapables ; qu'il n'accorde, du reste, audit mineur la liberté de faire ses conventions matrimoniales qu'à la condition d'une assistance déterminée, l'entourant ainsi d'une protection qui manquerait absolument au prodigue et au faible d'esprit ;
Qu'on n'objecte pas avec plus de raison l'indivisibilité du contrat réglant les conditions civiles du mariage, laquelle ne permettrait pas d'annuler les donations contenues dans ce contrat et de conserver, en même temps, le régime matrimonial stipulé entre les parties ; que, sans doute, les dispositions d'un contrat de mariage, comme celles de tout autre contrat, ne sauraient être arbitrairement scindées ; mais qu'il ne s'ensuit pas qu'il ne puisse s'y rencontrer certaines clauses dont la nullité restera isolée et n'entraînera pas la nullité du surplus ;
Attendu, d'ailleurs, qu'il n'y a pas lieu de distinguer, au point de vue de la capacité du disposant, entre les donations de biens présents et celles de biens à venir ; qu'à la vérité, ces dernières n'emportent pas un désaisissement immédiat et complet de la chose donnée, puisque le donateur reste libre d'en disposer à titre onéreux, mais qu'elle le dépouille actuellement et irrévocablement du droit d'en disposer à titre gratuit au préjudice du donataire, circonstance qui leur imprime le caractère de donation entre vifs et ne permet pas de les confondre avec des dispositions
testamentaires ;
Attendu, dès lors, qu'en déclarant nulle, à défaut d'assistance du conseil judiciaire de Marguerite Niclotte, la donation faite par cette dernière au sieur X..., son futur époux, dans son contrat de mariage, l'arrêt attaqué, loin de violer les dispositions légales invoquées par le pourvoi, les a, au contraire, sainement interprétées et appliquées ;
Par ces motifs, REJETTE,
Ainsi jugé, Chambres réunies.