CASSATION, sur le pourvoi de la Société des automobiles Berliet, d'un jugement rendu, le 18 avril 1929, par le tribunal civil d'Alger, au profit du sieur Le X... de la Y....
ARRET.
Du 18 Mars 1930.
LA COUR,
Ouï, M. le conseiller Lepelletier, en son rapport ; Maître Morillot, avocat, en ses observations, et M. Regnault, conseiller faisant fonctions d'avocat général, en ses conclusions ;
Et après en avoir délibéré conformément à la loi en sa chambre du conseil ;
Sur le moyen unique :
Vu les articles 23 du livre 1er du Code du travail, modifié par la loi du 19 juillet 1928, et 7 de la loi du 20 avril 1810 ;
Attendu que le contrat de louage de services fait sans détermination de durée peut toujours cesser par la volonté d'un seul des contractants ; que si la loi du 19 juillet 1928 prescrit aux tribunaux de mentionner, et par suite de discuter, le motif de rupture allégué, et si elle facilite l'administration de la preuve d'un abus du droit de résiliation, rien dans son texte ne permet de dire qu'elle abroge la règle suivant laquelle le fardeau de cette preuve incombe à celui qui a subi la rupture ;
Attendu que Le X... de la Y..., engagé en 1923 en qualité de voyageur, pour une durée indéterminée, par la société des automobiles Berliet, a été congédié, en 1929, avec l'observation du délai-congé de quinze jours prévu par les accords ;
Attendu que pour allouer à cet employé, en sus des salaires afférents à cette quinzaine, offerts par la société, une indemnité pour rupture abusive du contrat, le jugement attaqué se fonde sur ces motifs qu'après avoir exprimé, dans la correspondance, sa satisfaction à Le X... de la Y..., et reconnu que, dans la province de Constantine, il avait fait "un effort continu", fécond en résultats, la société l'avait congédié, sous le prétexte, non justifié, que cet effort avait été ensuite insuffisant ; que le congédiement survenant à une époque où il lui était difficile de trouver un emploi similaire lui avait causé un préjudice matériel ; que la rupture du contrat, par sa brusquerie, faisant supposer qu'il avait commis une faute lourde, lui avait causé un préjudice moral ;
Mais attendu que la société était seule juge de la question de savoir si les services que lui rendait son voyageur étaient satisfaisants ; que s'il résulte des motifs ci-dessus analysés que le congédiement a été préjudiciable à l'employé, il n'en résulte pas que ce dernier ait rapporté la preuve qui lui ioncombait, d'une faute commise par l'employeur dans l'exercice de son droit de
congédiement ;
Attendu, d'autre part, que le motif déclarant que le renvoi a été brusque, est en contradiction avec celui où le tribunal décide que le délai-congé de quinze jours prévu par le contrat, et observé par la société, était licite et obligatoire ; qu'une telle contrariété équivaut à un défaut de motifs ; qu'il suit de là qu'en statuant comme il a fait le tribunal d'Alger a violé les textes ci-dessus visés ;
Par ces motifs,
CASSE et ANNULE mais seulement du chef qui a alloué à Le X... de la Y... une indemnité de 25000 francs pour rupture abusive du contrat.