Sur le premier moyen, pris en ses deux branches ;
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt confirmatif attaqué par les consorts X... n'ayant pas entretenu une maison sise à Salins-les-Bains et dont ils ont été co-propriétaires jusqu'en 1954, le maire a dû prendre, postérieurement à la vente de cet immeuble, des arrêtés de péril notifiés aux acquéreurs ; que, conformément aux prescriptions de l'article 304 du Code de l'urbanisme, une décision du Tribunal administratif de Besançon a confirmé l'arrêté municipal sus-indiqué et a ordonné la démolition de cette habitation que la ville de Salins-les-Bains a procédé aux travaux, en faisant l'avance de leurs frais ; qu'à la suite de ces circonstances, elle a engagé contre les consorts X... une action en responsabilité fondée sur les dispositions de l'article 1382 du Code civil afin d'obtenir, en alléguant une faute commise par les anciens propriétaires, le remboursement des frais de démolition ainsi que la moitié du coût de la construction d'un mur ; que Marandet, propriétaire d'un immeuble contigu de celui ayant appartenu aux consorts X..., s'est associé à l'action de la commune et a réclamé à ceux-ci diverses indemnités à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice qu'il prétendait avoir subi du fait du mauvais état de l'immeuble, ainsi que la moitié des frais de construction du mur sus-mentionné, qu'il avait pris à sa charge à la suite d'un accord conclu avec la commune ; que la Cour d'appel a fait droit à ces demandes ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir ainsi statué aux motifs qu'en refusant d'entretenir leur immeuble, les consorts X... avaient commis des fautes antérieures à la vente de la maison et qu'en raison de ce quasi délit, il n'y avait pas lieu de tenir compte de la procédure administrative concernant les immeubles menaçant ruine, alors, selon le moyen, d'une part, que les droits des communes en cette matière dérivent exclusivement des articles 303 et suivants du Code de l'urbanisme, lesquels attribuent compétence aux Tribunaux administratifs pour connaître de toutes les contestations auxquelles l'application de ces articles peut donner lieu, et, d'autre part, que les communes n'ont pas qualité pour intervenir dans les rapports de droit privé existant entre propriétaires mitoyens ;
Mais attendu, d'une part, que les Consorts X... n'ont pas invoqué devant les juges du fond, l'incompétence des tribunaux de l'ordre judiciaire pour connaître de l'action engagée par la ville de Salins-les-Bains ; qu'aux termes de l'article 168 du Code de procédure civile, les parties ne peuvent soulever les exceptions d'incompétence qu'avant toutes autres exceptions et défenses ; qu'il en est ainsi alors même que les règles de compétence seraient d'ordre public, et que cette disposition entraîne l'impossibilité de se prévaloir de l'incompétence pour la première fois devant la Cour de Cassation.
Attendu, d'autre part, que la question de savoir si une commune a qualité pour intervenir dans les rapports de droit privé existant entre propriétaires mitoyens dépend de la nature de l'action ; que ce problème n'a pas été soumis à la Cour d'appel, et que dès lors, le grief, nouveau et mélangé de fait et de droit, ne peut pas être invoqué pour la première fois devant la Cour de Cassation ;
D'où il suit que les deux branches du premier moyen doivent être déclarées irrecevables ;
Sur le second moyen, pris en ses diverses branches :
Attendu qu'il est encore reproché à l'arrêt attaqué d'avoir, à l'égard des demandes formulées par Marandet, refusé de tenir compte des règles de la mitoyenneté, alors, selon le moyen, d'une part, que l'action formée par le propriétaire voisin n'était que l'accessoire de celle engagée par la ville de Salins-les-Bains en violation des principes concernant la police administrative des immeubles menaçant ruine, et qu'à ce titre, elle devait suivre le sort de ladite action ; et, d'autre part, que les droits réciproques des propriétaires de murs mitoyens sont précisés par l'article 663 du Code civil et qu'un voisin ne saurait tourner les dispositions de cet article par une action en dommages-intérêts quasi-délictuelle ; qu'enfin, l'article 663 précité s'opposerait à ce que le propriétaire d'un mur mitoyen exige de son voisin la construction d'un mur neuf sur son propre terrain, ce qui équivaudrait à un enrichissement sans cause ;
Mais attendu que les juges du fait, saisis en première instance par les consorts X... d'une exception d'incompétence ratione loci fondée sur la nature de l'action formée par la ville de Salins-les-Bains et par Marandet, ont décidé, par un arrêt rendu le 14 novembre 1961, qu'il s'agissait en l'espèce d'une demande invoquant exclusivement et "explicitement les articles 1382 et 1383 du Code civil ... et (visant) expressément des faits qui, s'ils étaient établis, constitueraient ... un quasi-délit ..." ; que cet arrêt est passé en force de chose jugée, ainsi que le constate la décision attaquée ; qu'il en découle que l'action engagée par Marandet, laquelle n'est pas indivisible de celle formée par la commune, concernait "la demande en réparation d'un quasi-délit...", et qu'à bon droit, la Cour d'appel a dès lors décidé que "les règles de la mitoyenneté ne sauraient trouver application en l'espèce", excluant ainsi les dispositions de l'article 663 sus-indiqué ;
Qu'il s'ensuit que le second moyen ne saurait être accueilli ;
Par ces motifs :
Rejette le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 21 mai 1963 par la Cour d'appel de Besançon.