Sur le moyen unique, pris en ses diverses branches :
Attendu que l'arrêt attaqué fixe à 770000 francs l'indemnité d'éviction due, après refus de renouvellement de bail, à la Société Nortex, locataire de locaux à usage commercial sis, ..., dans un immeuble dont la Société civile immobilière des 82-88-90 avenue des Champs-Elysées, dite S.I.C.E., est propriétaire ;
Attendu qu'il est fait grief à la Cour d'appel d'en avoir ainsi décidé "sur la base de la valeur marchande du fonds évaluée uniquement en fonction des résultats de l'exploitation", compte tenu de la valeur propre du droit au bail, et considérée comme "le seul critère d'évaluation et la limite maximale de l'indemnité d'éviction", alors que l'article 8 du décret du 30 septembre 1953 consacre, au profit du commerçant évincé, le droit d'obtenir réparation intégrale de son préjudice en tous ses éléments, au nombre desquels figure "notamment", et non pas "exclusivement", la valeur marchande de son fonds de commerce ; que, selon le pourvoi, les juges du second degré auraient, à tort, limité "au montant du prix éventuellement payé par un acquéreur du fonds de la société locataire, le montant de l'indemnité mise à la charge de la société propriétaire" sans répondre à des conclusions faisant valoir que cette dernière avait poursuivi "un but essentiellement spéculatif en s'abstenant de mettre une boutique à la disposition de sa locataire dans l'immeuble reconstruit" ; qu'enfin, d'après la demanderesse en cassation, l'arrêt assigne comme limite supérieure "au calcul de l'indemnité d'éviction" le "remplacement du fonds par un fonds équivalent", ce que les juges d'appel n'auraient pu faire qu'à la condition de rechercher si la possibilité de trouver ce fonds équivalent avait été prouvée, en l'espèce, par le propriétaire ;
Mais attendu d'une part, que contrairement aux allégations du pourvoi, la Cour d'appel n'a donné comme limite supérieure au montant de l'indemnité d'éviction, ni la valeur marchande du fonds, ni le prix qu'aurait pu payer un acquéreur éventuel de celui-ci, ni "le remplacement du fonds par un fonds équivalent" ; qu'elle s'est bornée à énoncer justement qu'aucun texte "n'autorise le locataire évincé à réclamer le coût d'un transfert dans les locaux équivalents lorsque ce coût dépasse la valeur de remplacement du fonds" ; que, loin de considérer le préjudice causé par le défaut de renouvellement comme résidant uniquement dans la valeur marchande du fonds, augmentée éventuellement des frais énumérés à l'article 8 du décret du 30 septembre 1953, l'arrêt, après avoir estimé à 660000 francs la valeur marchande du fonds, y ajoute une somme de 110000 francs comprenant, outre les frais de remploi et de déménagement, une indemnité "d'environ 26000 francs" pour "trouble commercial" ;
Attendu, d'autre part, que ce n'est pas seulement en fonction "de l'importance de la clientèle matérialisée par les résultats effectifs de l'exploitation", que l'arrêt attaqué détermine la valeur marchande du fonds, mais aussi en considération "de l'intérêt de son emplacement, qui en représente le potentiel de développement" ;
Qu'ayant retenu, par une appréciation souveraine des éléments d'une expertise ordonnée au premier degré de juridiction, qu'il s'agissait, en l'espèce, d'un fonds de commission, et pris pour base de calcul de sa valeur marchande une somme de 550000 francs, compte tenu notamment des commissions nettes et des bénéfices des années précédentes, la Cour d'appel a augmenté cette somme de 20 %, au motif "qu'un acquéreur séduit par des prestiges de l'intérêt publicitaire de l'emplacement accepterait de payer "ce supplément" pour un tel fonds ; qu'elle a fait entrer en ligne de compte, dans la fixation de l'indemnité, le droit au bail comme élément de la valeur marchande du fonds, dans la mesure où l'y autorisait le fait qu'en l'espèce, le bail n'était cessible qu'au successeur dans le même commerce" ;
D'où il suit que l'arrêt attaqué, qui répond aux conclusions prétendument délaissées, prend en considération toutes les causes de préjudice résultant du défaut de renouvellement du bail, et que le moyen ne peut-être accueilli dans aucune de ses critiques ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 7 décembre 1965 par la Cour d'appel de Paris.