Sur le premier moyen :
Attendu que M. Y..., ancien gérant de la société civile immobilière Résidence Porte de Flandre, fait grief à l'arrêt attaqué (Douai, 25 mai 1983) de l'avoir condamné, en raison d'irrégularités de sa gestion, à payer des dommages-intérêts à MM. X..., Guilbert, Derosier et Pellegrini, associés de cette société, sans que la procédure ait été communiquée au Ministère public, alors, selon le moyen, "qu'aux termes de l'article 425 du nouveau Code de procédure civile cette communication est obligatoire pour toutes les causes relatives à la responsabilité pécuniaire des dirigeants sociaux dans toutes les sociétés, d'où il suit que les juges du fond ont violé le texte susvisé" ;
Mais attendu que l'article 425 du nouveau Code de procédure civile, qui prescrit la communication au Ministère public, "s'agissant des personnes morales, des procédures de règlement judiciaire ou de liquidation des biens et des causes relatives à la responsabilité pécuniaire des dirigeants sociaux", ne concerne que les causes dans lesquelles la responsabilité des dirigeants est invoquée par le syndic, en vertu des articles 99 et suivants de la loi du 13 juillet 1967, au cours d'une procédure collective ouverte contre la personne morale ; qu'à défaut de procédure collective exercée contre la société civile immobilière, la Cour d'appel n'était pas tenue de communiquer la procédure au Ministère public, et que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que M. Y... reproche à l'arrêt de l'avoir condamné à rembourser aux associés, à proportion de leurs droits sociaux, les sommes qu'ils avaient dû payer personnellement au service des impôts en raison du défaut de déclaration fiscale du chiffre d'affaires de la société pendant la durée de ses fonctions de gérant, alors, selon le moyen, que, d'une part, l'impôt payé par les. associés était dû par la société, qu'il en était de même des pénalités de retard, qu'il en résultait que les fautes du gérant avaient causé un préjudice social, que la nature de ce préjudice n'était en rien altérée par le fait que l'administration fiscale avait choisi de réclamer paiement aux associés plutôt qu'à la société, qu'en effet l'organisation du droit de poursuite des créanciers d'une société ne préjuge pas du régime de la contribution des associés au passif social, que les associés pouvaient, en l'espèce, réclamer à la société ou faire porter au crédit de leur compte courant la quote-part d'impôt qu'ils avaient acquittée pour son compte, que certes l'alourdissement du passif social dû aux fautes du gérant amputait le montant de leurs bénéfices, mais que cette circonstance ressortissait à l'obligation des associés de participer aux pertes de la société, qu'au surplus la société pouvait demander réparation à son ancien gérant des conséquences dommageables de ses fautes, d'où il suit qu'en estimant que ces fautes causaient une atteinte directe aux intérêts pécuniaires des associés et que ceux-ci pouvaient exercer une action individuelle en responsabilité contre l'ancien gérant, les juges du fond ont violé les articles 1832 et suivants anciens du Code civil ; alors que, d'autre part, l'arrêt ne pouvait qualifier préjudice direct, une atteinte aux intérêts pécuniaires des associés après avoir relevé que la défaillance du gérant qui avait causé un préjudice avait créé d'abord un passif social supplémentaire et provoqué la détérioration de la situation financière de la société, que par ces constatations elle avait en effet caractérisé un préjudice indirect dont la réparation est interdite par les principes du droit français, d'où il suit que la Cour d'appel a également violé l'article 1382 du Code civil" ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que les sommes réclamées par l'Administration des impôts représentaient la réparation d'une fraude fiscale constatée en 1974, sanctionnée pénalement et consistant dans l'inexistence de la comptabilité exigée par l'article 286-3° du Code général des impôts, l'absence de toute déclaration mensuelle de chiffre d'affaires et le défaut de paiement de la taxe sur la valeur ajoutée, l'arrêt retient que le préjudice invoqué résulte, non de la charge des impôts incombant normalement à la société Résidence Porte de Flandre, mais des aggravations de charges consécutives aux fautes commises par M. Y... dans sa gestion des intérêts fiscaux de la société, et constate que les associés, dont la mise en cause a été nécessaire pour parvenir au paiement des impôts et pénalités, ont payé à l'administration fiscale, sur leurs biens personnels, las sommes dont ils réclament le remboursement ; que la Cour d'appel a pu en déduire que les fautes du gérant avaient produit à la fois une détérioration de la situation financière de la société et une atteinte directe aux intérêts pécuniaires des associés, et que cette dernière conséquence, distincte de celle qui est subie par la société, ouvrait à MM. X..., Guilbert, Derosier et Pellegrini droit à l'exercice d'une action individuelle en réparation du préjudice subi ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 25 mai 1983 par la Cour d'appel de Douai.