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24/11/1987 | FRANCE | N°85-14778

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 24 novembre 1987, 85-14778


Sur les deux moyens réunis, pris en leurs diverses branches :

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que la société Garrett Corporation, dont le siège est à Los Angeles, a vendu, le 16 mars 1982, à la République populaire du Congo un avion Boeing qui devait être spécialement équipé pour servir aux déplacements du Président de la République ; que, le 17 mars 1982, elle a acheté l'avion à aménager à la société Republic Airlines dont le siège est à Minneapolis (Etat du Minnesota) ; que, le 27 juillet 1982, la société de droit suisse Progress Aviation a

assigné les deux sociétés américaines devant la Cour de Justice du Minnesota ...

Sur les deux moyens réunis, pris en leurs diverses branches :

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que la société Garrett Corporation, dont le siège est à Los Angeles, a vendu, le 16 mars 1982, à la République populaire du Congo un avion Boeing qui devait être spécialement équipé pour servir aux déplacements du Président de la République ; que, le 17 mars 1982, elle a acheté l'avion à aménager à la société Republic Airlines dont le siège est à Minneapolis (Etat du Minnesota) ; que, le 27 juillet 1982, la société de droit suisse Progress Aviation a assigné les deux sociétés américaines devant la Cour de Justice du Minnesota en paiement de dommages-intérêts en soutenant que la vente du Boeing était intervenue en violation d'un accord du 21 novembre 1981 par lequel la société Republic Airlines avait réservé à la société Progress, pour une durée de six mois, l'exclusivité de la vente de tels appareils à la République du Congo ;

Attendu que, le 27 juillet 1984, alors que l'instance était encore pendante devant la juridiction américaine, la société Progress a cédé les droits litigieux à la société française Europe Aéro Service ; que celle-ci a assigné, le 20 août suivant, les deux sociétés américaines devant le tribunal de commerce de Perpignan ; que l'arrêt attaqué (Montpellier, 2 mai 1985) a considéré que la cession de créance du 27 juillet 1984 n'avait d'autre but que de permettre à la société Aéro Service d'invoquer le privilège de juridiction reconnu aux Français par l'article 14 du Code civil et de créer ainsi un élément de rattachement artificiel destiné à soustraire le litige relatif au recouvrement de la créance à ses juges naturels, en l'espèce la juridiction américaine, initialement saisie ; qu'elle a estimé qu'en raison du caractère frauduleux de la cession intervenue, la société Aéro Service n'était pas fondée à se prévaloir des dispositions de l'article 14 du Code civil, de sorte que la juridiction française n'était pas compétente pour statuer sur l'ensemble de ses demandes ;

Attendu qu'en un premier moyen la société Aéro Service fait grief à la cour d'appel d'avoir ainsi statué alors, d'une part, que le juge est tenu d'appliquer la règle de compétence judiciaire édictée par la loi du for et ne peut l'écarter sous couleur de sanctionner la fraude à une règle de compétence étrangère, de sorte qu'elle aurait violé, par refus d'application, l'article 14 du Code civil ; alors que, d'autre part, il n'appartient pas au juge français de désigner la juridiction étrangère prétendument compétente, si bien qu'en déclarant que les tribunaux américains étaient les juges naturels du litige, la cour d'appel aurait violé l'article 3 du Code civil ;

Attendu qu'en un second moyen il est reproché à la juridiction du second degré, d'une part, d'avoir privé sa décision de base légale au regard des articles 14 et 1134 du Code civil en disant que la société Aéro Service n'avait passé une convention portant cession de créance à son profit que dans le but de recourir au privilège de juridiction alors qu'elle avait déjà, en raison de sa nationalité française, la faculté de saisir le juge français, abstraction faite de ladite cession ; d'autre part, d'avoir entaché sa décision d'un défaut de motifs en déclarant que la convention n'avait eu pour objet que de modifier les règles de compétence territoriales sans examiner les faits qui établissaient l'exécution de la convention ; enfin, d'avoir porté atteinte à la liberté contractuelle en subordonnant la licéité de la convention de cession de droits litigieux à la condition que la société Aéro Service justifie d'un préjudice subi par elle antérieurement ;

Mais attendu que le cessionnaire français d'une créance n'est pas en droit de se prévaloir des dispositions de l'article 14 du Code civil lorsque cette créance fait l'objet d'un litige devant un tribunal étranger saisi par le cédant ou dont le cédant a accepté la compétence ; que par ce seul motif, l'arrêt attaqué est légalement justifié indépendamment de celui justement énoncé par la cour d'appel, selon lequel la cession de créance consentie par la société Progress à la société Aéro Service tendait à créer frauduleusement les conditions d'application de l'article 14 précité ; que les moyens ne peuvent donc être accueillis en aucune de leurs branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 85-14778
Date de la décision : 24/11/1987
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

CONFLIT DE JURIDICTIONS - Compétence internationale des juridictions françaises - Privilège de juridiction des articles 14 et 15 du Code civil - Application - Article 14 - Cession de créance - Action introduite par le cédant à l'étranger (non)

* CONFLIT DE JURIDICTIONS - Compétence internationale des juridictions françaises - Privilège de juridiction des articles 14 et 15 du Code civil - Application - Article 14 - Cession de créance - Compétence du tribunal étranger acceptée par le cédant (non)

Le cessionnaire français d'une créance n'est pas en droit de se prévaloir des dispositions de l'article 14 du Code civil lorsque cette créance fait l'objet d'un litige devant un tribunal étranger saisi par le cédant ou dont le cédant a accepté la compétence .


Références :

Code civil 14, 15

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 02 mai 1985


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 24 nov. 1987, pourvoi n°85-14778, Bull. civ. 1987 I N° 304 p. 218
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1987 I N° 304 p. 218

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Fabre
Avocat général : Avocat général :Mme Flipo
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Massip
Avocat(s) : Avocats :la SCP Boré et Xavier, la SCP Labbé et Delaporte, la SCP Riché, Blondel et Thomas-Raquin .

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1987:85.14778
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